Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental, cher Thierry BEAUDET,
Monsieur le Ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne, cher Marc,
Mesdames les conseillères, Messieurs les conseillers,
C’est toujours un plaisir, c’est toujours un honneur, pour moi, que d’entrer dans cet hémicycle, et de m’adresser à vous, représentants des forces vives de la Nation, pour ouvrir les travaux de cette nouvelle mandature.
Une nouvelle mandature, ou plutôt une nouvelle assemblée. Car ce ne sont pas seulement les visages d’un renouvellement de personnes que je suis venu saluer cet après-midi, c’est l’incarnation d’un projet politique fort que j’ai voulu, avec le ministre Marc FESNEAU, consacrer avec vous.
Ce projet, l’acte fondateur en a été posé par le Président de la République, le 3 juillet 2017, devant le Congrès réuni à Versailles, lorsqu’il a pris l’engagement d’initier une transformation profonde du CESE pour réaffirmer le rôle essentiel de la société civile dans une démocratie moderne.
Il fallait permettre au CESE de devenir, pour notre pays, la « Chambre du futur », c’est-à-dire d’incarner pleinement « le mouvement vivant de la société française ». Pour cela, sa composition a été repensée de façon à s’adapter à sa diversité et à ses transformations.
Cette réforme a également fait évoluer le rôle de votre assemblée avec un double objectif : ouvrir le Conseil à la société civile, en associant davantage nos concitoyens à ses travaux, et contribuer à la promotion de la démocratie délibérative, en lui permettant d’organiser des consultations publiques.
Ainsi, le Conseil reste cette assemblée consultative qui accompagne la République depuis près d’un siècle, mais il devient aussi un puissant outil au service d’une meilleure participation des citoyens à la vie démocratique.
Après un travail minutieux et une concertation approfondie conduits par le Président BERNASCONI, auquel je veux rendre un hommage appuyé, la loi du 15 janvier 2021, que j’ai eu l’honneur de porter, est venue donner cet environnement profondément renouvelé au CESE.
Un visage qui ne doit jamais se figer, d’où le rôle donné par la loi au comité indépendant chargé d’adapter, à chaque renouvellement, la composition du conseil aux grands mouvements qui traversent notre société.
Le Gouvernement a donc suivi rigoureusement les recommandations de ce comité présidé par Jean-Denis COMBREXELLE, que je tiens à saluer pour ce travail. En renforçant la place des jeunes, des étudiants, des acteurs de la cohésion sociale, de la vie associative et de la protection de la nature, il s’est agi d’élargir la représentativité de cette assemblée. Dans une société confrontée à la crise sanitaire et économique, il était en particulier essentiel de donner une voix aux populations les plus fragilisées.
Mesdames les conseillères, Messieurs les conseillers, dans la diversité de parcours, par vos qualités et vos compétences, vous incarnez les mille et un visages de cette France engagée, créative et solidaire. Cette réforme a été faite pour vous. Elle est le signe de la confiance de l’État, tant dans votre capacité à porter la parole des forces que vous représentez qu’à déployer votre expertise pour éclairer le débat public chaque fois qu’il en est besoin.
Vous voilà donc à la tâche, après avoir désigné vos instances et élu votre nouveau Président Thierry BEAUDET, que je veux non pas féliciter – c’est déjà fait – mais encourager dans l’ambition forte qui est la sienne et qui correspond en réalité à celle de cette réforme.
Monsieur le président, je ne doute pas que l’expérience acquise à la Mutualité française, où vous avez fait souffler un esprit de dialogue et d’innovation, apportera le meilleur à cette institution.
D’emblée, vous avez souhaité incarner la « République des solutions » et cette formule m’agrée tout particulièrement. Ces solutions - en serez-vous surpris ? - vous les chercherez et les trouverez d’autant plus facilement que vous vous appuierez sur les territoires.
Saisissez-vous pleinement de cette opportunité d’une articulation renforcée avec les Régions et les CESER de France. Car c’est en croisant vos deux regards que la France pourra se reconnaître pleinement dans vos travaux.
Surtout, et je veux insister sur ce point, ce travail d’expertise, d’élaboration et de concertation qui vous est demandé, est là pour conforter votre place dans le processus de décision, c’est-à-dire d’élaboration de la loi et, au-delà, dans la construction des politiques publiques.
C’est tout le sens de cette réforme, et c’est la raison pour laquelle je souhaite que le Gouvernement et le Parlement s’en saisissent pleinement en consultant plus souvent le Conseil et ses membres, et s’appuient davantage sur leurs recommandations.
Je sais que votre président a déjà mis en place une « conférence des enjeux ». Une fois ces priorités stratégiques définies, le Gouvernement pourra identifier plus précisément les sujets sur lesquels vous pourriez être saisi, dans le respect, évidemment, des prérogatives constitutionnelles de chacun.
Mais, dans ce moment très particulier que traverse notre pays, je vous propose que votre assemblée se saisisse sans attendre de trois questions que je crois urgentes et fondamentales parce qu’elles s’inscrivent à l’intersection des préoccupations de notre société : celles de la démocratie, du travail et de la transition écologique. Et si j’utilise le terme d’intersection, c’est bien parce que chacun de ces domaines est aujourd’hui en interaction avec l’autre. J’en veux pour exemple que la transition écologique aura nécessairement un impact sur le monde du travail, mais ne pourra pas se faire en dehors du dialogue et de la démocratie.
La première saisine du Gouvernement que je vous propose porte sur la question ancienne mais qui n’a jamais été aussi aigüe des tensions sur le marché du travail.
Alors que la reprise est là, plus vigoureuse que ce que les experts attendaient, ses pleins effets sont entravés par les difficultés de recrutement des entreprises. Celles-ci ne datent pas d’aujourd’hui, mais elles n’ont jamais été aussi fortement ressenties par les employeurs. Dans le même temps, même si le taux de chômage est revenu à son point le plus bas depuis plus de 12 ans, ce sont encore 8 % des actifs et plus particulièrement 20 % des jeunes actifs qui sont encore en recherche d’un emploi. C’est évidemment beaucoup trop.
Nous ne pouvons pas nous contenter de ces chiffres, car nous ne pouvons pas laisser notre jeunesse piétiner aux portes de la vie active, même si le plan 1 jeune 1 solution produit de vrais effets. C’est un parfait cas pratique d’articulation de l’action du Gouvernement avec les travaux du CESE. Car la solution – ou plutôt les solutions – renvoient à des réponses immédiates que le Gouvernement entend déployer en lien avec les partenaires sociaux et les Régions, mais aussi à des chantiers plus structurels, tant le sujet implique de nombreux facteurs et appelle une action de longue durée.
Certains secteurs subissent des difficultés conjoncturelles très fortes. C’est notamment le cas des Hôtels Cafés Restaurants (HCR) qui doivent recruter pour faire face à la réouverture de leurs établissements et dont une partie des salariés ne s’est pas représentée après les confinements. Dans le même temps, nous devons accompagner les secteurs soumis à des tensions structurelles et récurrentes, comme le BTP ou l’industrie, d’autant que ces domaines d’activité doivent adapter leurs métiers aux évolutions liées à ces transitions numériques et écologiques, que la crise sanitaire a par ailleurs accélérées.
Sur ce sujet j’ai, vous le savez, décrété la mobilisation générale. Le Gouvernement a en effet décidé d’agir vite et fort pour répondre au problème numéro 1 que rencontrent aujourd’hui quasiment tous les secteurs économiques. Nous devons pouvoir explorer toutes les solutions pour que les offres d’emploi trouvent preneurs. Je l’ai dit, et je sais que vous partagez ma conviction : il n’y a pas de fatalité en la matière.
La première réponse, c’est bien sûr celle des compétences et la nécessité d’investir encore plus et mieux dans la formation des salariés et des demandeurs d’emploi. Après avoir consulté les partenaires sociaux et les régions, je présenterai prochainement avec Mme Elisabeth BORNE de nouvelles actions pour mieux mobiliser et améliorer les compétences.
La deuxième réponse est celle de l’attractivité des métiers. C’est là le rôle des branches et des partenaires sociaux. Il s’agit donc d’avancer ensemble sur les conditions de travail, les évolutions professionnelles et les salaires. Des discussions sont d’ores et déjà engagées dans les branches de la prévention et sécurité, du transport routier, du commerce, de la propreté, du commerce de détails des fruits et légumes, des aides à domicile. Parallèlement, j’ai demandé aux partenaires sociaux d’ouvrir des négociations dans d’autres branches comme les Hôtels Cafés Restaurants et les industries agroalimentaires qui subissent de plein fouet les tensions conjoncturelles que je viens d’évoquer. Soyez assurés que je suis l’avancée de ces travaux dans chacune des branches avec la plus grande attention.
Enfin, je le redis devant votre assemblée, après avoir décidé de reporter la réforme de l’assurance chômage pendant la crise, les conditions nous apparaissent désormais réunies pour une entrée en vigueur à partir du 1 er octobre. Cette troisième réponse a un double objectif : agir tout à la fois contre la précarité et les contrats courts, et inciter à la reprise d’emploi.
Mais en complément de ces actions, nous devons disposer d’éléments plus approfondis sur un certain nombre de freins structurels, qui dépassent les seules questions de fonctionnement du marché du travail. Je pense notamment à différentes contraintes que la crise sanitaire a parfois rendues encore plus aiguës, notamment celles liées au logement, à la mobilité, à la santé, à la dimension familiale ou encore aux disparités territoriales de localisations des activités…
Par ailleurs, l’évolution des aspirations des jeunes est également un facteur qui peut expliquer qu’une proportion croissante d’entre eux se détourne de certains métiers, soit en amont des choix scolaires, soit en cours de vie professionnelle active. À cet égard, l’orientation des jeunes dans l’enseignement scolaire, professionnel et supérieur est une phase cruciale qui détermine en partie ces aspirations.
Je sollicite donc un avis du CESE, dont je souhaite qu’il me soit rendu dans les meilleurs délais, et en toute hypothèse avant la fin de l’année, et qui devra porter sur l’ensemble des causes de ces difficultés et aux moyens d’y remédier.
La deuxième saisine concerne la participation des jeunes à la vie démocratique. 87% des 18-24 ans ne se sont pas rendu aux urnes pour le premier tour des dernières élections départementales et régionales. À ce niveau-là d’abstention au sein de cette génération, ce n’est plus un signal d’alerte, c’est un appel à la mobilisation de la République. Notre société est trop fragile pour qu’aux différentes fractures que nous essayons de combler viennent s’ajouter une fracture démocratique et générationnelle. Si nous avons bien un devoir, moi en tant que chef du Gouvernement, vous en tant que représentants de la société française, c’est d’y remédier.
La situation est d’autant plus paradoxale que je reste convaincu que les jeunes ne se tiennent pas éloignés des grands enjeux de notre société et, leur engagement pour les grandes causes le montrent, ils ne délaissent pas le bien commun. Ces générations se sont engagées avec autant de force que de sincérité dans l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore l'action contre le changement climatique. Sur ces questions, les jeunes ont même joué le rôle de lanceur d’alerte et d’éclaireur.
Il faut aussi reconnaître que ces générations s’emparent différemment de l’engagement. Ils veulent participer de façon concrète et immédiate, et ils se saisissent de tous les moyens que nous mettons à leur disposition. C’est la raison du succès de la plateforme jeveuxaider lancée par le Gouvernement pendant la crise Covid. Ou, plus largement, de la formidable dynamique du service civique, du service national universel et des nombreux plans que nous avons lancés, notamment dans l’Education nationale, avec le mentorat. Il nous faut donc trouver les moyens de revitaliser le lien qui unit la volonté d’engagement avec la participation démocratique.
Je veux en profiter pour redire ici l’importance que nous accordons à l’engagement associatif. Il est, vous le savez, vous qui êtes nombreux dans cette instance à le représenter, l’un des ciments de la République, et la célèbre loi de 1901, l’une de nos plus grandes lois. Raisons pour lesquelles nous avons souhaité les renforcer, en publiant symboliquement le 1 er juillet 2021, un texte facilitant la vie des associations et de leurs membres et, plus récemment encore, la loi confortant les principes de la République, qui comprend des dispositions visant à prévenir et réprimer toute tentative de recourir au vecteur associatif pour conduire des menées séparatistes, profondément contraires à nos valeurs républicaines et démocratiques.
Dans le prolongement des réflexions que le Conseil économique, social et environnemental a conduit sur la place de la jeunesse dans la société, je souhaite le saisir sur ce sujet, pour qu’il étudie, d’ici à l’été prochain, la nature et les raisons de ce renouvellement des formes de l’engagement de la jeunesse et, plus largement, de sa place dans la vie démocratique de notre pays. Je souhaite également qu’il propose des pistes pour renforcer la cohérence de nos politiques publiques en la matière, et qu’il envisage les voies et moyens permettant d’encourager de concert l’engagement citoyen et la participation électorale, dont je suis persuadé qu’ils sont intimement liés.
Ces travaux sur l’engagement de la jeunesse dans notre société viendront compléter de façon utile et pertinente ceux que vous conduisez d’ores et déjà, en réponse à la demande que vous a adressée le Président de l’Assemblée nationale en juillet dernier, sur l’exercice du vote par nos concitoyens, dans le champ politique, bien sûr, mais aussi dans les secteurs économiques, sociaux, ou encore associatifs.
Enfin, je souhaite vous saisir aussi d’un dernier sujet, relatif à l'action contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité. Il n’est plus permis d’en douter : nous sommes à un moment qui appelle que notre pays, et qu’au-delà le monde, accélère dans les prochains temps les évolutions amorcées. Pourtant, bien que les objectifs soient aujourd’hui très largement partagés, nous rencontrons un certain nombre de difficultés dans la mise en œuvre de nos politiques de transition écologique, tout particulièrement celles qui passent par la construction d’infrastructures. Sur le terrain, ces dernières sont en effet très souvent contestées par les populations les plus directement concernées, qu’il s’agisse des parcs éoliens, ou photovoltaïques, des centres de tri et de traitement de déchets, ou encore de méthaniseurs.
Vieux paradoxe, qui fait cohabiter d’un côté une large convergence sur les idées et les politiques à mener, et de l’autre des résistances réelles et parfois légitimes quand il s’agit de traduire ces politiques en réalisations concrètes. En général, on veut plus d’énergie renouvelable, mais pas près de chez soi. Ce n’est pas une critique, c’est un constat. Et il n’est pas question de s’arrêter à ces apparentes contradictions ; il faut réfléchir à la manière de les prévenir et les dépasser. Sujet majeur, qui nous renvoie à l’importance du « comment ? », nous qui avons plutôt l’habitude d’être préoccupés davantage par le « quoi ? ».
Je saisirai donc le Conseil économique, social et environnemental, pour qu’il contribue à définir les conditions d’un meilleur dialogue, à travers une négociation puis une décision avec les parties prenantes composant la société civile, afin d’améliorer l’acceptabilité de ces projets qui sont nécessaires si la France veut tenir ses engagements en matière de transition écologique.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, comme vous le constatez, ces demandes d’avis font écho aux trois grands défis que vous avez identifiés pour cette nouvelle mandature : le défi de l’efficacité économique conjugué à l’impératif de cohésion sociale ; le défi démocratique, qui nous impose de construire ensemble les réponses que nous devons y apporter ; et le défi écologique et environnemental, qui est au cœur de notre devenir collectif.
A propos du défi démocratique, vous avez rappelé très justement la fatigue démocratique qui menace le fonctionnement de notre démocratie et la légitimité des institutions. Indifférence, doute, rejet, abstention sont, nous le voyons, par exemple avec les oppositions irrationnelles à la vaccination, combien ces symptômes travaillent la société. Nous devons les comprendre, nous devons les combattre.
Pour autant, j’observe que jamais l’aspiration des citoyens à se faire entendre et à être associés à la décision publique n’a été aussi forte. Comprendre l’abstention et encourager la participation sont les conditions pour permettre demain de renouer avec un débat politique à la mesure des enjeux auxquels notre pays est confronté. Le nouveau CESE détient aujourd’hui une clé majeure pour répondre à ces défis. Plus encore qu’hier, il doit pour ce faire devenir, ainsi que l’a indiqué le Président de la République, le « carrefour des consultations publiques ».
En cela, la réforme des modalités de saisine du CESE par voie de pétition, avec l’abaissement du seuil de signatures et de l’âge auquel ce droit de pétition est reconnu, constitue un progrès décisif. Il en va de même de la possibilité donnée au Conseil d’organiser des consultations publiques en recourant au tirage au sort, qui conforte aujourd’hui la société civile organisée dans son rôle de trait d’union entre les citoyens et les pouvoirs publics.
La loi organique s'est inspirée des expérimentations engagées à l'occasion de la précédente mandature. Je pense évidemment à l’avis « Fractures et Transitions : Réconcilier la France », qui est le premier du genre à avoir été élaboré en commun avec les membres du CESE et les citoyens tirés au sort.
Je pense aussi, plus récemment, au collectif sur la vaccination, qui a utilement accompagné le déploiement de la stratégie vaccinale du Gouvernement, en faisant remonter de manière régulière et constructive les préoccupations des citoyens. De nombreuses recommandations du collectif ont été mises en œuvre, en particulier sur l’aller-vers et les modalités de communication à adopter. Avec près de 50 millions de Français primo-vaccinés, les objectifs fixés au collectif sont atteints et j’en remercie les membres pour le travail qu’ils ont accompli. S’il s’achève aujourd’hui, nous nous attacherons à tirer tous les enseignements de cette expérimentation, pour progresser collectivement dans l’organisation des prochaines démarches participatives.
Des enseignements doivent être également tirés de l’organisation de la Convention citoyenne pour le climat. Cette innovation démocratique inédite à cette échelle, en France et dans le monde, a en effet conduit à l’adoption d’une loi particulièrement ambitieuse en matière environnementale même si, après cette forme inédite de démocratie participative, la démocratie parlementaire a joué pleinement son rôle.
L’expertise méthodologique que le Conseil a acquise en la matière est ainsi un formidable atout que le Gouvernement – et tout particulièrement le Ministre chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne – va pouvoir exploiter pleinement. Sur la base de ces expériences et de la loi organique, il vous faut aujourd’hui donner corps à ce dialogue entre les corps intermédiaires et les citoyens, et faire le lien entre leurs propositions, vos travaux et les décisions des pouvoirs publics. Comme vous l’avez rappelé, Monsieur le Président, tout est encore à construire mais j’ai pleine confiance dans la capacité des membres du CESE à se saisir de cette nouvelle prérogative, qui devra être articulée de manière cohérente avec d’autres formes de démarches participatives initiées par les décideurs publics.
A cette fin, vous pourrez vous inspirer utilement des recommandations que le président BERNASCONI formulera par la mission que je lui ai récemment confiée sur l'avenir de la participation citoyenne et de la démocratie délibérative en France.
Enfin, pour faire vivre cette « démocratie plus partagée et plus continue » que nous appelons de nos vœux, l’Europe doit évidemment demeurer un horizon de mobilisation collective. Vous avez devant vous le chef d’un Gouvernement résolument européen, qui a la conviction que l’avenir de notre pays passe par l’Europe, et qui entend par conséquent que la voix de la France pèse en Europe, pour que l’Europe soit celle de la justice, de l'indépendance et du progrès.
La présidence de l’Union européenne, à compter du 1 er janvier prochain, nous donnera l’opportunité, dans la continuité de l’action conduite par le Président de la République, d’affirmer et de faire partager nos priorités, qu’il s’agisse de la taxe carbone aux frontières, du salaire minimum européen ou des dispositions relatives à notre indépendance numérique et culturelle. Je conduis depuis plusieurs mois un vaste chantier de préparation à cette échéance, à laquelle nous associons les partenaires sociaux qui ont déjà été reçus par le Président de la République et qui le seront à nouveau d’ici la fin de l’année.
Mais au-delà, c’est à l’implication des citoyens que nous devons être particulièrement attentifs. Le 9 mai dernier, le Président de la République a lancé à Strasbourg, aux côtés de la Présidente de la Commission européenne, du Président du Conseil et du Président du Parlement européen, la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Sa finalité est simple : il s’agit d’ouvrir un nouvel espace de débat avec les citoyens européens, visant à examiner les priorités que l’Union doit se fixer pour les années à venir.
Cette concertation citoyenne se manifeste au niveau européen ainsi qu’au sein de chaque État membre. Les citoyens de l’Union peuvent d’ores et déjà contribuer au débat à travers une plateforme en ligne dédiée.
Dans notre pays, cet exercice se déroulera en trois temps. Il se manifestera d’abord par l’organisation de 18 conférences régionales en France métropolitaine et en Outre-mer, réunissant à chaque fois entre 30 et 50 citoyens tirés au sort et représentatifs de la diversité de leur territoire. Les neuf premières conférences se sont tenues avec succès le week-end dernier. J’irai moi-même à la rencontre des citoyens le 25 septembre à Toulouse. Ensuite, une conférence nationale sur l’avenir de l’Europe enrichira et consolidera les propositions formulées par les panels régionaux. Elle aura lieu dans ce lieu même du 15 au 17 octobre prochain. Elle réunira 100 citoyens sélectionnés par tirage au sort parmi les participants des conférences régionales. Ils seront accompagnés par une trentaine de représentants du monde académique et de la recherche qui les aideront à formaliser leurs propositions. Enfin, cette conférence donnera lieu à la rédaction d’un rapport final qui sera remis au Gouvernement.
Cette large concertation, qui sollicite les citoyens français, ainsi que six citoyens allemands pour la région Grand est, et recueille leurs idées sur l’Union européenne, est d’une extrême importance à un moment où l’Europe fait face à défis inédits, liés notamment aux conséquences multiples de la crise sanitaire. Sa force et son impact seront fonction de l’étendue de la mobilisation citoyenne qu’elle suscitera. Dans cette entreprise, nous avons toujours pu compter sur l’appui et le soutien du CESE, et je vous en remercie.
Son rôle ne se limitera pas à une fonction d’accueil ou d’organisation de la conférence nationale. Le CESE sera acteur de cette démarche citoyenne. Il en permettra l’expression. Vous l’enrichirez sans interférer bien sûr dans les idées des citoyens.
Vous êtes ainsi appelés à produire d’ici la conférence nationale, une contribution spécifique qui sera mise à disposition des citoyens participants à la conférence. Elle pourrait constituer la contribution du CESE français à la réflexion menée par le CESE européen via la Conférence sur l’avenir de l’Europe.
Dans le même esprit, les membres du CESE pourront être associés aux travaux des panels citoyens. Vous pourrez autant que de besoin présenter vos travaux et la contribution du CESE sur les thématiques qui seront en débat. Vous savez parfaitement, Mesdames et Messieurs, tous les enjeux qui sous-tendent ces questions. Les crises, nous apprend l’histoire, flattent toujours le repli sur soi, la recherche de boucs émissaires, l’exacerbation des divisions. Il est de notre devoir et de notre honneur d’emprunter un chemin différent, parce que c’est l’intérêt de notre peuple et de son avenir, parce que c’est le sens profond des valeurs de la République.
Mesdames les conseillères, Messieurs les conseillers, vous connaissez mon attachement à la concertation. Je l’ai portée toute ma vie professionnelle et politique. Dès ma prise de fonctions, j’ai institué des conférences du dialogue social et nous n’avons, depuis lors, cessé de dialoguer, de concerter, de négocier.
Je me plais à vous rappeler que la concertation dans des branches et dans les entreprises demeure, y compris en ces temps de crise, particulièrement vivace. C’est une force pour notre pays.
Je me plais également devant vous à répéter combien les partenaires sociaux ont montré un sens des responsabilités exemplaire sur les questions sanitaires depuis le début de la pandémie. Je dis bien exemplaire.
Nous avons l’impérieux devoir de protéger les Français et de renforcer la France, en tirant tous les enseignements structurels de cette crise inédite à bien des égards qui nous ouvre les yeux Nous devons avancer, réformer tout ce qui le nécessite pour concilier développement économique, progrès social et transition écologique.
Sur ce chemin, la recherche de compromis est indispensable. Le compromis, c’est ce qui fait la vie, c’est ce qui fait la société, c’est ce qui, au fond, fait l’humanité. C’est l’exact contraire de la compromission. Et cet attachement qui est le mien au dialogue et à la concertation, c’est donc un attachement à votre institution, car ils sont évidemment liés l’un à l’autre.
Je suis convaincu que la réforme voulue par le Chef de l’État et concrétisée par mon Gouvernement, dont cette assemblée est désormais issue, va non seulement renforcer votre capacité de concertation à la recherche du compris, votre pouvoir de propositions, mais aussi la visibilité de votre institution. En effet, par le passé, ce Conseil, malgré l’excellence de son travail, a vu ses rapports restés trop confidentiels. Il est important qu’aujourd’hui que le citoyen sache qu’outre sa représentation dans les assemblées parlementaires, il est aussi écouté par le CESE. Les crises sociales, sociétales, démocratiques, parfois entachées de violence, ont montré à quel point cette capacité d’écoute des attentes profondes de la société était fondamentale. Plus que jamais fondamentale.
Le CESE est en réalité aujourd’hui, peut-être plus encore qu’hier, la chambre représentative de ces corps intermédiaires. Or, il ne peut y avoir d’échange entre le peuple, ses représentants et ses gouvernants sans corps intermédiaires. Ainsi va l’histoire de notre pays, à la recherche d’un constant équilibre : que les corps intermédiaires, ou certains d’entre eux, sortent de leur rôle et paralysent l’État, dépositaire de l'indépendance nationale, alors la Nation se révolte ; que les corps intermédiaires s’affaiblissent et soient déconsidérés, alors la Nation se fissure.
Une nouvelle étape s’ouvre. Rien n’est encore écrit, c’est donc ensemble que nous devons concrétiser cette grande ambition, cette quête permanente de l’équilibre du vivre ensemble, de l’engagement, de la responsabilité collective, en somme de la République où chacune et chacun doit pouvoir trouver sa place et son espérance.