Faire rimer croissance, réindustrialisation et décarbonation

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié le 29/08/2023|Modifié le 28/08/2023

La Première ministre a participé ce 28 août à la Rencontre des entrepreneurs de France organisée par le Medef.

La Première ministère à la Rencontre des entrepreneurs.
La Première ministère à la Rencontre des entrepreneurs. - Source : Service photographique de Matignon

Nous savons que les grandes heures de la France sont devant nous et que nous avons toutes les volontés et tous les talents pour réussir.

Élisabeth Borne

  • 28 août 2023
Élisabeth Borne
La rencontre d'Élisabeth Borne, ce 28 août 2023, avec les entrepreneurs de France lui a permis d'évoquer plusieurs points sur le développement des entreprises. Ce qu'il faut retenir :
Un optimisme et une confiance en l'économie française

  • Une croissance à 1% en 2023
  • Une inflation mieux contenue
  • Une réindustrialisation à l’œuvre : plus de 300 réouvertures d'usines depuis 2017
  • Un taux de chômage au plus bas depuis 40 ans
Un accompagnement des entreprises

  • Poursuivre les baisses d'impôts engagées (30 milliards d'euros depuis 2017)
  • Supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)d'ici fin 2027
  • Simplifier les normes
  • Alléger la charge administrative
Un nouveau modèle de croissance

  • Poursuivre la planification écologique en axant sur la décarbonation et la sobriété
  • Accompagner l'innovation (France 2030)
  • Créer une Commission d'experts sur l'Intelligence Artificielle
Une maîtrise des finances publiques

  • Limiter le déficit et passer sous la barre des 3% en 2027
  • Baisser les dépenses de l’État dès 2024, sans austérité
  • Poursuivre les réformes pour atteindre le plein-emploi
L'engagement et la responsabilité des entreprises

  • Favoriser le dialogue social et la participation des salariés à la vie de l'entreprise
  • Améliorer les rémunérations et les conditions de travail
  • Lutter contre les discriminations
  • Favoriser l'emploi des séniors

Le discours d'Élisabeth Borne en vidéo

Source : Discours d'Élisabeth Borne à la Rencontre des entrepreneurs de France

Christophe JAKUBYSZYN

Bonjour Madame la Ministre.

 

Élisabeth BORNE

Bonjour !

 

Christophe JAKUBYSZYN

Tout à l'heure comme musique d'accueil, Patrick MARTIN avait choisi Don't Stop Me Now. Ça pourrait être votre hymne aussi, non ?

 

Élisabeth BORNE

On va peut-être passer à la suite.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Vous l'avez entendu, Patrick MARTIN, c'est comme le poète Pierre REVERDY qui disait qu'il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. Il veut donc des preuves d'amour de votre part, des preuves d'amour pour les entreprises. On va passer en revue les différentes revendications du MEDEF. Est-ce que vous êtes un Gouvernement pro-business ?

 

Élisabeth BORNE

Je vous confirme que depuis 2017, sous l'autorité du président de la République, les différents Gouvernements ont été pro-business. Et vous l'avez dit, monsieur le Président, cher Patrick MARTIN, et j'en profite pour vous féliciter publiquement pour votre élection à la présidence du MEDEF pour saluer votre prédécesseur avec qui on a eu de nombreux échanges. Depuis 2017, je pense que c'est nouveau, nous menons une politique pro-business, parce que nous sommes convaincus que c'est bon pour notre pays et bon pour ses salariés. C'est comme ça qu'on crée des emplois. C'est comme ça que notre pays peut enfin sortir du chômage de masse, que le chômage est au plus bas depuis 40 ans, et je vous confirme que nous allons continuer.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Alors, ça, c'est la déclaration d'amour. On vit en preuve d'amour, maintenant. La CVAE, la promesse était qu'elle soit supprimée, 8 milliards d'euros d'impôts de production qui pèsent sur les entreprises. L'an dernier, il y a eu un petit décalage. Finalement, vous aviez décidé de le faire en 2 ans, 4 et 4. Et là, on nous dit que ce ne serait plus 4 et 4, mais 4 plus 1, plus 1, plus 1, plus 1. C'est-à-dire que la suppression de la CVAE, ça serait pour 2027, la suppression définitive. Est-ce que vous confirmez et est-ce que ce n'est pas un reniement de vos engagements ?

 

Élisabeth BORNE

Ce que je vous confirme, c'est que la totalité de la CVAE sera supprimée avant la fin du quinquennat et qu'on le fera au rythme le plus rapide possible en tenant compte d'un autre objectif, je pense, que l'on partage, qui est la nécessité de tenir notre trajectoire de maîtrise de nos finances publiques. Et si on ne le faisait pas, si on ne respecte pas nos objectifs de maîtrise de la dette, de baisse de la dette, de réduction des déficits, je pense que tous les chefs d'entreprises qui sont ici le savent, ça aurait un impact immédiat sur les taux d'intérêt et ainsi sur notre activité économique. Donc, la CVAE sera supprimée en totalité d'ici la fin du quinquennat, au rythme le plus rapide, compatible avec notre trajectoire de finances publiques. Et si je dis ça, je pense que là aussi, tous les chefs d'entreprises qui sont présents le savent, on a aujourd'hui un contexte macroéconomique qui est plus incertain que ce qu'on pouvait attendre, dans lequel notre pays résiste bien, on pourra y revenir. On doit tenir compte de ce contexte macroéconomique. Chacun doit prendre sa part, l'État prend la sienne, notamment avec une baisse de 3 % des dépenses en volume l'an prochain. Ça n'est pas habituel, une baisse de 3 % des dépenses de l'État en volume, donc l'État prend sa part pour tenir notre trajectoire de finances publiques malgré un environnement macroéconomique qui est plus incertain et on demande en effet à chacun d'entendre la nécessité de participer à cet effort, si je peux dire. Et en effet, l'engagement n'est pas de tout faire en 2024, mais d'avoir tout fait en 2027.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Autre sujet d'inquiétude dans la préparation du budget et du PLFSS, les indemnités journalières, les arrêts maladies, il était à un moment donné envisagé au début de l'été peut-être d'augmenter le jour de carence et donc de faire porter davantage aux entreprises et aux mutuelles le paiement de ces jours d'arrêt maladie. Est-ce que c'est une piste qui est abandonnée comme le semble indiquer votre ministre de la Santé ?

 

Élisabeth BORNE

Je pense que là aussi, c'est un constat qu'on peut tous faire. Le nombre et le coût des arrêts maladies augmentent. C'est évidemment autant d'argent qui ne peut pas aller au financement de notre hôpital, au financement de notre politique du médicament. Je pense que tout le monde a intérêt à ce qu'on puisse contenir les dépenses liées à ces arrêts maladie. Une partie de la hausse, il faut le dire aussi, est liée à l'augmentation du nombre de salariés. C'est le revers, on va dire, de la bonne nouvelle d'un taux d'activité qui est plus élevé qu'il n'a jamais été. Mais je pense qu'on doit travailler ensemble et il n'y aura pas une décision descendante venant du Gouvernement sur la bonne méthode pour y parvenir. Mais nous devons ensemble, médecins, assurance maladie, Gouvernement, employeurs, salariés, trouver la façon de contenir ces dépenses. Mais en tout cas, il n'y aura pas une décision unilatérale qui tomberait sur les entreprises.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Le troisième sujet, l'UNEDIC qui fait des excédents en mieux. C'est-à-dire que 1, c'est bien géré, tant mieux. Deux, c’est-à-dire que la question de l’emploi est bonne. Patrick MARTIN faisait part de ses craintes que l’État ne ponctionne 11 à 12 milliards d’euros sur les futurs excédents de l’Unédic. Est-ce que c’est votre volonté ?

 

Élisabeth BORNE

Alors, peut-être dire que si l’Unédic fait des excédents, on peut aussi se dire que c’est grâce à une réforme de l’Assurance chômage qui était portée dans le précédent quinquennat notamment par une ministre du Travail que je connais bien, ma prédécesseur puis moi-même, et que nous avons poursuivi dans ce quinquennat. Et on dit souvent qu’on doit faire attention à réduire nos dépenses courantes. Mais typiquement, je pense qu’on peut se réjouir que les dépenses d’Assurance chômage baissent de 15 milliards d’euros à horizon 2027. 15 milliards d’euros de moins par an notamment grâce à ces réformes. Alors, ces excédents, en effet, au moment où nous sommes, où ceux qui n’ont pas un emploi aujourd’hui, ceux qui sont demandeurs d’emploi, qui sont éloignés de l’emploi, en sont sans doute plus éloignés qu’ils ne l’étaient jusqu’à présent. Mais je pense que c’est un bon investissement pour l’Unédic de contribuer à l’effort de la Nation pour la formation des demandeurs d’emploi et pour le meilleur accompagnement de ceux qui sont plus éloignés de l’emploi. C’est le sens du document de cadrage que j’ai adressé aux partenaires sociaux. Et je pense que de faire, vous voyez, du préventif, d’accompagner davantage des demandeurs d’emploi dans l’emploi, de mieux les former, c’est autant de dépense d’Assurance chômage de moins demain. Et c’est aussi permettre de répondre à la difficulté de recrutement - je pense que beaucoup parmi vous la rencontrent. Si on veut répondre aux demandes de recrutement, aux besoins de recrutement des entreprises, bien sûr, de notre côté, cela veut dire adapter notre appareil de formation initiale ; ça veut dire aussi mieux accompagner les demandeurs d'emploi, leur trouver des bonnes formations et le bon accompagnement. C'est comme ça qu'on évitera d'avoir des emplois non pourvus et de se priver aussi de la richesse collective que nous pouvons produire si ces emplois peuvent être pourvus.

 

Christophe JACUBYSZYN

Tout à l'heure, dans son message au Medef, le président de la République parlait d'une conjoncture un peu plus difficile. Comment abordez-vous, Madame la Première ministre, cette rentrée économique avec l'inflation qui se réduit légèrement mais qui est toujours là, le pouvoir d'achat des ménages qui est contraint, les incertitudes sur la situation économique mondiale en Europe, l'Allemagne qui va être… qui est en croissance nulle, la Chine aussi, qui a du mal à redémarrer. Est-ce que vous êtes inquiète ?

 

Élisabeth BORNE

Ça ne vous surprendra pas : je partage l'optimisme lucide ou la lucidité optimiste du président de la République. Je pense qu’on doit évidemment être vigilant dans ce contexte, mais on a aussi des bonnes raisons de rester optimiste. D'abord parce qu'on a des fondamentaux solides, je le disais, 2 millions d'emplois créés depuis 2017. Depuis la quatrième fois, la France est le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe. Je ne reviendrai pas sur le taux de chômage qui est au plus bas depuis 40 ans, mais on peut noter qu'en 2023, on aura une croissance d'1 % pendant que l'Allemagne est en récession. Donc on a des motifs d'être optimistes. Un autre motif, je pense, de très grande satisfaction pour nous tous, c'est la réussite de notre politique de réindustrialisation : 100 000 emplois industriels créés. Vous savez, j'étais dans le département du Nord hier, j'ai eu l'occasion de le dire. Dunkerque, sur les 20 dernières années, c'est 6 000 emplois industriels détruits ; 16 000 emplois industriels vont être créés à Dunkerque. On a donc des raisons d'être optimistes. Ça ne vient pas de nulle part. Je pense que c'est cette politique pro-business, comme vous disiez, qui nous amène à ces bons résultats. C'est tout l'engagement pour la réindustrialisation de notre pays. Et donc, je le redis, comme ça marche, on ne va pas changer de cap. On continuera cette politique de soutien à l'activité économique.

 

Christophe JAKUBYSZYN

On vit évidemment des bouleversements majeurs, d'abord la transition écologique et énergétique. L'État s'engage, investit, flèche même les technologies où les entreprises sont invitées à investir. Est-ce que vous allez continuer ? Je crois que le chef de l'État doit dérouler une feuille de route de transition écologique dans les jours qui viennent. Et puis, qu'est-ce qu'on peut faire encore davantage pour permettre aux entreprises de financer cette transition ?

 

Élisabeth BORNE

Vous savez, je pense que vous l'avez dit, Monsieur le président, cher Patrick MARTIN, moi, je crois dans une croissance respectueuse de la planète, économe en ressources et riche en emplois. Et ce défi, c'est, par exemple, ce que traduit la loi Industrie verte, cette confiance dans le fait qu'il peut exister une croissance compatible avec les enjeux climatiques. Alors évidemment, ça suppose d'agir pour notre souveraineté industrielle. C'est non seulement une question d'emploi, mais c'est aussi une question stratégique d'autonomie, notamment énergétique, sur des matériaux critiques, sur des technologies critiques, mais on croit beaucoup à l'innovation, c'est les 54 milliards d'euros de France 2030 pour préparer notre économie pour la positionner sur les secteurs d'avenir. Vous savez que sur ces 54 milliards d'euros, 20 milliards ont d'ores et déjà été engagés pour soutenir plus de 2 000 projets d'entreprises de toute taille qui vont nous permettre d'être présents sur ces technologies d'avenir. Ça sera 1 million de véhicules électriques produits dans notre pays à la fin du quinquennat. C'est des gigafactories de production d'hydrogène, c'est tous ces secteurs sur lesquels on souhaite se développer, continuer à permettre à nos entreprises de se développer, et on va poursuivre évidemment ces soutiens, c'est les près de 6 milliards d'euros qui sont d'ores et déjà prévus aussi pour la décarbonation de notre industrie, et je pense que ce combat d'une croissance respectueuse de la planète et des enjeux climatiques, il faut qu'on la gagne ensemble.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Sans décroissance ?

 

Élisabeth BORNE

Alors, moi, vous savez, je pense que tous ceux qui prônent la décroissance devraient dire que la décroissance sait remettre en cause notre modèle social. Et je ne sais pas s'il existe une Française ou un Français qui accepterait qu'on remette en cause ce bien très précieux qu'est notre modèle social. Donc, sans décroissance, je vous le confirme.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Autre révolution, celle de l'intelligence artificielle que le Président a d’ailleurs cité deux fois tout à l'heure, du quantique aussi, de l'informatique quantique. Comment on s'y prépare parce que face à nous, il y a la Chine, il y a les États-Unis qui mettent des moyens colossaux dans cette révolution de l'économie et du monde du travail ?

 

Élisabeth BORNE

C'est effectivement un défi sur lequel notre pays veut se positionner. C'est en 2018 qu'on a présenté notre première stratégie pour l'intelligence artificielle. C'est ensuite la loi de programmation de la recherche en 2020. C'est notre stratégie quantique en 2021. Et notre objectif, c'est d'abord de maîtriser toute la chaîne de valeur, des algorithmes aux supercalculateurs, c'est d'anticiper aussi les impacts économiques et sociaux, et puis c'est de protéger à la fois les créateurs et puis les données personnelles. C'est toute une stratégie que nous devons mener qui concerne beaucoup de secteurs. C'est pour ça que, comme l'a proposé Bruno LE MAIRE, moi, je vais créer un Conseil stratégique de l'intelligence artificielle que je présiderai, qui nous permettra de prendre en compte la globalité de tous ces sujets.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Est-ce qu'on peut faire des deals cet après-midi avec les entrepreneurs ? Par exemple, l'emploi des seniors, la partie invalidée par le Conseil Constit, il faut s'y remettre. C'est quoi le mode de travail, la feuille du route ? Patrick MARTIN indique qu'il était prêt à s'engager. Comment on fait ? Et puis, autre chose ici, on parle souvent de la trappe à bas salaire, le pouvoir d'achat, j'imagine que c'est aussi votre priorité en cette rentrée sociale. Comment on lisse, par exemple, les effets de seuil ? Parce que c'est vrai que beaucoup de Français restent trop longtemps sur le salaire minimum parce qu'il est avantageux pour tout le monde, pour eux, pour les entreprises qui paient moins de charges. Comment on peut essayer, petit à petit, de lisser ces effets de seuil ?

 

Élisabeth BORNE

Je pense effectivement qu'il est impératif que nos concitoyens ressentent dans leur vie quotidienne, dans leur vie personnelle, l'apport de cette réussite, on va dire, macroéconomique. Et c'est comme ça qu'on changera peut-être le regard qu'on peut avoir dans notre pays sur la relation entre les contribuables et l'entreprise, et comme ça qu'on pourra faire adhérer à notre politique pro-business, et si chacun envoie les effets dans sa vie quotidienne. Cela veut dire, effectivement, pour les seniors que les entreprises puissent s'engager, mais j'ai bien entendu, et c'est à l'agenda social sur lequel vous êtes arrêtés avec les organisations syndicales et les autres organisations patronales, oui, il faut que les seniors aient toute leur place dans l'entreprise. Et puis, je pense que c'est aussi indispensable qu'on s'intéresse au sujet des métiers dont on avait beaucoup parlé, au moment de la crise Covid, les métiers de la première et de la deuxième ligne, ce sont des métiers dont on a besoin et qui sont sans doute insuffisamment rémunérés. Et puis, moi, je suis aussi convaincue, vous savez, enfin j'ai eu l'occasion de le dire hier. Je pense que si on veut avoir de la cohésion dans notre pays, il faut que chacun puisse avoir des perspectives d'ascension sociale, de promotion sociale. Et ce défi-là, il faut qu'on le relève avec les entreprises. Qu’on retrouve la possibilité de rentrer - il y a des entreprises qui le font - mais peut-être qu'on peut le faire davantage, qu'on rentre comme vendeur et qu'on termine PDG de son entreprise. Je pense à une grande entreprise qui fait ça et je crois que cette idée qu'on a la possibilité de rentrer sur les métiers peut-être les moins qualifiés d'une entreprise et de terminer au poste de direction d'une entreprise, c'est aussi comme ça qu'on créera de la cohésion dans notre pays.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Et vous seriez prête à rediscuter ? Vous seriez prête à rediscuter de ces fameux effets de seuil ? Encore une question supplémentaire par rapport aux craintes du Medef tout à l'heure, vous avez abandonné l'idée de baisser certains allégements de charges sur les bas salaires.

 

Élisabeth BORNE

Je pense que le chantier qui est devant nous, et je l'ai évoqué quand on a parlé de l'agenda social, c'est effectivement comment on sort de ces trappes à bas salaires. Geoffroy ROUX DE BÉZIEUX avait eu l'occasion de nous faire une démonstration tout à fait parlante. Si donner 100 euros à un salarié coûte 300 à l'entreprise et qu'à la fin le salarié à 25, on voit que quelque chose ne marche pas. Il faut absolument qu'on puisse améliorer ce mode de fonctionnement pour inciter aussi et en tout cas, ne pas décourager les entreprises d'augmenter les salaires et que les augmentations de salaires se traduisent bien par du pouvoir d'achat pour les salariés et ne soient pas contrebalancées, par exemple par une baisse de la prime d'activité. Je pense donc que ce chantier est crucial. Il concerne le Gouvernement, les organisations patronales et syndicales. Et c'est vraiment, je pense, une priorité parce que les salariés, vous savez, si vous rentrez dans une entreprise en étant payé au SMIC et que vous vous dites que dans 20 ans, vous continuerez à être payé au SMIC, je pense que cela peut poser un problème d'engagement de sens pour les salariés et il faut qu'on sorte de cette situation.

 

Christophe JAKUBYSZYN

Vous avez devant vous des milliers de chefs d'entreprise qui représentent, on l'a dit tout à l'heure, plus de 10 millions de salariés. Si vous aviez un message, un ou plusieurs messages à passer aujourd'hui, à titre de conclusion, qu'est-ce que vous aimeriez leur dire ?

 

Élisabeth BORNE

Peut-être quelques mots pour terminer cet échange. Pour dire que, en effet, nous sommes dans une période de bouleversement et le président de la République l'a dit. On est dans un monde multi-crises qui bouscule nos certitudes et qui nous impose de défendre notre modèle démocratique et social. Et dans ce contexte, moi, j'entends bien vos inquiétudes, vos interrogations. J'ai bien noté que certains craignent que les entreprises soient moins soutenues, peut-être qu’elles soient davantage taxées. Je le dis et le redis, il n’en est pas question. Nous sommes la majorité qui a fait le plus pour libérer l'activité des entreprises depuis des décennies et les résultats sont là. Le chômage est au plus bas depuis 40 ans. Près de 2 millions d'emplois ont été créés. Pour la quatrième fois, la France a été désignée comme pays le plus attractif en Europe. Et depuis 2017, notre croissance cumulée est supérieure à celle de l'Allemagne, de l'Italie ou de l'Espagne. Donc, en résumé, cette politique économique, elle marche et ce n'est pas maintenant que nous allons changer de cap, il n'y aura pas de hausses d'impôts. Et puis, vous l'avez aussi dit, cher Patrick MARTIN, l'instabilité, ça ne fait pas bon ménage avec l'activité d'une entreprise. Vous avez besoin de visibilité pour déterminer vos stratégies pour anticiper vos investissements dans la transition écologique. J'ai été moi-même chef d'entreprise, donc je le mesure parfaitement. Je le redis, on s'était engagé à supprimer totalement la CVAE. Ce sera le cas et d'ici la fin du quinquennat, on souhaite aussi, par exemple, pour certains crédits d'impôt comme l'éco PTZ qui est important évidemment pour les bénéficiaires, mais aussi pour le secteur du BTP, donner de la visibilité jusqu'à la fin du quinquennat. Ce sera effectivement de la visibilité des règles qui seront stables jusqu'à la fin du quinquennat.

Peut-être un autre point qui me tient à cœur, j'entends beaucoup d'entreprises qui nous disent : « on est submergé - vous l'avez dit - par les règles et par les normes qui ne sont pas toujours très lisible ». Moi, j'ai une conviction, c'est que ce n'est pas la complexité de la norme qui fait son efficacité. Je souhaite qu'on puisse recenser avec vous les principaux irritants, qu'on puisse les lever sans renoncer à nos objectifs. Et je suis convaincue que bien souvent, c'est possible. C'est notamment le cas sur certaines normes environnementales, et donc, qu’on puisse engager ce travail en associant des entreprises, des parlementaires et l'administration pour avoir des résultats visibles dès 2024.

Et puis peut-être mon deuxième message, c'est que je suis convaincue que les défis devant nous peuvent être des opportunités. Je pense bien sûr à la transition écologique. Le dérèglement climatique nous impose de bâtir un nouveau modèle fondé sur la sobriété et la décarbonation. Mais je le redis, ça ne veut pas dire décroître, ça veut dire réinventer notre modèle de croissance et ça passe par la planification écologique. La planification écologique, ça peut paraître abstrait. C'est en effet une démarche inédite, mais il s'agit secteur par secteur, territoire par territoire de mesurer nos émissions de gaz à effet de serre, de se dire : de combien et comment on va les réduire ? Et je pense que c'est un nouveau modèle qu'on est en train d'inventer un modèle français avec pour la première fois un chemin clair, efficace et crédible pour une société qui fait rimer croissance, réindustrialisation et décarbonation. Et puis, nous mettons les moyens et nous allons continuer à le faire. Je l'ai dit, ce sont des investissements de France 2030, les près de 6 milliards d'euros pour la décarbonation de l'industrie, les 750 millions d'euros aussi pour préparer les nouvelles compétences. Donc, on va effectivement continuer à vous accompagner. Et puis peut-être dire qu'effectivement, devant ce défi comme devant les autres crises qui nous bousculent, certains nient les réalités ou veulent opposer les Français entre… et puis, d'autres poussent à un grand retour en arrière, prônent la décroissance dont, je le redis, ça remettrait en cause notre modèle social. En fait, les deux extrêmes ont quelque chose en commun, c'est qu'ils ne font pas confiance aux entrepreneurs, ils ne font pas confiance à l'entreprise et à leurs salariés, ils veulent vous assommer de taxes et de contraintes. Nous, nous avons confiance en vous. [Applaudissements].

Et mon troisième message, c'est que la confiance que nous plaçons en vous nous l’incarnons par des actes depuis 2017. Le corollaire, c'est évidemment l'engagement et j'ai bien noté que c'était un des axes de vos rencontres. Je le redis, la politique de l'offre n'est pas naturelle dans notre pays. Donc, n'hésitez pas à en parler avec les parlementaires de l'opposition qui auront à voter les prochaines lois de finances. En tout cas, ce n'est pas naturel. Et trop souvent, les baisses d'impôts ou les aides aux entreprises sont perçues comme des cadeaux. [Applaudissements]. Et s'il y a… là encore je me répète, mais je pense que c'est important, s'il y a des résultats au niveau macroéconomique, il faut que nos concitoyens ressentent aussi ces bénéfices. Les statistiques, c'est bien, le quotidien, les résultats concrets, c'est encore mieux. Les entreprises doivent être à l'écoute de la société, à l'écoute de certaines attentes, frustrations parfois des salariés. Répondre à ces attentes et à ces inquiétudes, que ce soit la transition écologique, l'égalité des chances, les conditions de travail, le pouvoir d'achat. Nous avons une responsabilité partagée. Nous, nous sommes prêts à prendre nos responsabilités. Mais je pense que c'est important aussi que les entreprises s'engagent sur le dialogue social. Plus largement, la participation des salariés à la vie de l'entreprise. Il est légitime, et en tout cas, c'est une attente forte aujourd'hui de donner davantage de sens à leur travail. Je pense aux rémunérations, c'est un sujet crucial, il y a des métiers mal payés, je le disais. Et puis, c'est d'autant plus important, ces sujets de rémunération quand des entreprises font des résultats importants. Je pense aussi aux conditions de travail et à l'emploi des jeunes. Je le disais au parcours professionnel, au temps partiel subit, aux discriminations à l’embauche, à l'accueil des personnes en situation de handicap et puis à l'emploi des seniors. Moi, je pense qu'on peut se fixer sur l'emploi des seniors, l'objectif de porter le taux d'emploi des 60-64 ans à la moyenne européenne d'ici 2030, c'est à la fois un enjeu de responsabilité et de confiance mais c'est aussi un enjeu vital pour les entreprises qui ont besoin de pouvoir attirer les meilleurs talents. Et elles attireront ces talents en s'engageant sur ces différents points.

Mesdames et Messieurs, peut-être pour conclure, je connais les difficultés et les préoccupations de la période. Dans ce contexte, certains prospèrent sur la peur, propagent des mensonges, cherchent des boucs émissaires. De notre côté, nous croyons au progrès. Nous savons que les grandes heures de la France sont devant nous et que nous avons toutes les volontés et tous les talents pour réussir. Nous croyons dans le travail qui permet de choisir sa vie, de se construire et de s'émanciper. Nous croyons dans l'entreprise, dans l'entrepreneuriat qui permet l'innovation, l'emploi et qui doit être un levier d'ascension sociale. Nous croyons dans l'Europe qui nous permet de peser, de surmonter les difficultés et de renforcer notre souveraineté. Mesdames et Messieurs, le thème de votre rencontre est « Demain ne meurt jamais ». J'en suis certaine, nous avons encore beaucoup à faire et à réussir ensemble. Je vous remercie [Applaudissements].

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