Conclusion de la Conférence sociale

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié le 16/10/2023|Modifié le 16/10/2023

Conseil économique, social et environnemental - Lundi 16 octobre 2023

Mesdames et Monsieur les ministres,
Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental,
Mesdames et Monsieur les secrétaires généraux,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je tenais d’abord à vous remercier pour cette journée de travail très intéressante, riche et dense.
Les présentations autour de notre contexte économique et social ce matin, les interventions des partenaires sociaux et le travail mené lors des ateliers, sont autant de moments forts, où les idées ont pu s’exprimer, le débat se tenir et les propositions émerger.
Je souhaite remercier tout particulièrement les rapporteurs des différents groupes, François NOGUÉ, Karima SILVENT, Dominique LIBAULT et Sylvie PERETTI, pour leurs restitutions claires, utiles et passionnantes.
Et plus globalement, je voulais saluer votre engagement pour faire de cette Conférence sociale, non seulement un moment de concertation utile, mais aussi une première étape de construction de solutions.
Ce matin, j’ai eu l’occasion de revenir sur les grands enjeux de cette journée, et notamment notre volonté de donner des réponses à nos concitoyens pour que le travail paye mieux et pour renforcer la promotion sociale.
Dans la continuité des restitutions de vos travaux, je souhaitais revenir sur plusieurs enjeux importants et avancer quelques propositions.
Mais avant de développer mon propos, je voudrais souligner un point : pour tous les défis devant nous, l’Etat a bien sûr sa part de responsabilité, et j’entends la prendre.
Ainsi, pour la fonction publique, le ministre Stanislas GUERINI a transmis vendredi une proposition d’agenda social ambitieux avec l’ouverture de plusieurs cycles de négociation : sur les rémunérations et les parcours de carrière, sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sur la formation, sur les conditions et l’organisation du travail.
Mais pour le secteur privé, les questions de rémunérations et de parcours professionnels relèvent avant tout du dialogue social et de la négociation collective.
Je sais combien les partenaires sociaux sont attachés au respect de leurs prérogatives.
Je sais pouvoir compter sur l’engagement et la mobilisation de toutes et tous.
*
Mesdames et Messieurs,
Notre premier défi collectif, c’est que le travail paye mieux.
Aujourd’hui, certains de nos concitoyens nous le disent : « on ne s’en sort pas, même en travaillant ».
Certes, la baisse de la productivité ces dernières années a eu un effet sur l’évolution des rémunérations.
Certes, les revalorisations automatiques du SMIC et les négociations salariales ont essentiellement bénéficié aux plus bas salaires, avec pour conséquence un tassement des rémunérations et des perspectives d’augmentation amoindries.
Mais quand on se donne l’objectif d’atteindre le plein emploi, on doit aussi garantir l’accès au bon emploi.
Il est donc important de conserver une forte dynamique des rémunérations avec des effets bénéfiques pour la motivation des salariés, pour le pouvoir d’achat et pour notre croissance.
Sans se substituer aux branches et aux employeurs, l’Etat doit donner une impulsion, orienter, voire parfois sanctionner.
Autrement dit, prendre toute sa part pour accompagner la dynamique des rémunérations et des carrières.
Je vous donne un exemple : ce n’est pas normal que près de 50% des branches n’aient pas actualisé leurs grilles de rémunération depuis plus de 10 ans, voire 20 ans pour certaines.
De fait, les classifications salariales ne prennent plus suffisamment en compte l’évolution des métiers et des compétences, et elles manquent de dynamisme.
C’est néfaste pour les salariés et leur pouvoir d’achat, mais c’est aussi préjudiciable pour les entreprises, car l’absence de perspectives peut engendrer un désinvestissement des salariés au travail.
C’est pourquoi je souhaite que le ministère du Travail puisse renforcer son accompagnement des branches dont les classifications sont anciennes.
Mais vos discussions cet après-midi l’ont montré, nous avons besoin d’une instance pour inscrire nos échanges dans la durée.
Je vous propose donc la mise en place d’un Haut conseil des rémunérations. 
Lieu de travail, d’échanges et de propositions, il nous permettra d’avancer sur le lien entre productivité, création de valeur et salaire.
Il permettra de suivre et d’accompagner la révision des classifications et de prévenir les tassements des grilles, par exemple en garantissant qu’un effort pour se former se traduise par une réelle progression du salarié.
C‘est un enjeu clé et avec les ministres Olivier DUSSOPT et Carole GRANDJEAN, le Gouvernement est déterminé à agir.
Le Haut-Conseil suivra le déploiement des mécanismes de partage de la valeur, déterminants pour valoriser l’investissement des salariés dans l’entreprise.
Ce Haut Conseil permettra également d’approfondir notre constat, nos études et nos propositions sur les temps partiels subis et les contrats courts.
Certains d’entre vous ont souhaité une évaluation des dispositifs qui ont été mis en place à la suite de votre Accord national interprofessionnel de 2013 pour désinciter au temps partiel.
Ce travail pourra être l’un des chantiers prioritaires du Haut Conseil.
Ce Haut Conseil devra également se pencher, et j’y tiens, sur la question de la situation salariale des femmes, avec un seul cap : l’égalité.
Les missions de ce Haut conseil seront inscrites dans la loi.
Vous serez pleinement associés à sa définition.
Le ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, mènera des consultations avec vous à partir du mois de décembre pour en définir les contours, la composition et le fonctionnement.
Sur les minima de branches, j’entends la volonté de certaines organisations syndicales d’aller plus loin en instaurant des mesures coercitives.
Aujourd’hui, 10 branches ont des minima durablement inférieurs au SMIC.
Certes, il y a eu des améliorations ces dernières années, mais la situation demeure insatisfaisante.
Je le disais déjà en tant que ministre du Travail.
Je le dis toujours comme Première ministre.
C’est la position constante du Gouvernement.
Et nous devons ensemble remédier rapidement à cette situation.
Le ministère du Travail recevra prochainement toutes les branches ayant des minima en dessous du SMIC, pour qu’elles s’expliquent sur leur retard.
La démarche sera transparente et nous ferons connaître la liste de ces branches dans les prochaines semaines.
Si nous ne constatons pas de progrès significatifs d’ici le 1er juin 2024, le Gouvernement proposera au Parlement un texte de loi qui permettra de calculer les exonérations non pas sur la base du SMIC, mais sur la base du minima de branche.
Les entreprises de ces branches avec des grilles conformes au SMIC ne seront pas concernées.
Chacun doit prendre ses responsabilités.
J’invite ces branches à ouvrir sans tarder des négociations.
Et si cela ne suffit pas, nous prendrons les nôtres.
*
Mesdames et Messieurs,
Les questions que je viens d’évoquer illustrent des difficultés de fonctionnement de certaines branches, où le dialogue social est parfois dégradé, voire inexistant.
Cela peut être dû à un éparpillement important des branches, qui nuit à l’efficacité de la négociation.
Depuis 2017, les fusions de branches ont bien avancé.
Il y en a 171 aujourd’hui, mais avec la crise sanitaire, nous avons mis en pause ce chantier.
Je vous propose donc de lancer l’acte II de la restructuration des branches.
Je sais que c’est un enjeu important pour vous.
Dès le début de l’année prochaine, le ministre du Travail entamera un cycle de concertations avec les organisations syndicales et patronales dans cet objectif.
Je le dis devant vous, la taille de la branche ne peut pas être le seul critère pertinent et nous ne fixerons pas de critères quantitatifs.
Mais il est essentiel que nous allions au bout de cette démarche.
Il en va de la qualité du dialogue social et de la réponse à toutes les attentes de nos concitoyens.
Une branche qui fonctionne, c’est une branche avec des meilleures rémunérations, une politique de formation efficace et des perspectives d’évolutions pour les salariés.
Comme je l’ai indiqué lors des entretiens bilatéraux avec vous, je souhaite une approche au cas par cas et prévoir la fusion lorsque cela permet un progrès dans la négociation collective.
*
Votre deuxième atelier portait sur le temps partiel subi et les contrats courts, qui sont la première cause de précarité et de pauvreté au travail.
En 20 ans, la proportion de salariés en contrat court a beaucoup augmenté, et le nombre de CDD de moins d’un mois a été multiplié par 2,5.
Le bonus – malus, pleinement entré en vigueur cette année, commence à montrer des effets positifs.
Par ailleurs, environ 1,5 million de salariés sont concernés par le temps partiel subi, et ne peuvent pas gagner davantage, car ils ne peuvent pas travailler davantage.
C’est incompréhensible alors que certains secteurs font face à des importantes tensions de recrutement.
C’est surtout l’une des premières raisons pour lesquelles certains travailleurs restent sous le seuil de pauvreté.
Et comme souvent, les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes.
Une femme qui élève seule son enfant et à qui son employeur ne propose qu’un contrat de 20 heures par semaine est de façon quasi certaine condamnée à vivre dans la pauvreté.
Comme je l’ai indiqué à l’instant, je souhaite que ce défi puisse être un chantier prioritaire sur lequel se penche le Haut Conseil des Rémunérations, afin de préparer une négociation interprofessionnelle sur les temps partiels dans une deuxième étape de l’agenda social.
Sans attendre, vous pourrez examiner la question du Compte Personnel Formation, y compris pour les salariés à temps partiel, dans le cadre de votre négociation sur les parcours et la formation professionnelle.
Par ailleurs, nous devons avancer de manière pragmatique, dans tous les territoires, pour que l’articulation entre l’offre et la demande d’emploi permette d’organiser des cumuls de temps partiels.
La mobilisation des groupements d’employeurs et le déploiement de France Travail sont des leviers pour y arriver.
L’Etat donnera également l’impulsion pour développer la négociation collective au niveau territorial.
*
Autre défi que je voulais aborder avec vous, et qui me tient à cœur : c’est celui de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Aujourd’hui, le constat est clair : malgré les mesures prises, notamment depuis 2017, des inégalités demeurent entre les femmes et les hommes au travail, en particulier en termes de rémunération et de progression dans les carrières.
Mixité des métiers, orientation professionnelle, accès aux postes à responsabilité, égalité salariale : nous devons agir sur tous les leviers.
L’index de l’égalité professionnelle a été un outil important pour faire progresser les entreprises, même s’il ne doit pas se substituer aux négociations sur le sujet.
Il est évidemment perfectible et il demeure certains biais – certains l’ont souligné –, mais il a permis de faire bouger les lignes et inspiré l’Union européenne.
Fort de notre expérience et des idées dont vous venez de nous faire part, je vous propose de bâtir un nouvel index.
Nous en fixerons les ambitions et nous le construirons dans la concertation.
Il doit être plus ambitieux, plus transparent.
Nous devons aussi le rendre plus fiable encore et mieux contrôler son application.
Je vous propose d’engager dès maintenant des travaux pour faire aboutir ce nouvel index dans les 18 mois, anticipant ainsi le délai de transposition de la directive transparence salariale.
J’ajoute que l’égalité professionnelle, c’est aussi permettre aux jeunes parents de mieux concilier leur vie familiale et leur activité professionnelle.
Nous agissons en ce sens.
Nous avons doublé la durée du congé paternité.
Nous sommes en train de mettre en place un service public de la petite enfance, qui va permettre d’augmenter le nombre de solutions d’accueil pour les jeunes enfants.
Nous voulons aller encore plus loin, et avec la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore BERGE, nous souhaitons engager une réforme du congé parental.
Notre objectif : qu’il évolue vers une période d’interruption choisie, mieux rémunérée, partagée entre les parents et qui permette un retour plus facile vers l’emploi. 
Ce nouveau congé parental, indemnisé par la sécurité sociale, doit pouvoir être attractif pour la mère comme pour le père.
Une concertation sur cette réforme va être ouverte rapidement avec les organisations syndicales et patronales.
Devenir parent ne doit pas être un frein à l’emploi et à la progression des carrières, particulièrement pour les femmes.
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Dernier sujet que je souhaitais évoquer, celui des dispositifs d’exonérations de cotisations et de prime d’activité.
Je sais que certains d’entre vous doutent de l’utilité de certains allègements.
Je veux le dire franchement : la politique que nous menons depuis 6 ans donne des résultats pour l’emploi comme pour la réindustrialisation.
Ces exonérations améliorent notre attractivité, créent de l’emploi et aident aussi à le préserver.
Quant à la prime d’activité, elle répond à notre volonté d’inciter à l’emploi, en faisant en sorte que le travail paye plus que l’inactivité.
Nous ne dévierons pas de notre cap économique.
En revanche, nous devons veiller sans cesse à l’efficacité de nos dispositifs, et vérifier qu’ils n’aient pas d’effets pervers, notamment l’enfermement dans des bas salaires ou le manque d’incitation à la reprise d’activité.
Vous avez également souligné le problème de lisibilité des prestations sociales.
Je le comprends.
Nous y travaillons avec la mise à disposition des données individuelles sur les prestations par la plateforme « Mes droits sociaux ».
C’est également tout l’objet de la solidarité à la source pour permettre dans un premier temps, un remplissage automatique des données de revenus pour le RSA et la prime d’activité.
Cette simplification, c’est aussi le gage de données plus fiables et d’un juste recours aux prestations sociales.
C’est la garantie que chacun puisse toucher ce à quoi il a droit.
De plus, je trouve également intéressant de pouvoir connaître de manière transparente les aides publiques et les exonérations dont chaque entreprise bénéficie.  
Enfin, sur les exonérations de cotisations sociales, j’entends le besoin d’avoir davantage de données par secteur ou par entreprise et davantage de débats.
Aussi, je confierai très prochainement une mission à des experts pour poursuivre ces travaux et analyser les interactions entre exonérations, salaires et prime d’activité.
Cette mission associera les partenaires sociaux et les forces politiques. Je souhaite que ses conclusions soient rendues dans les 6 mois.
Ces travaux nous donneront un cadre pour nos prochaines discussions.
Nous sommes ouverts à des évolutions, si elles améliorent la rémunération du travail et les perspectives professionnelles et ne dégradent ni l’attractivité, ni l’emploi, ni nos comptes publics.
*
Mesdames et Messieurs,
Je voulais enfin avoir un mot de méthode.
J’ai parlé ce matin d’étape importante pour notre démocratie sociale.
J’ai toujours eu une conviction : c’est par le dialogue et la concertation que l’on trouve des meilleures solutions.
Le dialogue social est une force.
Il est nécessaire pour répondre à bon nombre des enjeux de la vie au travail, pour permettre au plein emploi d’aller de pair avec le bon emploi.
C’est grâce au dialogue social que nous répondrons à certaines des préoccupations les plus fortes des Français.
J’ajoute que Conférence sociale et agenda social sont complémentaires, et que certains des échanges que nous avons eus aujourd’hui peuvent trouver des issues dans les négociations à venir.
Le document d’orientation de l’agenda social du 12 juillet vous sera transmis dans les prochains jours.
Une fois de plus, devant vous, je m’engage à retranscrire fidèlement les accords trouvés dans ce cadre.
Ensuite, je crois que le dialogue social et nos politiques de l’emploi doivent se tourner davantage vers les territoires.
Il n’y a pas de réponse unique aux défis de l’emploi.
Chaque territoire a ses forces et ses faiblesses, ses atouts, ses filières en développement.
Nous devons donc faire émerger des réponses locales.
Comme je le disais tout à l’heure, nous serons mobilisés pour développer le dialogue social au niveau des territoires.
*
Mesdames et Messieurs,
Aujourd’hui, éclairé par des experts, nous avons montré l’intérêt et l’importance d’un dialogue entre l’Etat et les partenaires sociaux, pour avancer sur les priorités des Français.
Pour faire en sorte que le travail paye mieux.
Pour veiller à ce que la promotion sociale fonctionne dans notre pays.
C’est une étape importante.
Ensemble, nous voulons donner des solutions aux travailleurs, aux entreprises.
Ensemble, nous voulons offrir des solutions aux Français.
Je vous remercie. 

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