Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement

Répondre aux enjeux de santé et soutenir les nouvelles pratiques d’accompagnement

Le sans-abrisme est un problème complexe qui s'accompagne souvent de graves difficultés de santé physique et mentale. La confrontation à des conditions de vie extrêmement précaires aggrave la vulnérabilité des personnes sans domicile et réduit leurs chances d'accéder aux soins de santé. L'accès à un logement stable est une priorité pour l’ensemble des personnes sans domicile et constitue par ailleurs un déterminent essentiel de la santé des personnes. Agir en collaboration entre les secteurs du logement et de la santé est donc essentiel pour proposer des réponses adaptées et durables.
Principales données épidémiologiques
Ces données mettent en lumière une urgence : le logement, en tant que déterminant social de santé, joue un rôle crucial dans l'amélioration des conditions de vie et de santé des personnes sans abri. Un logement stable peut offrir un cadre propice au rétablissement en santé mentale et à l'inclusion sociale, en facilitant l'accès aux soins, en particulier en cas de comportements à risque.
Face à ce constat, il est impératif de créer des synergies entre les secteurs de la santé et du logement. L'objectif est de coordonner les efforts entre tous les niveaux d'administration – des administrations centrales (Direction générale de la santé, Direction générale de l’offre de soins, Direction générale de la cohésion sociale, Dihal) aux services déconcentrés et agences de l'État (préfectures et ARS) ainsi qu'entre les associations, les opérateurs locaux et les professionnels du logement.
L'une des clés pour réussir cette coordination est l'essaimage de pratiques issues de divers secteurs, telles que le rétablissement en santé mentale, le développement du pouvoir d'agir et la réduction des risques liés aux addictions. Ces principes font partie du « Logement d'abord », qui repose sur l'idée qu'un accès direct à un logement stable facilite l'engagement dans des soins et favorise l'inclusion.
Deux dispositifs innovants illustrent particulièrement cette approche :
« Un chez-soi d’abord »
Ce programme, déployé depuis 2017, s'adresse aux personnes sans abri souffrant de troubles mentaux sévères, combinés le plus souvent avec des addictions et troubles somatiques. Il propose un logement directement depuis la rue, sans condition préalable de traitement, avec un accompagnement intensif et pluridisciplinaire. L'évaluation scientifique a permis lors de la phase expérimentale (2011-2016) de montrer des résultats probants : 85 % des personnes restent dans leur logement, et les hospitalisations sont réduites de moitié. Ce dispositif, cofinancé par l'assurance maladie, démontre qu'une approche ciblée sur le logement permet un rétablissement durable et une meilleure efficacité de l'action publique.
« Lieux de vie innovants pour personnes en grande marginalité »
Lancé en 2020, ce projet s'adresse aux personnes pour lesquelles les solutions institutionnelles classiques ne fonctionnent plus et ne suffisent plus. Actuellement, 38 projets hébergent et accompagnent plus de 1000 personnes. Une attention particulière est apportée aux situations de vie des personnes : animaux systématiquement autorisés, approche centrale de la réduction des risques, souplesse dans les interventions, actions orientées vers un mieux-être global et soutenues par une forte participation des personnes hébergées.
L’accompagnement y est pluridisciplinaire, en particulier en matière d’accès aux soins pour répondre efficacement aux besoins importants. Les équipes ont pu intégrer des professionnels de santé, en particulier des infirmiers pour accompagner les résidents vers un retour aux soins proposer une éducation thérapeutique et coordonner les parcours de santé. Ces recrutements facilitent par ailleurs la création de partenariats avec des structures sanitaires et médico-sociales.
Ces deux dispositifs reposent sur la pluridisciplinarité et un lien fort avec les dispositifs de droit commun.
D’autres initiatives du secteur sanitaire et du secteur médico-social (Equipe Mobile Psychiatrie Précarité - EMPP, Permanence d’Accès aux Soins de Santé - PASS, Lits Haltes Soins Santé - LHSS, Lits d’Accueil Médicalisé - LAM, Equipe Spécialisée de Soins Infirmiers Précarité - ESSIP, etc.) sont destinées à accompagner les personnes en situation de grande précarité et souffrant de difficultés de santé. Dans le champ de l’addictologie, les Centre d'Accueil et d'Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (CAARUD) et les Centres de Soin, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) se mobilisent également en partenariat avec les structures du secteur social.
Soutenir le développement des pratiques professionnelles nouvelles dans l’accompagnement des personnes en situation de grande précarité
La politique du Logement d’abord promeut l’appropriation de certaines pratiques professionnelles.
Le rétablissement : "Nothing about us without us"¹
La définition du rétablissement en santé mentale se concentre sur le processus par lequel une personne ayant vécu des troubles mentaux développe une vie satisfaisante et significative, même en présence de ces troubles. Le rétablissement n'est pas uniquement l'absence de symptômes, mais plutôt un parcours personnel vers l'autonomie, l'auto acceptation et l'engagement dans des activités qui enrichissent la vie. Cela implique souvent un changement de perspective, où l'individu est vu comme un acteur de son propre rétablissement, capable de prendre des décisions et de contribuer activement à sa vie. L’accent est mis sur la personne et non plus sur la maladie.
Les pratiques orientées vers le rétablissement, pierre angulaire de la politique du Logement d’abord, valorisent les forces et les choix des personnes, en utilisant des outils et des stratégies développées par les personnes concernées, ce qui favorise un processus de guérison centré sur leurs besoins et aspirations uniques, tout en renforçant leur pouvoir d'agir. 

1. “Rien sur nous, sans nous” (« Nothing about us without us ») est le slogan du rétablissement depuis la fin des années 1980 et la portée de ce message peut s’étendre au-delà des questions de santé mentale.
La réduction des risques et des dommages (RDRD)
La réduction des risques et des dommages a pour objectif de limiter les conséquences néfastes liées à la consommation de substances psychoactives, aussi bien pour les individus que pour la société, sans que l'abstinence soit l'unique finalité. Initialement développée pour les usagers de drogues dans le cadre de la lutte contre le VIH, cette approche a ensuite été élargie à l’ensemble des comportements addictifs, y compris la consommation d'alcool. Il ne s’agit pas d’une politique permissive, mais d’une démarche fondée sur la présomption d’autonomie des personnes et la non-stigmatisation des usages, afin de susciter des changements positifs. Depuis 2005, elle est officiellement inscrite dans le Code de la santé publique.
Le développement du pouvoir d’agir et l’approche par les forces
Le développement du pouvoir d’agir, ou « empowerment », est une approche pragmatique et non prescriptive, profondément ancrée dans le quotidien, qui encourage une participation active des personnes concernées dans leurs propres décisions. Il s’agit de leur permettre de prendre le contrôle sur leur vie et d’agir sur ce qui est important pour elles. La transmission des savoirs et des connaissances joue un rôle clé dans ce processus, avec un souci constant de transparence, afin que chacun puisse accéder à l’information nécessaire pour exercer pleinement son pouvoir d’agir. Cette démarche s’applique également aux groupes et collectivités.
Cette approche requiert un changement de perspective dans les pratiques professionnelles, qui se concentrent sur le dépassement d’enjeux concrets et immédiats. Elle valorise les forces et les aspirations des personnes plutôt que de se focaliser sur leurs prétendus manques, tout en veillant à une communication ouverte et transparente, pour instaurer un climat de confiance et favoriser un cercle vertueux de progrès.
Travail pair, pair-aidance et participation
La pair-aidance regroupe l’ensemble des pratiques (accompagnement, entraide, soutien) par lesquelles une personne s’appuie sur son savoir expérientiel vécu, c’est-à-dire le savoir qu’elle a retiré de sa propre expérience d’une situation stigmatisante ou négative (par exemple : expérience de vie à la rue, précarité, troubles psychiatriques, conduites addictives…) afin d’aider d’autres personnes vivant situations similaires. Cette démarche de pair-aidance s’appuie sur la transformation de l’expérience vécue en savoir expérientiel rare, c’est-à-dire en connaissances et compétences construites à partir d’un vécu.
Le travail pair est une forme où cette intervention est rémunérée : il s’agit de professionnels à part entière intégrés dans les équipes au titre de leurs savoirs faires expérientiels rares. La profession est aujourd’hui en cours de structuration, et les médiateurs de santé pair sont de plus en plus présents dans les équipes médico-sociales.
La Dihal travaille avec les partenaires à une meilleure reconnaissance et intégration des travailleurs pairs dans les équipes du secteur.
La pair-aidance et le travail pair peuvent être suscités ou facilités par la participation des personnes concernées dans les structures. Cette dimension, consacrée dans la loi du 2 janvier 2002 « rénovant l’action sociale et médico-sociale » a pour but d’améliorer les conditions de vie et le fonctionnement des institutions. L’organisation de la représentation des personnes et leur intégration aux décisions qui les concernent permet non seulement de leur permettre de porter leur voix, de faire valoir leurs droits mais aussi de contribuer à leur accompagnement, notamment en participant au développement de leur pouvoir d’agir. 
La multiréférence
La multiréférence est une approche innovante d’accompagnement qui s'inscrit dans les pratiques orientées vers le rétablissement. Elle permet aux bénéficiaires d’être soutenus par toute l’équipe pluridisciplinaire, plutôt que par un seul référent. Cette dynamique favorise le pouvoir d'agir des personnes, leur offrant la liberté de choisir à qui s’adresser en fonction des compétences et/ou des affinités des personnes, ce qui contribue à établir un lien de confiance et à garantir la continuité des soins.
Pour être efficace, la multiréférence nécessite une communication fluide entre les membres de l’équipe et avec les partenaires. Cela peut inclure des réunions régulières, des documents de suivi et des outils numériques de partage d’informations. Une meilleure connaissance des compétences de chacun renforce l’efficacité de l’accompagnement.
Accompagner les locataires du parc social en situation psychosociale dégradée
La santé mentale est étroitement liée à l'environnement de vie. Face à l'augmentation des fragilités psychosociales depuis la crise sanitaire, les bailleurs sociaux jouent un rôle crucial en identifiant et en orientant les situations de locataires en situation psychosociale dégradée. La Dihal et l’Union Sociale pour l'habitat (USH) ont conduit des groupes de travail pour échanger sur les bonnes pratiques en matière de logement et de santé mentale. Ces efforts s'inscrivent dans le Second Plan Logement d'abord (2023-2027), qui vise à prévenir le sans-abrisme en renforçant le maintien dans le logement des personnes vulnérables. En intégrant la santé mentale dans leurs missions, les bailleurs sociaux contribuent à améliorer la qualité de vie de leurs locataires et à promouvoir le bien-être collectif au sein du parc social.  La meilleure connaissance des enjeux favorise aussi le renforcement des liens avec les acteurs du social, du médico-social et du sanitaire, pour une intervention plus rapide et plus efficace. Ces interventions sont essentielles pour éviter la dégradation des situations qui peuvent conduire à des situations de tension et de ruptures (dettes locatives, conflits de voisinage…).

Documents et liens clés