Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.
Publié le
13/03/2023
Monsieur le ministre,
Messieurs les parlementaires,
Madame la préfète,
Madame la maire,
Monsieur le Premier président,
Monsieur le Président du Tribunal de Paris,
Monsieur le Procureur général de Paris,
Monsieur le Procureur national antiterroriste,
Madame la Présidente du conseil d’administration du
Fonds de garantie des victimes,
Monsieur le directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Ce coup de fil a scellé son histoire.
Ce matin du 23 décembre 1983, une table se libère
au Grand Véfour, et Françoise RUDETZKI pourra y célébrer ses 10 ans de mariage
avec son époux.
Soudain, une explosion. Une porte soufflée. Du
verre brisé. Des cris.
Pour la presse, mentionnant quelques blessés,
l’attentat aura fait, je cite : « plus
de peur que de mal ».
Pour Françoise RUDETZKI, ce 23 décembre 1983 est le
début de 7 semaines de réanimation, de près de 80 opérations et de centaine
d’heures sous anesthésie générale.
Pour elle, c’est le début d’un combat pour garder
la vie sauve et conserver ses jambes.
C’est un drame qui s’ajoute au drame, quand la
transfusion qui la sauve, la condamne en même temps, à l’hépatite C et au SIDA.
C’est le début d’une vie nouvelle, avec le choc,
les rêves brisés et le handicap comme point de départ.
Une vie nouvelle, et une question, comme une
colère, qui va tout déclencher : en 18 jours, le restaurant a été refait, alors,
elle demande : « On a trouvé une fortune pour refaire les
peintures, et pour moi, rien. Comment accepter ça ? »
En 1983, le mot « attentat » ne
figure pas encore dans notre code pénal.
Le mot « terrorisme » n’a pas
encore de transcription juridique.
Et les victimes étaient doublement punies, touchées
par l’attaque et le manque de réparation. Touchées dans leur chair et dans leur
esprit et impuissantes face aux méandres de l’administration et des compagnies
d’assurance.
Alors, Françoise RUDETZKI se met au service des
autres. Elle puise dans son histoire, la force de se battre pour toutes celles
et tous ceux, qui, comme elle, ont été victimes d’attentat, pour leurs
familles. Elle dédie sa vie à les accompagner, à les défendre.
Sa pugnacité et sa volonté étaient ses marques de
fabrique. Rien ne pouvait l’arrêter dans sa recherche du droit, de la justice,
de la réparation. Elle n’aura peur de rien ni de personne. Elle interpellera
directement tous les Présidents de la République, ne prenant jamais le mot
« non » pour une réponse.
En 1986, elle fonde SOS Attentat et son parcours
militant commence.
Sa détermination paie et dès janvier 1990, une loi
reconnaît un statut pour les victimes d’actes de terrorisme. C’est un premier
pas, et il l’encourage.
C’est grâce à Françoise RUDETZKI, que les victimes
de terrorisme peuvent bénéficier de soins gratuits, et que les orphelins
peuvent bénéficier de la protection de la République et devenir pupilles de la
Nation.
C’est grâce à Françoise RUDETZKI, que la
prescription des crimes et délits terroristes est allongée, que les
associations peuvent se constituer partie civile en justice.
C’est notamment grâce à elle, qu’un lieu de mémoire
pour les victimes du terrorisme voit le jour aux Invalides. Un lieu de mémoire,
pour que leurs souffrances ne tombent jamais dans l’oubli.
C’est encore avec elle, que se crée un Centre
national de ressources et de résilience à Lille, où se développe la recherche
pour la prise en charge du traumatisme des victimes.
C’est toujours avec elle, que la médaille nationale
de reconnaissance aux victimes du terrorisme est créée après les attentats de
2015. Cette distinction a été reçue par des victimes des attentats perpétrés
depuis 1975, en France et à l’étranger.
Mesdames et Messieurs,
Quelques heures après la journée d’hommage aux
victimes du terrorisme, j’ai tenu à être présente avec vous, aujourd’hui,
entourée de certains des membres de la famille de Françoise RUDETZKI – et je
veux saluer son frère, William DAB, pour ses mots poignants.
J’ai tenu à être présente entourée de ses amis, et
de ses compagnons de route, pour honorer, au nom du Gouvernement, et comme le
Président de la République l’avait fait en juin aux Invalides, sa mémoire et
ses combats.
Le terrorisme, c’est frapper la liberté.
C’est s’en prendre à la République.
C’est remettre en cause son unité, tenter
d’atteindre nos valeurs.
C’est nous faire croire qu’il faudrait renoncer à
ce que nous sommes, pour vivre en paix.
Comme le rappelait le Président de la République
samedi, nous ne cèderons jamais.
Nous continuerons à agir avec force, pour renforcer
notre lutte contre le terrorisme.
Nous continuerons à défendre nos valeurs et à ne
jamais reculer d’un centimètre face à ceux qui veulent nous faire plier. Nous
continuerons à accompagner les victimes et leurs familles.
Dessinateur, journaliste, enseignant, policier, réfugié, supporter sportif, amateur de musique, spectateur de feux d’artifice, amoureux à la terrasse d’un café, ou simple passant, les victimes du terrorisme, sont des femmes et des hommes dont le seul crime était d’être libre, et d’incarner, chacun à leur manière, une part de nos valeurs et de l’âme de notre pays.
Nous n’oublierons jamais que c’est pour cela qu’ils
ont souffert, souffrent ou qu’ils sont tombés.
Pour eux, Pour ces femmes et ces hommes, Françoise RUDETZKI a obtenu, en 1990, la
création du Fonds de garantie des victimes, qui nous rassemble aujourd’hui.
Elle en a été l’administratrice pendant 36 ans. 36
ans durant, elle a œuvré pour ce système d’indemnisation indépendant unique au
monde qui prend en compte à la fois les douleurs physiques, mais aussi
psychiques des victimes et de leur famille.
Elle s’y est investie, pour porter la voix de ceux
qui souffrent et de leurs proches. Elle y a défendu leurs intérêts, et œuvré
pour une meilleure prise en charge des victimes.
Ce fonds, c’est la prise en compte de toutes et
tous. C’est la solidarité de la Nation, et par un prélèvement sur les contrats
d’assurance, des millions de Français contribuent ainsi à la prise en charge
des victimes du terrorisme.
Ce fonds, c’est l’action. Depuis les attentats qui
ont blessé la France en 2015 et 2016, 6500 personnes ont été prises en charge
par le FGTI. Cela a transformé votre travail, vous qui aviez pris en charge
4000 victimes lors de vos 28 premières années. Ce matin, j’ai eu l’occasion
d’échanger avec des victimes, des associations de victimes et des membres des
équipes du FGTI.
Face aux blessures, face au traumatisme, c’est une
mission délicate, complexe, que d’estimer l’inestimable, le prix de la
souffrance, le prix de la vie, de la mort, le prix du deuil.
Parfois, ces démarches peuvent provoquer
l’incompréhension voire la colère.
Nous devons être aux côtés des victimes, à vos
côtés, à votre écoute.
Faire en sorte d’expliquer les étapes à suivre, les
décisions, de lever les obstacles administratifs et les lenteurs, qui sont
insupportables pour celles et ceux qui souffrent.
Accompagnement, attention, considération,
soutien : voilà ce à quoi aspirent légitimement les victimes. Voilà ce que
nous devons leur offrir.
Monsieur le directeur, cher Julien RENCKI, je veux
saluer l’engagement de toutes celles et ceux qui travaillent au FGTI.
Votre tâche est difficile. Et pourtant, grâce à vos
mots, grâce à votre présence, grâce à votre ténacité, vous aidez les victimes à
ce que la vie reprenne.
Car bien au-delà de l’indemnisation, le fonds se
développe depuis plusieurs années. Soutien personnalisé, soutien scolaire, aide
aux déplacements… vous êtes les femmes et les hommes des réponses concrètes,
présents à toutes les étapes de la reconstruction.
Mesdames et Messieurs,
Le travail initié par Françoise RUDETZKI, et dont
vous avez pris le relais, nous devons la faire perdurer.
Nous devons faire en sorte que jamais l’oubli ne
gagne, et être à la hauteur de notre devoir de mémoire. C’est le sens du musée
mémorial du terrorisme, projet porté par le Président de la République, et que
Françoise RUDETZKI soutenait fermement.
Nous devons toujours travailler à offrir aux
victimes une aide plus efficace,
C’est le sens de l’action de la déléguée
interministérielle à l’aide aux victimes missionnée par le garde des Sceaux.
Nous voulons aboutir à des mesures concrètes, qui
aident les victimes et leurs familles. Nous devons continuer dans la voie d’un
parcours d’aide aux victimes plus simple. Nous souhaitons notamment offrir un
meilleur accompagnement, grâce à un point d’entrée unique pour les démarches.
L’objectif est simple : que les victimes
soient mieux accompagnées et indemnisées, et surtout qu’elles n’aient à dire
qu’une fois leurs souffrances, leurs difficultés, à un seul interlocuteur
dédié.
Mesdames et Messieurs,
Cette plaque, que j’ai l’honneur d’inaugurer
aujourd’hui, porte le nom de Françoise RUDETZKI. Mais bien plus qu’un nom,
cette plaque est le symbole du courage et de la détermination.
Elle est un hommage à toutes les victimes, un
message de fraternité, et un engagement ferme à toujours mieux aider, mieux
accompagner, celles et ceux que le terrorisme a marqué à jamais, celles et ceux
qui ont perdu un être cher.
Au nom du Gouvernement, et au nom de la République,
je veux dire que nous serons toujours du côté des victimes, que nous répondrons
présent pour les épauler sur le long chemin de la reconstruction.
Je veux dire que nous ne cèderons jamais, que nous
ne tournerons jamais le dos à nos valeurs, et que nous combattrons le
terrorisme de toutes nos forces.