Discours de M. Jean CASTEX, Premier ministre
Samedi 7 novembre 2020
Votre Altesse Sérénissime,
Madame,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Vice-Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Maire de Nice,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Départemental,
Votre Excellence Monsieur l’Ambassadeur,
Messieurs les Préfets,
Mesdames et messieurs les élus,
Monseigneur l’évêque de Nice,
Monsieur le Président du Conseil français du culte musulman
Les prières d’une mère de famille ne condamnent pas à mort.
Des cierges allumés au petit matin ne condamnent pas à mort.
L’humble travail d’un sacristain ne condamne pas à mort.
Et pourtant, jeudi 29 octobre dernier, ici à Nice, un homme est entré dans la Basilique NotreDame de l’Assomption pour semer la mort avec une sauvagerie sans nom. Trois personnes ont été assassinées parce qu’elles pratiquaient paisiblement leur Religion ; deux femmes et un homme.
Deux femmes et un homme qui n’étaient les ennemis de personne. Les familles rassemblées sur la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016 n’étaient, elles non plus, les ennemis de personne. Faut-il rappeler, ici et devant vous, que cet attentat terrible a fait ce jour-là 86 morts et 458 blessés ?
C’est la France qui, chaque fois, est la cible du terrorisme, mais Nice aura payé un lourd tribut et je suis venu aujourd’hui dire aux Niçois, en votre personne Monsieur le maire, mon émotion, ma compassion et mon indignation. Ces sentiments, toute la Nation les partage.
A Nice le 29 octobre dernier, le terrorisme s’en est pris à la liberté de Culte comme il l’avait fait à Saint-Etienne du Rouvray le 26 juillet 2016 où un prêtre fut égorgé alors même qu’il célébrait sa Messe. Aucune célébration religieuse n’est une offense dans une République laïque qui respecte la Religion pour ce qu’elle est ; l’expression d’une conviction intime, et qui en garantit la pratique pour ce qu’elle est : l’exercice d’une liberté fondamentale. Sur cette liberté, la République ne transige pas.
Au Bataclan le 13 novembre 2015, comme à Nice le 14 juillet 2016, le terrorisme s’en est pris tout simplement à notre mode de vie. Choisir son mode de vie est aussi une liberté fondamentale. Sur cette liberté, la République ne transige pas.
A Vienne, il y a quelques jours, c’est aussi à nos modes de vie européens que le terrorisme s’en est pris directement.
A Paris le 16 octobre dernier, devant un collège de Conflans Sainte-Honorine, comme le 7 janvier 2015 au siège de Charlie Hebdo, le terrorisme s’en est pris à la liberté d’expression en la personne d’un professeur exemplaire, Samuel PATY. La liberté d’expression est l’une des toutes premières conquêtes de la République et la loi de 1881 fait partie de ces Lois Fondamentales qui ont profondément enracinées la République dans notre pays. Sur cette liberté, la République ne transige pas.
A Toulouse, dès 2012, le terrorisme s’en prenait, encore et toujours, au judaïsme, à un père et à des enfants. Contre l’antisémitisme, la République ne transige pas. Jamais.
Ici, à Nice trois personnes ont été assassinées et une église a été ensanglantée.
Ces trois personnes avaient un nom, une vie, une famille, et aujourd’hui elles sont dans le cœur de tous les Français.
Ces noms, je suis venu ici pour les honorer.
Ces vies, je suis venu ici pour dire qu’elles avaient une valeur incommensurable, celle de toute vie humaine, unique par définition.
Ces familles, je suis venu leur apporter les condoléances de la Nation toute entière.
DEVILLERS habitait à quelques pas d’ici et venait souvent prier dans cette église.
Une femme qui aimait passionnément le théâtre et qui adorait jouer SHAKESPEARE, TCHEKHOV ou FASSBINDER. Une femme qui écrivait en secret et espérait pouvoir être publiée un jour.
Une femme qui partageait, à nouveau, des projets d’avenir avec son mari car après une période de chômage elle devait se rendre à un entretien d’embauche.
Une femme qu’un homme a décidé de sacrifier à son idéologie de mort.
Je veux ici rendre honneur à ce nom, à cette femme et à cette vie.
Simone BARRETTO SILVA. Simone n’était pas née à Nice, ni même en France mais, très loin d’ici, à SALVADOR de BAHIA au Brésil. Elle était arrivée chez nous en 1996. A force de détermination autant que de volonté, elle était parvenue à réaliser son rêve car elle venait de décrocher brillamment son diplôme grâce au programme « des étoiles et des femmes » qui lui ouvrait grand les portes des établissements les plus prestigieux.
Le matin du 29 octobre, elle est entrée dans la Basilique pour prier avant de prendre son service d’aide à domicile. Mortellement blessée, elle a néanmoins trouvé la force et le courage d’échapper à son tortionnaire pour appeler à l’aide et donner l’alerte ce qui a permis à la valeureuse police municipale de Nice d’intervenir immédiatement et de neutraliser le terroriste. Sans le courage de Simone, peut-être que son meurtrier aurait continué son parcours sanglant.
Sans elle, peut-être que ce matin nous aurions d’autres victimes à déplorer, d’autres noms à prononcer.
Je veux rendre aujourd’hui honneur à ce nom, à cette femme et à cette vie.
Vincent LOQUES.Vincent, lui, n’était pas de passage ce matin-là. Il était un pilier, presque au sens propre, de la Basilique Notre-Dame et pour une raison simple, il en était le sacristain. C’est lui qui ouvrait les portes chaque matin pour les fermer chaque soir. C’est vers lui que les prêtres se tournaient lorsqu’il fallait régler un problème d’intendance. C’est à lui que les fidèles ou les simples visiteurs venaient s’adresser pour obtenir un renseignement ou une explication. Ancien maçon de métier, il n’avait pas son pareil, me suis-je laissé dire, pour « faire la crèche» de la Basilique. A l’approche de Noël, j’imagine ce que va être ressenti par tous ceux qui vont essayer de le remplacer dans cette tâche.
Vincent était connu et apprécié non seulement des paroissiens mais de tout le quartier. Il faisait partie de ces gens, nous en connaissons tous, que l’on aime à croiser sur les chemins du quotidien et avec lesquels on se plait à échanger quelques mots pour le seul plaisir de la discussion.
Je veux rendre aujourd’hui honneur à ce nom, à cet homme et à cette vie.
Le 29 octobre dernier, ici à Nice, un terroriste a volé trois vies au cœur même d’une église. Cette profanation a été « réparée » selon les rites propres à l’Eglise Catholique. Il ne revient évidemment pas à la République d’intervenir dans le domaine du Sacré, mais si je suis ici ce matin c’est aussi pour dire mon soutien à l’église de Nice, à son évêque, Monseigneur André MARCEAU, aux prêtres de la Basilique, et à ses fidèles. Dire aussi mon soutien à l’Eglise de France et à tous les catholiques de notre pays.
La construction de la Basilique Notre-Dame de l’Assomption à quelques pas de la gare de Nice ne doit rien au hasard. En effet, ses promoteurs voulaient qu’elle soit là pour accueillir le voyageur et l’étranger.
Simone BARRETO SILVA qui venait de si loin l’avait compris, elle qui s’y arrêtait tous les matins.
Le terroriste qui est venu pour y semer la mort n’a pas uniquement profané un lieu de culte, il a aussi profané cet esprit d’accueil et d’hospitalité dont la ville de Nice a fait un idéal. Le terrorisme s’en prend à ce que nous sommes, à ce qui fait notre identité, à notre liberté, à notre culture et enfin à nos vies.
L’ennemi, nous le connaissons. Non seulement il est identifié mais il a un nom, c’est l’islamisme radical. Une idéologie politique qui défigure la Religion musulmane en détournant ses textes, ses dogmes et ses commandements pour imposer sa domination par l’obscurantisme et la haine.
Un ennemi qui bénéficie de soutiens à l’étranger mais qui, hélas, compte aussi dans ses rangs des citoyens français.
Un ennemi qui recueille la complaisance de certains discours qui s’en font les complices.
Un ennemi que le gouvernement de la République combat sans relâche, en se donnant les moyens nécessaires et en mobilisant au quotidien l’ensemble de ses forces.
Il y a longtemps, à Nice, lorsque sa mère tomba malade, un jeune garçon qui avait fui avec elle la Pologne et les persécutions antisémites, se précipite dans la première église rencontrée sur son chemin.
Cette église n’était autre que la Basilique Notre-Dame de l’Assomption.
Cet enfant, qui venait à peine d’arriver en France, c’est Romain Gary, qui parlait de Nice comme de « sa chère ville presque natale ».
Une France où un petit étranger arrivé dans notre pays à 14 ans, naturalisé à 21 ans, Compagnon de la Libération avant de devenir l’un de nos plus grands écrivains vient cacher naturellement son chagrin dans une église alors même qu’il est d’origine juive et n’est pas catholique. Romain GARY, s’était de son propre aveux, simplement converti à la France.
Je ne vois pas, aujourd’hui, de plus belle image pour dessiner, ici à Nice, le véritable visage de la France.
C’est cette France-là, ouverte, diverse et accueillante que l’islamisme radical cherche à abattre.
La France que nous aimons et que nous ne laisserons pas défigurer par ceux qui, le 29 octobre dernier, ont ensanglanté La Promesse de l’aube…