Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,
Voilà donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre.
Depuis le 17 mars dernier, notre pays vit confiné.
Qui aurait imaginé, il y a seulement trois mois, la place que ce mot allait prendre dans notre débat public ? Qui aurait pu envisager une France dans laquelle, subitement, les écoles, les universités, les cafés, les restaurants, une majorité d’entreprises, les bibliothèques et les librairies, les églises, les temples, les synagogues et les mosquées, les jardins publics et les plages, les théâtres, les stades, tous ces lieux communs, pour utiliser une formule qu’affectionne le Président de l’Assemblée nationale, auraient été fermés ?
Jamais dans l’histoire de notre pays, nous n’avons connu cette situation. Ni pendant les guerres, ni pendant l’occupation, ni pendant les précédentes épidémies. Jamais le pays n’avait été confiné comme il l’est aujourd’hui.
Et de toute évidence, il ne peut l’être durablement. Car si le confinement a constitué une étape nécessaire, il pourrait, s’il durait trop longtemps, entraîner des effets délétères.
Le confinement a été un instrument efficace. Pour lutter contre le virus. Pour contenir la progression de l’épidémie. Pour éviter la saturation de nos capacités hospitalières et, ce faisant, protéger les Français les plus fragiles.
Depuis le 14 avril, le nombre de cas de Covid-19 hospitalisés diminue : de plus de 32 000 patients hospitalisés, il est descendu à 28 000. Depuis le 8 avril, le nombre de cas de Covid-19 en réanimation diminue. Il dépassait 7100, il est désormais de 4600.
La décrue est engagée. Elle est régulière, lente, j’y reviendrai, mais régulière.
Selon une étude de l’École des hautes études de santé publique, le confinement aura permis d’éviter au moins 62 000 décès sur un mois. Et 105000 lits de réanimation auraient manqué en l’absence de confinement. Je ne crois pas, Mesdames et Messieurs les députés, que notre pays l’aurait supporté.
Mais un instrument ne vaut que si ses effets positifs ne sont pas, dans la durée, dépassés par ses conséquences négatives.
Or nous savons, par l’intuition ou par l’expérience, qu’un confinement prolongé au-delà du strict nécessaire aurait, pour la Nation, des conséquences gravissimes.
Nous sentons que l’arrêt prolongé de la production de pans entiers de notre économie, que la perturbation durable de la scolarisation d’un grand nombre d’enfants et d’adolescents, que l’interruption des investissements publics ou privés, que la fermeture prolongée des frontières, que l’extrême limitation de la liberté d’aller et venir, de se réunir, de rendre visite à proches, à ses parents, présenteraient pour le pays, non pas seulement l’inconvénient pénible du confinement, mais en vérité celui, bien plus terrible, du risque de l’écroulement. Je n’emploie pas ce terme au hasard. On me reproche bien plus souvent la litote que l’exagération.
Il nous faut donc, progressivement, prudemment, mais aussi résolument, procéder à un dé-confinement aussi attendu que risqué et redouté.
L’objectif du Gouvernement est de présenter à l’Assemblée nationale, et grâce à elle, aux Français, notre stratégie nationale, c’est-à-dire les buts que nous recherchons et la façon dont nous allons procéder pour les atteindre à partir du 11 mai prochain.
Toute stratégie repose sur des constats.
Le premier d’entre eux est médical. Il tient en quelques mots simples que tous les Français doivent avoir en tête : nous allons devoir vivre avec le virus. Dès lors qu’aucun vaccin n’est disponible à court terme, qu’aucun traitement n’a, à ce jour, démontré son efficacité, et que nous sommes loin d’avoir atteint la fameuse immunité de groupe, le virus va continuer à circuler parmi nous. Ce n’est pas réjouissant, mais c’est un fait.
On peut espérer que le virus disparaisse de lui-même. Les spécialistes des épidémies, en tout cas certains, s’accordent pour reconnaître que cela arrive, que les épidémies s’arrêtent parfois sans que l’on sache très bien pourquoi.
On peut espérer aussi que l’incroyable effort de recherche engagé dans le monde entier permettra de trouver d’ici 12 à 24 mois un vaccin qui renverrait ce virus au rang des questions de santé résolues par l’intelligence et la technologie humaines.
On peut tout à fait espérer tout cela, mais fonder une politique publique et organiser la vie des Français autour d’hypothèses aussi incertaines n’est pas envisageable.
Il nous faut donc apprendre à vivre avec le Covid-19, et apprendre à nous en protéger.
Voilà la première contrainte et le premier axe de notre stratégie.
Le deuxième constat est à la fois médical et politique : il tient au risque de voir repartir l’épidémie. La décision de confiner notre pays a permis de ralentir la circulation du virus. Elle a permis que jamais nos services de réanimation ou de soins intensifs ne soient saturés au point qu’ils n’auraient pu admettre de patients nouveaux. Elle a permis à l’engagement des soignants, à l’imagination des équipes hospitalières, à l’organisation logistique des soins de tenir, en dépit d’une pression considérable, jamais vue, mais de tenir. Et je veux le dire une nouvelle fois ici. Notre système hospitalier a tenu.
Mais il a tenu au prix d’une fatigue bien compréhensible des femmes et des hommes. Au prix d’une consommation de médicaments de réanimation, de consommables jamais constatée non plus. Au prix d’une déprogrammation des opérations chirurgicales non nécessaires à court terme, mais qui finiront par l’être.
Le risque d’une seconde vague, qui viendrait frapper un tissu hospitalier fragilisé, qui imposerait un re-confinement, qui ruinerait les efforts et les sacrifices consentis au cours de ces 8 semaines, est un risque sérieux, un risque qu’il faut prendre au sérieux.
Ce risque impose de procéder avec prudence. Progressivement. Sûrement. En reprenant notre vie selon des modalités qui permettent, semaine après semaine, de vérifier que nous maîtrisons le rythme de circulation du virus.
Le deuxième axe de notre stratégie sera donc la progressivité.
Le troisième élément à prendre en compte est géographique. Il tient là aussi en quelques mots : la circulation du virus n’est pas uniforme dans le pays. Certaines parties ont été durement touchées, certains territoires connaissent encore aujourd’hui, après 6 semaines de confinement, un nombre quotidien significatif de nouveaux cas, mais dans d’autres, le virus est quasiment absent.
Cette circulation hétérogène du virus crée, de fait, des différences entre les territoires. Pour tous ceux qui, comme moi, croient au bon sens, il n’est pas inutile, et même très nécessaire, de prendre en compte ces différences dans la façon dont le dé-confinement doit être organisé. A la fois pour ne pas appliquer le même schéma dans des endroits où la situation n’est objectivement pas la même, mais aussi pour laisser aux autorités locales, notamment aux maires et aux préfets, la possibilité d’adapter la stratégie nationale en fonction des circonstances.
C’est d’ailleurs pour cela qu’avec le Président de la République, nous avons décidé de dire rapidement quelle est notre stratégie nationale : afin qu’au plus tôt, ceux qui vont participer à sa mise en œuvre puissent prendre leurs dispositions. Avec plusieurs membres du Gouvernement et le coordonnateur interministériel, Jean Castex, je rencontrerai dès demain les associations d’élus locaux et les préfets, puis jeudi les partenaires sociaux, pour engager ce travail de concertation et d’adaptation du plan aux réalités de terrain.
Vivre avec le virus, agir progressivement, adapter localement : voilà les trois principes de notre stratégie nationale.
À partir du 11 mai, sa mise en œuvre va reposer sur le triptyque : Protéger - Tester - Isoler.
Protéger, c’est éviter d’être infecté par le virus ou d’infecter les autres. Les médecins nous disent que la contagiosité de la maladie apparaît deux jours avant les premiers symptômes et disparait plusieurs jours après. Ils disent également qu’une proportion non négligeable de porteurs du virus ne déclenchent aucun symptôme, et ne savent pas, au fond, qu’ils peuvent transmettre le virus.
Dès lors, il est impératif que chacun puisse adopter les comportements qui permettent d’éviter la contamination.
A partir du moment où nous ne serons plus en situation de confinement, où les occasions de contacts augmenteront à nouveau, le respect des mesures barrières et de mesures de distanciation physique prendra encore plus d’importance.
Ces mesures barrières, tout le monde les connaît désormais : c’est notamment la distanciation physique et le lavage régulier des mains.
A cela, il conviendra d’ajouter, et je dis bien d’ajouter, le port du masque dans certaines situations.
Et je souhaite revenir précisément sur ce sujet. Car cette question des masques a suscité l’incompréhension et la colère de nombreux Français. Pourquoi n’y en avait-il pas pour tout le monde ? Fallait-il en porter ? Où les trouver ?
Lorsque la crise a commencé, nous disposions d’un stock important de masques chirurgicaux. Important au sens où il permettait de répondre à plus de 20 semaines de consommation normale des services hospitaliers. La production nationale était inférieure à la consommation normale, mais complétée par des importations régulières.
Avec l’apparition de l’épidémie en Chine puis son arrivée en Italie, deux éléments sont apparus clairement : l’importation est devenue momentanément impossible et la consommation a considérablement augmenté, dans des proportions incroyablement supérieures à la normale.
Comme tous les pays européens, comme les Etats-Unis d’Amérique, la France a dû gérer un risque de pénurie de masques.
Trois décisions ont donc été prises.
D’abord d’augmenter la production nationale de masques chirurgicaux autant que faire se peut. Ce n’est pas simple, mais nous sommes en train d’y parvenir, en doublant d’abord et en atteignant bientôt 5 fois sa production initiale.
Ensuite, réserver le stock existant aux soignants hospitaliers. Pour garantir la fourniture de ces masques à ceux qui, en première ligne, auraient à soigner les malades. Il est arrivé que nous doutions de notre capacité à garantir cet approvisionnement dans la durée. Réserver les masques aux soignants, c’était mécaniquement refuser de les distribuer à d’autres. C’est un choix difficile, un choix contesté, un choix que j’ai estimé nécessaire.
Enfin nous avons lancé la production de masques en tissus, pour compléter l’offre et ne pas dépendre des importations dont nous ne savions pas si elles pourraient reprendre, et si oui pour combien de temps.
Les scientifiques ont eux-mêmes évolué. Au début, beaucoup nous disaient que le port du masque en population générale n’était pas nécessaire, que le risque du mauvais usage était supérieur aux avantages espérés. Et nous l’avons donc répété, je l’ai dit.
Ils nous disent aujourd’hui, parfois les mêmes, qu’il est préférable, dans de nombreuses circonstances de porter un masque plutôt que de ne pas en porter. Il me revient donc de le dire, et de faire en sorte que cela soit possible.
Pendant la phase de pénurie, nous avons utilisé l’outil des réquisitions, qui a été fort utile. Depuis plusieurs semaines maintenant, depuis que nous sommes rassurés sur notre capacité à servir les soignants au sens large en masques, nous incitons l’ensemble des acteurs à se procurer des masques. Les données des douanes le montrent : il rentre bien plus de masques dans le pays que le Gouvernement n’en commande.
Et croyez-moi, il en commande, puisque nous recevons près de 100 millions de masques chirurgicaux par semaine désormais, et que nous recevrons près de 20 millions de masques grand public lavables à compter de mai. Nous avons incité les entreprises et les collectivités à se procurer également des masques. Nous soutiendrons financièrement les collectivités locales qui achètent à compter de ce jour des masques grand public en prenant en charge 50% du coût des masques dans la limite d’un prix de référence. Et nous avons réouvert récemment, vous l’avez probablement remarqué, les marchands de tissus et les ateliers de couture, et diffusé des guides pratiques de confection de masque, afin que chacun se mobilise pour en produire.
Grâce à la mobilisation de tous, il y aura donc assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai.
Mais l’enjeu, la responsabilité des pouvoirs publics, notre responsabilité collective, c’est d’arriver, dans les prochaines semaines, à organiser cet effort pour éviter que certains en aient trop, quand d’autres n’en auraient pas. Progressivement, nous parviendrons à une situation classique, où les Français pourront, sans risque de pénurie, se procurer des masques grand public dans tous les commerces. En attendant, il faut que l’État, les collectivités territoriales, les entreprises, l’initiative privée, soient complémentaires et non concurrents.
Le Président de la République l’a dit : nous nous appuierons sur les maires et les préfets, avec le concours de tous. J’invite toutes les entreprises, quand leurs moyens le leur permettent, à veiller à équiper leurs salariés. C’est une condition, elles le savent et le disent, de la reprise.
Les régions et l’État mettront en place un appui au TPE et aux travailleurs indépendants, au-delà des initiatives déjà prises par certaines branches ou organisations professionnelles. Une plateforme de e-commerce sera mise en place par la Poste à compter du 30 avril et distribuera à ceux qui en ont besoin chaque semaine plusieurs millions de masques grand public.
L’État et les collectivités locales assureront la protection de leurs personnels, en particulier ceux qui sont en contact avec le public. Les préfets disposeront d’une enveloppe locale pour soutenir, avec les départements et les régions, les plus petites collectivités. Les personnels de l’éducation et les élèves des collèges recevront également des masques.
Les pharmacies et la grande distribution seront invitées à vendre, dans des conditions que nous définirons avec eux pour éviter les phénomènes de pénurie, des masques jetables ou lavables. Les particuliers sont bien sûr invités à se confectionner eux-mêmes des masques, dans les conditions recommandées par l’AFNOR et l’ANSM.
Enfin, nous réserverons une enveloppe hebdomadaire de 5 millions de masques lavables pour que les préfets organisent, avec les maires et les présidents de conseils départementaux, la distribution de masques à nos concitoyens qui se trouvent dans le plus grand état de précarité, via les CCAS et les acteurs associatifs.
Protéger d’abord. Tester ensuite.
Là encore, les recommandations scientifiques ont évolué, et après tout, sans doute est-ce normal face à un virus inconnu. Cette crise sanitaire renvoie décidément tout le monde à un devoir d’humilité. La doctrine initiale consistait, dans ce que nous appelions alors la phase 1, à tester au maximum. Et nous avons beaucoup testé en phase 1. Lorsqu’un cas est apparu aux Contamines-Montjoie, et qu’il a fallu le circonscrire, nous avons testé massivement tous ceux qui s’étaient approchés, de près ou de loin, des malades identifiés. Mais la doctrine voulait qu’une fois l’épidémie passée en phase 3, on ne teste plus que les malades hospitalisés pour suspicion de Covid-19, les soignants symptomatiques et les premiers cas dans les établissements accueillant des publics fragiles. C’est ce que nous avons fait. Les temps ont changé, la doctrine de l’OMS aussi. À la sortie du confinement, nous serons en capacité de massifier nos tests. Nous nous sommes fixés l’objectif de réaliser au moins 700 000 tests virologiques par semaine au 11 mai.
Pourquoi 700 000 ? Parce que le Conseil scientifique nous dit, à ce stade, que les modèles épidémiologiques prévoient entre 1000 et 3000 cas nouveaux chaque jour à partir du 11 mai. Parce qu’à chaque cas nouveau correspondra en moyenne le test d’au moins 20 à 25 personnes l’ayant croisé dans les jours précédents. 3000 fois 25 fois 7, cela donne 525 000 tests par semaine. 700 000 nous donne la marge qui nous permettra, en plus des tests des chaînes de contamination de mettre en œuvre des campagnes de dépistage comme nous l’avons déjà engagé pour les EHPAD notamment.
Pour atteindre cette cible, nous avons fait sauter les verrous qui empêchaient la participation des laboratoires de recherche et des laboratoires vétérinaires à cet effort collectif. La capacité à faire sauter ces verrous sur le terrain, pas seulement dans les discours, est un exercice qui incite là aussi, je peux vous le dire, à une grande humilité. Nous avons engagé la mobilisation conjointe des laboratoires publics et privés qui peuvent aujourd’hui monter en charge très rapidement en termes de capacités. Cette mobilisation permettra de garantir sur tout le territoire un accès de proximité aux prélèvements. Nous allons enfin faire passer à 100% la prise en charge de ces tests par l’assurance maladie. En un mot, tout doit être fait pour rendre la réalisation du test facile et rapide.
Dès lors qu’une personne aura été testé positive, nous engagerons un travail d’identification et le test de tous ceux, symptomatiques ou non, qui auront eu un contact rapproché avec elle. Tous ces cas contacts seront testés et seront invités à s’isoler, compte tenu des incertitudes sur la durée d’incubation.
Cette règle est assez simple à formuler, mais elle exige, pour être appliquée de façon systématique partout en France, des moyens considérables. Nous ne pourrons réussir que grâce à la mobilisation des professionnels de santé libéraux, notamment médecins généralistes et infirmiers libéraux. Ils constitueront d’une certaine manière la première ligne dans cette recherche des cas contacts pour tout ce qui concerne la cellule familiale. Je sais qu’ils peuvent se mobiliser pour cette mission et nous les accompagnerons pour cela. En appui, les équipes de l’Assurance Maladie assureront la démultiplication de cette démarche d’identification des cas contacts au-delà de la cellule familiale.
Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent lieu à l’application correcte de la doctrine nationale.
Protéger d’abord, tester ensuite, et isoler enfin. L’objectif final de cette politique ambitieuse de tests, c’est de permettre d’isoler au plus vite les porteurs du virus afin de casser les chaînes de transmission. L’isolement n’est pas une punition. Il n’est évidemment pas une sanction. L’isolement est une mesure de précaution collective, une mise à l’abri. L’isolement doit donc être expliqué, consenti et accompagné.
Notre politique repose, à cet égard, sur la responsabilité individuelle et la conscience que chacun doit avoir de ses devoirs à l’égard des autres. Nous prévoirons des dispositifs de contrôle, s’ils devaient être nécessaires, mais notre objectif est de nous reposer largement sur le civisme de chacun. Et on observe d’ailleurs, les médecins le disent, ceux qui ont eu à gérer des épidémies le disent, que la conscience individuelle, le respect civique des règles, lorsque l’on est déclaré positif ou malade, est souvent quasiment absolu.
Il reviendra aux préfets et aux collectivités territoriales de définir ensemble, avec les acteurs associatifs, les professionnels de santé, les acteurs de la prise en charge à domicile, le plan d’accompagnement des personnes placées dans cette forme d’isolement. Nous laisserons le choix à la personne testée positive de s’isoler chez elle, ce qui entraînera le confinement de tout le foyer pendant 14 jours, ou bien de s’isoler dans un lieu mis à sa disposition, notamment dans des hôtels réquisitionnés.
Un mot encore sur ce sujet, mais un mot important. Pourrons-nous ou devrons-nous, afin d’être plus efficace, nous appuyer sur les ressources extraordinaires des outils numériques ? Un consortium européen a lancé un travail devant permettre la création de l’application StopCovid dont l’utilité ne peut s’envisager que de façon complémentaire à ce que je viens de décrire. Complémentaire parce que les enquêtes sanitaires que j’ai décrites, qu’elles soient physiques ou téléphoniques, sont vitales mais présentent une faiblesse. Elles se heurtent parfois, dans les centres urbains, à l’impossibilité de reconstituer les chaînes de transmission dans les lieux plus denses, notamment les transports en commun. Difficile de prévenir celui qui a partagé votre rame de métro à 7H46 sur la ligne 12. Vous ne le connaissez pas, il ne vous connaît pas, et la RATP ne vous connaît ni l’un ni l’autre.
C’est l’objet du projet StopCovid, qui permettrait aux personnes qui ont croisé une personne testée positive d’intégrer un parcours sanitaire, sans bien entendu avoir aucune information sur l’identité de la personne croisée. Un grand nombre de responsables politiques, à commencer par le Président de l’Assemblée Nationale, m’ont fait part de leurs interrogations sur ce type d’instrument, sur les questions que son utilisation ne manquerait pas de poser en termes de libertés publiques et de libertés individuelles.
Ces questions, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, me paraissent fondées. Elles doivent être posées. Elles doivent être débattues. Et j’ai même le sentiment qu’elles doivent faire l’objet d’un vote. Pour l’heure, compte tenu des incertitudes sur cette application, je serais bien en peine de vous dire si elle fonctionne, et comment elle fonctionnera précisément. Je ne doute pas que les ingénieurs travailleront d’arrache-pied et réussiront à faire fonctionner ce projet. Mais dès lors que ce n’est pas le cas il me semble, pour tout vous dire Mesdames et Messieurs les députés, que le débat est un peu prématuré. Mais je confirme mon engagement : lorsque l’application en cours de développement fonctionnera et avant sa mise en œuvre, nous organiserons un débat spécifique, suivi d’un vote spécifique.
Pour procéder au déconfinement, nous allons donc partout protéger, tester et isoler. Mais, comme je vous l’indiquais, nous allons procéder progressivement et en différenciant en fonction des territoires.
Progressivement parce qu’il ne faut pas laisser repartir l’épidémie. Parce que nous voulons éviter une deuxième vague. Parce que nous tous ici préfèrerions éviter qu’après le confinement puis le dé-confinement, nous ayons à connaître d’un re-confinement généralisé. Progressivement cela veut dire que nous préparons le 11 mai en surveillant tous les indicateurs pour vérifier, département par département, que nous pouvons effectivement lancer les opérations à cette date.
Un exemple pour illustrer ma prudence. J’ai indiqué que nous fondions notre stratégie de tests sur une hypothèse de 3000 cas nouveaux par jour autour du 11 mai. Si le confinement se relâchait d’ici là ; si, à l’approche du 11 mai, disons jeudi 7 mai, il apparaissait que le nombre de nouveaux cas journaliers n’était pas dans la fourchette prévue ; que nous ne parvenions pas à casser les trop nombreuses chaînes de contamination ; alors nous devrions en tirer les conséquences. Je le dis aux Français, si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai, ou nous le ferons plus strictement.
Je préfèrerais, croyez-moi, que les modélisateurs, les épidémiologistes puissent nous dire que leurs hypothèses de 3000 cas par jour au 11 mai se vérifient. Mais si tel n’est pas le cas, je le dirai avec autant de clarté qu’il faudra. Hier, j’ai reçu du Directeur général de la santé des modélisations moins favorables. Peut-être parce que les comportements se relâchent un peu. Peut-être parce que la baisse des hospitalisations est trop lente. Peut-être aussi parce que les hypothèses sur lesquelles sont fondées ces modélisations ne vont pas s’avérer exactes. Je le dis ici, devant la représentation nationale, avec solennité. Ces incertitudes doivent inciter tous les Français à la plus grande discipline d’ici au 11 mai et à lutter contre les risques de relâchement que nous sentons parfois monter dans le Pays.
Si tout est prêt, comme nous le pensons, le 11 mai, alors commencera une phase qui durera jusqu’au 2 juin. Elle permettra de vérifier que les mesures mises en œuvre permettent de maîtriser l’épidémie, et d’apprécier, en fonction de son évolution, les mesures à prendre pour la phase suivante qui débutera ce 2 juin et qui ira jusqu’à l’été. C’est fin mai notamment que nous statuerons notamment sur la réouverture des cafés et des restaurants.
C’est donc en gravissant des marches de trois semaines que nous allons avancer. En étant attentif à l’effet de nos décisions, et au comportement de nos concitoyens.
La progressivité s’accompagne d’une différenciation selon les territoires. Je l’ai dit, tous les territoires n’ont pas été touchés de la même manière par l’épidémie. Et nous espérons tous que le 11 mai, si le virus continue à circuler dans certains départements, sa présence sera très faible voire nulle dans d’autres. Il est donc logique que, tout en gardant la plus extrême prudence, nous proposions un cadre de déconfinement adapté aux réalités locales de l’Hexagone comme de l’Outre-Mer.
La direction générale de la santé et Santé Publique France ont établi trois ensembles de critères permettant d’identifier les départements où le déconfinement doit prendre une forme plus stricte :
- Soit que le taux de cas nouveaux dans la population sur une période de 7 jours, reste élevé, ce qui montrerait que la circulation du virus reste active ;
- Soit que les capacités hospitalières régionales en réanimation restent tendues ;
- Soit que le système local de tests et de détection des cas contacts ne soit pas suffisamment prêt.
Ces indicateurs, leur lecture, seront cristallisés le 7 mai, afin de déterminer quels départements basculent le 11 mai en catégorie disons « rouge », circulation élevée, ou « vert », circulation limitée. A compter de jeudi, le Directeur général de la santé présentera tous les soirs la carte avec ces résultats, département par département. Cette carte guidera ainsi chaque département dans la préparation du 11 mai, en rappelant l’objectif d’un confinement strict, pour faire baisser la circulation du virus, mais aussi le besoin de remettre sur pied le système hospitalier et de mettre en place un système de tests et de détection des cas contacts efficaces.
Je vous ai présenté les constats sur lesquels nous avons bâti la stratégie nationale de déconfinement, puis ses instruments de santé publique. Je souhaite désormais vous présenter comment va s’organiser la vie quotidienne des Français à partir du 11 mai.
Notre plan national de déconfinement fixe les règles nationales pour quelques enjeux prioritaires : l’école, les entreprises, les commerces, les transports, la vie sociale.
Commençons par l’école. Le président de la République l’a rappelé : le retour de nos enfants sur le chemin des écoles est un impératif pédagogique, un impératif de justice sociale, en particulier pour ceux qui peuvent difficilement suivre l’enseignement à distance. Ce retour, nous voulons le concilier avec la préservation de nos objectifs de santé publique.
Pour ce faire, nous proposons une réouverture très progressive des maternelles et de l’école élémentaire à compter du 11 mai, partout sur le territoire, et sur la base du volontariat. Dans un deuxième temps, à compter du 18 mai, mais seulement dans les départements où la circulation du virus est très faible, nous pourrons envisager d’ouvrir les collèges, en commençant par la 6ème et la 5ème. Nous déciderons fin mai si nous pouvons rouvrir les lycées, en commençant par les lycées professionnels, début juin.
Cette décision n’a pas été prise à la légère. Nous avons consulté, nous avons pesé le pour et le contre, nous avons étudié ce que font les autres pays. Mais la réouverture des écoles est nécessaire pour garantir la réussite éducative des élèves, notamment les plus vulnérables d’entre eux, dont la scolarité souffre terriblement du confinement.
Les classes rouvriront dans des conditions sanitaires strictes :
- Pas plus de 15 élèves par classe ;
- Une vie scolaire organisée autour du respect des règles barrière, de mesures d’hygiène strictes et de la distribution de solutions hydro alcooliques.
- Tous les enseignants et encadrants des établissements scolaires recevront des masques qu’ils devront porter quand ils ne pourront respecter les règles de distanciation.
Sur la question des masques pour les enfants, les avis scientifiques nous ont conduits aux décisions suivantes. Le port du masque est prohibé, pour les enfants, en maternelle. Il n’est pas recommandé, compte tenu des risques de mauvais usage, à l’école élémentaire, mais l’Éducation nationale mettra des masques pédiatriques à disposition des directeurs d’école, pour les cas particuliers, par exemple si un enfant présentait au cours d’une journée des symptômes, le temps que ses parents viennent le récupérer. Enfin, nous fournirons des masques aux collégiens qui peuvent en porter et qui n’auraient pas réussi à s’en procurer, le port du masque pour les collégiens étant obligatoire. Un intense travail de préparation doit avoir lieu dans chaque académie, afin que nous puissions préparer cette rentrée évidemment très particulière.
Les enfants devront pouvoir suivre une scolarité soit au sein de leur établissement scolaire, dans la limite maximale de 15 élèves par classe, soit chez eux, avec un enseignement à distance qui restera gratuit bien évidemment, soit en étude, si les locaux scolaires le permettent, ou dans des locaux périscolaires mis à disposition par les collectivités territoriales si elles le souhaitent, pour des activités de sport, de santé, de culture ou de civisme.
J’ai admiré la mobilisation de l’Éducation nationale pendant le confinement, le dévouement des milliers d’enseignants qui se sont mobilisés pour accueillir les enfants de soignants, qui resteront accueillis bien entendu dans les temps qui viennent, l’ingéniosité de tous ceux qui se sont réinventés pour offrir à leurs élèves des modalités originales d’enseignement à distance, et nous avons tous j’en suis sûr autour de nous des exemples extraordinaires d’inventivité, d’engagement, d’imagination, pour que le lien essentiel entre le maitre et son élève demeure alors même que la période de confinement était en vigueur.
Je veux laisser le maximum de souplesse au terrain en la matière et je sais que c’est ainsi que les directeurs d’école, les parents d’élève, les collectivités locales trouveront ensemble, avec pragmatisme, les meilleures solutions. Je leur dis que nous les soutiendrons et que je leur fais confiance.
Les crèches seront également rouvertes. L’accueil par groupes de 10 enfants maximum sera possible, avec la possibilité d’accueillir plusieurs groupes de 10 enfants si l’espace le permet et si les conditions sont réunies pour que les groupes ne se croisent pas.
Cette réduction des capacités posera, au moins dans un premier temps, la question des priorités d’accueil. Les crèches accueillent déjà les enfants selon des critères économiques et sociaux et il n’appartient pas à l’État de définir ces critères à la place des gestionnaires. Il me semble néanmoins que l’impossibilité de télétravail pour un couple d’actifs ou les difficultés rencontrées par les familles monoparentales devront être prises en compte dans ces critères. Les enfants des soignants et des professeurs devraient également selon moi être prioritaires. Le port du masque grand public sera obligatoire pour les professionnels de la petite enfance, puisque les règles de distanciation physique ne peuvent pas y être appliquées. Bien sûr, il n’y aura pas de port du masque pour les enfants de moins de 3 ans.
Le déconfinement doit aussi permettre la reprise de la vie économique. Pour cela, il nous faut réorganiser la vie au travail. Le télétravail doit être maintenu partout où c’est possible, au moins dans les 3 prochaines semaines. Je le demande avec insistance aux entreprises. Nous en avons mesuré depuis la mi-mars le déploiement massif. Personne n’en ignore les contraintes, mais celui-ci doit se poursuivre pour limiter le recours aux transports publics et pour limiter plus globalement les contacts. Il n’y a pas sur ce sujet un avant et un après 11 mai.
Pour les personnes qui ne pourront pas télétravailler, la pratique des horaires décalés dans l’entreprise doit être encouragée. Elle étalera les flux de salariés dans les transports et diminuera la présence simultanée des salariés dans un même espace de travail.
S’agissant des conditions de travail, nous devons amplifier la démarche engagée par les fédérations professionnelles et le ministère du Travail pour réaliser des guides et des fiches métiers qui accompagnent les réorganisations nécessaires au sein des entreprises. 33 guides sont aujourd’hui disponibles. Il en faut environ 60 pour couvrir tous les secteurs. J’ai demandé à la ministre du Travail qu’ils soient prêts pour le 11 mai. Cette démarche est intéressante parce qu’elle est très concrète et associe les partenaires sociaux. Elle doit se concrétiser dans chaque entreprise, sous la forme de nouveaux plans d’organisation du travail, avec une attention particulière aux emplois du temps, aux mesures barrières, à l’aménagement des espaces de travail. Le port du masque devra être mis en œuvre dès lors que les règles de distanciation physiques ne peuvent être garanties dans l’organisation du travail.
J’échangerai jeudi avec les syndicats de salariés et les représentants des employeurs sur ces sujets. Le dialogue social à tous les niveaux doit être mobilisé pour permettre le retour au travail dans un cadre qui garantit évidemment la santé et la sécurité des salariés. C’est une condition impérative.
Nous échangerons également sur les mesures d’accompagnement des entreprises qui font face à des difficultés. Le dispositif d’activité partielle, qui est l’un des plus généreux d’Europe, restera en place jusqu’au 1er juin. Il nous faudra ensuite l’adapter progressivement, afin d’accompagner la reprise d’activité si l’épidémie est maîtrisée. Bien sûr, nous continuerons à protéger les personnes vulnérables et les secteurs professionnels qui demeureraient fermés.
Les commerces rouvriront également à compter du 11 mai. Aujourd’hui, seuls certains commerces essentiels sont ouverts. Tous, sauf les cafés, restaurants, pourront ouvrir à compter du 11 mai. Les marchés, pour lesquels l’interdiction est aujourd’hui la règle et l’autorisation l’exception, seront en général autorisés, sauf si les maires ou les préfets estiment qu’ils ne peuvent être organisés dans des conditions qui permettent de faire respecter les mesures barrières et la distanciation physique.
Car si les commerces vont rouvrir, chacun d’entre eux devra respecter un cahier des charges strict, limitant le nombre de personnes présentes en même temps dans le magasin et organisant les flux, afin de faire respecter la règle de la distance minimale d’un mètre par personne sans contact autour d’elle. Il devra bien évidemment veiller à la protection de son personnel. S’agissant du port du masque, le port du masque grand public sera recommandé pour les personnels et les clients lorsque les mesures de distanciation physique ne peuvent être garanties. Un commerçant pourra subordonner l’accès de son magasin au port du masque.
J’ajoute enfin que l’ouverture des commerces comprendra une exception pour les centres commerciaux qui ont une zone de chalandise qui va au-delà du bassin de vie et donc qui génère des déplacements et des contacts que nous ne voulons pas encourager. Les préfets pourront décider de ne pas laisser ouvrir, au-delà des sections alimentaires déjà ouvertes, les centres commerciaux de plus de 40 000 m2 qui risquent de susciter de tels mouvements de population.
Enfin je l’ai dit, nous prendrons une décision sur les bars, cafés et restaurants fin mai, pour décider s’ils peuvent ouvrir après le 2 juin.
Les décisions relatives aux transports sont particulièrement ardues. Les transports sont pour une bonne part un dispositif clé pour la reprise économique. Mais le respect de la distanciation physique et des mesures barrières y est particulièrement difficile. Je mesure l’appréhension de bon nombre de nos concitoyens avant de prendre un métro, un train, un bus, un tramway, lesquels sont parfois fort densément occupés. Nous allons prendre deux séries de décision. D’abord, remonter au maximum l’offre de transports urbains. 70% de l’offre de la RATP sera disponible le 11 mai et nous devons remonter rapidement à l’offre nominale. Ensuite, faire baisser la demande, en favorisant le télétravail, en étalant les horaires, en demandant aux Français de considérer que les transports aux heures de pointes doivent être réservés à ceux qui travaillent.
Je souhaite que dans chaque région, dans chaque agglomération, une concertation s’engage très rapidement entre les autorités organisatrices de transports, les usagers et les opérateurs de transports pour arrêter les conditions de mise en œuvre précises de ces objectifs. L’État y apportera bien sûr son concours. S’il faut organiser les flux, réserver les transports à certaines heures à certaines populations, nous accompagnerons les autorités organisatrices de transports, nous essayerons d’y arriver ensemble.
Mais il est certain que les trois semaines à venir seront difficiles et que nous devons rester vigilants. Le port du masque sera rendu obligatoire dans tous les transports, métros comme bus. Et les opérateurs devront, au moins pour les trois semaines à venir, s’organiser pour permettre, même dans le métro, de respecter les mesures barrières. Cela veut dire, par exemple, que la capacité du métro parisien sera réduite par rapport au nominal, drastiquement réduite par rapport à sa capacité normale, qu’il faudra par exemple condamner un siège sur deux, favoriser, par des marquages au sol, la bonne répartition sur les quais, se préparer à limiter les flux en cas d’affluence.
Les bus scolaires pourront circuler, mais avec la même règle du un sur deux, avec l’obligation de port du masque pour les collégiens et les chauffeurs.
Le port du masque sera également obligatoire dans les taxis et les VTC qui ne disposent pas du système de protection en plexiglas.
S’agissant des déplacements inter-régionaux ou inter-départementaux, notre logique sera inverse. Nous voulons réduire ces déplacements aux seuls motifs professionnels ou familiaux impérieux, pour des raisons évidentes de limitation de la circulation du virus. Et donc, nous allons continuer à réduire l’offre, à exiger une réservation obligatoire dans tous les trains, à décourager les déplacements entre départements. Le jeudi de l’Ascension sera bien férié, mais je dis clairement aux Français que ce n’est pas le moment de quitter son département pour partir en week-end.
Enfin, le déconfinement, c’est le retour de la vie sociale. L’impatience des Français à retrouver une vie sociale, nous la partageons tous.
J’ai d’abord une pensée pour tous nos aînés, qui, au-delà du confinement, subissent la solitude à domicile, et parfois l’isolement dans les EHPAD, privés pendant de longues semaines de toute visite de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Comme vous le savez, nous demanderons à nos aînés de continuer à se protéger. Il faut qu’ils respectent des règles similaires à la période de confinement, en se protégeant, en limitant leurs contacts, et donc leurs sorties. Tout cela sur le principe de la confiance et de la responsabilité, comme l’a annoncé le Président de la République. Il n’y aura plus de contrôle, plus d’attestation de sortie, mais je demande aux personnes les plus agées, les plus fragiles, de la patience. Les visites privées, quand elles reprennent, doivent être entourées de précaution, comme les sorties. En vous protégeant, vous protégez aussi le système hospitalier.
La vie sociale va reprendre, mais là encore, progressivement. Je voudrais d’abord commencer par dire ce qu’il sera à nouveau possible de faire. Il sera à nouveau possible de circuler librement, sans attestation, sauf, comme je l’ai dit, pour les déplacements à plus de 100 km du domicile, qui ne seront possibles que pour un motif impérieux, familial ou professionnel. Il sera possible, les beaux jours aidant, de pratiquer une activité sportive individuelle en plein air, en dépassant évidemment la barrière actuelle du km et en respectant les règles de distanciation physique. Il ne sera possible, ni de pratiquer du sport dans des lieux couverts, ni des sports collectifs ou de contacts.
Les parcs et jardins, si essentiels à l’équilibre de vie en ville, ne pourront ouvrir que dans les départements où le virus ne circule pas de façon active. Par mesure de précaution, les plages resteront inaccessibles au public au moins jusqu’au 1er juin.
S’agissant des activités culturelles, parce qu’ils peuvent fonctionner plus facilement en respectant les règles sanitaires, les médiathèques, les bibliothèques et petits musées, si importants pour la vie culturelle de nos territoires, pourront rouvrir leurs portes dès le 11 mai. A contrario, les grands musées, qui attirent un grand nombre de visiteurs hors de leur bassin de vie, les cinémas, les théâtres et les salles de concert, où l’on reste à la même place dans un milieu fermé, ne pourront pas rouvrir. Les salles des fêtes, les salles polyvalentes resteront également fermées, jusqu’à cette marche du 2 juin.
Pour donner aux organisateurs d’évènements de la visibilité, je veux préciser que les grandes manifestations sportives, culturelles, notamment les festivals, les grands salons professionnels, tous les évènements qui regroupent plus de 5000 participants et font à ce titre l’objet d’une déclaration en préfecture et doivent être organisés longtemps à l’avance, ne pourront se tenir avant le mois de septembre. La saison 2019-2020 de sports professionnels, notamment celle de football, ne pourra pas non plus reprendre.
Quant aux lieux de culte, je sais l’impatience des communautés religieuses. Les lieux de culte pourront continuer à rester ouverts. Mais je crois qu’il est légitime de demander de ne pas organiser de cérémonies avant le 2 juin. Les cérémonies funéraires resteront évidemment autorisées, comme aujourd’hui dans la limite de 20 personnes. J’ai parfaitement conscience de la charge et de la difficulté, face à des décès, d’appliquer cette règle, mais elle est formulée en France, comme dans d’autres pays comparables, afin de protéger les vivants. Les cimetières seront à nouveau ouverts au public dès le 11 mai. En attendant des jours meilleurs, les mairies continueront à proposer, sauf urgence, le report des mariages.
D’une façon générale, il nous faut éviter les rassemblements qui sont autant d’occasion de propagation du virus. Les rassemblements organisés sur la voie publique ou dans des lieux privés seront donc limités à 10 personnes.
Mesdames et messieurs, ces règles de vie sociale peuvent vous paraître compliquées. Elles sembleront sans doute sévères à certains, et peut-être trop laxistes à d’autres. Au fond, ce que je vous propose de rétablir, c’est un régime de liberté et qu’il nous faut donc ensemble en définir les exceptions. Ces règles sont contraignantes, c’est vrai, mais je crois pouvoir compter sur le civisme de nos compatriotes pour que chacun les applique avec rigueur. Il en va de notre santé à tous.
Nous avons certainement oublié certains points, formulé de façon incertaine certaines règles, omis de prévoir, dans tel ou tel territoire, une adaptation possible. C’est tout l’intérêt de la phase qui s’ouvre. Il s’agit d’enrichir ce plan tous ensemble, avec les élus, avec les administrations de terrain, avec les partenaires sociaux, avec tous les français. Pour être prêts le 11 mai.
Ces efforts ne sont pas vains, et ils nous permettront je l’espère, de façon très concrète, d’envisager la période estivale sous de meilleurs auspices : je donne d’ores et déjà rendez-vous aux Français à la fin du mois de mai pour évaluer les conditions dans lesquelles nous organiserons une nouvelle phase de déconfinement, et prendrons en particulier des décisions sur l’organisation des cafés, des restaurants, des vacances. Il est trop tôt aujourd’hui, en conscience, pour le faire.
Pour la suite, la stratégie que je viens de présenter, approuvée en Conseil de Défense sous la présidence du chef de l’État, n’est pas un texte législatif. Elle exigera des décisions règlementaires ou individuelles, prises par les ministres ou les préfets ou par les présidents d’exécutifs locaux dans le champ de leurs compétences. Sur quelques sujets néanmoins, elle devra être accompagnée de dispositions législatives qui n’existent pas aujourd’hui, et qui vont manquer.
J’en prends deux exemples : pour tracer les contacts, pour remonter jusqu’à ceux qui ont croisé le chemin d’un malade, il faudra sans doute faire appel à des effectifs supplémentaires pour renforcer les médecins. Et cela est même certain. J’évoquais tout à l’heure l’appui des personnes de l’Assurance Maladie. On pourra sans doute dans ces brigades accueillir parfois des personnels des CCAS, des Mairies, parfois peut-être des personnels des Départements, parfois des personnels mis à disposition par les grandes associations, je pense par exemple à la Croix Rouge. Encore une fois c’est aux équipes locales qu’il reviendra d’organiser ces brigades. Mais ce qui est certain, c’est qu’ils ne seront pas tous médecins. Il faudra donc que la loi les autorise à participer à ces enquêtes épidémiologiques dans lesquelles l’accès à des données médicalisées pourra être nécessaire.
Autre exemple : la limitation des déplacements entre régions ou entre départements. Dans la période de confinement, il était possible de limiter ces déplacements dans le cadre général de la loi du 23 mars. Ce ne sera plus possible une fois que le confinement sera levé. Si nous voulons éviter que la circulation du virus ne s’accélère dans des zones jusque-là préservées, il nous faudra limiter cette possibilité de se déplacer, au moins dans un premier temps.
Sur ces deux sujets, et sur quelques autres, il conviendra donc de légiférer. Je proposerai au Parlement d’adopter prochainement une loi qui, en plus de proroger l’état d’urgence sanitaire au-delà du 23 mai, peut-être jusqu’au 23 juillet, autorisera la mise en œuvre des mesures nécessaires à l’accompagnement du déconfinement. Ce projet sera soumis à l’examen du Conseil des Ministres samedi et sera soumis au Sénat et à l’Assemblée Nationale la semaine prochaine.
Pour exposer cette stratégie nationale, le Gouvernement a choisi d’avoir recours aux dispositions de l’article 50-1 de la Constitution. Rien, dans notre Constitution, n’imposait au Gouvernement de présenter à l’Assemblée Nationale la stratégie que je viens d’exposer. On peut le déplorer, se dire qu’il faudra, demain peut-être, corriger ce défaut, mais nos institutions sont ainsi faites, il aurait été, pour le Gouvernement, possible de procéder à cette présentation au cours d’un journal télévisé, ou d’une conférence de presse. Et reconnaissons que cela s’est déjà fait, de très nombreuses fois, et sous tous les Gouvernements de la Vème République. Nous avons choisi de réserver à l’Assemblée Nationale ces annonces. Et au-delà de ces annonces, la capacité de réagir, de critiquer bien sûr, d’interroger aussi le Gouvernement sur ce plan, qui, comme je l’ai déjà indiqué, a vocation à être complété par les autorités locales, les organisations syndicales et patronales. Enfin la possibilité, par le vote, pour chaque député de dire sa position sur la stratégie que je viens d’exposer.
Ce choix repose sur plusieurs raisons. D’abord la place évidemment éminente de cette Assemblée dans notre démocratie. Inutile d’en dire beaucoup sur une conviction que nous partageons tous : en ces temps de démocratie médiatique, de réseaux pas très sociaux mais très colériques, d’immédiateté nerveuse, il est sans aucun doute utile de rappeler que les représentants du peuple siègent, délibèrent et se prononcent sur toutes les questions d’intérêt national.
Je souligne, et ce faisant je considère qu’il n’y a là que l’expression d’un devoir et pas celui d’une faveur, que le Gouvernement que j’ai l’honneur de diriger a systématiquement répondu présent à toutes les demandes des députés, de leurs commissions, sur la crise que nous connaissons. La mission d’information, les commissions permanentes, les questions au Gouvernement : pendant le confinement tout cela a continué, et c’est tant mieux car le Gouvernement en avait besoin. Comme nous nous y sommes engagés, nous communiquons toutes les semaines à l’Assemblée et au Sénat, l’ensemble des décisions qui sont prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, y compris celles qui ne relèvent en rien du domaine législatif. Face aux décisions que nous avions à prendre et que nous aurons encore à prendre, le contrôle du Parlement n’est pas un poids, c’est une chance.
Dire ici ce que je viens de dire plutôt qu’ailleurs répond, à la volonté du Gouvernement de montrer qu’en dépit de l’état d’urgence sanitaire, en dépit des difficultés évidentes à exercer ses mandats dans une période de confinement, la démocratie parlementaire reste vivante, exigeante, parfois bruyante, mais indispensable toujours. La seconde raison est qu’il nous apparaît nécessaire de permettre à chaque député, qu’il soit présent dans l’hémicycle ou qu’il suive les débats à distance, de se prononcer sur cette stratégie. De dire s’il l’approuve et la soutient, de dire s’il la conteste et la rejette, ou de dire s’il s’abstient. Mais de prendre position, en responsabilité. Comme il revient aux représentants de la Nation qui ne peuvent pas, qui ne veulent pas et qui ne doivent pas être relégués au rang de commentateurs de la vie politique.
J’ai été frappé depuis le début de cette crise par le nombre de commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire selon eux à chaque instant. La modernité les a souvent fait passer du café du commerce à certains plateaux de télévision ; les courbes d’audience y gagnent ce que la convivialité des bistrots y perd, mais je ne crois pas que cela grandisse le débat public. Non, les députés ne commentent pas. Ils votent. Et ce faisant ils prennent des positions politiques. C’est votre honneur, c’est votre mission et c’est ce que je vous invite à faire après le débat qui suivra cette déclaration.
Mesdames et Messieurs les députés, la France est face à un de ces moments où ceux qui l’aiment et la servent doivent être à la hauteur. Nous devons protéger les Français sans immobiliser la France au point qu’elle s’effondrerait. C’est une ligne de crête délicate qu’il faut suivre. Un peu trop d’insouciance et c’est l’épidémie qui repart. Un peu trop de prudence et c’est l’ensemble du Pays qui s’enfonce.
La stratégie que je viens d’énoncer a pour objet de nous permettre de tenir cette ligne de crête. Elle repose sur des choix que je viens de présenter. Elle repose sur l’action déterminée du Gouvernement et de l’État, sous l’autorité du président de la République. Elle repose sur la confiance que nous plaçons dans les collectivités territoriales, les acteurs du monde économique et social et les associations. Elle repose aussi, et au fond avant tout, sur les Français. Sur nos concitoyens. Sur leur civisme et leur discipline. Aucun plan, aucune mesure, aussi ambitieuse soit-elle, ne permettront d’endiguer cette épidémie si les Français n’y croient pas ou ne les appliquent pas, si la chaîne virale n’est pas remplacée par une chaîne de solidarité. À partir du 11 mai, le succès ne reposera pas sur la seule autorité de l’État mais sur le civisme des Français.
En juillet 2017, dans des circonstances bien différentes mais à cette même tribune, à l’occasion de ma première déclaration de politique générale, j’avais évoqué cette antique qualité dans laquelle les Romains puisaient leur force : la vertu, qui mêle la rectitude, l’honnêteté et le courage. J’étais loin d’imaginer alors combien cette qualité serait essentielle dans les semaines à venir pour préparer notre avenir, l’avenir de nos enfants, l’avenir de la France.