Avec Olivier DUSSOPT, Bruno LE MAIRE et Stanislas
GUERINI, nous souhaitons vous présenter le projet du Gouvernement pour garantir
l’avenir de nos retraites.
Nous l’avons dit, nous voulons préserver notre
système de retraite par répartition.
C’est-à-dire un système où ceux qui travaillent
financent les pensions des retraités.
C’est pour le préserver que des majorités, de droite
comme de gauche, ont mené des réformes ces dernières années.
Et c’est pour le préserver, que nous devons le faire
évoluer.
Présenter un tel projet est toujours un moment de
vérité.
C’est un choix politique essentiel.
C’est défendre l’un des fondements de notre modèle
social. C’est faire vivre la solidarité entre les générations.
Mais cette solidarité repose sur un équilibre : il
faut que les cotisations des actifs financent les pensions des retraités.
Dire que cet équilibre n’est plus assuré n’est pas
une posture. C’est un constat. Un constat réalisé par tous ceux qui se sont
penchés sur les retraites.
Car sans entrer dans des études et des hypothèses
complexes, il y a une réalité que chacun connaît : le nombre de ceux qui
cotisent pour les retraites diminue par rapport aux nombres de retraités.
C’est un fait, pas un argument politique.
Nous devons être capables de regarder la réalité en
face et de trouver des solutions pour préserver notre modèle social.
J’ai bien conscience que faire évoluer notre système
de retraite suscite des interrogations et des craintes chez les Français. Nous
voulons y répondre, et convaincre.
Ce sujet n’est pas nouveau.
Il a fait l’objet de très nombreuses discussions au
cours du précédent quinquennat. Un projet ambitieux avait été présenté par
Édouard Philippe. Il avait suscité à la fois des attentes et des contestations.
Nous avons appris de cette période et nous en avons tiré les conséquences pour
bâtir ce projet. Nous conservons une ambition de justice et de progrès.
Par ailleurs, la nécessité d’adapter notre système
pour le préserver a été au cœur de la campagne présidentielle, puis de celle
des législatives.
Ce n’est donc une surprise pour personne. Notre
ambition a été portée en toute transparence par le Président de la République
et partagée avec les Français.
Je souhaite maintenant vous indiquer le cadre dans
lequel s’inscrit le travail que nous conduisons depuis plusieurs mois afin
d’assurer la pérennité de notre système de retraite :
- tout d’abord, nous proposons un projet qui
finance exclusivement nos retraites. Je le répète : chaque euro cotisé servira
à financer nos retraites – rien d’autre ;
- ensuite, nous refusons d’augmenter le coût du
travail et les impôts – car nous voulons atteindre le plein-emploi ;
- enfin, et c’est un élément majeur dans un moment
d’incertitudes, nous présentons un projet qui garantit l’équilibre de notre
système en 2030.
Nous avons également posé deux principes structurants
:
- d’une part, nous voulons que ceux qui ont cotisé
toute leur vie partent avec une meilleure retraite ;
- et d’autre part, nous voulons prendre en compte
les différences entre les métiers, comme entre les carrières. Nous ne sommes
pas égaux devant le travail. On ne peut donc pas demander à chacun de travailler
uniformément plus longtemps.
Autour de ce cadre et de ces principes, nous avons
mené des concertations denses.
Nous avons avancé avec des convictions, mais sans
idée définitive.
Le ministre du Travail a mené trois cycles de
concertations avec les partenaires sociaux depuis octobre.
J’ai personnellement rencontré à trois reprises, et
encore la semaine dernière, les dirigeants des organisations syndicales et
patronales. Chacun a participé aux discussions.
J’ai également rencontré, tous les présidents de
groupes parlementaires à plusieurs reprises, spécifiquement sur la question des
retraites.
Ce dialogue a été utile. Car je suis certaine que
l’échange, même en cas de désaccord sur des points importants, nous fait
collectivement progresser.
On ne mesure pas l’intérêt d’une concertation par une
réponse binaire, soutien ou refus de la réforme.
Des mois de travail ce sont de multiples avancées,
qui dessinent un projet différent. Et je veux le dire simplement, pour moi
comme pour Olivier DUSSOPT qui le défendra au Parlement, ce projet est meilleur
qu’il n’était il y a six mois.
Nous proposons aujourd’hui :
- un projet pour l’équilibre de notre système de
retraite ;
- un projet de justice ;
- et un projet porteur de progrès social.
Premier objectif : un projet d’équilibre.
Le déséquilibre entre le nombre d’actifs et le nombre
de retraités va provoquer des déficits, qui vont se creuser année après année.
Laisser s’accumuler ces déficits serait
irresponsable.
Les aggraver davantage en prônant des mesures
démagogiques, comme abaisser l’âge de départ à la retraite, le serait plus
encore.
Cela conduirait inéluctablement à augmenter
massivement les impôts, à diminuer drastiquement les pensions, voire à mettre
en péril notre système de retraite.
Cela, nous n’en voulons pas.
Je suis bien consciente que ce n’est neutre pour
personne, mais pour l’avenir de notre système de retraite par répartition, nous
proposons que celles et ceux qui le peuvent travaillent progressivement plus
longtemps.
Ce choix, des majorités, de droite comme de gauche,
l’ont fait avant nous. Ce choix, c’est aussi celui qu’ont réalisé tous nos
voisins européens.
Dans un premier temps, chacun le sait, nous avions
envisagé de repousser l’âge légal de la retraite à 65 ans, pour équilibrer le
système en 2030.
Comme le Président de la République et moi avons pu
le dire à de nombreuses reprises, ces 65 ans n’ont jamais été une fin en
soi.
Nous avons examiné les différentes hypothèses qui
permettraient d’atteindre l’équilibre, en bougeant d’autres éléments.
Nous avons par ailleurs regardé de près les
propositions de chacun, notamment l’amendement voté depuis plusieurs années par
le Sénat.
En effet, chacun des choix, en apparence technique, a
des impacts en termes de répartition des contributions ou de justice sociale.
Si nous présentons aujourd’hui une proposition
différente de celle que nous portions initialement, c’est précisément grâce à
ces semaines de dialogue.
Je suis reconnaissante à tous les partenaires sociaux
et aux différentes forces politiques, même les plus opposés à toute réforme,
d’avoir contribué à cet exercice collectif.
Aussi, à compter du 1er septembre, l’âge légal de
départ à la retraite sera relevé progressivement de 3 mois par an pour
atteindre 64 ans en 2030. Nous serons donc à 63 ans et 3 mois à la fin du
quinquennat.
Parallèlement, nous n’irons pas plus loin que les 43
ans de cotisation prévus par la réforme Touraine pour partir avec une retraite
à taux plein.
Mais nous atteindrons cette cible plus vite, en
passant à un rythme d’un trimestre par an. Nous serons à 43 ans en 2027.
Enfin, nous maintiendrons à 67 ans, l’âge auquel les
personnes peuvent partir à la retraite sans décote, quelle que soit leur durée
de cotisation. C’est essentiel pour celles et ceux qui ont eu une carrière
hachée ou incomplète – et je pense ici particulièrement aux femmes.
Ce projet est bien universel. Il concernera tous les
actifs : salariés, indépendants et fonctionnaires.
Travailler plus permettra aux futurs retraités de
bénéficier de meilleures pensions.
Pour que ce projet soit pleinement équilibré, il
faudra que chacun prenne sa part.
C’est pourquoi nous demanderons aux employeurs une
contribution supplémentaire pour le financement de la retraite. Mais nous
refusons qu’elle augmente le coût du travail.
C’est pourquoi nous
baisserons, symétriquement, la cotisation des employeurs au régime des
accidents du travail et des maladies professionnelles, qui est très
excédentaire.
Et je veux le souligner : avec un âge légal de départ
à la retraite qui atteindra 64 ans en 2030, et 43 années de cotisation,
l’objectif sera atteint à cet horizon : notre système par répartition sera
alors à l’équilibre.
Bruno LE MAIRE précisera dans quelques instants le
cadrage financier de notre projet.
Le deuxième pilier de notre projet, c’est la justice.
Car derrière les principes généraux, il y a la
situation de millions de travailleurs.
Un système juste, c’est permettre à ceux qui ont
commencé à travailler tôt de partir plus tôt.
Nous allons conserver et améliorer le dispositif dit
« carrières longues » en le rendant plus juste et plus lisible. Nous créerons
notamment un niveau intermédiaire pour ceux qui ont commencé à travailler avant
18 ans.
En 2030, lorsque l’âge légal de départ à la retraite
aura été porté à 64 ans,
- il restera à 58 ans pour ceux qui ont commencé à
travailler très tôt, avant 16 ans ;
- pour ceux qui ont commencé entre 16 et 18 ans,
je pense notamment aux apprentis, la retraite sera possible à partir de 60 ans
;
- et pour ceux qui ont commencé entre 18 et 20
ans, elle le sera à partir de 62 ans.
Nous rendrons le dispositif « carrière longues » plus
juste, notamment pour les femmes.
Avant ce projet, les périodes de congé parental
n’étaient pas prises en compte dans la durée pour en bénéficier. Cela sera
désormais le cas.
Ainsi, davantage de Français seront concernés par le
dispositif : 1 Français sur 5 arrivant à la retraite dans les prochaines
années.
Un système juste, c’est aussi tenir compte de la
pénibilité de certains métiers.
Nous devons prendre en considération l’usure
professionnelle liée aux conditions d’exercice de certains métiers hier et
aujourd’hui.
Au-delà des facteurs intégrés au compte professionnel
de prévention, le C2P, nous devons mieux reconnaître l’impact d’autres
contraintes sur la santé des travailleurs : notamment le port de charges
lourdes ou les postures pénibles.
Pour ces travailleurs, nous allons renforcer le suivi
médical, repérer les fragilités, et mieux accompagner ces salariés vers des
dispositifs de départ anticipé à 62 ans, pour raison de santé.
Ensuite, je ne peux pas me résoudre à ce que le
travail puisse abîmer tant de nos compatriotes.
C’est pour cela que la prévention est au cœur de
notre projet.
Nous allons créer un fonds d’investissement dans la
prévention de l’usure professionnelle, doté d’un milliard d’euros.
Nous voulons ensuite réfléchir différemment à
l’évolution des carrières et faciliter les reconversions.
Ainsi, nous allons améliorer le C2P, et permettre
qu’il soit utilisé pour des reconversions professionnelles.
Ce sont des avancées sociales, tout au long de la
carrière. Olivier DUSSOPT y reviendra.
Je souhaite préciser que les militaires et les
fonctionnaires en catégorie active, comme les policiers ou les sapeur-pompiers,
dont les métiers sont plus dangereux, pourront continuer à partir plus
tôt.
Ce sera aussi le cas pour les aides-soignantes dans
la fonction publique hospitalière.
La durée de service permettant de bénéficier d’un
départ anticipé, tout comme l’âge d’annulation de la décote, n’évolueront pas.
Stanislas GUERINI présentera dans un instant les
implications de notre projet dans la fonction publique.
Un système juste, c’est également prendre en compte
les situations de chacun – et en particulier les plus fragiles.
Un départ à 62 ans à taux plein sera maintenu pour
les personnes en invalidité, en incapacité ou en inaptitude. Cela représente
100 000 personnes par an.
Par ailleurs, les années passées comme aidant auprès
d’un parent âgé ou d’un enfant en situation de handicap seront désormais
comptabilisées.
Et je veux également, que l’on répare une injustice
de notre système actuel : les trimestres que près de 2 millions de nos
concitoyens ont passé en travaux d’utilité collective, les TUC des années 80,
pourront enfin être pris en pris en compte.
Au total, grâce aux dispositifs que je viens de vous
présenter, 4 personnes sur 10 partant en retraite chaque année pourront
bénéficier de départs anticipés et n’auront pas à travailler jusqu’à 64 ans.
Un système juste, c’est tenir compte, enfin, de
l’évolution des professions et faire en sorte que le même métier donne la même
retraite.
Aussi, nous allons fermer la plupart des régimes
spéciaux de retraite existants.
Olivier DUSSOPT y reviendra.
C’est une question d’équité.
Cette mesure ne s’appliquera qu’aux nouveaux
embauchés, qui seront désormais affiliés au régime général de retraite.
Troisième pilier : notre projet apportera des progrès
sociaux.
Une vie de travail doit garantir une retraite digne.
Conformément à notre engagement, les salariés et les
indépendants, notamment les artisans et commerçants, qui ont cotisé toute leur
vie avec des revenus autour du SMIC, partiront désormais avec une pension de
85% du SMIC net, soit une augmentation de 100 euros par mois.
C’est près de 1200 euros par mois dès cette
année.
Au-delà de la majorité présidentielle, lors des
concertations, certains groupes parlementaires, je pense aux Républicains, ont
insisté sur la nécessité de prendre en compte les retraités actuels.
Cette demande a également été portée par des
organisations syndicales et patronales, je pense à la CFDT, l’UNSA, la CFTC, la
CPME ou l’U2P.
Les uns et les autres ont souligné que les femmes et
les indépendants étaient la majorité de ceux qui touchent les plus petites
retraites. C’est une inégalité majeure à laquelle nous voulons répondre.
Aussi, avec le Président de la République, nous avons
décidé d’intégrer dans notre projet la revalorisation des pensions des
retraités actuels, pour tous ceux qui ont une carrière complète au niveau du
SMIC.
Grâce à cette mesure, près deux millions de petites
retraites vont être augmentées.
Ce choix est le fruit de la concertation et notamment
des dernières discussions qu’Olivier DUSSOPT et moi-même avons menées la
semaine dernière.
Nous allons donc travailler à ce dispositif dans les
prochains jours avec les parlementaires de la majorité, mais aussi des groupes
qui, au-delà de la majorité, portent cette mesure et pourraient soutenir la
réforme. Je pense en particulier aux Républicains.
Notre objectif est de pouvoir l’intégrer au projet de
loi qui sera présenté en Conseil des ministres le 23 janvier.
Enfin, le dernier progrès majeur de ce projet
concerne l’emploi des seniors. Et c’est là aussi un combat auquel je crois
profondément.
Nous sommes l’un des pays d’Europe où la part des
personnes de 60 à 64 ans qui travaille est la plus faible.
Cela nous conduit à nous priver de leur expérience,
de compétences précieuses et de leur contribution à notre richesse
nationale.
C’est aussi trop souvent le fait d’une pratique
abusive et – disons-le – discriminatoire, qui consiste à faire partir les
salariés quelques années avant leur retraite.
Les entreprises doivent faire leur place aux
personnes proches de la retraite et veiller à une meilleure qualité de vie au
travail.
Il est temps que les employeurs prennent en main ce
sujet.
Un index sera créé sur la place des salariés en fin
de carrière.
Cet index sera simple. Il sera public. Il permettra
de valoriser les bonnes pratiques et de dénoncer les mauvaises. Le construire
sera obligatoire pour les entreprises de plus de 1000 salariés dès cette année,
et en 2024 pour celles de plus de 300 salariés.
Nous souhaitons aussi donner plus de souplesse à la
transition entre l’activité et la retraite.
Nous allons assouplir le dispositif de retraite
progressive pour les salariés et l’étendre à la fonction publique. Nous
permettrons ainsi à ceux qui le souhaitent de passer à temps partiel, deux ans
avant l’âge légal de départ, en liquidant une partie de leur retraite.
Nous allons aussi rendre le cumul emploi-retraite
plus simple et créateur de droits nouveaux.
Replacer les seniors au cœur des entreprises et mieux
maîtriser sa fin de carrière : ce sont aussi des progrès majeurs permis par
notre projet.
Olivier DUSSOPT y reviendra plus en détail dans un
instant.
Avant de laisser la parole aux ministres, j’aimerais
revenir sur quelques points.
Ce projet suscitera des commentaires, des débats et
des oppositions, mais je souhaite d’ores et déjà dire que la confrontation
d’idées peut se faire sans désinformation, sans agiter les peurs.
Alors je le dis clairement :
Non, ce projet ne se mettra pas en œuvre du jour au
lendemain. L’âge de départ sera relevé progressivement sur une durée de 8 ans.
Non, l’âge d’annulation de la décote ne changera pas.
Il restera à 67 ans. C’est une protection pour les plus modestes, pour celles
et ceux qui ont eu des carrières hachées ou incomplètes – le plus souvent des
femmes.
Non, ce projet ne concerne pas les retraités actuels.
Le montant des pensions sera toujours indexé sur l’inflation. Le seul
changement pour eux, c’est une augmentation de pensions pour près de 2 millions
de petites retraites.
Je viens de vous présenter les grandes orientations
de notre projet pour les retraites.
Dans deux semaines, le projet de loi de financement
de la sécurité sociale rectificatif qui le porte sera présenté en Conseil des
ministres, puis débattu au Parlement.
Nous voulons le dialogue – nous l’avons montré ces
derniers mois.
Nous sommes ouverts à la discussion – nous la voulons
et nous savons ce qu’elle apporte.
Cette présentation n’est donc pas un point final.
Nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet. Et cela sera possible
grâce à un débat parlementaire loyal et constructif.
Je vous remercie et je donne la parole à Bruno LE
MAIRE.
Je mesure ce que travailler plus longtemps signifie
pour beaucoup.
Notre système de retraite par répartition est un bien
précieux.
Il est l’un des fondements de notre modèle
social.
C’est une spécificité dont nous sommes fiers, et un
symbole de la Nation.
Nous sommes déterminés à le protéger.
Déterminés à préserver la solidarité entre les
générations.
C’est agir pour les retraités actuels et pour leur
pouvoir d’achat.
C’est préserver notre système par répartition et le
rendre plus juste pour les actifs d’aujourd’hui, qui seront les retraités de demain.
C’est donner l’assurance aux plus jeunes, qu’ils
bénéficieront d’une retraite. Trop
d’entre eux pensent qu’ils n’auront pas de retraite et qu’ils devront compter
sur ce qu’ils économiseront d’ici-là. Je ne m’y résigne pas.
C’est montrer que le collectif a du sens.
Que nous sommes capables de veiller à la solidarité
entre nous et entre les générations.
C’est aussi montrer que lorsque les analyses et les
faits sont nombreux et étayés, et que le dialogue social et politique a été
mené, notre pays est capable de se transformer pour préserver son modèle
social.
C’est tout le sens de ce projet juste, équilibré et
porteur de progrès.
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