Facebook Live du 24 juillet 2019 sur le projet de loi bioéthique
Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.
Publié le 24/07/2019
Bonjour à tous, bienvenus sur ce Facebook live que j’ai le plaisir de réaliser aujourd’hui avec Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la Santé. On est tous les deux réunis pour parler d’un projet de loi sur la bioéthique qui a été présenté ce matin en Conseil des ministres et qui sera débattu à l’Assemblée nationale au mois de septembre. Puis ensuite il sera débattu au Sénat. C’est un projet de loi important. Il a paru utile, qu'on puisse avoir un échange en répondant aux questions que vous vous posez, et avec Agnès BUZYN, qui connaît ce sujet comme… J'allais dire comme personne, peut-être pas comme personne, mais qui a préparé l'élaboration de ce texte avec la ministre de la Justice et avec la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. On va donc essayer de répondre à votre question. La première est posée par Julien RAFFIN (phon.), et c'est une bonne première question. Il nous dit : "que veut dire bioéthique ?" Je n'ai pas de définition scientifique de la bioéthique, mais on voit bien que ce sont les questions qui sont liées au vivant, les questions non pas forcément simplement morales mais les questions liées au vivant. C'est surtout une démarche assez originale en France, assez unique, qui consiste à ce que, à intervalles réguliers depuis 1994, dans notre pays, la représentation nationale, la société française et ensuite le législateur s'interrogent sur ce qui est autorisable et ce qui ne doit pas être autorisé, compte tenu des progrès de la science dans ce domaine. Et donc, à intervalles réguliers, on se dit : est-ce que, au fond, ce qui est possible techniquement est souhaitable politiquement ou socialement ? C'est une démarche particulière qui explique que la loi soit préparée dans des conditions très particulières. C'est une originalité française, et ça n'est pas la première loi de bioéthique que nous allons prendre. La dernière date de 2011, elle avait fixé un intervalle de 7 ans ou presque. On l'a un peu dépassé. C'est donc un exercice passionnant, qui porte sur beaucoup de sujets d'ailleurs, mais je vais passer la parole à Agnès BUZYN, parce qu'il y a des sujets sur lesquels il y a beaucoup de questions, comme la PMA, l'assistance médicale à la procréation, comme on dit parfois, mais il y en a aussi beaucoup d'autres, parfois encore plus techniquement complexes, qui sont proposés dans le texte. Un petit mot peut-être, Agnès ?
Peut-être un petit mot pour dire que cette loi a fait l'objet de très nombreux rapports préparatoires. Elle a été longuement débattue avec les citoyens dans les États généraux de la bioéthique, il y a eu des centaines d'auditions fait par des parlementaires, il y a eu un rapport du Conseil d'État, et tous ces rapports nous ont alimenté et ont alimenté la réflexion parce qu'on est parti, je dirais, sans parti pris, sans idées préconçues sur toutes les mesures qui devaient figurer dans la loi. Donc c'est avec une certaine… Il nous a fallu un certain temps de réflexion pour aboutir à des arbitrages, que nous avons faits grâce à ces rapports et à ces éclairages. Les 4 grandes thématiques de la loi, ce sont la procréation, évidemment, qui va beaucoup prendre de temps de débat parlementaire, probablement. Il y a aussi des questions autour de la génétique puisqu'on sait qu'aujourd'hui, l'analyse de notre génome, de notre ADN, est rendue possible beaucoup plus facilement et cela pose beaucoup de questions sur les niveaux d'information que nous devons avoir sur nos informations génétiques. Il y a tout un chapitre autour de la sécurité et la qualité des greffes ou des dons de cellules ou d'organes, et sur les dons eux-mêmes, qui sont des pratiques extrêmement fréquentes dans notre pays. Et puis il y a un chapitre sur la recherche, sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, parce que cette recherche a énormément progressé et elle permet maintenant des applications thérapeutiques, c'est-à-dire qu'on peut, par exemple, reconstituer des tissus de rétine ou des tissus de peau à partir de ces cellules souches, et il faut encadrer évidemment toute ces pratiques.
Merci. La deuxième question qui nous est posée est une question qui m'est posée à moi, mais on pourra peut-être tous les deux évoquer des réponses. C'est Max, Max76, peut-être que Max vient de Seine Maritime, je n'en sais rien, mais en tout cas, Max76 nous dit : "Qu'en pensiez-vous il y a 5 ans ? Avez-vous évolué sur le sujet ? Comment ?" Tu commences ?
Je pense que la question porte sur la PMA, j'imagine, plus que sur la génétique ou le don de cellules souches hématopoïétiques, mais sur la PMA, en réalité, moi je n'avais pas d'idée. C'est une question que je ne m'étais pas posée, je n'avais pas dans mon entourage de personnes concernées par l'homoparentalité ou qui, dans tous les cas, exprimaient ce besoin, et donc, en réalité, je n'avais aucune idée sur le sujet et je me suis fait mes convictions en écoutant des témoignages, soit de femmes seules, soit de couples homoparentaux, et des témoignages de soignants aussi parce qu'en réalité, beaucoup de femmes célibataires ou de couple homoparentaux essaient d'avoir un enfant, soit à l'étranger, soit par des techniques très peu encadrées. Ça, c'est une réalité, et en tant que médecin, je trouve que la loi permet de sécuriser le parcours de ces femmes dont la parentalité est vraiment une obsession. Avoir un enfant, ça peut être vraiment un projet très important dans la vie.
Voilà, la question m’est peut-être posée à moi parce qu’il y a un peu plus de 5 ans au moment du débat sur le projet de loi de mariage pour tous, qui n’est pas un projet de loi bioéthique mais qui était un débat de société et un débat politique dont chacun se souvient, il y avait des oppositions très fortes, il y a eu un débat très tendu dont chacun se souvient encore une fois, et moi j’avais dit à l’époque, j’avais même écrit dans une tribune que j’avais co-signé avec Nathalie KOCIUSCKO-MORIZET, on avait tous les deux parce qu’on était sur la même ligne évoqué notre position, nous on était et on le disait à l’époque favorables au mariage pour tous, favorables à l’adoption simple pour les couples homosexuels mais opposés à la PMA et opposés à la GPA. Et donc la question, et on l’avait écrit, on l’avait assumé, d’ailleurs c’est la raison pour laquelle moi je m’étais opposé, enfin pardon c’est la raison pour laquelle je m’étais abstenu sur le texte du mariage pour tous, on était très peu à faire ça, je crois qu’il y avait 5 députés à l’époque UMP qui s’étaient abstenus et 2 qui avaient voté pour et l’ensemble des autres parlementaires avaient voté contre. Et donc la question c’est est-ce que j’ai changé d’avis ? La réponse est oui, et comment ? En lisant, en rencontrant un certain nombre de gens, en m’interrogeant sur au fond est-ce que ce que j’avais dit en 2014 et ce que je pensais sincèrement est-ce que c’était toujours conforme à la vision de la société que je me faisais, est-ce que c’était toujours conforme à l’état du droit ou aux évolutions de la société ? Est-ce que c’était conforme aussi à l’expérience que j’avais quand je rencontrais un certain nombre de gens qui soit avait eu recours à ces techniques soit souhaitaient pouvoir avoir recours à ces techniques. Et progressivement et dans le temps j’ai constaté en rencontrant notamment des femmes et des femmes célibataires qui souhaitaient pouvoir bénéficier de ces techniques je me suis dit que nous pouvions trouver un moyen dans le droit, dans notre conception de la société conforme à nos valeurs qui permettent d’avoir accès à ces techniques sans renoncer à l’essentiel de ce que nous croyons et sans venir interférer de façon massive, même inopportune, avec les valeurs que nous portons. Et donc oui j’ai évolué, je n’ai pas changé d’avis sur la GPA, je suis toujours opposé à la GPA qui me semble être d’une nature très différente de la PMA, et je sais que le débat sera peut-être posé, de ce point de vue je n’ai pas changé d’avis depuis 2014, mais j’ai évolué sur la question de la PMA et après tout c’est bien de le dire et de l’assumer.
Et on peut peut-être rappeler que la GPA n’est pas dans la loi et donc que nous continuons d’interdire la GPA dans cette loi.
Alexy MORA pose la question de quelles conditions d’accès à la PMA pour une femme seule ?
Alors en réalité on harmonise les conditions d’accès pour toutes les femmes c’est-à-dire qu’on retire la notion d’infertilité qui existait dans la loi actuelle, qui concernait les couples hétérosexuels qui accédaient à la procréation médicalement assistée parce qu’ils constaté une incapacité à avoir des enfants pendant une durée d’un an. Et donc on supprime ce critère d’infertilité et donc on harmonise tous les critères pour l’ensemble des femmes, qu’elles soient en couple hétéro, en couple homosexuel ou non-marié. Et en réalité ce critère d’infertilité était assez flou parce que beaucoup de couples infertiles initialement avaient des enfants après avoir eu un premier enfant par la PMA, ce qui prouve bien que l’infertilité n’était pas forcément d’origine médicale mais parfois plus probablement psychologique, en tous les cas d’autre nature, et donc ce n’était pas une infertilité médicalement prouvée qui ouvrait l’accès mais simplement une infertilité constatée après un an d’essai. Donc ça permet de clarifier le droit en réalité et donc tout est harmonisé : l’accès et les âges auxquels on peut procréer.
Dans les questions qui sont posées il y en a évidemment beaucoup sur la PMA et beaucoup sur ce que sera la loi, je voudrais redire parce que c’est important que chacun l’ait bien en tête que d’abord dans cette loi il y a beaucoup, beaucoup d’autres choses que les éléments relatifs à la PMA et que, par ailleurs, au moment où nous parlons avec Agnès nous en sommes au moment du projet de loi. Un projet de loi c’est un texte sur lequel le gouvernement a travaillé, a écouté beaucoup de gens et qu’il va soumettre à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il va y avoir un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat, il va y avoir des opinions différentes qui vont s’exprimer, il va y avoir des amendements et le texte il peut évoluer. Autrement dit ce que nous vous disons c’est des choses relatives à l’état du texte aujourd’hui, ça ne veut pas dire que ce sera ça à la fin de la déclaration, enfin à la fin de l’examen, c’est la position du gouvernement au moment où on entre dans la discussion. Beaucoup de questions donc. Quelle est la position du gouvernement sur la GPA ? On l’a dit, on est pour ne pas l'autoriser. Pourquoi pensez-vous que de telles innovations ont mis tant de temps dans ce pays de liberté ?
Alors, il y a beaucoup de choses en termes d'innovation dans la loi. Là je pense que la question porte de nouveau sur la PMA. En réalité, la PMA est une technique ancienne. Ce n'est pas une innovation thérapeutique. Simplement, on ouvre ce droit à d'autres publics que le public auquel s'adressait cette innovation thérapeutique qui a maintenant plusieurs décennies. Par contre, il y a dans la loi énormément d'innovations qui vont être mieux encadrées. Je pense par exemple à l'encadrement de l'intelligence artificielle utilisée dans le domaine médical. On sait qu'il y a beaucoup d'algorithmes, de techniques d'intelligence artificielle reposant sur des grandes bases de données qui peuvent aider à faire un diagnostic ou aider à une prise en charge des malades. Eh bien par exemple un encadrement de la loi, que le traitement d’un malade ne peut pas être automatique sur la base d'intelligence artificielle. Il faut forcément l'intervention d'un médecin. Voilà le type d'exemple sur lequel nous progressons parce que ce sont des innovations réelles dans le champ médical et nous avons besoin de consolider notre droit et de bien encadrer ces nouvelles techniques.
Mais plus généralement, la question : pourquoi est-ce que vous pensez que de telles innovations ont mis tant de temps dans le pays de la liberté ? Il y a beaucoup de gens qui ont des avis définitifs. Enfin, il y a quelques personnes qui ont des avis définitifs sur les sujets qui sont traités dans le projet de loi. Certains sont très pour, d'autres sont très contre. Ils le disent. Parfois d'ailleurs ils le disent de façon très virulente et très ferme. Mais après tout, ils ont des convictions et les expriment. C'est parfaitement naturel. Il y a aussi beaucoup de gens... j'ai même tendance à penser, une très grande majorité de gens qui se posent des questions et qui ont des hésitations parce que les questions que pose le projet de loi, pas simplement celle sur la PMA mais sur tous les sujets, parfois elles sont presque vertigineuses dans leurs conséquences et le fait qu'on s'oblige à intervalles réguliers à se poser ces questions, qu'on prenne le temps de les débattre et qu'on prenne vraiment le temps de les débattre publiquement à l'Assemblée nationale, au Sénat dans la société et dans les médias, le fait qu'on puisse hésiter et corriger, ce n'est pas mauvais, c'est même plutôt excellent. Il faut assumer le fait que sur des questions très compliquées comme celle-ci on prenne le temps de réfléchir. Alors bien sûr, ceux qui sont très pour et qui sont pressés et on peut parfaitement les comprendre, ils disent : ça va trop lentement. Ceux qui sont très contre vous disent : voilà, surtout vous allez trop vite. Mais il faut prendre le temps du débat et il faut prendre le temps de l'examen. C'est ce que nous avons essayé de faire. C'est ce que les lois de bioéthique nous invitent à faire. Donc il faut assumer non pas cette lenteur mais cette mesure, je dirais, et cette pondération. Il y a beaucoup de questions sur la filiation. Dès lors que nous autorisons la PMA pour les couples de femmes ou pour les femmes célibataires se pose la question du lien de filiation, de la façon dont on va reconnaître la filiation, peut-être Agnès peut nous en dire un mot. Je vois là par exemple la question d'Antonin LEFÈBVRE : les enfants nés de la PMA auront-ils le droit d'accéder à l'identité du donneur ? Je vois la question sur : quelles sont les actions envisageables en matière de filiation ? Il y a 2 choses. Il y a la filiation, notion juridique et il y a la question de l'accès à l'identité du donneur en effet, qui est une question de droit, qui est une question presque philosophique de savoir si un enfant issu d'un don, que ce soit dans un couple hétérosexuel avec tiers donneur ou dans un couple homosexuel, un enfant issu d'un don peut-il avoir droit et dans quelles conditions à l'identité ou aux données opportunes, utiles liées à celui qui a fait le don ?
Effectivement. Je vais d'abord parler de l'accès aux origines, c'est-à-dire l'accès à l'identité du donneur. Beaucoup d'études montrent que les enfants pour se construire ont besoin de connaître d’où ils viennent, leur passé et y compris leur mode de conception, y compris l'identité d'un donneur qui a participé quelque part à leur vivant et donc il est prévu dans la loi que les enfants par le biais d'une commission et d'une forme de registre qui sera au sein de l'Agence de la biomédecine pourront à leur majorité, et seulement s'ils le souhaitent bien évidemment, accéder à des données non identifiantes de leurs donneurs, c'est-à-dire par exemple des caractéristiques physiques, voire à l'identité de leurs donneurs. Et donc c'est une commission qui permettra d'accéder à cette identité. Pour faire en sorte que tous les enfants soient à égalité par rapport à ce nouveau droit qui n'existe pas aujourd'hui, nous allons changer la réglementation autour du don. Tous les donneurs de spermatozoïdes ou d'ovocytes devront au moment où ils font le don, conditionner ce don à leur acceptation que leur identité puisse être un jour révélée et donc nous serons obligés de changer nos méthodes d'acceptation des dons. Aujourd'hui, des dons ne sont pas liés à cette condition d'acceptation et donc tous les donneurs lorsque la loi sera promulguée, seront amenés à donner leur consentement dès le départ et s'ils ne consentent pas à ce qu'on révèle leur identité, eh bien nous ne recueillerons pas leurs spermatozoïdes ou leurs ovocytes. C'est un changement radical qui a été déjà fait dans d'autres pays. Il y a pas mal de pays européens qui permettent cet accès aux origines et cela permet en réalité aux enfants de mieux se comprendre, de mieux se connaître et de vivre une vie d'adulte plus sereine.
Une question d'Anne-Marie qui nous dit : « l'enfant n'est pas une marchandise. Le business de la vente de gamètes est une faute et une honte pour notre humanité ». Vous serez obligé d'y venir par manque de donneurs, comme c'est déjà le cas pour les pays qui pratiquent la PMA pour les femmes lesbiennes ou seules. Un mot pour dire à Anne-Marie qu'on est assez d'accord sur le fait que l'enfant n'est pas une marchandise. Ça ne nous avait pas échappé et on est bien déterminé à faire en sorte que ça ne devienne pas le cas. La question de la vente éventuelle de gamètes n'est pas en discussion. Elle serait parfaitement illégale, parfaitement contraire à ce à quoi nous croyons, pas envisagée de la part du gouvernement. Je ne crois pas qu'elle ait été envisagée d’ailleurs par quiconque au sein de la représentation nationale. Donc je ne crois pas que ce soit du tout une idée qui corresponde à ce que nous voulons faire. Voilà. Je préfère le dire clairement.
Alors, ce qu'évoque la question d’Anne-Marie, c'est qu'on risquerait d'avoir moins de donneurs à partir du moment où on leur demande l'accord pour que leur identité soit révélée bien plus tard, 20 ans après. En réalité dans les pays où cette réglementation a évolué, on a vu une baisse initiale pendant quelques mois du don de spermatozoïdes ou d’ovocytes mais une remontée au niveau antérieur. Et donc nous accompagnerons cette pratique d'une grande campagne pour avoir plus de donneurs. Et puis, tous les donneurs qui aujourd'hui ont déjà donné leurs spermatozoïdes ou leurs ovocytes, qui accepteront d'entrer dans cette nouvelle réglementation, eh bien nous pourrons utiliser leurs gamètes puisqu'ils auront donné leur accord. Nous avons aussi tout un stock aujourd'hui de donneurs qui pourraient tout à fait accepter cette nouvelle réglementation.
Il y a Pascaline qui nous dit : « la nature a créé des hommes et des femmes complémentaires biologiquement et psychologiquement pour engendrer une descendance. N’est-ce pas contre nature de confier soit par la PMA, soit par l'adoption des enfants à des éducateurs de même sexe ? » Je comprends la question qui n'est d'ailleurs pas une question, qui est une affirmation de la part de Pascaline, et qui est respectable. Je ne la partage pas mais je la respecte. Je pense d'abord qu'il y a beaucoup aujourd'hui et c'est déjà facile, d'hommes ou de femmes qui élèvent leurs enfants seuls et parfois parfaitement et complètement seuls. On sait bien que ce n'est pas simple. Il y a aussi un très grand nombre de cas qui correspondent à des cas que je connais mais qui correspondent manifestement à la littérature sur le sujet, d'enfants qui sont élevés par 2 hommes ou par 2 femmes dans des conditions qui sont parfaitement satisfaisantes et parfaitement épanouissantes parce qu’entourés d'amour et d'envie de faire en sorte que l'épanouissement de l'enfant soit au cœur de l'éducation qui est donnée. Voilà. Moi, ma conviction, je l'ai toujours dit et je l'ai toujours pris, puisque j'ai dit tout à l'heure qu'il y a 5 ans, je pensais la même chose, c’est qu’un enfant peut être élevé et bien élevé par 2 hommes ou par 2 femmes, que cela pose sans doute beaucoup de questions, beaucoup de sujets mais que ça impose peut-être de nature différente de ce qui se passe dans un couple hétérosexuel qui élève un enfant. Ce n'est jamais facile d'élever un enfant. Ce n'est jamais simple, ce n'est jamais gagné d'avance, d'une certaine façon. Mais je pense que c'est parfaitement possible, faisable, c'est ce que je crois très profondément. On peut évidemment avoir un débat là-dessus. Souvent, il se résume, en tout cas il se traduit par des oppositions très fortes, et parfois par des anathèmes qui sont portés... Ce n'est pas du tout le ton de la question de Pascaline, et je l'en remercie, mais c'est quelque chose que moi, je crois très profondément.
Le secrétaire d'État Adrien TAQUET, qui est secrétaire d'État à la protection de l'enfance, a regardé tout ce texte de loi à l'aune de l'intérêt de l'enfant. C'était très important pour nous de veiller à chaque fois à l'intérêt de l'enfant. En réalité, beaucoup d'études ont été réalisées maintenant chez des enfants qui ont été élevés dans des couples homoparentaux ou par des femmes seules, ou des hommes seuls, d'ailleurs, et toutes ces études montrent que ce qui compte, c'est d'avoir des repères et éventuellement des figures auxquelles on peut se référer dans son entourage, mais que ces enfants vivent évidemment très bien cette parentalité différente. Elle est très bien admise maintenant dans notre société. Il y a déjà beaucoup de cas, et nous avons auditionné, en réalité, ces familles et ces enfants, et effectivement, nous n'avons pas été alertés par des difficultés particulières. Il y a aussi beaucoup d'enfants qui vivent aujourd'hui dans des couples hétérosexuels et qui souffrent d'un manque d'amour ou d'un manquement de certains parents, et on voit bien que les modèles familiaux évoluent, qu'il n'y a plus de modèle unique, et que nous sommes aujourd'hui certains que ce nouveau modèle familial ne met pas en difficulté les enfants qui vivent dans ces familles.
Vianney, dont je ne dirai pas le nom, formait une question qui en fait n'est pas une question. Il nous dit : "pipeau sur la GPA." Eh bien non, Vianney, pas pipeau sur la GPA. On a dit exactement ce que nous pensions, que nous étions contre, pourquoi ça n'était pas dans le projet de loi et pourquoi nous considérions qu'il ne fallait pas que ce soit dans le projet de loi.
Peut-être, je rajoute, beaucoup font un projet d'intention en disant : "PMA veut dire glisser vers la GPA." En fait, quand on construit une loi de bioéthique, on regarde chaque technique et on regarde si le droit qu'on ouvre met à mal les principes éthiques fondamentaux auxquels la France est attachée, c'est-à-dire la liberté, la dignité, la solidarité. Et clairement, dans la PMA, nous ne mettons à mal aucun principe éthique sur lequel se fonde une loi de bioéthique. Par contre, la GPA pose problème parce qu'elle porte derrière l'idée de la marchandisation du corps humain et met à mal la notion de dignité. Donc la GPA, clairement, est proscrite, et il n'y a pas de glissement possible. On ne réfléchit pas à une loi de bioéthique en réfléchissant à l'égalité des droits, on réfléchit à une loi de bioéthique à chaque fois, pour chaque mesure en elle-même. Est-ce qu'elle met à mal nos principes éthiques ?
Célia pose une question à laquelle, je suis sûr, la ministre de la Santé sera sensible. "Quelle sera, selon vous, la place des professionnels de santé, médecins, pharmaciens, sages-femmes, dans cette loi et dans sa mise en place ?"
Elle est énorme, évidemment, puisque ce sont eux qui vont donner les informations, notamment sur la procréation, les formations sur les questions de fertilité, puisqu’on va parler de l'autoconservation des gamètes, c'est-à-dire la capacité qu'auront nos concitoyens de pouvoir conserver leurs spermatozoïdes ou leurs ovocytes s'ils atteignent un âge limite et qu'ils n'ont toujours pas eu d'enfants, de façon à préserver leur fertilité ultérieure. Donc il y a tout un tas d'informations données, évidemment, par les médecins, les sages-femmes qui sont tout à fait en capacité aussi d'accompagner cette loi. Par ailleurs, il y a toutes les informations génétiques, dans lesquelles il y a des conseillers en génétique, des médecins, évidemment. Il y a toute la partie sur les greffes. Là, nous savons que les infirmières, dans le domaine des greffes, les infirmières de coordination, sont à même également d'orienter et d'informer les donneurs et les receveurs. Les professionnels de santé sont totalement intégrés dans la chaîne de décision et d'informations vis-à-vis des clients français.
Question de Nathan, qui doute manifestement de la possibilité d'organiser en France un débat public apaisé sur le sujet. Nathan nous dit : "En France, les injures contre un militant LGBT sont considérées plus graves que les appels au meurtre contre des militants de la manif pour tous. Où est l'égalité, dans de telles circonstances ?" Et, nous dit-il, "comment Edouard PHILIPPE ose parler de débat apaisé dans un tel climat d'injustice ?" Je n'ai aucun doute sur le fait... Nous savons tous que des sujets de bioéthique en général, et peut-être les sujets de PMA et de filiation, donnent lieu à des débats dans lesquels se confrontent des positions qui sont parfois radicalement incompatibles, et qui donne lieu à des débats passionnés parce qu'elles expriment des convictions très profondes. Encore une fois, moi je respecte ces convictions très profondes. J'ai le droit d'avoir les miennes, j'ai le droit de ne pas être d'accord avec tout le monde, mais j'entends bien que chacun puisse évidemment exprimer ses convictions et qu'elles puissent être prises en compte dans le débat public. Ce que je veux dire, c'est que nous n'arrivons pas devant l'Assemblée nationale et devant le Sénat, avec la ministre de la Santé et avec l'ensemble du gouvernement, en disant : " C'est nous qui avons raison, parce que nous, nous avons la vérité, et vous allez faire comme on vous dit parce que nous, on a la vérité et vous êtes dans l'erreur." Ce n'est pas du tout l'état d'esprit dans lequel on est. On a réfléchi, on a travaillé, on n'est pas les seuls, il y a énormément de gens qui ont travaillé. Au regard de tout cette masse de travail, du Conseil d'État, du Comité national consultatif d'éthique, des travaux fait par des juristes, par des médecins, par des associations, par des personnes qui ont des convictions et qui les expriment, nous avons arrêté un texte, un projet qui nous semble équilibré, qui nous semble mesuré. C'est notre conviction, nous la partageons, nous l'exprimons. Elle va donner lieu à un débat public. Est-ce qu'on peut essayer d'avoir, sur des sujets qui concernent la société dans son ensemble, la conception que nous avons de la filiation, de l'humanité, de la recherche, de ce qui est possible, de ce qui n'est pas possible, de ce qui est souhaitable, de ce qui n'est pas souhaitable, un débat qui serait si possible dépourvu d'injures, si possible dépourvu d'a priori sur le thème " si vous dites ça, c'est parce qu'en fait vous voulez faire ça et parce qu'en fait vous avez un projet caché". Bref, est-ce qu'on peut espérer, est-ce qu'on peut essayer d'organiser les choses pour avoir un débat, oui, j'utilise le terme apaisé et je l'utilise à bon escient, c'est-à-dire un débat où on peut s'écouter, s'entendre sans se rejeter ni la faute, ni l'anathème ? Je pense que c'est, dans une démocratie comme la France, utile d'avoir ce moment d'échange et de débat, et c'est comme ça que nous avons préparé le texte. C'est pour ça que nous avons souhaité, quand il y avait des alternatives, des choix potentiellement différents qu'on pouvait faire sur le même sujet, par exemple sur la technique de reconnaissance de la filiation s'agissant des enfants issus de la PMA, il y a des choix. Il y a des grandes alternatives. On a essayé de faire en sorte que la même expertise soin apportée, la même expertise juridique, technique, soit apportée aux deux ou aux trois solutions envisageables pour qu'on puisse débattre à l'Assemblée nationale, au Sénat, dans la société, avec les mêmes instruments et avec le même niveau d'information sur les hypothèses possibles et sur les solutions envisageables. Et ça, c'est, je crois, respectueux du débat, parce que c'est-à-dire que nous avons choisi, nous, de proposer quelque chose, mais que nous sommes ouverts au débat et que le débat doit être le plus entier, le plus complet et le plus éclairé possible. C'est comme ça qu'on aborde la discussion parlementaire. Je sais bien qu'elle va être intense, et tant mieux, d'ailleurs, mais j'ai vécu, moi, parce que j'étais député de l'opposition, le débat sur le mariage pour tous, je l'ai trouvé bien souvent d'une très grande (---00:08:18), c'est vrai, mais bien souvent d'une trop grande tension, une très grande opposition entre les camps, parfois de provocation entre les camps, et je trouve que c'est important qu'il y ait un espace de débat, (coupure) en effet apaisé, apaisé dans la mesure du possible, qui puisse (coupure) dans notre pays. Je pense qu’on le doit à nos concitoyens, et d'une certaine façon, on le doit aux idées qu'on porte, idées portées avec passion, avec conviction, bien sûr, et faire en sorte que dans une démocratie, elles puissent être discutées, échangées, puis ensuite que le Parlement prenne sa décision. "Pensez-vous que cette extension va appauvrir la Sécurité sociale, Madame la Ministre ?" nous demande Rémi.
Non, non. Nous avons énormément regardé l'impact de ces mesures financièrement. Elles ont un tout petit impact financier. Par exemple, pour donner une échelle de chiffres, la PMA aujourd'hui, c'est 150 000 tentatives de PMA par an. Là, nous allons l'ouvrir potentiellement à 2 000 femmes supplémentaires donc on voit bien que ça représente très peu de couples supplémentaires. Il y a aujourd’hui déjà 25 000 enfants qui naissent par les techniques de PMA et donc en termes de budget pour la Sécurité sociale je dirais que ça joue à la marge par rapport au budget complet de la PMA.
Voilà dernière question qui est posée par Patience, je ne sais pas si c’est un prénom ou un pseudo, qui nous dit “Bonjour, quelles pièces de justification une femme seule aura besoin pour être admise à la PMA ? Sous quelles conditions elle sera acceptée ? Devra-t-elle se présenter avec son donneur ?” Et je pense que c’est utile de répondre parce que ça montre qu’on se fait des fausses idées sur la façon dont tout ça va fonctionner. On ne doit pas non plus se présenter avec un donneur pour avoir une aide médicale à la procréation. Un mot quand même pour dire que dans les couples hétérosexuels la PMA avec tiers donneur, c’est-à-dire pas avec les deux membres du couple, c’est 4 ou 5 %
C’est 4 %
des cas. Donc en fait c’est une toute petite minorité d’une pratique médicale qui est utilisée pour l’essentiel dans les couples hétérosexuels au sein du couple tel qu’il est constitué. Voilà voilà. On a beaucoup d’autres questions, par exemple celle de Roxanne : “Les couples de femmes devront-elles être mariées pour avoir accès à la PMA ?” Vas-y, vas-y.
Non. On va garder exactement les mêmes critères que ceux des couples hétérosexuels
Absolument.
Qui aujourd’hui doivent vivre en couple depuis deux ans, ce qui montre la stabilité du couple, donc on harmonise vraiment les règles entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels.
Mais on prendra un certain nombre de précautions juridiques, je ne vais pas rentrer dans le détail, mais on prendra un certain nombre de précautions juridiques qui permettront de s’assurer au moment de la naissance dans le cas du recours à une PMA avec tiers donneur ce qui est évidemment la norme quand il s’agit d’un couple de femmes pour qu’il n’y ait pas de contestation sur le caractère de parents des deux mères et des deux membres du couple. C’est pour ça qu’il y aura une déclaration d’intention qui sera consignée devant notaire qui marquera la volonté d’accueillir un enfant dans le couple tel qu’il est constitué. Donc encore une fois on a parlé de façon générale mais c’est un petit peu obligé compte-tenu de la nature de l’exercice mais le projet de loi tel qu’il est rédigé est très dense, il est juridiquement assez complet et peut-être certains diront assez complexe… Il y a combien d’articles aujourd’hui avant qu’on engage les discussions parlementaires ?
Une trentaine d’articles.
Une trentaine d’articles qui traitent on l’a dit de la PMA mais de bien d’autres sujets compte-tenu de l’ampleur que va prendre ce débat, et c’est très bien ainsi, compte-tenu aussi du fait que le débat va porter s’agissant du gouvernement à la fois par Agnès BUZYN la ministre des solidarités et de la santé, mais aussi par Frédérique VIDAL et par Nicole BELLOUBET la garde des sceaux et Frédérique VIDAL la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, je pense qu’on fera d’autres Facebook de ce type pour évoquer d’autres aspects du texte au fur et à mesure que le débat sera nourri. Peut-être à la rentrée, peut-être en septembre quand le débat aura commencé on pourra reprendre cette conversation. En tout cas merci beaucoup d’avoir posé des questions, j’ai vu dans les questions telles qu’elles sont formulées, je ne doute pas que dans les commentaires qui viendront s’ajouter en-dessous de notre vidéo il y aura parfois des expressions qui seront vives, très dures, très critiques peut-être (ça c’est pas grave), je redis ce que je disais tout à l’heure : je trouve qu’essayer de faire en sorte que dans un débat même compliqué, même qui met en cause des convictions passionnées qu’on peut porter essayer de se respecter même quand on est pas d’accord et d’avoir un débat apaisé c’est plutôt une bonne chose. Merci beaucoup.
Merci.
- Discours
- · Santé
- › Ségur de la Santé
Discours récents
-
Hommage national à Fabrice Moello et Arnaud Garcia
Discours · Commémoration
-
Cérémonie pour la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions
Discours · Égalité
-
Inauguration du prolongement de la ligne RER E (Éole)
Discours · Transports
-
Commémoration annuelle du génocide arménien de 1915
Discours · Politique étrangère
Le choix de la rédaction
Violences sexistes et sexuelles : « toutes les violences prennent racine dans le sexisme ordinaire »
Actualité · Égalité
Publié le 25/11/2024
VSS : « Si l’autre ne démord pas, on entre dans l’agression »
Actualité · Égalité
Publié le 25/11/2024
Renforcer l'attractivité des métiers de la santé et de la solidarité
Actualité · Formation
Publié le 22/11/2024