Michel BARNIER
Messieurs, je comprends que vous attendez ma réponse et mon sentiment à tout ce qui vient d'être dit depuis le début de cette matinée. Je voudrais, cher François, d'abord, te remercier, vous remercier pour cette invitation, saluer évidemment Florence, présidente dynamique de ce département, le Maine-et-Loire, saluer amicalement aussi Christophe BÉCHU. Vous saluer, mesdames et messieurs les présidents, dans l'ensemble de vos territoires et de la diversité de vos opinions, et je n'oublie pas de saluer en particulier les élus de l'Outre-mer, et puis saluer tous les élus départementaux qui sont ici, et également tous les fonctionnaires et les agents qui vous accompagnent, à commencer par ceux du Maine-et-Loire qui ont préparé ce congrès.
Je suis heureux, avec 5 membres du gouvernement qui sont ici, de vous avoir écoutés et d'engager ce dialogue. J'entendais Florence, tout à l'heure, comme le président, dire quelques mots de mon propre parcours et du fait qu'il y a quelques années, j'ai passé une dizaine d'années de ma vie à organiser des Jeux olympiques avec Jean-Claude KILLY, avec François MITTERRAND aussi, pendant 10 ans. Il était alors Président.
Et ce que je veux vous dire à ce sujet, peut-être deux ou trois points pour qu'on se connaisse un peu mieux les uns et les autres, au moment de commencer ce parcours, dont je ne sais pas la durée, d'ailleurs. J'espère que j'aurais le temps de dépasser l'extrême urgence dans laquelle je me trouve, nous nous trouvons, pour remonter la ligne d'horizon. Mais ce que je veux vous dire, simplement, parce que j'ai été élu conseiller départemental, conseiller général, j'avais 22 ans. J'étais, d'ailleurs, à l'époque, le plus jeune conseiller général de France. C'est un titre qu'on perd assez vite. Comme j'ai été, un peu plus tard, le plus jeune président de département, à 32 ans. Mesdames et messieurs, j'avais, à cette époque, une capacité d'enthousiasme, une capacité d'indignation.
Et ce que je veux dire, c'est que 51 ans plus tard, cette première élection de suffrage universel, je n'ai perdu ni l'une ni l'autre. Je viens vous voir avec de l'humilité, et tous les jours, je reçois des leçons d'humilité.
Depuis que je suis Premier ministre, ça fait un tout petit peu plus de deux mois. Le Gouvernement est là en place depuis un peu plus d'un mois et demi. Un mois et demi. Et je pense, Nicolas LACROIX tout à l'heure disait, optimisme, pessimisme. On a beaucoup de raisons de pessimisme actuellement. On n'a pas beaucoup de raisons d'optimisme. Mais je me refuse à l'un comme à l'autre. Et je pense souvent d'ailleurs à ce sujet, à une phrase d'un homme que je respectais, même si je n'ai pas toujours été totalement proche de ses idées, Jean MONNET, à qui on demandait, Monsieur MONNET, est-ce que vous êtes pessimiste ou optimiste ? Il disait, ni l'un ni l'autre, je suis déterminé. C'est l'état d'esprit dans lequel je me trouve devant vous aujourd'hui.
Il y a aussi une phrase d'un homme politique, d'un homme d'Etat, que moi j'ai admiré, Pierre MENDÈS FRANCE, qui disait, « ne jamais sacrifier l'avenir au présent ». C'est dans cet état d'esprit-là, si exigeant, dans lequel je me trouve en ce moment. Je ne veux pas sacrifier l'avenir, y compris à moyen terme, au présent extrêmement difficile dans lequel je me trouve, avec vous.
Et puis un mot, peut-être, en écho à ce qui est parfois commode de dire à propos de Bercy. J'ai appris aussi une chose dans mon très long parcours public, c'est qu'on a besoin de haut fonctionnaires, on a besoin de fonctionnaires, on a besoin d'experts autour de soi. Chacun et chacune d'entre vous, mesdames et messieurs les présidents, vous ne feriez pas le même travail sans un directeur général des services, des adjointes, des adjoints, des gens qui... Enfin, moi, je constate ça moi-même, qui en savent plus que moi, qui sont parfois plus intelligents que je ne le suis. On a besoin de ça.
Mais j'ai appris une chose aussi, et je peux vous dire que c'est extrêmement utile à la place où je me trouve en ce moment, c'est qu'à Angers, comme à Paris, comme à Bruxelles, n'oubliez pas Bruxelles, quand les Hauts fonctionnaires, les bureaucrates prennent le pouvoir, c'est que les hommes ou les femmes politiques leur ont laissé le pouvoir.
Je suis très heureux de vous avoir écouté et d'engager le dialogue avec vous dans ce congrès, je pourrais presque dire notre congrès, et je n'oublie rien de ce que j'ai appris aussi pendant les 17 années où j'ai présidé un département, où j'ai fait partie du bureau de l'Association des départements de France, même si, comme les chiffres que Jean-Léonce DUPONT a cités, montrent bien que beaucoup de choses ont changé. Donc, il ne faut pas vivre dans la nostalgie. Ce n'est pas une bonne conseillère, la nostalgie. Mais je n'oublie pas cette expérience.
Je suis heureux de vous retrouver dans un moment particulièrement difficile pour les départements, difficile pour moi, comme Premier ministre, et difficile, d'abord, pour la France. Et dans ce moment, il est très important qu'on se parle franchement. Pour tout vous dire, je n'ai pas été surpris par le fond de ce que vous avez dit tous les 4, avec vos mots et vos convictions. Et je veux vous remercier pour le ton que vous avez utilisé, qui est un ton républicain et, François, amical. Donc je vous remercie tous, François SAUVADET, votre président, Nicolas LACROIX, Jean-Luc GLEYZE, Florence et, naturellement, Jean-Léonce DUPONT, d'avoir exprimé aussi clairement la préoccupation, l'angoisse, la colère des 103 départements.
Je vais vous tenir un discours de vérité aujourd'hui : vous dire ce que je peux faire, peut-être ce que je ne peux pas faire, que je pourrais peut-être faire avec le Sénat dans les jours qui viennent.
La première vérité, c'est de reconnaître avec vous qu'on a poussé jusqu'à ses limites le modèle départemental tel que nous l'avons connu depuis 30 ans. Je pense qu'il est nécessaire en ce moment de parler de la manière dont on pourrait assurer l'avenir des départements, parce que moi, je crois aux départements. Je crois aux départements. En renouvelant en profondeur leur rôle et la façon dont vous exercez les missions de cohésion sociale, de cohésion territoriale, auxquelles ils sont légitimement attachés. J'ai même une conviction qui surprendra peut-être certains, c’est que je pense que ces deux mots que je viens de prononcer : cohésion sociale, cohésion territoriale, sont au cœur de la compétitivité de notre pays, je pense. Cohésion sociale, cohésion territoriale. Et ça, c'est le sens de ma présence aujourd'hui.
Je suis là pour vous dire, en tenant compte de votre situation très spécifique et qui n'a peut-être pas été bien vue dans les premiers scénarios budgétaires, que nous allons réduire très significativement l'effort qui vous est demandé par le projet de loi de finances.
Mais si je m'arrêtais là, je ne ferais que répondre à une inquiétude de court terme, à l'urgence, à l'extrême urgence dans laquelle nous nous trouvons, je vais y revenir. Ma responsabilité de Premier ministre, enfin, telle que je la comprends, c'est de remonter aux causes premières et de vous proposer un cadre de travail pour redonner des marges de manœuvre, pour donner de l'oxygène, pour donner de la liberté, pour restaurer le sens de votre mission. Puisque sur tout cela, vous vous interrogez en ce moment. C'est tout cela dont je voudrais vous parler et à quoi nous allons nous attacher demain avec les ministres qui sont ici, les 5 ministres et tout le reste du Gouvernement.
Mesdames et Messieurs les présidents, la crise que vous traversez, les difficultés que vous devez surmonter sont liées, vous l'avez dit, à la réduction continue des marges de manœuvre, au point que dans beaucoup de départements, il n'y a plus de marge de manœuvre aujourd'hui. Et c'est ces marges de manœuvre qui donnent du sens. En tout cas, moi, c'est comme ça que j'ai vécu la présidence d'un département pendant 17 ans et une vraie légitimité à cette mission.
Je pense d'abord à l'importance croissante des compétences que vous exercez dans le domaine social et à la progression continue de dépenses qui s'y attachent et qui résultent du vieillissement de la population, des choix collectifs qui ont été faits et parfois des choix qui ont été imposés d'en haut dans le domaine de l'enfance ou dans l'accompagnement des publics et des personnes les plus fragiles.
Je pense aussi évidemment à l'évolution du mode de financement des départements dans lequel le levier fiscal a été fortement réduit au point même de vous demander s'il existe encore. Cela vous conduit à être largement financés par des dotations déterminées d'en haut par l'État, dont la progression ne suit évidemment pas toujours celles des dépenses qu'elles sont censées couvrir. J'ai enfin une conscience très précise de la multiplication des contraintes réglementaires, de l'accumulation des normes européennes et nationales, sans parler du zèle, quelquefois, que l'on fait en France pour transposer des textes européens. Et tout cela crée une complexité qui se traduit par un coût pour toute l'action publique.
Tout à l'heure, je discutais dans le train avec Michel CADOT, que vous connaissez, un grand préfet qui est à mes côtés et qui est votre interlocuteur aussi, si vous avez besoin de me faire passer des messages très directs sur le bénéfice que notre pays trouverait à réduire ce carcan de normes, cette simplification qui va être une tâche. Je crois que c'est 2 à 3 % du PIB qu'on pourrait gagner collectivement, sans parler de l'efficacité et de la relance.
À la place où je me trouve, Mesdames et Messieurs les présidents, et je m'y trouve pour un temps que je ne connais pas. Est-ce que j'ai besoin de rappeler que je ne me suis pas roulé par terre pour être Premier ministre ? J'étais prêt, j'étais disponible, j'avais obtenu, acquis cette expérience que donne la collectivité territoriale pendant 17 ans, j'ai eu 4 fois l'honneur d'être membre de Gouvernement avec François MITTERRAND, avec Nicolas SARKOZY, avec Jacques CHIRAC évidemment, et puis j'ai eu cette opportunité, cette chance d'apprendre comment renforcer l'influence française au plan européen et d'être, pendant 15 ans à Bruxelles, comme commissaire ou comme négociateur du Brexit.
J'étais prêt à utiliser cette expérience. Si je vous disais le contraire, je vous raconterais des histoires. On a tous des ambitions, elles sont légitimes. Mais je n'étais pas demandeur. Je n'étais pas demandeur. Et j'ai accepté de servir, comme vous servez, Mesdames et Messieurs les présidents, je le dis à tous les élus, et d'utiliser tout ce que j'ai appris pour notre pays. Mais je suis aussi prêt à partir demain matin. Il faut que vous le sachiez. Si les conditions ne sont plus réunies pour changer, faire face à l'urgence ou à l'extrême urgence, et puis réformer ce pays pendant le temps que j'aurais. C'est ça, mon seul objectif.
Je n'ai pas d'agenda pour après. J'ai 73 ans aujourd'hui. J'en aurai 76 en 2027. Je n'ai pas besoin qu'on me rappelle mon âge. Je sais ce qui est raisonnable et ce qui ne serait pas raisonnable. J'ai simplement envie que, pour tout vous dire, à la fin de ce mandat, j'espère deux ans et demi, 2027, puisqu’à ça, c’est qu’on se dise, tiens, BARNIER avec toute l'équipe qui l'entoure, et je suis très fier de l'équipe qui m'entoure. J'ai de bons ministres. Ils ne font pas d’esbroufes, ils bossent, ils sont compétents, ils sont à votre disposition.
J’ai envie qu’on dise que cette équipe a créé du progrès, ce qui est l'essence même de la politique, mesdames et messieurs, créer du progrès. Qu'est-ce qu'on fait avec un mandat de 5 ans ou de 6 ans, des lois, des règlements, des projets avec des valeurs et des convictions aussi, c'est mieux d'en avoir. On doit créer du progrès collectif. C'est ce que vous faites chacune et chacun dans vos départements. C'est ça notre honneur. C'est de se dire qu'à la fin de notre mandat, la situation est meilleure, sans faire de miracle, meilleure, un peu meilleure que celle qu'on a trouvée en arrivant. C'est ça dont j'ai envie. Et je n'ai pas d'autres ambitions, il faut que vous le sachiez.
La place où je me trouve, je n'accepte pas que les départements aient le sentiment de devenir de simples opérateurs de l'État. Ce n'est pas ce que nous avons voulu collectivement avec les lois de décentralisation, et je les ai bien connues. Parce que j'ai eu l'honneur de devenir président de département en mars 82, au moment même où la loi DEFFERRE, qui reste, je le pense, personnellement, avec l'abolition de la peine de mort, l'une des deux grandes réformes fondamentales, d'une nature différente, évidemment, du premier septennat de François MITTERRAND. Et donc, je le dis à Jean-Luc GLEYZE, pour qu'il n'y ait pas de malentendus, à aucun moment, monsieur le président GLEYZE, à aucun moment, mon état d'esprit n'est et ne sera de montrer du doigt les départements, à aucun moment. Mon objectif qui vaut pour vous, c'est en effet de redonner de l'air, des marges de décision et d'action. Vous le demandez, mais je pense que d'abord, vos territoires et les gens qui y vivent et qui y travaillent en ont besoin. Et donc, nous allons, avec cet objectif-là, pendant le temps que nous aurons, deux ans et demi, j'espère... Ça dépend de l'Assemblée nationale, vous l'avez bien compris. C'est une conjonction qui peut paraître improbable, mais qui peut toujours se produire.
Je le sais, avec cette conviction, cet objectif chevillé au corps, nous allons procéder méthodiquement et par étapes, comme c'est mon tempérament. C'est pour ça que je ne suis pas considéré comme quelqu'un de très marrant, mais je vais être très méthodique avec le Gouvernement. Et nous allons attacher, mesdames et messieurs les présidents, autant, sinon plus, d'importance à l'effet de suivi qu'aux effets d'annonce.
Néanmoins, ce que nous pouvons faire maintenant et un peu plus tard, il faut tenir compte d'un contexte financier, économique, social, démographique et international. Aujourd'hui, le pays n'a plus de marge de manœuvre financière. Quand je suis arrivé à Matignon, ça fait deux mois et quelques jours, j'ai trouvé sur mon bureau deux notes. La première note, de la direction du Trésor, ça vaut ce que ça vaut, mais c'est quand même la direction générale du Trésor. Bercy m'expliquant que le déficit était de 6,3 % en 2024 et que la pente, c'était 7 %, 7 % en 2025. Et puis, j'ai trouvé une deuxième note, une lettre signée du gouverneur de la Banque de France, Monsieur VILLEROY DE GALHAU, qui est quelqu'un de sérieux, qui m'écrit - j'ai cette lettre sur mon bureau, ce n'est pas ma Bible - vous devez ramener le déficit de notre pays à 5 % en 2025, puis progressivement vers 3 %. Voilà.
Je suis, avec ces deux lettres et ces deux notes sur mon bureau, avec un objectif qui ne m'amuse pas, qui ne me fait pas plaisir. Ça veut dire 60 milliards d'une année à l'autre, ramené à 5 % de déficit, ça veut dire 60 milliards de moins de dépenses ou de plus de recettes. Et pourquoi je pense que c'est l'intérêt national de faire ça ? Parce que je pense, mesdames et messieurs, qu'on ne peut pas continuer à avoir une dette qui monte comme ça tous les ans. Nous sommes à 3 228 milliards d'euros de dette. 3 228 milliards. L'année prochaine, 3 400 milliards, mécaniquement. Ça veut dire une charge de la dette, les intérêts des emprunts. Nous parlons de 60 milliards l’année prochaine. Un peu moins que le budget de l’éducation et un peu plus que le budget de la défense. Est-ce que cet argent des intérêts de l'emprunt, 60 milliards, ne serait pas mieux utilisé autrement ? Ça fait presque 870 euros par Français, qu'il ait un mois de vie ou 80 ans, soit 870. Voilà.
Vous voyez, vous aviez des pancartes pour certains d'entre vous. Voilà, j'ai des pancartes. J'en prends une juste comme ça. Les Lot-et-Garonnais demandent des comptes. Très bien. Mais moi aussi, je pourrais demander des comptes. Je pourrais distribuer des bons et des mauvais points. Je ne suis pas dans cet état d'esprit de faire des polémiques. Je n'ai pas de temps pour ça. La seule chose que je veux dire, c'est que je trouve une situation telle qu'elle est, telle que je viens de vous la dire, je ne trouve en effet pas normal, vous l'avez dit, Jean-Léonce vous l'avez dit tout à l'heure, qu'on ne soit pas capable, ou foutu, dans ce pays, d'être d'accord sur les chiffres. Ce n'est pas normal. J'en ai parlé hier soir, d'ailleurs, avant de venir vous voir avec le premier président de la Cour des Comptes, et on va essayer de trouver le moyen, entre les services de l'État, de Bercy, de l'Assemblée nationale et du Sénat, de la Cour des Comptes, peut-être d'autres experts, de trouver un moyen de mettre sur la table, et devant les Français, quels qu'ils soient, les vrais chiffres qu'il n'y ait pas des polémiques, parce qu'il y a parfois des raisons, il y a des dépassements, il y a moins de recettes, mais il faut qu'on se mette d'accord. Mais les chiffres sont là. Et la vérité aussi, c'est que moi, je suis là depuis deux mois, je vous l'ai dit déjà deux fois, je suis comptable et responsable de cette situation maintenant. Sinon, ce n'est pas la peine d'être Premier ministre. C'est une situation qui remonte assez loin. C'est pour ça que je dis au président du Lot-et-Garonne qu'il faut avoir de la mémoire et de l'humilité.
Hier soir, j'étais dans un moment important, ce n'était pas seulement du sport, c'était à France-Israël avec… Quand, j'étais juste à côté du président de la République, Emmanuel MACRON, et il y avait juste derrière lui François HOLLANDE et Nicolas SARKOZY. C'est une belle image, surtout pour lutter contre toutes les violences qui s'accroissent dans notre société depuis des années, notamment des violences qui resteront inadmissibles pour moi, celles du racisme et de l'antisémitisme. C’est une belle image de voir ces 3 présidents ensemble, et les autres ne sont plus là. Ça montre aussi qu’il y a une continuité de l’État et qu’il y a une responsabilité successive qui s’accumule, voilà. C’est la situation dans laquelle nous sommes. Et encore une fois, je ne montre du doigt personne parce qu’il y a eu des crises, le Covid a été l’une des plus sérieuses et inattendues et improbables qu’on ait eu à affronter. Je pense d’ailleurs qu’il faut se préparer à en avoir d’autres avec la mondialisation des échanges et des transports, se préparer à d’autres crises sanitaires de cette nature et en tirer les leçons pour les précédentes. Si nous voulons relever les défis qui sont devant nous, financiers, économiques, sociaux, écologiques, démographiques, démocratiques. Je pense que la… Je l’ai dit à l’Assemblée nationale, il faut faire très attention à la République, elle est fragile actuellement, elle est fragile.
Et je pense que, comme tu l’as dit, piliers de la République, les départements ont aussi ce rôle de cohésion à jouer. On doit réduire les déficits, on doit réduire la dette. C'est l'intérêt national du pays que de réduire la dette. Et voilà pourquoi nous sommes conduits à demander des efforts et de faire en sorte, c'est ma responsabilité, je suis venu vous le dire, que ces efforts soient justes, plus justes que vous ne les avez vus dans la première copie, Vous m'avez sommé... Il faut faire attention aux sommations.
En tout cas, je veux que les efforts demandés à chacun soient plus justes qu'ils ne l'étaient dans la première copie du Gouvernement fabriquée en 15 jours. Jamais un Premier ministre, le Président l'a dit, jamais un Premier ministre n'a eu, depuis le début de la Vᵉ République, à préparer un budget et à présenter un budget dans les règles constitutionnelles obligatoires en 15 jours. Je veux donc rendre ces efforts plus justes. Ceux que nous demandons à l'État, ils ne sont pas encore suffisants, aux entreprises, aux citoyens. Je sais que dans ces responsabilités difficiles qui sont les vôtres, vous pouvez comprendre cet effort national. D'ailleurs, plusieurs d'entre vous l'ont dit et je vous en remercie. Mesdames et Messieurs les présidents, nous avons entamé l'examen du projet de loi de finances dans les conditions que je viens de vous dire, et donc le budget que j'ai dû présenter aussi rapidement, il n'est ni parfait, ni définitif.
Dès le départ, j'ai pris la décision, pas facile forcément à prendre, de laisser l'Assemblée nationale débattre normalement, plutôt que de couper le débat dès le début par une série, j'aurais dû en faire 10 ou 11, 49.3, voilà. J'ai pris cette décision pour deux raisons. La première, c'est qu'en arrivant à Matignon, j'ai dit à mon prédécesseur, quand il m'a passé le relais à Matignon, vous vous en souvenez, je lui ai dit que je respecterai tous les groupes politiques et les élus qui sont représentants des citoyens, qui détiennent une parcelle de la souveraineté populaire, même si tous n'ont pas des convictions qui nous conviennent, qu'on les respecterait. Donc le respect, ça passe aussi par le débat, par le dialogue. Donc j’ai dit : on va continuer ce débat à l'Assemblée.
La deuxième raison, c'est que, pour la première fois depuis au moins 7 ans et sans doute une dizaine d'années, il y a une claire majorité au Sénat pour accompagner et pour soutenir, sans complaisance, mais de manière positive, l'action du Gouvernement, voilà. Donc, l'Assemblée nationale a rejeté cette semaine, comme François SAUVADET l’a dit, à une très large majorité, son propre texte, qui n'avait plus rien à voir avec la copie imparfaite initiale du Gouvernement ; il n'y a plus rien à voir, avec des dizaines de milliards d'impôts supplémentaires.
Donc, nous sommes revenus au départ et nous allons entamer, dans les jours qui viennent, la construction de ce budget, ce nouveau budget pour la France au Sénat, en partant d'une base beaucoup plus proche de celle de mon texte initial et avec des amendements que je vais reprendre, après avoir dialogué avec tel ou tel groupe, du socle commun qui me soutient à l'Assemblée nationale, même s'il est minoritaire, et aussi en écoutant d'autres groupes, parce que je pense, j'ai oublié de vous le dire pour qu'on se connaisse mieux au début, que je n'ai pas la science infuse. Je pense souvent que les bonnes idées, elles ne viennent pas d'en haut, elles viennent du terrain. Donc, on va écouter tout le monde, voilà.
Et dans ce contexte très compliqué, nous ne sommes pas fermés, et je ne suis fermé à aucune évolution de ce budget. Dès l’instant où l’objectif du déficit à 5 %, que je crois d'intérêt national et qui est dicté par l'urgence que j'évoquais dès l'instant où cet objectif de 5 % est préservé. Et au bout de ce long chemin budgétaire, ce n'est pas une promenade de santé, ce n'est pas une randonnée, comme on dit chez moi. Je ne demanderai pas d'efforts au-delà de ce qui est juste. Et ce qui est juste, s'agissant des départements que vous animez, c'est de tenir compte de leur situation spécifique. Au cours des dernières semaines, nous avons travaillé de manière constructive et jamais avec de la complaisance, avec votre président, qui est venu déjà deux fois dans mon bureau. Je lui ai dit souvent que j'avais compris, parce qu'il a une habitude, c'est qu'il répète plusieurs fois les mêmes choses (Rires) (Applaudissements). En fait, peut-être qu'il avait l'habitude de rencontrer d'autres Premiers ministres ou d'autres ministres avant, qui ne comprenaient pas tout de suite (Rires) (Applaudissements).
Et je me suis engagé avec lui et avec les vice-présidents qui ont été en dialogue aussi à trouver des solutions et un chemin partagé entre nos contraintes d'équilibre national et vos exigences et vos attentes légitimes. Alors, je vais être maintenant un peu plus spécifique. Il y a d'abord — mais je sais qu'elles sont relatives et que ce n'est pas tout — quelques mesures très concrètes qui ont été intégrées dans le texte budgétaire et qui doivent contribuer à soulager les finances des départements.
1) Les mesures de lutte contre l'absentéisme dans la fonction publique, qui ont été annoncées le 27 octobre, et qui auront un effet pour les finances des départements avec un allègement de leur charge de 50 millions d'euros.
2) À l'occasion d'expérimentations visant à simplifier le financement des EHPAD et des unités de soins de longue durée, l'État reprendra à son compte, 200 millions d'euros de charges nettes des départements.
3) En lien avec la loi Bien vieillir, le 8 avril 2024, une nouvelle aide de 100 millions sera déployée pour permettre aux départements de soutenir la mobilité et le travail partenarial des aides à domicile sur les territoires. Je sais que ce n'est pas suffisant. Ce sont 3 premiers points utiles.
Mais je vais proposer, aujourd'hui et dans les jours qui viennent, une série de décisions supplémentaires qui devraient permettre de réduire significativement votre effort. Et je vais le faire sur 5 points en accord avec les membres du Gouvernement et, naturellement, le ministre des Comptes publics.
1) Nous proposons de réduire le taux de prélèvement prévu au titre du fonds de réserve dans l'article 64 du projet de loi de finances. Pour tenir compte du fait qu'une part importante de vos dépenses n'est pas pilotable. Ça, j'ai entendu. Je pense évidemment aux allocations individuelles de solidarité, aux dépenses sociales de manière générale. Dans ce cadre, il me semble légitime d'envisager une réduction très significative de votre contribution au fonds de réserve, car je sais combien ces dépenses représentent une charge très lourde dans vos budgets. Nous travaillons en ce moment avec le Sénat et son président, Gérard LARCHER, et le rapporteur, Monsieur HUSSON, pour définir les modalités de cette réduction. Donc, je ne vais pas vous dire des chiffres. Je vais être sérieux. Ça sera une réduction très significative. Je sais que vous souhaitez la suppression totale, mais je ne vais pas m'engager à ce stade, sauf que je suis prêt à accepter et à approuver une réduction très significative. C'est un point sur lequel la discussion avec le Sénat, et vous y avez beaucoup d'amis au Sénat, moi aussi d'ailleurs. Je veillerai à ce qu'il soit tenu compte de vos attentes qui sont justes sur cette question cruciale. Et je veux que cet effort soit reconnu et significatif pour chacune et chacun d'entre vous.
2) Nous proposerons de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux que vous percevez. Nous le ferons sur une période de 3 ans à hauteur de 0,5 %. Et nous ferons le bilan à l'issue. Ce relèvement sera volontaire, il dépendra évidemment, comme vous l'avez rappelé, Monsieur président tout à l’heure de votre décision. Il représente une ressource potentielle d’un milliard d'euros. Mais nous devons rester... Si les chiffres de Bercy sont justes. (Rires) Nous devons rester vigilants pour préserver, je le dis en présence de la ministre du Logement, Valérie LÉTARD, sur les conditions de la reprise immobilière, puisque ce secteur qui est majeur, pour nous, est à l'arrêt. J'ai annoncé avec Valérie LÉTARD, en certain nombre de mesures, sur le prêt à taux zéro accessible dans tout le territoire pour les primo-accédants et d'autres mesures pour faire redémarrer ce secteur. Il ne faut pas faire quelque chose qui viendrait contrarier cette relance. Mais je pense que l'effort que je viens d'indiquer est acceptable de ce point de vue-là.
3) Je sais qu'il y a une question sur la baisse du taux du fonds de compensation pour la taxe à la valeur ajoutée, qui vous inquiète. Cela m'a été dit, de même que ça inquiète les maires des départements. Nous travaillerons là aussi avec le Sénat pour répondre à cette inquiétude en renonçant au moins au caractère rétroactif de cette mesure qui ne serait pas juste. Je dis bien au moins.
4) En 2025 comme en 2024, nous proposerons de rehausser les concours qui vous sont versés par la CNSA à une hauteur de 200 millions d'euros. Ce qui serait la première étape d'un travail important sur les niveaux de compensation pour les deux prochaines années de ces prestations. Je dis ça parce que j'ai été sensible à ce que les uns et les autres vous avez dit de la vision dont vous avez besoin, de la prédictabilité, de la prévisibilité pour vos budgets. Je pense que deux ou trois ans c’est une… Enfin, en tout cas, c'est mon temps théorique. Je pense que c'est un temps au moins nécessaire pour chacun d'entre vous. Au passage, j'indique que pour 2024, le paiement de ce qui a été payé, le geste de 2024 en soi, vous sera effectivement versé la semaine prochaine. C'est juste et c'est normal et c’est attendu.
5) dans le cadre de l'examen de ce projet de loi de finances, de la Sécurité sociale, puisqu'il y a deux projets de loi, nous proposerons d'étaler sur 4 ans au lieu de 3 la hausse des cotisations des employeurs territoriaux à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Cet étalement représente un effort important pour les comptes sociaux puisqu'il va retarder, je sais que vous m'en demandiez plus, mais 4 ans, il va retarder le rétablissement d'équilibre de ce régime de retraite. Là aussi, je pense que c'est nécessaire. On ne peut pas seulement augmenter les cotisations, il faut aussi travailler sur des mesures plus structurelles comme celles qui permettraient de ramener les contractuels dans le giron de la CNRACL. Nous ouvrirons donc un chantier complet sur la base des propositions qui y seront faites dans ce sens. Mesdames et messieurs les présidents, au-delà de ces questions budgétaires, je vous ai dit l'état de ma réflexion et celle du Gouvernement au moment où je vous parle, au moment où va débuter le débat au Sénat et les choses sont encore amendables, améliorables dans le contexte où les purs que j'ai indiqués, je suis ouvert, je resterai ouvert.
L’une de ces questions qui ont été bien identifiées et notamment dans vos discours, je vais proposer un plan à 3 ans à l'ensemble du pays pour faire ce que j'ai dit tout à l'heure, relever la ligne d'horizon. C'est extrêmement frustrant, mesdames et messieurs, de devoir être le dos au mur dans l'urgence ou l'extrême-urgence à prendre des décisions négatives, toutes négatives, de réduction, de freinage. C'est extrêmement frustrant, mais j'assume. À la condition, étant sorti, j'espère, dans quelques semaines, à la fin de l'année, du débat budgétaire, compliqué avec ces deux chambres, de pouvoir présenter au pays, avec le Gouvernement tout entier, un plan, une vision à 5 ans - je sais que je passe par-dessus ma condition - mais 5 ans, c'est la fin de la législature théorique qui vient de débuter à l'Assemblée nationale, et 5 ans, c'est la fin... du programme que j'ai dû présenter et dialoguer avec la Commission européenne sur l'exercice budgétaire, puisque c'est en 2029 qu'on devrait atteindre 3 %. Donc, ça fait 5 ans. 5 ans de vision, mais 3 ans d'action. Ça, je peux.
Nous allons donc présenter aux Français, dans le cas de ce plan de réforme et de progrès pour la France, une cinquantaine de propositions, et chaque ministre portera une ou deux ou trois propositions, et on sera responsable, qui seront datées 2025, 2026, 2027, et qui concerneront tous les secteurs de la vie des Français. Il y aura, par exemple, j'y reviendrai, l'allocation sociale unique, dans ce plan. Il y aura un livret d'épargne industrielle. Je veux qu'on mobilise davantage l'épargne très abondante des Français pour sauvegarder et relancer l'industrialisation de notre pays.
Il y aura des mesures, naturellement, pour le secteur agricole qui en a besoin, vous le verrez dans les jours qui viennent. L'autre jour, j'étais à Poitiers sur le dossier, Madame la présidente, de la santé mentale, qui est un sujet dont je veux faire une cause nationale pour 2025, mais pour après aussi. Une cause nationale, ce n'est pas une campagne de pub sur une année, surtout sur ce sujet qui concerne une famille sur 5. Pour tout vous dire, je l'ai d'ailleurs dit publiquement, parmi les choses que je n'oublie pas, je n'oublie pas que dans ma propre famille, on a été touché par ces sujets, ce drame, et que ma mère, j'espère qu'elle m'écoute là où elle est, a consacré 35 ans de sa vie à présider en Savoie l'Union Nationale des Amis et Familles de malades mentaux, pour cette raison-là. Donc, je lui dois cet engagement.
Il est tellement important, y compris d'ailleurs la santé mentale des élus. Non, non, non, je ne dis pas ça en souriant. Je ne dis pas ça en souriant, je dis ça parce que je le sais. Et des fonctionnaires. Donc, nous allons travailler sur tous ces sujets, mais il faudra bien plus qu'une année de cause nationale. Voilà. Donc, il y aura dans ce plan national de réforme, de progrès pour la France, une cinquantaine de projets concrets sur lesquels nous allons nous engager en les datant et nous rendrons compte, ce qui est une de mes habitudes là où je me trouve, de l'évolution.
Nous ferons l'évaluation publique, transparente des projets qui ont été mis en œuvre. Ce ne sont pas toujours des projets de loi, pour la sécurité, pour le dialogue social, pour le progrès. Nous rendrons compte régulièrement et publiquement de l'état d'avancement avec le Gouvernement de l'ensemble de ce plan. Et ce plan comprendra des initiatives pour les départements pour tenir compte de leurs spécificités et pour modifier un système qui, tel qu'il est aujourd'hui, ne fonctionne plus bien et qu'il est temps de renouveler. Je pense, je l'ai dit, à l'importance, en termes de cohésion et de solidarité humaine, territoriale, sociale, de votre action. Je pense que nous devons revoir les modalités d'exercice de ces compétences très spécifiques et construire un contrat équilibré entre nous, dans la durée, et ça ira au-delà de 3 ans. Parce que j'espère faire des choses, mesdames et messieurs, c'est aussi mon trait de caractère, qui dureront au-delà de mon mandat. Je suis très fier aujourd'hui de... Enfin, très fier. Je regarde beaucoup de choses que j'ai faites quand j'étais en Savoie, en me disant : est-ce que c'est utile ou pas. Le fonds Barnier dont on parle beaucoup, je l'ai créé il y a 30 ans. Je suis très content qu'on en parle autant. J'ai d'ailleurs décidé de l'augmenter de 75 millions l'année prochaine. Je suis très soucieux du suivi. Donc, j'espère que dans ce plan, on va lancer une cinquantaine de projets et une habitude qui dureront au-delà de 2027 ou de 2029. Voilà.
Je pense que vous devez, en parlant de ces compétences, pouvoir les exercer avec une capacité accrue de liberté, de décision, de choix. Nous devons aussi, collectivement, nous assurer qu’on atteindra plus rapidement des résultats. Et ce sont les Français qui financent ces politiques, qui ont le droit d'attendre des résultats. Je le dis en présence du ministre des Solidarités, Paul CHRISTOPHE, les politiques sociales doivent désormais être conçues et seront conçues en commun par l'État et les départements. [Applaudissements] Je veux que, dans cet esprit et pour cet objectif, nous installions au début de l'année 2025 une instance de pilotage, au-delà des questions sociales, partagée entre l'État et les départements, qui actera les grandes décisions.
Avec Catherine VAUTRIN, avec Paul CHISTOPHE et tous les ministres directement concernés dans ces secteurs, cette instance ne sera pas seulement informée, mesdames et messieurs les présidents, ou consultée pour la forme. Je veux qu'elle soit obligatoirement consultée avant toute décision de l'État qui affecte les finances départementales. [Applaudissements] Cette saisine ne pourra pas se faire sur la base d'un texte ou d'une décision déjà prête, mais devra se faire au stade de la conception et du projet pour garantir au département une capacité réelle à modifier le sens ou le contenu de la décision telle que l'État l'aura préparée. Nous n’aurons pas, nous n'avons pas la science infuse et nous avons besoin de travailler ensemble. C'est bien cette instance qui, par exemple, devra travailler en amont sur les évolutions que nous envisageons et que je crois souhaitables pour créer une allocation sociale unique qui sera un vecteur important de modernisation et de renouvellement de l'exercice de vos compétences sociales et qui fera partie de ce plan de 3 ans. En partant de ce constat, la méthode que nous suivrons dans le cadre de la nouvelle instance de pilotage est simple, elle sera fondée, simplement, et ce n'est pas la première fois que je prononce ces mots, sur le contrat plutôt que sur la contrainte ; sur la main tendue, avez-vous dit tout à l'heure, Florence. Nous allons nous engager dans une contractualisation pluriannuelle qui anticipera et limitera l'évolution de ces dépenses. Je ne crois pas qu'on puisse continuer à admettre que la pente des dépenses sociales reste celle que nous avons aujourd'hui. Ce n'est pas soutenable pour les départements. Ce n'est pas non plus soutenable pour les comptes de la nation.
Je veux donc que nous puissions convenir d'un pourcentage d'augmentation des dépenses d'une année sur l'autre pour nous permettre collectivement d'en assurer la maîtrise dans le temps. Cela va obliger l'État à mieux mesurer l'impact financier de ses décisions, ce qu'il n'a pas toujours fait, et cela renforcera aussi la capacité de vos départements de piloter ces dépenses. À ce titre, je souhaite vous donner des marges de manœuvre accrues pour décider de ce que vous financez localement. Vous devez pouvoir décider ce que vous financez, le niveau des prestations, les conditions pour bénéficier de la PCH ou du RSA, les modalités d'accompagnement des bénéficiaires. Tout cela doit être discuté avec vous et pas imposé d'en haut. Et cela fait partie aussi de ce grand chantier que je vais ouvrir avec beaucoup de force, notamment en soutenant les préfets de département, en les responsabilisant, [Applaudissements] dans tout ce qui touche à l'expérimentation, à la territorialisation, à la différenciation, à condition de trouver certains des points dont nous parlons avec Michel tous les jours, le moyen de les couvrir juridiquement, y compris pénalement.
Nous allons travailler sur ce chantier et vous serez surpris, Mesdames et Messieurs, du point où nous souhaitons aller en matière de déconcentration et d'expérimentation et de décentralisation, voilà. Je voulais vous confirmer ce souci de partenariat. Et ce ne sont pas des mots que je prononce selon le besoin de ce discours. Il y a derrière ces mots un suivi qui sera assuré précisément, je peux vous en assurer. Cette contractualisation portera aussi une manière pluriannuelle sur vos ressources et sur le financement de vos compétences. Mesdames et Messieurs les présidents, nous aurons l'occasion d'appliquer cette nouvelle méthode sans attendre dans le cadre de 3 chantiers structurants que nous allons engager très rapidement pour disposer de conclusions à la fin du premier trimestre 2025.
D'abord, nous voulons actualiser l'ensemble, et avec vous, l'évaluation des besoins de financement de l'autonomie à l'horizon 2030. Ce travail doit commencer maintenant, si nous souhaitons le faire aboutir, dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale 2026. Je dis au président Jean-Luc GLEYZE que j'ai bien entendu votre disponibilité, c’est important pour moi, à travailler sur de nouvelles idées fiscales d'assurance. Mais nous avons besoin de trouver des financements pour la dépendance compte tenu du défi démographique qui est devant nous.
Ensuite, nous allons accélérer le travail de simplification des concours dès 2025. Ce sera une étape avant d'aller vers leur fusion.
Enfin, nous sommes convenus, avec les ministres compétents, de lancer sans attendre un travail visant à refonder la politique de l'enfance. Et j'ai été très touché, je l’ai dit à Florence, par la passion et l'humanité qu'elle a mise.
Je n'oublie pas le lien qui existe aussi avec le grand chantier de santé mentale qui est évoqué. Tout à l’heure, je crois que c'est le président SAUVADET qui disait : 30 % des départements, j'ai noté, n'ont pas de pédopsychiatres. Je suis là depuis deux mois, je le répète une quatrième fois. Mais ce n'est pas une situation nouvelle et on ne va pas la changer comme ça par un coup de baguette magique. Mais sur ce sujet-là, de la pédopsychiatrie, comme de l'accès aux soins, comme de la lutte contre les déserts médicaux, nous allons essayer d'obtenir des résultats rapides dans les mois qui viennent, voilà.
Ces 3 chantiers obéissent à la même logique. D'un côté, l'État devrait accepter de concevoir davantage ses politiques avec les départements et pas sans eux, de l'autre, les départements pourront s'associer à une gestion partenariale de ces politiques qui sont au cœur des débats et des attentes de nos concitoyens. Et si je vous dis ça aujourd'hui, à Angers, si je suis toujours là, je suis prêt à revenir l'année prochaine, si vous m'invitez, pour qu'on fasse le bilan, le point de ces progrès et de ces avancées, l'évaluation. Voilà. En présentant... (Applaudissements) Et j’espère simplement que vous aurez des raisons de moins m'engueuler. Voilà. (Rires) En présentant le projet de loi relatif aux droits et libertés des communes, des départements et des régions devant l'Assemblée nationale, j'ai retrouvé cette phrase que Gaston DEFFERRE avait prononcée. Vous voyez, j'ai plein de références. (Rires) J'en ai d'autres ailleurs aussi. Le 21 juillet 81, et moi, j'étais dans l'Hémicycle, tout jeune député à cette époque. J'étais bien content d'avoir été réélu, d'ailleurs, après l'élection de François MITTERRAND. Ce n'était pas forcément évident. Voilà. (Rires) Et donc, j'ai écouté Gaston DEFFERRE, qui disait : « Il faut que les décisions soient prises là où elles devront s'appliquer sur le terrain par des hommes, j'ajouterais d'ailleurs des femmes, en contact direct avec les problèmes ». Voilà. Et je n'ai pas oublié cette phrase ou cette promesse qui n'a été que partiellement tenue par tous les gouvernements de droite, de gauche ou du centre depuis. 40 ans plus tard, je pense que l'exigence de proximité est encore plus là qu'avant. On voit bien le besoin de garder ses racines, de les retrouver, son identité, ses traditions, sa culture, son patrimoine — je suis très attaché au patrimoine — dans un monde où les réseaux sociaux, la télévision, font que l'inquiétude est importée dans chaque maison, dans chaque iPhone, dans chaque téléphone. L'inquiétude, l'angoisse, qui sont parfois justifiées par ce qui passe en Ukraine, à côté de nous, au Proche-Orient, aux États-Unis. Donc, je pense que c'est aussi pour cette raison politique et démocratique fondamentale que je partage votre discours sur l'exigence que portent les départements et les communes de cette cohésion, de cette unité sociale. Je n'ai pas besoin d'être convaincu davantage de ça.
Pour moi, le département, c'est l'échelle du concret, c'est l'échelle où se prennent les décisions qui comptent pour les gens, les services publics, l'aménagement du territoire pour l'aide sociale, le sport, la culture, la transition écologique, la prévention des risques. La prévention des risques. Nous allons d'ailleurs, je le dis en passant, travailler sans doute avec vous et les régions à des formules un peu innovantes pour trouver une solution à la question de l'assurance ou de la réassurance des biens qui ne sont pas assurables aujourd'hui, qui ne le sont plus et qui sont détruits. Et nous allons y travailler. C'est un sujet évoqué par Nicolas LACROIX tout à l'heure. Tout cela nous paraît naturel dans cette enceinte, mesdames et messieurs à Angers, et pourtant, je dois vous dire, chaque jour, depuis que je suis Premier ministre, combien ce n'est pas évident pour tout le monde, ce que je viens de vous dire. Parfois même dans nos administrations et nos agences.
Je dirais qu'après tant d'efforts menés pour la décentralisation et pour la déconcentration, sans toujours préserver ou trouver une vision d'ensemble, parce qu'il y a eu des additions de textes un peu dans tous les sens, je pense que ce combat-là de la proximité et de l'efficacité de l'argent public est en grande partie devant nous. C'est ce chantier-là que j'ai demandé à Catherine VAUTRIN de mener au titre de partenariat avec les territoires. Les mots sont importants, y compris dans le titre que portent les ministres. Ce n'est pas le ministre de la décentralisation, ce n'est pas le ministre des Territoires. Les territoires, c'est vous. Ce n'est pas le Gouvernement. Et nous sommes en charge du partenariat avec les territoires. Voilà. Au-delà de ce constat et des mots, en quoi consisterait cette transformation ? Trois chantiers de transformation pour les trois ans qui viennent. Nous avons besoin d'un État qui se concentre sur l'essentiel, qui joue son rôle, mieux son rôle, en orientant, en arbitrant quand c'est nécessaire, mais qui réglemente moins le détail des choses. Un État qui fixe des objectifs à charge pour les acteurs territoriaux, élus et préfets ensemble, d'ailleurs, dans beaucoup de situations, de se mettre d'accord pour les moyens pour atteindre ces objectifs. Un État qui permet, voire qui encourage à adapter les règles, je le redis une deuxième fois, à expérimenter, à territorialiser, à déroger. Et donc, voilà l'esprit de ce dispositif simplification que nous avons lancé que j'ai lancé d'ailleurs quelques jours après être arrivé à Matignon en demandant au préfet de faire remonter tous les projets locaux, c'est encore en haut qu'il faut traiter ces questions pour l'instant qui sont bloqués pour différentes raisons. Vous les avez tous dans vos départements. J'ai fait remonter par les préfets des dizaines de projets qui sont bloqués et nous regardons avec chacun des ministères où et comment débloquer ces projets, y compris par des dérogations. Vous n'imaginez pas le nombre de choses qui remontent à Matignon et qu'on doit trancher ou qu'on peut trancher. C'est aussi ça, le pouvoir d'un Premier ministre, mais l'autre jour, j'ai tranché en rencontrant les agriculteurs à Clermont-Ferrand sur la question des épandages, par exemple. C'est une question qui paraît peut-être petite ou lointaine. Elle n'est pas petite. La date limite réglementaire appliquée parfois avec beaucoup de brutalité pour pouvoir étendre son lisier ou son fumier a été fixée au 1ᵉʳ octobre, alors que tous les champs sont gorgés d'eau. Pas possible. Donc, on a donné du temps supplémentaire. Il faut que le Premier ministre signe un texte de loi. [Applaudissements] Voilà. Un État, mesdames et messieurs les présidents, qui fait confiance aux partenaires que vous êtes et aux acteurs professionnels aussi, aux acteurs sociaux. Si vous voulez...
Si je suis trop long, vous me le dites. C'est important que je vous dise ce que je pense et ce qu’on va faire. Si vous voulez une preuve de cette méthode dite BARNIER, enfin du Premier ministre ou du Gouvernement, vous en avez eu une, ce matin encore sur deux sujets importants, que sont l'assurance chômage, et l'emploi des seniors, où j'ai décidé qu'on ferait confiance aux syndicats et au patronat, plutôt que d'imposer par la loi, même si la loi avait été votée pour l'assurance-chômage. J'ai décidé de remettre ce chantier sur la table des syndicats et du patronat. Et cette nuit, ils ont abouti, en deux mois, à un accord, par le dialogue social. [Applaudissements] Je crois aussi que la cohésion sociale, c'est une des conditions de la compétitivité des entreprises et donc nous allons amplifier ce dialogue. Le projet de simplification va venir en 2025, et c'est le ministre en charge spécifiquement de ce sujet et de la fonction publique qui va le porter, qui traduira ses engagements. Et je vous invite, au-delà de ce qu’a dit déjà votre président et vos vice-présidents, et beaucoup d'entre vous, à me faire remonter des idées ou des propositions de simplification qui vous paraissent, mais on les a quand même bien identifiées maintenant. Ça sera un projet assez ambitieux sous réserve des vérifications juridiques que nous devons faire, de décentralisation, de simplification et de déconcentration. Donc, on va travailler dans cet esprit, y compris sur d'autres sujets qui vous concernent directement, comme la proposition de loi sénatoriale sur l'eau et l'assainissement, ou encore la proposition de loi qui va venir début 2025 sur le statut de l'élu local. Et chaque fois que je le pourrai, j'utiliserai, nous utiliserons des propositions de loi, le travail des députés et des sénateurs pour gagner du temps. Ça, c'est le premier chantier.
Le deuxième chantier, c'est de mieux définir les rôles de chacun. Il y a l'échelon régional, qui est-ce qu'il est, avec la planification de grands défis écologiques ou industriels, la mobilité, la sécurité, quelquefois. Réfléchir ensemble à ce qu'on peut faire à l'échelle de ces régions. Grandes régions. Très grandes régions. [Applaudissements] Vous voyez bien ce que je veux dire. C'est aussi pourquoi, dans cette très grande région, les départements, de mon point de vue, sont de plus en plus importants. [Applaudissements]. Et je pense qu'il faut revenir à une orientation plus lisible et plus claire autour du département, qui est au fond assez simple et qui devrait rappeler à certains d'entre vous ce que nous avons connu dans le passé. L'État et le département doivent partager une analyse des enjeux du territoire, une vision de son avenir, il faut qu'on soit au diapason.
Cette vision pourra prendre la forme d'une feuille de route commune, élaborée ensemble, pas nécessairement très formelle. Je vais noter ce qui a été dit par plusieurs d'entre nous sur les plans village d'avenir, de demain ou d'après-demain. Mais je pense que ça sera aussi une feuille de route sur laquelle le préfet du département, avec les nouveaux pouvoirs qu'il aura, pourra se baser pour organiser le travail de ses services, pour les mobiliser sur des sujets qui comptent pour les élus du département, pour mieux flécher les financements de l'État. Cette feuille de route pourra ensuite être déclinée dans des contrats locaux, et on ne va pas en créer de nouveaux, on va utiliser ceux qui y sont. Actuellement, peut-être, on changera certains noms. C'est une des propositions, une des remarques de Nicolas LACROIX tout à l'heure que j'ai bien entendue. Ces contrats devront intégrer les projets qui seront remontés vers le Gouvernement dans le cadre de l'initiative de simplification qui a été lancée. Il faut aussi mieux articuler ces différents niveaux. C'est essentiel pour être plus économe et plus efficace. Voilà pourquoi je rapprochais les citoyens des élus ou les élus des citoyens.
Je serais intéressé, monsieur le Président, mesdames et messieurs les présidents, de vos réflexions, de vos idées sur deux sujets qui ont une dimension politique et sur lesquels nous sommes prêts à ouvrir la discussion. Je n'engage pas à ce stade. Le premier est celui d'une idée qui a été contestée par beaucoup de départements, qui est celle du conseiller territorial. Dites-moi votre sentiment actualisé sur cette question. Voilà. Non, mais juste, je vous écoute, et puis après... Je suis aussi intéressé, mesdames et messieurs les présidents, mesdames et messieurs les élus, sur votre avis concernant le cumul des mandats. [Applaudissements] Et je suis ouvert à une réflexion pluraliste pour évaluer et remettre à plat le cas échant l'interdiction actuelle du cumul des mandats avec l'objectif de rapprocher les élus nationaux, aussi les élus européens, des citoyens. [Applaudissements] Troisième et dernier élément de transformation pour les 2 ou 3 ans qui viennent, nous allons engager une nouvelle étape de déconcentration. Je l'ai déjà dit, je le répète, pour faire participer l'État à cette révolution de la proximité, et donc, en redonnant aux préfets de département la plénitude de leur rôle et la responsabilité cohérente de la conduite de l'action publique de l'État sur le département à vos côtés. Nous allons ramener les opérateurs dans le giron de l'État et les mettre au service des besoins des projets des territoires.
Nous allons déconcentrer au niveau des départements, le plus possible, les moyens d'intervention et nos crédits. Et nous allons remettre des ressources dans les services déconcentrés, les préfectures et les sous-préfectures. Et pour ces dernières, réaffirmer leur rôle d'accompagnement des élus. Voilà comment nous allons travailler ensemble pour, sans faire de miracle, et je n'en promettrais pas, créer des progrès, et des raisons pour vous de ne plus être amères, en colère, crier, de vous dire que vous avez bien un rôle utile et nécessaire pour cette cohésion humaine, sociale et territoriale. Voilà l'ambition que nous devons atteindre ensemble.
Aujourd'hui, les départements exercent des compétences dans des conditions qui sont trop largement déterminées par l'État, et je pense que ce modèle a vécu. Nous voulons, avec vous, commencer à inventer un nouveau modèle pour que les départements puissent mener leurs projets librement en matière d'éducation, de sécurité et d'agriculture et, dans bien d'autres domaines, évidemment, les politiques sociales. C'est ainsi que nous pourrons retrouver l'équilibre qui a été voulu par les grandes lois de décentralisation entre liberté et responsabilité. C'est aussi comme ça, en travaillant ensemble, que nous atteindrons l'objectif que notre pays dispose en patois savoyard, on dirait en bottom-up, en partant du terrain et en remontant, on dispose d'un projet national puissant et de liberté locale appuyée sur les territoires, voilà. Jamais contre les collectivités locales, jamais sans elles, mais avec elles, dans l'attachement à la liberté, qui fait le sens de votre mandat, et dans la confiance. Monsieur le président, vous avez utilisé ce mot. À titre personnel, j'ai été très sensible et je vous en remercie, mais il y a aussi la confiance politique, et cette confiance, elle ne se décrète pas, elle ne tombe pas du ciel, elle n'est pas pour moi, Premier ministre, obligatoire. Je sais qu'il faut la mériter et être jugé sur ses actes. Vous avez besoin d'un partenariat, je reprends vos mots de conclusion, Madame la Présidente, d'un partenariat avec le Gouvernement, quel que soit le Premier ministre, d'ailleurs, dans la durée. Le Gouvernement, il n'a pas toujours raison. Il n'a pas non plus toujours tort. Mais ce que je veux vous dire, c'est que, sans doute, vous avez besoin, mais que le Premier ministre, lui, a besoin de vous. Et c'est ce que je suis venu vous dire aujourd'hui, la confiance personnelle qui a été exprimée, je vais simplement m'attacher en gardant le dialogue avec vous, en étant très attentif aux progrès qu'on peut faire maintenant à partir de ce que je vous ai dit au Sénat, il y aura des progrès. Je vais m'attacher… en revenant vous voir l'année prochaine, je vais m'attacher simplement à mériter cette confiance.
Merci de votre attention. [Applaudissements]