Madame la ministre,
Monsieur le chef d’état-major de la marine,
Messieurs les amiraux,
Commandant,
Officiers, officiers mariniers, quartiers maîtres et matelots,
« Le métier des armes n’est pas un métier comme les autres » . Ces mots que le Président de la République a prononcés lors de ses vœux aux Armées à Orléans la semaine dernière, je les partage totalement. Et je mesure parfaitement la responsabilité que cette spécificité nous impose.
La France occupe une place éminente sur la scène internationale par l’histoire, en tant que membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU ; en tant que grande puissance présente sur les cinq continents. Cette place lui donne certes des droits, mais aussi des devoirs. En particulier celui de se doter des moyens opérationnels et humains nécessaires pour se défendre et pour assumer pleinement ses responsabilités au service de la paix et de la sécurité internationales. C’est pourquoi, mon Gouvernement continuera de tenir l’engagement pris par le Président de la République, et que nous avons inscrit dans la loi de programmation militaire, de porter notre effort de défense à 2% de la richesse nationale d’ici 2025. Et ce, dans un contexte budgétaire contraint. Cela implique de faire des choix. Des choix parfois difficiles. Mais ces choix, nous les assumons. Et nous les expliquons aux Français qui les comprennent.
En septembre 2017, j’étais venu découvrir les enjeux de la refonte du porte-avions alors qu’il venait de franchir le cap de la mi- vie - on dirait pour un homme qu'il accède l'âge mûr - après plus de 15 ans d’opérations qui l’ont conduit à participer aux conflits dans lesquels la France s’est impliquée depuis les années 2000.
Aujourd’hui je reviens sur le Charles de Gaulle en mer au début d’un déploiement et je suis heureux de vous retrouver vous qui avez toujours répondu présents. Vous avez répondu présent en Afghanistan, qui aura vu le porte-avions opérer en mer sans interruption durant 7 mois ; au Pakistan, en Irak, en Syrie et en Libye. Parce que c’est votre devoir. Le sens de votre engagement. Et au nom du Gouvernement, je tiens tout simplement à vous en remercier, en même temps qu’à rendre une nouvelle fois hommage à vos camarades morts ces dernières années au champ d’honneur au service de la France. C’est la noblesse du métier des armes : consentir au sacrifice suprême pour la défense de son pays.
Depuis mon embarquement hier soir, j’ai pu mesurer la pertinence de la rénovation du Charles de Gaulle, qui lui permet désormais d’opérer uniquement avec des Rafale pour la chasse embarquée. Les démonstrations auxquelles j’ai assisté m’ont totalement convaincu de la crédibilité de cet outil militaire dans la durée. Et ce, à un moment où les marines se renforcent dans le monde, et où les risques de confrontation ne diminuent pas.
Vous voici repartis en opérations de guerre, une fois encore pour lutter contre le terrorisme international au Levant. Un ennemi qui nous a attaqués, à plusieurs reprises, sur le sol national et de la manière la plus lâche et la plus aveugle possible. Des opérations qui ont été commandées, programmées et revendiquées par une organisation terroriste : Daech. Votre ville marraine, la capitale de notre pays, Paris, porte encore les stigmates de ces heures particulièrement tragiques.
Vos avions décolleront bientôt pour la cinquième fois vers la Syrie et l’Irak, et combattront aux côtés de leurs frères d’armes, équipages des Rafale de l’Armée de l’Air, d’Atlantique 2 de la Marine, ou commandos et camarades de l’Armée de Terre, sur place depuis plusieurs années déjà.
Certains d’entre vous ont participé soit à tous, soit à quelques-uns, des quatre précédents déploiements contre l’État Islamique. Ces déploiements ont eu des effets très concrets, à Tikrit, à Fallujah, à Mambij, à Qayyarah, à Mossoul. Ces effets concrets, c’est la destruction de l’assise territoriale de Daech. C’est aussi la réduction drastique du nombre d’attentats de masse sur le sol national.
Grâce à vous, à vos prédécesseurs, une première phase de cette guerre contre le terrorisme a été gagnée. Mais cette guerre n’est pas finie. Des milliers de combattants restent actifs au Moyen-Orient et à l’affût dans nos pays, prêts à massacrer et à détruire au nom d’une idéologie de mort, qui, dévoyant les messages de l’Islam, veut imposer un nouveau totalitarisme. Notre détermination à les combattre, avec nos alliés, est totale.
Le Président de la République a clairement réaffirmé sa volonté de voir la France se situer au premier plan de la lutte contre le terrorisme au Levant et ce, à une période où des interrogations naissent parfois sur l’engagement de certains.
Le déploiement du Charles de Gaulle est le symbole de cette France fidèle à sa parole, vigilante, déterminée à se défendre, qui « ne baisse pas pavillon » si vous me permettez l’expression.
Autour de vous, tout au long de ce déploiement, de très nombreux moyens sont français, mais aussi belges, danois, grecs, italiens, néerlandais, espagnols, portugais. Ce déploiement, c’est la démonstration concrète qu’il peut exister une voix unie et forte en Europe pour défendre notre continent, sa sécurité, ses valeurs aux côtés de nos alliés américains.
Cette démonstration repose en particulier sur le Charles de Gaulle. Parce que le porte-avions, c’est le symbole par excellence de ce qu’on appelle au plus haut sommet de l’État une capacité « différenciante » ; une capacité qui change la donne entre ceux qui l’ont, qui en maîtrisent le fonctionnement et les autres. Cette capacité, nous sommes les seuls à la mettre en œuvre en Europe, ce qui crée une force d’attraction et d’entraînement auprès de nos partenaires. Une force que nous voulons mettre à profit pour bâtir une Europe de la Défense qui se fonde sur l’interopérabilité et une capacité commune à se doter de systèmes de défense autonomes.
La valeur de cette démonstration repose également sur vous, marins du Charles de Gaulle. Sur votre engagement et votre compétence.
Sur votre engagement d’abord. Je mesure – encore mieux aujourd’hui qu’hier- combien ces déploiements sont difficiles, exigeants, surtout lorsqu’il s’agit d’une mission de longue durée. Chaque nuit, vous vous réveillez à une heure différente, dans le vacarme des saisines et des coups de catapulte. Dans quelques jours, vous naviguerez dans une des zones maritimes les plus contestées au monde. Certains d’entre vous voleront au-dessus de territoires hostiles.
Nous avons conscience de ces sacrifices. La ministre des Armées, qui m’accompagne, a engagé un plan ambitieux de soutien aux militaires et à leurs proches. Elle a également défendu durant ces derniers mois, les spécificités de vos missions. Et elle a naturellement été entendue : le projet de réforme des retraites prend en compte la nature évidemment particulière du métier militaire. A vrai dire, cette dimension n’a jamais fait débat. Parce qu’elle est la juste reconnaissance de votre engagement. Elle est également la condition du maintien d’une armée jeune et tournée vers les opérations. Et la poursuite des travaux sur le projet de loi et sa mise en œuvre dans les situations très variées que l’on trouve dans l’institution militaire traduiront les engagements répétés du Président de la République et du Gouvernement dans ce domaine.
Je sais aussi pouvoir compter sur votre compétence. Ici, chaque geste est précis, sûr, millimétré, et ne laisse aucune place à l’à-peu-près. Ce qui, pour vous, est devenu, au fil du travail et de la répétition, quelque chose de très naturel, presque une routine, est en vérité le fruit de l’accumulation de compétences par plusieurs générations de marins embarqués sur porte-avions. Cette compétence, et sa transmission depuis plus de 90 ans du Béarn au Charles de Gaulle, est une richesse rare, un véritable « Trésor national », que seules quelques marines de très haut niveau possèdent. Et à bien des égards, cette compétence est elle aussi, « différenciante ».
Marins du Charles de Gaulle, en cette année « de Gaulle » qui commence, je ne crois pas utile de vous demander d’être dignes de son héritage, parce que vous l’êtes. Et je sais déjà que tout au long de votre mission, vous ferez preuve de cette « force morale supérieure » qu’il avait l’habitude d’évoquer et qui a animé vos prédécesseurs. Et si un jour, mais j’en doute, la lassitude venait à vous gagner durant votre déploiement, rappelez-vous la devise du Général, que notre porte-avions a adoptée depuis : « Etre inerte, c’est être battu ! » .
Les victoires contre Daech le prouvent. Nous les devons à tous ceux – nombreux- qui risquent leur vie pour préserver la nôtre. Et donc évidemment à chacun d’entre vous qui êtes, dans ce combat, en première ligne.
J’ai bien dit chacun ! Car, si le boulanger n’est pas au rendez-vous de ses baguettes matinales, si le rondier n’est pas à celui de ses réveils, si l’équipier de pont d’envol ne se trouve pas sous l’avion pour retirer ses saisines, si les mécaniciens des installation aviation n’ont pas vérifié dans la nuit les dilatations des catapultes - et je pourrais continuer ainsi longtemps compte tenu de tout ce que vous m’avez expliqué hier et ce matin - l’avion ne pourra partir en vol à l’heure prévue. Et la mission ne pourra se dérouler de manière optimale. Et donc l'effet recherché, ce pour quoi vous êtes à bord, ne pourra pas être atteint.
La vérité, marins du Charles de Gaulle, c'est que la cohésion et la formation des marins, tout autant que la technologie la plus pointue, sont au cœur de l'efficacité de ce porte-avions. C'est cette alliance entre la compétence, la cohésion, la formation et la technologie qui garantit la puissance militaire et qui permet à la France d'être respectée. « Il n’est pas, sur le plan de l’action, de liens efficaces sans un peu de camaraderie, point de camaraderie sans un peu de vie commune » écrivait Marc Bloch dans « l’Etrange défaite ». En quelques heures à bord, j’ai eu le privilège de goûter une nouvelle fois à cet esprit d’équipage qu’à bien des égards, je vous envie.
Ce séjour parmi vous restera pour moi une très grande fierté et l’un des souvenirs les plus marquants de l’exercice de mes fonctions.
Je vous souhaite une pleine réussite pour votre déploiement FOCH 2020. Soyez assurés que la France vous regarde er qu’elle est fière de vous.
Soyez fiers de vous, fiers de ce que vous êtes et fiers de ce que vous faites parce que, même si nos compatriotes ont parfois une façon originale de l’exprimer, ils savent ce que vous faites. Ils savent ce que vous êtes et ils sont fiers de vous.