Élisabeth BORNE
Je crois qu’il y a
un peu de vent, en fait. Bien, Monsieur le ministre, cher Christophe BÉCHU,
Mesdames les ministres, Cher Dominique FAURE, Cher Olivia GRÉGOIRE, Monsieur le
préfet, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le président du Conseil
Régional, Cher Alain ROUSSET, que je ne vois… Voilà, Monsieur le président du
Conseil Départemental, Cher Alain PICHON, Mesdames et Messieurs les maires,
Monsieur le président de l'Association des maires ruraux de France. Vous êtes
tous cachés en fait. Mesdames et Messieurs les représentants des associations
d'élus, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les représentants
de la société civile, acteurs au quotidien des ruralités, Mesdames et
Messieurs.
Quitter les rives de la Vienne, longer la Gare Tempe pour atteindre
le montmorillon, c'est comprendre un peu de l'âme des ruralités de la France.
Ici, c'est l'histoire de notre pays qui résonne. Ici, on retrouve la beauté de
notre patrimoine naturel, la force de notre agriculture, et cet esprit de
solidarité, de fraternité si propre à nos villages. Mais ici, comme à travers
nos campagnes, on partage cette inquiétude presque existentielle sur l'avenir
de nos ruralités, sur la capacité de nos jeunes à y naître, à y vivre et à s'y
projeter. Et pourtant ici, comme dans tous les villages de France, on sait que
les ruralités regorgent d'opportunités, d'espoirs et de talents. On sait que
les initiatives et les solutions se trouvent dans nos territoires.
Mesdames et
Messieurs, cette journée au cœur de la Vienne a pour moi un sens particulier.
D'abord à titre personnel, parce que je suis heureuse de retrouver la Vienne,
de revenir dans ce département dont j'ai été la préfète il y a quelques années
de cela. Mais aussi parce que cette journée marque un nouvel élan pour nos
territoires ruraux. Depuis 2017, nous avons agi pour la cohésion de nos
territoires, pour revitaliser les centres-bourgs et les centres-villes, pour le
retour des services publics avec les espaces France Service, ou encore pour
l'accès à la fibre. 6 ans plus tard, les résultats sont là, mais certains défis
demeurent, et nous devons y répondre impérativement. Aujourd'hui, bien trop
souvent, nos compatriotes ont le sentiment que les services reculent, que la
vie de tous les jours devient un défi. Je suis élue d'une circonscription
rurale, et je le sais, des bocages normands à la vallée de la Vienne, des
montagnes des Vosges aux vallons de Provence, les mêmes préoccupations
reviennent chez nos concitoyens ruraux. Je pense à l'accès aux soins, aux
distributeurs bancaires, à la station-service, à la pharmacie la plus proche,
parfois à 10 ou 30 km. Je pense bien sûr à la dépendance à la voiture, à
l'enclavement. Je pense à l'impression qu'entreprendre, créer ou expérimenter
sera plus difficile qu'ailleurs, à ce sentiment insupportable que toutes les
études, toutes les voies ne seraient pas accessibles. De tout cela naît un
sentiment d'abandon, de relégation auquel on ne peut pas se résoudre, auquel je
ne veux pas me résoudre.
Alors, avec mon Gouvernement, je viens prendre devant
vous un engagement : agir, trouver des solutions concrètes aux effets rapides.
C'est ce que vous attendez, c’est ce que nous vous devons. Je parle des
ruralités car ce sont avant tout des territoires singuliers dans leur diversité,
des territoires qui n’ont pas les mêmes forces et les mêmes faiblesses. Parler
des ruralités, c’est parler de 30 000 de
nos communes, d’un tiers de la population française, c’est parler de
territoires qui se transforment qui, par leur volonté, ont réussi à enrayer la
spirale du déclin, c’est parler de noms, de visages, de maires qui s’engagent
pour faire venir des familles, ouvrir une classe, convaincre un médecin de
s'installer. De femmes et d'hommes qui multiplient les initiatives, viennent
s'installer à la campagne et se battent pour y trouver des solutions nouvelles.
C'est parler d'Anaïs, 27 ans, que je rencontrais tout à l'heure et qui a repris
in-extremis le commerce multiservices de Liglet qui menaçait de fermer. Elle
participe, comme tant d'autres, à redynamiser nos bourgs et nos villages.
Ces
dernières années, sans rien perdre de son identité, la France rurale s'est
métamorphosée. Le temps de l'exode rural est révolu, les ruralités représentent
un modèle de qualité de vie et attirent de nombreux Français. Je veux le dire
ici, il n'est pas question d'opposer villes et campagnes, de les voir comme
deux mondes séparés. Ce serait à la fois un gâchis pour notre pays et un danger
pour notre cohésion nationale. La cohésion des territoires, ça n'est pas penser
nos politiques publiques séparément, selon le lieu où l'on vit ; c'est fonder
une alliance des territoires qui permette à tous de se développer en nous
appuyant sur les forces de chacun et en misant sur nos complémentarités. Alors
sur ces fondements, ensemble, je vous propose de bâtir un nouveau contrat avec
nos territoires ruraux : France Ruralité. Cette stratégie, c'est le fruit d'un
an de travail mené avec l'ensemble des acteurs des ruralité par le ministre de
la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe BÉCHU,
et bien sûr, par la ministre chargée des Collectivités territoriales et des
Ruralité, Dominique FAURE.
France Ruralité, c'est un acte de reconnaissance et
une promesse d'avenir envers les 22 millions de Français qui habitent à la
campagne et veulent continuer à y vivre. France Ruralité marque une nouvelle
étape dans notre manière d'envisager l'aménagement de nos territoires ruraux
autour de plusieurs principes. D'abord, le partenariat. L'action en commun avec
les élus, avec la société civile sera la règle. Notre démarche prend appui sur
une planification et une contractualisation renforcée au niveau de chaque
bassin de vie, main dans la main avec les élus locaux. Deuxième principe :
l'équité. Notre objectif est de répondre à une aspiration légitime des
territoires ruraux, donner à leurs habitants les mêmes opportunités qu'en
ville. L'égalité des chances est un de mes combats, je veux la faire vivre en
milieu rural. Troisième principe : la différenciation. Nous devons adapter nos
mesures et nos solutions aux enjeux de chaque territoire depuis les campagnes
les plus éloignées des grandes villes jusqu'au village proche des
agglomérations. Enfin, France ruralité, c'est une stratégie de transition.
Prenons un exemple. Qui de mieux placé que nous ruralité pour mener la
transition écologique, alors même que les forêts, les prairies et l'essentiel
de notre biodiversité se trouvent dans nos territoires ruraux ? Je pense à la
transition agricole car c'est l'agriculture qui façonne nos campagnes et son
renouveau sera aussi celui des villages. Je pense encore aux transitions
économiques, numériques, énergétiques, vous avez entre vos mains des solutions
et des atouts pour chacune d’elles. Mesdames et Messieurs, voilà l’esprit de France
ruralité, mais ce que vous attendez avant tout, ce sont des actes concrets,
aussi nous ce sont des actes concrets. Aussi, nous allons agir autour de 4
piliers et pour réussir, nous aurons besoin des maires. Je sais combien les
maires ruraux sont les bras armés du service public au contact de nos
concitoyens. Je sais qu'ils sont le rempart de la République face aux
incivilités, face aux violences. Je veux le dire à nouveau fermement, s'en
prendre à un élu, c'est attaquer la République tout entière. C'est
inacceptable, intolérable. [Applaudissements].
Je veux dire aussi à tous les
élus que nous serons là pour vous accompagner, pour vous protéger. Nous avons
d'ores et déjà pris des mesures, renforcer les sanctions. L’État est et restera
à vos côtés et j'aurai l'occasion d'annoncer des mesures nouvelles très
prochainement. Le premier pilier de France Ruralité, c'est de vous donner les
moyens de construire des solutions adaptées en renforçant considérablement les
capacités d'ingénierie locale. Je connais l'amour que les maires portent à leur
territoire. Je sais combien ils veulent les développer, mais s'en sentent trop
souvent empêchés, à défaut d'avoir toute l'ingénierie et les moyens
nécessaires. Après les progrès réalisés grâce à Action Cœur de ville et Petite
ville de demain, nous mettrons en place un programme d'ingénierie dédié aux
communes rurales pour leur apporter un soutien complet et coordonné. Monsieur
le Président, cher Michel FOURNIER, je parle bien d'un programme pariant sur
nos villages d'avenir. Je sais que cela vous est cher. Dès l'an prochain, nous
allons déployer 100 chefs de projet à travers toutes les ruralités françaises,
installées dans les sous préfectures pour être au plus proche du terrain. Ils
apporteront un appui en ingénierie tant sur le diagnostic du territoire que sur
le développement de projets. Ils auront un objectif, la complémentarité avec
l'ingénierie locale existante. Le deuxième pilier de notre action, c'est de
nous appuyer sur notre patrimoine naturel, nos cours d'eau, nos paysages qui
sont l'un des trésors de nos communes rurales.
Ma conviction, c'est que les
ruralités de notre pays sont un atout majeur pour devenir une nation verte et
que c'est avec elles que nous devons bâtir notre planification écologique,
l'entretien et la protection de leur espace naturel. Ce sont des services que
les communes rurales rendent à tout le pays, acceptant parfois de renoncer à
une part de leur développement pour préserver notre environnement, notre bien
commun. Nous devons adapter les finances locales à cette réalité. Les communes
qui s'engagent pour protéger notre environnement doivent être mieux
accompagnées. C'est pourquoi, dès 2024, nous réformerons profondément la
dotation biodiversité pour la renforcer et inciter davantage à entretenir et
valoriser notre patrimoine naturel, nos aménités rurales. Nous suivrons un
principe simple : plus de surface protégée, plus de dotations et nous mettons
les moyens. Dès l'année prochaine, nous augmenterons la dotation biodiversité
et aménités rurales pour la porter à plus de 100 millions d'euros. C'est
l'enveloppe qu'a proposé le Parlement rural, cher Bernard DELCROS, dans sa
résolution récente. C'est une mesure de justice qui incarne la complémentarité
entre ville et campagne car quand des maires ruraux se mobilisent pour
l’entretien d’une forêt, c’est toute la France qui en bénéficie en préservant
ces puits de carbone, en limitant les risques d'incendies, ils agissent pour nous tous. Nous devons les
aider. Mais ces moyens supplémentaires, c'est aussi une mesure d'urgence car
nos territoires ruraux sont fragiles, en première ligne face au dérèglement
climatique. Le troisième pilier de notre action, c'est de demander à chaque
ministère de bâtir des solutions différenciées et adaptées pour nos ruralité. La
différenciation doit être un réflexe. Cela vaut pour nos campagnes comme pour
tous les territoires. Nous ne partons pas de zéro. Nous y avons travaillé
activement déjà avec le Parlement et je veux saluer ici votre engagement,
Madame la présidente Françoise GATEL.
La loi 3DS a posé des fondements
importants et nous avons d'ores et déjà réussi, sur certains sujets clés, à
prendre en compte les spécificités rurales. Je pense par exemple à l'objectif
zéro artificialisation nette en 2050. J'en avais pris l'engagement devant les
maires de France. Nous soutenons l'inscription dans la loi du principe d'une
garantie rurale afin de laisser à chaque commune des perspectives de
développement. Aujourd'hui, nous voulons accélérer et trouver des solutions
nouvelles pour tous les défis auxquels nos ruralités sont confrontées. Sur les
mobilités, pour sortir de la dépendance à la voiture individuelle, nous devons
donner aux territoires les outils pour développer des alternatives, par exemple
du domicile à la gare. C'est le sens du fonds de soutien de 90 millions d'euros
sur 3 ans que nous créerons pour accompagner les autorités organisatrices de la
mobilité rurale, avec l'appui des associations. Il permettra le développement
d'une offre de transports du dernier kilomètre, innovante, écologique et
solidaire. Sur le logement, comment accepter de voir les cœurs de villages
tomber à l'abandon sous le poids de la vacance ou des difficultés de rénovation
des bâtiments anciens ? Nous devons faire mieux. Nous consacrerons donc 15 millions
d'euros par an à l'accompagnement des communes dans la mise en œuvre des
opérations de revitalisation du territoire et de l'habitat. Et nous voulons
aussi répondre au fléau des logements vides. C'est pourquoi nous allons créer
une prime de 5 000 euros par logement pour les propriétaires qui réhabilitent
leurs logements vacants ou leurs résidences secondaires en contrepartie
d'obligation de mise en location. Je veux que nous continuions à mener une
action résolue pour nos commerces, notamment les commerces multi-services.
C'est un enjeu du quotidien pour nos concitoyens. Plus de 20 000 communes en
ruralité n'ont plus de commerces. Un fonds de 12 millions d'euros a été créé
pour financer les installations. Son déploiement avance bien avec déjà 76
commerces qui vont pouvoir ouvrir dès cet été pour les premiers. Nous
pérenniserons ce fonds sur 3 ans. Enfin, pour renforcer la présence des
services publics, le financement de France Service sera augmenté dans les zones
de revitalisation rurale.
Mesdames et Messieurs, évidemment, France Ruralité
devra nous aider à répondre aux défis de la santé, de l'accès aux soins et de
la lutte contre les déserts médicaux. C'est une des premières préoccupations de
nos concitoyens et particulièrement de nos concitoyens ruraux. Nous déploierons
100 médicos bus avec les collectivités volontaires apportant des capacités de
diagnostic et de soins directement dans les campagnes. Nous tiendrons également
l'engagement d'une couverture intégrale du territoire en communautés professionnelles
territoriales de santé d’ici la fin de l’année. J’ajoute que 4 000 maisons de
santé seront déployées partout en France d’ici 2027, en particulier dans les
territoires ruraux. Ce sont des structures attractives pour les professionnels
et qui offrent des solutions de prise en charge efficaces aux patients.
Évidemment, un meilleur accès aux soins ne viendra pas d’une solution miracle
mais d’une mobilisation collective avec pour maître-mots la confiance et la
responsabilité. C’est précisément dans cette optique qu’une proposition de loi
visant à améliorer l’accès aux soins, déposée par le député Frédéric VALLETOUX,
est actuellement débattue à l’Assemblée nationale. Elle doit permettre de
donner un cadre clair à la médecine de ville pour mieux s’organiser dans les
territoires et ainsi améliorer l’offre de soins. Bien sûr, je n’ai cité ici que
quelques-uns des champs d’action, mais France Ruralité ne s’arrête pas là et
proposera aussi des mesures importantes sur la carte scolaire, l’offre
culturelle, le renforcement des France Services ou encore l’économie sociale et
solidaire. Ces mesures seront complétées par l’engagement de la Banque des
territoires dont le rôle est essentiel. Enfin, et c’est le quatrième pilier de
France Ruralité, nous voulons continuer à soutenir l’attractivité des
territoires ruraux. Depuis 1995, la loi identifie des zones de revitalisation
rurale où sont ouvertes certaines exonérations fiscales et sociales et où de
nombreux programmes et outils sont accessibles. Ce zonage arrive à échéance
d’ici la fin de l’année. Je le redis solennellement, il n’est pas question de
se priver de cet outil essentiel.
Nous péréniserons les zones de revitalisation
rurale et nous les moderniserons pour qu’elles soient plus en lien avec la
réalité actuelle de nos campagnes. Après une concertation avec les élus, les
parlementaires et les acteurs économiques, le Gouvernement proposera d’ici
l’automne de nouvelles règles de définition du zonage pour continuer à
accompagner les ruralités. De plus, nous voulons consacrer un effort
supplémentaire aux territoires les plus vulnérables. Ces objectifs doivent nous
rassembler au-delà de nos fonctions, au-delà de nos étiquettes politiques. Une
telle action imposera des mesures législatives et nous poursuivrons les
consultations avec l’ensemble des groupes parlementaires dans les prochaines
semaines. Notre objectif est que le nouveau zonage puisse être opérationnel dès
l’année prochaine. Mesdames et Messieurs, devant vous, j’ai parlé de nos
villages, de nos campagnes. J’ai parlé de notre avenir car c’est dans la France
rurale que nous construirons bon nombre des solutions pour demain. J’ai parlé
d’égalité des chances, de justice territoriale car chaque Français doit avoir
les mêmes opportunités où qu’il naisse, où qu’il vive, où qu’il s’installe.
France Ruralité, c’est permettre le retour de nos services publics, l’accès aux
soins pour toutes et tous et le développement des commerces de proximité. C’est
offrir des opportunités et des solutions, c’est miser sur la complémentarité de
nos territoires et surmonter les défis et les transitions auxquels notre pays
fait face, notamment la transition écologique. Et aujourd’hui, avec vous, c’est
une élue de la campagne normande qui vous le dit, le renouveau de nos ruralités
s’accélère. Les ruralités ont tout pour réussir et ensemble, avec France
Ruralité, nous y parviendrons. Vive la République, vive la France !