Conclusion des Assises des finances publiques

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié le 19/06/2023|Modifié le 26/07/2023

Messieurs les ministres, cher Bruno LE MAIRE, cher Gabriel ATTAL, 
Madame la ministre, chère Dominique FAURE,  Monsieur le rapporteur général du budget,  cher Jean-René CAZENEUVE,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Monsieur le Président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte-D’azur,  cher Renaud MUSELIER,
Mesdames et Messieurs les élus, 
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Il n’est pas habituel qu’une Première ministre se rende à Bercy pour parler de finances publiques. 
Il n’est pas anodin, alors même que nous nous sommes fixé une trajectoire budgétaire claire, et que la préparation du prochain budget est en cours, que les ministres de l’Économie et des Finances, du Budget, et la cheffe du Gouvernement, se retrouvent, avec vous, pour rappeler un cadre, des principes et des objectifs, pour la bonne gestion de nos finances publiques. 
Mais si nous le faisons, grâce à ces « Assises des finances publiques », c’est parce que la situation elle-même est exceptionnelle. 
La pandémie nous a poussés à prendre des décisions fortes pour protéger l’emploi et nos entreprises. 
Et à peine sortis de la crise sanitaire, l’agression russe en Ukraine a bouleversé l’économie mondiale et aggravé l’inflation. 
Là encore, nous avons réagi. Nous avons pris de nombreuses mesures, pour amortir le choc d’inflation sur les ménages et nos entreprises. Je pense notamment aux boucliers tarifaires.
Nous avons retenu les leçons des crises précédentes. Nous avons assumé, face à la crise sanitaire, de mener une politique de protection puis de relance massive, pour éviter l’effondrement de notre économie, qui aurait eu un coût encore plus élevé.
Ainsi, une étude du Centre pour la recherche économique et ses applications, le CEPREMAP, a montré que sans le « quoi qu’il en coûte », nous aurions mis deux fois plus de temps à retrouver notre niveau de PIB d’avant-crise, et que notre ratio dette sur PIB aurait été très largement supérieur, en raison de l’effondrement de l’activité. 
Nous n’avons donc aucun regret à avoir. 
Mais si nous assumons d’avoir protégé massivement les Français, ces décisions ont eu des conséquences sur notre déficit et notre dette et nous devons désormais consolider nos finances publiques pour assurer la soutenabilité de notre dette. 
C’est d’abord un impératif de souveraineté. Et ces dernières années n’ont pas manqué d’exemples, des menaces et des contraintes qui pèsent sur les pays qui ont perdu la confiance des investisseurs.
C’est ensuite un impératif économique, car avoir une dette publique soutenable, c’est garantir des taux d’intérêt maîtrisés pour l’Etat, qui bénéficient à toute l’économie. C’est également disposer de marges de manœuvre en cas de choc.  
Enfin et surtout, une dette soutenable, c’est un impératif moral, vis-à-vis de notre jeunesse et des générations futures. Laisser filer la dette, comme le proposent certains, c’est léguer à nos enfants moins de services publics, moins de protection sociale, et plus d’impôts.  
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Mesdames et Messieurs, 
Une fois ces convictions rappelées, je n’ignore rien du débat qui anime les économistes sur les besoins d’investissements exceptionnels que les défis face à nous imposent, et sur l’intérêt qu’il pourrait y avoir à recourir à la dette pour les financer.
Je tiens à l’affirmer avec force : la soutenabilité de notre dette est un impératif, d’autant plus que les taux d’intérêt ont nettement augmenté, ces derniers mois. 
Il n’y a pas à opposer préparation de l’avenir et maîtrise de la dette.
Au contraire, la maîtrise de la dette est une condition indispensable pour préparer l’avenir. 
Je le mentionnais à l’instant : nous avons devant nous des défis majeurs, sans précédents dans l’histoire contemporaine : le défi du dérèglement climatique et de la transition écologique, le défi de l’intelligence artificielle et de la révolution numérique technologique, ou encore le défi de la transition démographique.
Ces enjeux nécessiteront des investissements majeurs, pour décarboner nos industries et nos quotidiens, pour adapter notre système éducatif et de formation, et pour renforcer la qualité de nos services publics.
Pour autant, et c’est une des leçons du rapport de Jean PISANI FERRY et Selma MAFHOUZ, tous ces investissements indispensables pour la société, ne seront pas forcément les plus rentables à court et moyen terme sur le plan financier. Toutes ces transitions ne se feront pas sans coût. 
C’est pourquoi nous ne pouvons pas faire le postulat que ces investissements pourraient être entièrement financés par la dette, et, en quelque sorte, se rembourser d’eux-mêmes. 
Aussi, plus que jamais, il est nécessaire de réduire notre déficit public pour dégager des marges de manœuvre sur notre budget.
C’est l’esprit de la lettre de cadrage que j’ai adressée à tous les ministres, afin de demander à chacun d’identifier 5% de marges de manœuvre sur leurs budgets, hors masse salariale.
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Aussi, forts de ces convictions, une question se pose : comment diminuer nos déficits et résorber notre dette ?  
Je n’ai pas peur de le dire : il existe d’autres chemins que les politiques d’austérité ou les hausses d’impôt. 
Notre premier levier, c’est le renforcement de notre potentiel de croissance, c’est la voie qui nous permettra le plus assurément et le plus durablement de maîtriser notre dette.  
Depuis 2017, nous avons créé les conditions favorables à l’investissement et à l’attractivité. Nous avons réformé le marché du travail. Nous avons baissé les impôts, notamment les impôts de production. Nous soutenons l’innovation et la réindustrialisation dans les filières stratégiques avec le plan France 2030. Nous avons investi massivement dans les formations, avec le Plan d’investissement dans les compétences ou encore en débloquant enfin l’apprentissage dans notre pays. 
Ces actions ont produit leurs effets. Elles ont permis de créer près de 2 millions d’emplois depuis 2017, de réduire le chômage de 3 points par rapport à fin 2016, ou encore de casser la spirale de désindustrialisation avec 200 créations nettes d’usines rien qu’en 2021 et 2022. 
Comme ministre du Travail lors du précédent quinquennat, je suis fière de ces résultats. Et comme Première ministre aujourd’hui, je veux continuer dans cette voie. 
Rien ne serait pire que d’envoyer un « contre signal » aux investisseurs qui ont choisi la France pour y implanter leurs activités. Alors, nous nous tenons à un principe clair : pas de hausse d’impôts.  
Le deuxième pilier de notre stratégie de réduction de la dette, ce sont les réformes de structure, qui permettent d’augmenter le taux d’emploi, de stimuler l’activité, les recettes, et donc de rétablir l’équilibre des comptes.   
Depuis un an, c’est tout le sens de mon engagement, et de celui de mon Gouvernement, pour mener les réformes nécessaires, même quand elles sont difficiles, même quand nous savons que leurs effets ne seront pas immédiatement perceptibles. 
Aujourd’hui, tous les chantiers que j’avais annoncé lors de ma Déclaration de politique générale sont ouverts, et avec mon Gouvernement, nous nous sommes emparés de sujets remis à plus tard depuis longtemps.
Ainsi, rien qu’au cours des douze derniers mois, nous avons parachevé la réforme de l’assurance-chômage, mené la réforme des retraites, et lancé les réformes du lycée professionnel et de France Travail. 
Grâce aux transformations menées depuis 2017, et grâce à ces réformes, le plein emploi nous est accessible. Je dirais aussi qu’il est essentiel, parce que le plein emploi est synonyme de pouvoir d’achat durable, et qu’il permettra d’améliorer la qualité de l’emploi, et bien sûr, qu’il est un facteur déterminant du retour à l’équilibre de nos finances publiques.  
Troisième levier pour réduire la dette : la lutte contre l’érosion des assiettes taxables et contre les fraudes fiscales et sociales. 
Sous l’impulsion du Président de la République, la France a œuvré à l’accord international historique sur l’imposition minimale des entreprises – et je veux ici saluer le travail de Bruno LE MAIRE et des équipes du ministère de l’Économie. 
Nous transposerons cet accord dans le prochain projet de loi de finances. 
De plus, nous avons imposé les géants du numérique avec la taxe sur les services numériques.
Enfin, nous avons redoublé d’efforts contre la fraude. Frauder, c’est voler l’État, c’est voler la Sécurité sociale, c’est voler nos concitoyens.  C’est inacceptable. 
Le ministre chargé des Comptes publics, Gabriel ATTAL, a présenté récemment des mesures fortes pour lutter contre les fraudes. Nous avons une boussole : l’efficacité, et nous serons intraitables avec les fraudeurs. 
Enfin, le dernier levier, c’est celui de l’efficacité de nos politiques publiques et de la maîtrise de nos dépenses.
Nous avons des comptes à rendre aux Français, sur la bonne utilisation de nos finances. Si nos concitoyens ont le sentiment que les services publics ne sont pas à la hauteur des charges dont ils s’acquittent, c’est tout notre pacte social qui serait fragilisé. 
Pour cela, nous devons concentrer nos dépenses sur des mesures aux résultats concrets, qui ont un impact sur la vie de nos concitoyens, et contribuent directement à atteindre nos objectifs, notamment en matière de transition écologique.
Nos dépenses publiques ne sont qu’un moyen pour apporter des solutions aux Français. Et c’est bien seulement à l’aune des solutions que nous serons jugés.  Alors oui, nous devons assumer de devoir faire des économies quand nous constatons que des dispositifs n’atteignent pas leurs résultats ou pas suffisamment.
Cette exigence, nous devons également l’adopter pour le verdissement de nos dépenses, et la réduction de celles qui sont défavorables à l’environnement.
Enfin, j’ajoute que la maîtrise de l’emploi public est indispensable. 
Nous y sommes parvenus au cours du précédent quinquennat, avec une stabilité des emplois de l’Etat et de ses opérateurs malgré des créations de postes, notamment parmi les forces de l’ordre. 
Les fonctionnaires ne peuvent pas être une variable d’ajustement. 
Nos concitoyens demandent des services publics accessibles et présents partout dans les territoires, notamment en matière d’éducation et de santé.
Ils demandent une présence forte de l’État régalien, qui assure leur sécurité.
Nous devons donc répondre à ces attentes, notamment grâce à une gestion plus moderne des ressources humaines de l’État, à tous les niveaux. C’est notamment le sens de la réforme de la haute fonction publique, engagée sous le précédent quinquennat.
Nous devons aussi relever le défi de l’attractivité des métiers : notamment pour l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche ? pour l’hôpital, ou pour nos filières d’ingénieur et de techniciens.
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Mesdames et Messieurs, 
Pour respecter ces principes, et maîtriser notre dépense publique, nous devons construire ensemble une nouvelle gouvernance de nos finances publiques.  
Tout d’abord, nous devons retrouver pleinement l’esprit de la Loi organique relative aux lois de finances, et interroger chaque année les crédits « au premier euro ». C’est-à-dire examiner systématiquement l’intégralité des crédits et des mesures de chaque programme, et non pas uniquement les dépenses nouvelles.
Cela suppose d’améliorer nos outils d’évaluation des politiques publiques. 
Aujourd’hui, nous sommes l’un des pays où la documentation budgétaire est la plus transparente et abondante. Nous devons progresser sur la lisibilité de ces évaluations et en faire de véritables outils d’aide à la décision. 
Des premières étapes ont été franchies. Je pense notamment aux revues des dépenses, qui doivent nous permettre de trouver des économies dans les « strates profondes de la dépense », accumulées au fil du temps, sans que l’on s’interroge suffisamment sur leur pertinence et leur portée.
Je souhaite que ces revues des dépenses deviennent une procédure annuelle, articulée avec la procédure budgétaire. 
Dans cette nouvelle manière d’évaluer nos finances publiques, le Parlement a un rôle central, et le « Printemps de l’évaluation » est un aiguillon. 
A cet égard, je veux saluer les travaux menés par le Rapporteur général du budget, Jean-René CAZENEUVE, et les députés Daniel LABARONNE, Véronique LOUWAGIE et Robin REDA, ainsi que ceux menés par la Présidente de la Commission des affaires sociales, Fadila KHATTABI, et la Rapporteure générale, Stéphanie RIST, sur les dépenses de la sécurité sociale. 
J’ajoute que cette nouvelle gouvernance des politiques publiques doit porter, plus largement, sur la construction de notre budget. 
L’année dernière, l’initiative des « Dialogues de Bercy » a permis de consulter tous les groupes parlementaires et de faire évoluer notre projet de loi de finances avec des propositions de la majorité comme des oppositions. 
Nous devons continuer à associer plus étroitement les parlementaires, et à chercher des compromis. 
Je me réjouis donc que les « Dialogues de Bercy » se tiennent à nouveau cette année, et qu’ils portent désormais aussi sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. 
Je souhaite également que nous associons davantage les élus locaux aux décisions qui les concernent, en leur donnant plus de lisibilité sur la durée de leur mandat, avec un cadre financier pluriannuel. 
Nous devons construire une prospective partagée. C’est notamment ce qui sera fait prochainement pour les départements, à la demande du Président François SAUVADET. 
Nous avons besoin des collectivités pour relever les défis face à nous. Nous devons travailler ensemble et en confiance. Je sais pouvoir compter sur leur responsabilité.
Aussi, je souhaite que les élus locaux soient associés de manière systématique et formalisée, à toutes les décisions budgétaires qui ont un impact sur eux.  Comme ils le disent eux-mêmes, les élus ne doivent pas être considérés comme de simples exécutants.
Reconnaissons-le : concernant la hausse du point d’indice annoncée la semaine dernière, nous n’avions pas suffisamment associé les collectivités territoriales en amont. 
Nous devons veiller à ce que cela ne se reproduise pas.  
Concernant les dépenses de l’Assurance maladie, nous devons disposer d’un cadre de travail partagé avec les organismes complémentaires.  Des travaux ont déjà débuté dans le cadre de l’instance de concertation animée par le ministre de la Santé, François BRAUN. 
Je souhaite que nous allions plus loin, et que dans les prochaines semaines des travaux approfondis s’engagent, associant les trois familles de complémentaires santé et la Caisse nationale d’Assurance maladie pour mieux partager les dynamiques de dépenses dans les prochaines années, et réfléchir aux articulations pertinentes entre les financeurs, qu’ils s’agissent de la prévention ou du soin.
Je crois également que la nouvelle gouvernance de nos finances publiques doit être ouverte à la société civile, aux experts, aux chercheurs, aux observateurs, qui portent un regard extérieur précieux sur notre action.
Enfin, notre nouvelle gouvernance des finances publiques doit s’inscrire dans un cadre européen rénové. 
La réforme des règles du Pacte de Stabilité et de Croissance porte de nouveaux principes, cohérents avec ceux que je viens de vous exposer.
Mais nous devons encore améliorer le texte. La semaine dernière, Bruno LE MAIRE défendait les positions de la France : maîtriser et mieux cibler nos dépenses ne signifie pas une austérité contreproductive. 
Imposer à tous les pays, quelle que soit leur situation, des objectifs quantitatifs communs en matière de déficit public ou de réduction de la dette n’aurait pas de sens et provoquerait les mêmes conséquences néfastes que par le passé. 
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Mesdames et Messieurs, 
Tous les principes sur lesquels je viens de revenir sont au fondement de notre programme de stabilité que nous avons présenté en avril, et qui nous permettra de ramener le déficit public à 2,7% du PIB en 2027.
Cette trajectoire de réduction de notre déficit, nous nous y tiendrons, à la fois dans le projet de loi de programmation des finances publiques, qui sera révisée en septembre, et lors du projet de loi de finances, et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Et j’ajoute que nous tiendrons cette trajectoire, sans renoncer à aucune des priorités fixées par le Président de la République, et qui constituent ma feuille de route et celle de mon Gouvernement. 
Des priorités qui sont également celles des Français.
C’est pour cette raison, que je tiens aujourd’hui devant vous, et comme je l’ai toujours fait, un discours de vérité, notamment sur les enjeux du bouclage du prochain budget, qui exigera des choix difficiles. 
C’est le sens de la demande que j’évoquais il y a quelques instants, et que j’ai faite aux ministres, d’identifier 5% de marges de manœuvre sur leurs crédits. 
C’est aussi pourquoi, par précaution, nous avons décidé de mettre en réserve 1% de crédits supplémentaires prévus dans la loi de finances. 
Mesdames et Messieurs,
Relever les défis de l’avenir, financer nos priorités et notre action exige une dette soutenable et demandera des efforts de chacun.
Nous ne tomberons ni dans la facilité des hausses d’impôts, ni dans l’erreur du coup de rabot. 
Nous croyons dans la croissance, dans les réformes et dans l’efficacité, pas dans l’austérité. 
Mais pour réussir, nous aurons besoin de la mobilisation et de la responsabilité de tous, d’une exigence collective dans la gestion des deniers publics. 
Nous aurons besoin d’un travail étroit avec les parlementaires comme avec les élus locaux, d’une évaluation rénovée, et de la vigilance de la société civile. 
L’enjeu est collectif. 
Car une dette soutenable, c’est notre souveraineté qui est protégée, c’est notre capacité à agir qui est assurée, et c’est l’avenir de notre jeunesse qui est préservé. 
Je vous remercie.

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