Conférence de presse sur les annonces agricoles

Publié le 01/02/2024|Modifié le 01/02/2024

Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
Partout en Europe, nos agriculteurs sont confrontés à un malaise et, je le dis, à une forme de crise qui concerne aussi nos voisins.
Partout en Europe, la même question se pose : comment continuer à produire plus et mieux, comment continuer à faire face au changement climatique, comment ne pas subir la concurrence déloyale de pays étrangers, comment résister dans un marché qui a parfois pu s’apparenter à une forme de jungle ?
Comment, enfin, permettre à nos agriculteurs de continuer à faire leur travail quand les normes s’empilent, freinent, peuvent parfois leur faire perdre le sens de leur travail ?
En bref, cette question qui se pose partout en Europe : y a-t-il un avenir pour notre agriculture ?
Évidemment la réponse est oui. Depuis 2017, nous avons voulu agir pour le montrer. Nous avons créé une assurance récolte, pour soutenir face aux aléas climatiques. Nous avons porté les lois Egalim, sans doute imparfaites, mais qui nous ont permis de sortir de la loi LME de 2009 qui donnait les pleins pouvoirs à la grande distribution. Nous avons fait le Varenne de l’eau, développé des plans de filières, et nous avons été au rendez-vous pour accompagner face aux catastrophes climatiques : le gel, la sécheresse, la canicule, les inondations, les tempêtes, les maladies.
Avons-nous répondu au malaise ? A l’évidence, non. Avons-nous fait des erreurs ? A l’évidence, oui. Il faut avoir la lucidité de le reconnaître. C’est ce que j’ai fait vendredi dernier en Haute-Garonne, en annonçant l’abandon de la réforme du GNR, qui ne marchait pas et ne pouvait pas marcher, notamment parce qu’il était complexe, et pas assez juste pour les petites exploitations. C’est ce que j’ai fait aussi s’agissant des normes, qu’on a parfois laissé continuer à s’empiler sans penser assez aux agriculteurs qui devaient les appliquer. Là aussi, je dis stop et j’ai lancé un travail sans précédent de simplification, à la fois au niveau national avec 10 premières normes simplifiées et supprimées dès la semaine dernière, et au niveau local. Sur la trésorerie de nos agriculteurs, l’État a été trop lent dans le versement de certaines aides. Alors partout, nous accélèrerons ! Je pense aux aides d’urgences, je pense au remboursement TICPE, je pense évidemment à la viticulture. C’est ce que nous faisons aussi sur la loi Egalim. Cette loi protège nos agriculteurs et leurs revenus. Mais dans les faits, elle est souvent contournée. Alors la semaine dernière, nous avons doublé le nombre d’inspecteurs chargés de contrôler les prix, nous doublons le nombre de contrôles, et nous serons intraitables pour les entreprises qui ne respectent pas Egalim.
En les présentant la semaine dernière, je l’ai dit : ce sont de premières mesures. Elles sont là, concrètes, tangibles, mais elles en appellent d’autres.
Ma méthode est claire, et basée sur 3 principes :
  • La réactivité : je veux rappeler que j’ai reçu dès les premiers jours du mouvement et après ma nomination l’ensemble des organisations représentatives des agriculteurs. Dès les premiers jours, j’ai voulu engager dialogue et négociation avec les agriculteurs dans un objectif clair : avancer le plus vite possible.
  • Le dialogue : depuis 2 semaines, j’ai passé, avec Christophe Béchu, Marc Fesneau, Bruno le Maire, tout le temps nécessaire à dialoguer avec toutes les organisations agricoles. Jamais, le dialogue n’a été rompu. Jamais, ma porte n’a été fermée. Respecter les agriculteurs, c’est aussi les écouter. C’est, je crois, ce que nous avons toujours fait ces dernières semaines.
  • La transparence : j’ai assumé une méthode claire : dès qu’un progrès est possible pour nos agriculteurs, je le leur dis. C’est pour cela que, dès vendredi dernier, j’ai annoncé une série de changements profonds, sur tous les sujets, quasiment inédite pour nos agriculteurs. Mardi, lors de ma déclaration de politique générale, j’ai annoncé que des annonces seraient faites sur de nouvelles thématiques, je pense notamment aux viticulteurs, et dès le lendemain matin, Marc Fesneau annonçait des budgets sonnants et trébuchants pour nos viticulteurs qui souffrent. Lundi, mardi et encore hier matin, j’ai à nouveau reçu longuement les représentants des agriculteurs, et c’est dans le même objectif de transparence que je veux dire aux agriculteurs ce matin ce que, avec mes ministres, nous voulons faire pour eux.
Avec les ministres Bruno le Maire, Marc Fesneau, et Christophe Béchu, nous souhaitons ce matin vous présenter cette nouvelle étape.
Elle commence par un message clair, avec deux mots d’ordre pour notre agriculture : produire, et protéger.
Pourquoi ? Parce que nous voulons être souverains. Souverains pour cultiver. Souverains pour récolter. Souverains pour nous alimenter. C’est le premier engagement que je prends ce matin : nous inscrirons l’objectif de souveraineté dans la loi, nous le ferons avec les agriculteurs, sur la base d’indicateurs clairs définis avec eux. Nous consacrerons dans le code rural l’agriculture comme un intérêt fondamental de la nation.
Ce n’est pas une souveraineté retranchée sur elle-même car je n’oublie pas que notre agriculture est un de nos principaux secteurs exportateurs avec les céréales, les vins, les spiritueux, les produits laitiers. Mais c’est une ouverture avec des règles, de la réciprocité et les mêmes exigences pour tous.
L’exception agricole française, c’est hisser au plus haut cet objectif de souveraineté, et c’est assumer d’aider notre agriculture comme peu d’autres secteurs en France. Parce que notre exception agricole française, ce n’est pas une question de budget mais de fierté et d’identité.
Et cette exception agricole française, elle repose sur deux principes que j’ai déjà évoqués : produire, et oui, assumer de produire à l’opposé des thèses décroissantes, et protéger. Protéger pour lutter ensemble contre la loi de la jungle, contre la concurrence déloyale, contre les aléas qui frappent de plus en plus nos agriculteurs qui sont, je le dis à nouveau, les premières victimes du réchauffement climatique.
Mesdames et Messieurs,
Cette nouvelle étape, elle continue à s’écrire au niveau de l’Europe. Mettre fin à toute naïveté, tout laisser-faire, et à l’arrivée de règles et de normes dont nous ne voulons plus. Parce que le Président de la République en a fait sa priorité depuis 2017 : l’Europe doit être facteur de protection et de souveraineté. Et non l’inverse.
Le Président et le gouvernement sont très mobilisés sur le front européen, parce que beaucoup se joue à ce niveau-là. Le travail continue en ce moment-même à Bruxelles, où se trouve le Président de la République. Nous avons eu de premières avancées majeures sur les importations ukrainiennes, les jachères, le Mercosur. Nous défendrons aussi une évolution s’agissant du ratio prairie et des prairies sensibles. Dans l’attente d’évolutions sur ce point, nous appliqueront une dérogation à l’obligation de réimplantation pendant 1 an. Nous devons nous remettre autour de la table pour mieux protéger nos prairies essentielles à nos paysages et à la lutte contre le changement climatique, en sortant de situations absurdes où des agriculteurs sont obligés de réinstaller des prairies alors même qu’ils ont arrêté leur activité d’élevage.
Cette nouvelle étape, elle s’écrit aussi, évidemment, au niveau national.
Je vais maintenant vous en présenter les grands chapitres et les principales mesures que nous prenons dès aujourd’hui.
Bruno le Maire, Marc Fesneau et Christophe Béchu interviendront ensuite chacun par des focus spécifiques sur leurs champs respectifs.
Nos objectifs, avec ces mesures, sont clairs :
  • Mieux reconnaître le métier d’agriculteur
  • Redonner de la valeur à notre alimentation
  • Redonner du revenu aux agriculteurs
  • Protéger contre la concurrence déloyale
  • Simplifier la vie quotidienne des agriculteurs
  • Lutter contre les surtranspositions
  • Assurer l’avenir
  • Préserver notre souveraineté face au changement climatique
Pour chacun de ces objectifs, quelles sont les leviers concrets que nous actionnons ? Les ministres reviendront dans les détails.
D’abord : mieux reconnaître le métier d’agriculteurs.
Là, je propose quatre actions concrètes :

  •  D’abord, nous inscrirons très clairement l’objectif de souveraineté alimentaire dans la loi, je l’ai dit il y a un instant
  • Ensuite, nous publierons un rapport annuel sur la souveraineté alimentaire, dont le premier avant le Salon de l’agriculture, dans un objectif clair : faire la transparence sur nos progrès pour atteindre cet objectif essentiel pour nos agriculteurs et pour notre pays
  • La proposition de loi sur les troubles du voisinage portée par la députée Nicole Le Peih sera inscrite dès que possible à l’ordre du jour du Sénat pour une adoption rapide. Pourquoi ? Parce qu’elle protège les agriculteurs contre les recours abusifs de nouveaux voisins, qui voient l’agriculture comme une nuisance et non comme une chance. Je le dis : quand on choisit la campagne, on l’accepte et on l’assume.
  • Enfin, nous établirons un plan de souveraineté dans chaque filière qui en a besoin, notamment sur l’élevage, en cherchant à avancer aussi vite que possible, en vue du salon de l’agriculture. L’objectif est clair : nous voulons renforcer notre agriculture, filière par filière. J’ajoute qu’une attention particulière sera évidemment donnée à nos Outre-mer. Ils ont besoin de plans de filière, d’un travail sur les AOP/IGP, de mesures pour lutter contre les conséquences en agricultures du changement climatique. Nous serons au rendez-vous de ce travail.
Deuxième objectif : redonner de la valeur à notre alimentation.
En la matière, nous allons faire au moins 3 choses.

  •  D’abord, sur la viande de synthèse, je vais être très clair : non, la viande de synthèse ne correspond pas à notre conception de l’alimentation à la française. Je souhaite donc que l’on ait une législation claire au niveau européen sur la dénomination de ce qu’est la viande de synthèse
  • Ensuite, nous allons promouvoir massivement l’étiquetage de l’origine des produits, notamment au niveau européen. Nous avons eu une première victoire la semaine dernière sur l’origine du miel ; et nous allons continuer. C’est un enjeu de transparence pour nos consommateurs, et un enjeu de justice et de vérité pour nos agriculteurs.
  •  Enfin, je le dis clairement : nous allons accélérer sur le respect des objectifs Egalim dans la restauration collective. Oui, l’Etat sera exemplaire pour atteindre les 50% de produits durables et de qualité, et arriver aux 20% de bio dans nos approvisionnements le plus vite possible. Et nous avancerons avec les collectivités locales dans ce travail pour que dans leurs commandes, et je pense évidemment aux cantines, cet objectif puisse aussi être atteint. Beaucoup de régions sont engagées sur ce sujet.
Autre objectif : redonner du revenu aux agriculteurs.
Là, on est sur un des cœurs du sujet. Pourquoi ? Parce que le revenu des agriculteurs, c’est la dignité de nos agriculteurs.
  • Nous allons renforcer la loi Egalim, Bruno Le Maire y reviendra dans un instant.
  • Par ailleurs, il faut mener ce combat à l’Europe : en vue d’un Egalim européen. Car il y a un sujet sur les centrales européennes d’achat : cette préoccupation du revenu est évidemment européenne, et on mènera donc un combat pour que les agriculteurs européens soient mieux protégés face aux géants
  • Sur le GNR, la redevance eau, et la redevance RPD : on a renoncé à faire la hausse. C’était indispensable pour ne pas étrangler la trésorerie de nos agriculteurs.
  • Par ailleurs, nos éleveurs ont besoin d’un soutien spécifique. Nous leur consacrerons 150 millions d’euros en soutien fiscal et social dès cette année et de façon pérenne. Un travail avec la filière permettra d’en préciser les modalités.
  • Enfin, le sujet des retraites. Nous allons retravailler les propositions en cours sur le sujet des 25 meilleures années, je pense notamment à la proposition du député Julien DIVE ; parce que la retraite, c’est toujours le fruit d’une vie de travail.
Quatrième sujet, là aussi au cœur de la nouvelle page que nous voulons écrire : nous allons mieux protéger notre pays et nos agriculteurs français contre la concurrence déloyale.
Avec quatre principes clairs :
  • D’abord, le MERCOSUR. Nous l’avons dit dès vendredi dernier, je l’ai redit cette semaine, le Président lui-même en a reparlé avec fermeté : il n’est pas question pour la France d’accepter ce traité. C’est clair, c’est net, c’est ferme.
  • Ensuite, nous devons mieux protéger notre pays et nos agriculteurs avec de vraies mesures miroirs, et des clauses de sauvegarde très claires. Je vous annonce que nous prenons sans délai une clause de sauvegarde sur le thiaclopride, qui interdit enfin l’importation de fruits et de légumes traités avec ce pesticide, que nous avons interdit en Europe. L’Europe n’a à ce stade pas pris de mesure de sauvegarde sur ce produit. Nous décidons donc en France de le faire en avance de phase. Cet exemple, c’est le signe de la nouvelle politique qui sera la nôtre : des mesures miroir partout, des clauses de sauvegarde pour lutter sans relâche contre la concurrence déloyale.
  • Troisième sujet pour mieux lutter contre la concurrence déloyale : nous proposerons la création d’une force européenne de contrôle pour lutter contre la fraude, notamment sanitaire, et donc contre l’importation de produits qui ne respectent pas nos règles et les règles auxquels nos agriculteurs sont soumis.
  • Enfin, sur l’Ukraine, je l’ai dit : nous avançons avec la création de clauses de sauvegarde, notamment sur la volaille. Il faudra que nous abordions la question des céréales dans le cadre de la négociation qui s’ouvre.
5ème grand objectif que je vous présente ce matin : libérer, déverrouiller, simplifier la vie de nos agriculteurs.
Cela passe par 2 axes très forts :
  • D’abord, le grand chantier de simplification que j’ai lancé dès vendredi dernier. Il avance à vitesse grand v, les préfets simplifient en ce moment-même des normes partout en France, et le gouvernement fera un point d’étape dans les plus brefs délais sur l’avancée de ce chantier ;
  • Ensuite, les projets d’eau que nous voulons accélérer et soutenir. Le plan eau annoncé par le Président de la République est clair : nous avons besoin d’eau pour notre agriculture. On soutiendra les agriculteurs qui s’engagent dans cette démarche. J’ai par ailleurs annoncé la semaine dernière des simplifications drastiques qui s’appliqueront notamment aux projets liés à l’eau, pas seulement, pour réduire tous les délais. Le délai pour former un recours contre un projet porté par un agriculteur sera divisé par deux, il passera de quatre mois à deux mois, nous inscrirons une garantie pour que l’ensemble de ces recours superposés ne puissent pas durer deux, comme c’est le cas aujourd’hui, mais être limités à dix mois maximum. Et nous supprimerons un niveau de juridiction dans la procédure pour aller encore plus vite.
Lutter contre la surtransposition, c’est le 6° grand objectif.
  • D’abord, nous allons recaler le calendrier européen et le calendrier français concernant l’examen de réhomologation des produits phytosanitaires. La conséquence est claire : on ne fera pas de surtransposition sur les différentes substances. Pas d’interdiction sans solution, c’est l’engagement du président de la République depuis 2017, nous le tiendrons.
  • Autre sujet sur la surtransposition : nous sortirons d’une situation où notre agence sanitaire se prononce sur des produits sans coordination avec le régulateur européen. Interdire en France des produits alors même que la procédure est en cours au niveau Européen, ça n’a pas de sens. Les agriculteurs Français seraient les seuls à faire l’objet de cette interdiction, nous mettrons fin à cette situation.
  • Enfin, sur le plan ecophyto : nous le mettons à l’arrêt le temps de mettre en place un nouvel indicateur et de reparler des zonages et de la simplification, par exemple sur le registre électronique, dans un objectif de non-surtransposition, et de préservation de notre environnement et de la santé de nos concitoyens. Nous souhaitons que ce travail aboutisse d’ici au salon de l’agriculture. Un conseil d’orientation stratégique sera organisé par les ministres dès la semaine prochaine.
  • Enfin, je réaffirme très clairement l’objectif qui est le nôtre : pas d’interdiction sans solution. Je veux rappeler que nous avons déjà mis 250M d’euros pour financer l’identification de nouvelles solutions. Et nous mettrons à nouveau un coup de collier pour y parvenir.
Autre objectif : assurer l’avenir et le renouvellement des générations. C’est un enjeu absolument majeur : quand un agriculteur quitte son exploitation, il faut qu’un jeune puisse le remplacer. C’est un enjeu pour nos jeunes, qui sont nombreux à vouloir s’engager pour le vivant, c’est un enjeu d’épanouissement pour eux, mais c’est aussi un enjeu pour le pays. Assurer le renouvellement des générations, c’est le moyen le plus sûr de maintenir notre agriculture dans la durée, et donc notre identité Française.
Là, j’annonce deux éléments très concrets :

  •  D’abord, sur la transmission : nous avançons de façon très concrète avec des mesures fiscales, et nous allons travailler à une mesure supplémentaire pour le Projet de loi de finances 2025 ; Bruno le Maire en dira quelques mots dans un instant
  • Avec le pacte pour le renouvellement des générations en agriculture, l’ambition du gouvernement est claire : c’est par les nouvelles générations que nous assurerons la pérennité de notre agriculture. Nous y mettrons donc les moyens.
Enfin, il nous faut préserver notre souveraineté face au changement climatique.
Je veux rappeler que nous avons déjà mis 1,3 milliard d'euros pour aider nos agriculteurs à lutter et s’adapter face au changement climatique. On continuera à être à leurs côtés, dans la durée. Parce que tout cela ne se fera pas en un jour, ou même en un an. C’est notre responsabilité que d’agir avec nos agriculteurs, et non pas contre eux, pour la transition écologique.
Voilà la philosophie des mesures. Je vais maintenant laisser la parole aux trois ministres pour donner davantage de mesures et de précisions.

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