Présentation du système universel de retraite au CESE

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 11/12/2019

Seul le prononcé fait foi
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les membres du Conseil économique, social et environnemental,
Le temps est venu de construire un système universel de retraites.
Le président de la République l’a annoncé pendant sa campagne. Depuis deux ans, avec Agnès BUZYN et Jean-Paul DELEVOYE, nous avons rencontré les partenaires sociaux, nous avons discuté avec les Français dans des dizaines d’ateliers citoyens. Nous les avons écoutés et nous les avons entendus. Le projet que je vous présente aujourd’hui n’aurait pas été le même sans leurs contributions et je veux au-delà des désaccords qui demeurent, commencer par les en remercier.
Nous proposons un nouveau pacte entre les générations. Un pacte fidèle, dans son esprit, à celui imaginé par le Conseil national de la Résistance dans l’après-guerre pour créer le système de retraite actuel. Il en refonde profondément les règles pour corriger les injustices, pour l’adapter aux nouvelles trajectoires de carrière, pour prendre en compte les nouvelles précarités. Mais il reste fidèle aux valeurs fondatrices.
La France d’aujourd’hui, comme celle de 1945, veut être une France de solidarité.
Une France où les travailleurs payent fièrement la retraite de leurs parents en sachant que, quand viendra leur tour, leurs enfants les aideront à vivre décemment leur retraite.
Gouvernement, élus, syndicats, patronat, associations, nous tous qui sommes réunis aujourd’hui dans cette chambre des corps intermédiaires et du dialogue social, nous nous retrouvons tous dans ce consensus.
La France n’a pas fait le choix, et je pense qu’elle ne le fera jamais, du chacun pour soi et du tant-pis pour les autres. Nous ne voulons pas confier le soin de nos anciens à l’argent-roi. C’est un choix fondamentale, ancien, répété de notre pays. Et même dans les désaccords qui se sont manifestés entre nous, j’ai vu que nous cherchions tous à préserver ce lien indéfectible entre les générations qui constitue l’illustration la plus éloquente de ce qu’est le pacte social.
Dans le même esprit de consensus, et pour mettre un terme à la sémantique guerrière dans laquelle je vois bien qu’on aimerait nous entraîner, je voudrais dire que cette réforme n’est pas une bataille. De par mon parcours familial, politique et je dirais même géographique, je connais la culture de la lutte. Je la respecte même. Je sais ce que les travailleurs français ont obtenu par le combat syndical. Mais je ne veux pas, dans la France d’aujourd’hui, fragmentée, hésitante entre optimisme et déclinisme, parfois heureuse ici et ailleurs en colère, entrer dans la logique du rapport de forces. Je ne veux de la rhétorique guerrière, je ne veux pas entrer dans ce rapport de force.
J’entends ceux qui cherchent des bouc-émissaires, et, croyez-moi, c’est un réflexe facile pour faire de la politique. J’entends aussi les inquiétudes qui s’expriment hors de cette enceinte depuis plusieurs jours. Je les comprends et je sais que nos arguments buttent sur le même mur de défiance.
Alors, en toute sincérité, je le dis aux Français qui s’interrogent sur notre projet : nous sommes peut-être en désaccord sur certains points, mais l’ambition d’universalité portée par le Gouvernement est une ambition de justice sociale. Il n’y a pas d’agenda caché. Nous ne cherchons pas des petites économies ici ou là. Nous ne voulons léser personne, mais au contraire protéger davantage le pouvoir d’achat des travailleurs et des retraités. Nous proposons une transformation respectueuse des intérêts de chacun, attentive aux parcours de vie, juste et durable.
Le président de la République, après la crise des gilets jaunes, nous a justement invités à changer de méthode. Et de fait, face à un tel sujet, qui engage le temps long, qui concerne tout le monde, il faut sortir des raccourcis et des caricatures. Nous ne stigmatisons personne. Et la question n’est pas de savoir si le Gouvernement va tenir, si certains syndicats vont gagner, si d’autres vont perdre. Il n’y aura ni vainqueur ni vaincu. Nous voulons que tous les Français gardent la tête haute, et qu’ils se rassemblent autour des trois principes d’universalité, d’équité et de responsabilité qui forment le coeur de notre projet.
Le premier principe, c’est l’universalité.
Il garantira aux Français une protection sociale plus forte, plus durable, parce qu’elle ne dépendra plus de la démographie de chaque profession.
Il permettra une meilleure liberté de mouvement entre les métiers, de façon à que les choix professionnels ne pèsent pas sur la retraite. Nous savons tous que nos enfants auront des carrières moins linéaires que les nôtres, que les mobilités professionnelles sont plus fortes aujourd’hui qu’hier. Il faut que notre système de retraite le permette.
Enfin, nous devons redonner confiance dans un système qui ne doit plus être soupçonné de privilégier certains aux dépens des autres. C’est parfois fantasmé, et parfois vrai, mais de toute évidence cela est délétère pour notre pacte social.
Le système sera le même pour tous les Français, sans exception, au lieu d’être organisé selon des logiques de statuts.
Ce sera toujours un système par répartition, avec le plus haut niveau de couverture au monde.
Les Français auront le même niveau de cotisation sur la totalité des revenus jusqu’à 120 000 euros. Pour des millions de fonctionnaires, ce sera une avancée majeure, puisque leurs primes leur permettront d’acquérir des droits.
Ce sera un système en points et non en trimestres qui fera que le travail paye d’avantage puisque chaque heure travaillée ouvrira des droits.
La loi donnera des garanties incontestables sur la valeur du point, pour garantir le niveau des retraites. J’ai entendu la crainte de ceux qui jugent le point plus abstrait que le trimestre et qui doutent de la préservation du niveau de leurs pensions dans la durée. Nous ne réussirons pas cette réforme sans gagner leur confiance. Nous nous engageons donc à ce que la valeur du point ne soit pas fixée à la sauvette, au gré des difficultés budgétaires. Nous demanderons aux partenaires sociaux de fixer sa valeur et son évolution, sous le contrôle du Parlement. C’est un engagement du Gouvernement, un signe de transparence et de confiance envers les partenaires sociaux. La loi prévoira une règle d’or pour que la valeur des points acquis ne puisse pas baisser. La loi ira même au-delà puisqu’elle prévoira une indexation progressive non pas sur les prix, comme aujourd’hui, mais sur les salaires, qui, dans notre pays, augmentent plus vite que l’inflation.
La confiance sera enfin plus forte s’il n’y a pas d’exception à l’universalité du régime. Universel, ça veut dire pour tout le monde. Pour le plombier ou l’informaticien, l’agriculteur ou le douanier, pour le chercheur ou l’écrivain, pour le député ou le conducteur de train. Pour tout le monde. Sans exception.
Ce sera notamment le cas pour le personnel politique. La vérité c’est que les règles ont déjà beaucoup convergé : les ministres sont traités comme les salariés et les députés comme les fonctionnaires. Mais les Français, nos concitoyens, restent persuadés que leurs élus bénéficient de privilèges. Dans le système universel, les élus et les ministres seront traités exactement comme tous les Français, c’est normal et c’est très bien ainsi.
Et puis, il y a les régimes spéciaux. La mise en place d’un système universel implique la suppression des 42 régimes existants, dont les régimes spéciaux. Je sais que de nombreux salariés de la SNCF et de la RATP notamment contestent cette ambition. Mais elle est au coeur du projet, du projet présidentiel, validé par le suffrage universel, et de l’engagement pris par les députés au moment des élections législatives de 2017. Et ce projet renoue avec le fil de l’histoire. Je rappelle qu’en 1945, lors des ordonnances Parodi, le système, conçu par le Conseil National de la Résistance (et notamment le PCF et la CGT) prévoyait l’universalité pour assurer la solidarité. Nous irons donc jusqu’au bout de la logique de 1945. Nous mettrons fin aux régimes spéciaux. Nous le ferons, j’y reviendrai, progressivement, sans brutalité et dans le respect des parcours individuels.
Mais je le dis, mesdames et messieurs, avec tranquillité, avec calme, avec détermination et avec respect pour les organisations syndicales, pour les travailleurs qui y adhèrent et pour ceux qui n’y adhérent pas ; pour ceux qui choisissent aujourd’hui de travailler malgré la grève, parfois dans des conditions rendues difficiles, et à qui j’adresse un message de soutien : le temps du système universel est venu, celui des régimes spéciaux s’achève.
Le deuxième grand principe de cette transformation, c’est l’équité et la justice sociale.
J’entends ceux qui disent que notre système est le meilleur du monde. Il nous permet notamment d’avoir un taux de pauvreté chez les retraités parmi les plus faibles d’Europe, et cela est très bien. Nous le préserverons. Mais ne fermons pas les yeux sur les injustices que notre société tolère depuis trop longtemps.
Le monde d’aujourd’hui, la France en tout cas, se caractérise par un niveau de chômage encore important, et ce depuis longtemps. Il se caractérise par le fait que les études sont de plus en plus longues, que les carrières sont parfois heurtées, que le temps partiel s’est développé. On peut à juste titre vouloir changer tout cela : revenir au plein emploi, limiter la précarité... Mais c’est le monde dans lequel nous vivons et il est sage de voir le monde tel qu’il est. Nous devons construire la protection sociale du XXIème siècle en prenant mieux en compte les nouveaux visages de la précarité.
Ces nouveaux visages, ce sont ceux de la caissière de supermarché à temps partiel, du livreur à vélo de la plateforme numérique, de l’agent de propreté qui a fini son travail quand tout le monde arrive le matin ; c’est l’étudiant qui fait des petits boulots pour financer ses études et rentre de plus en plus tard sur le marché du travail.
Je ne suis pas convaincu que, pour eux, nos trimestres, nos 25 meilleures années, nos régimes spéciaux, soient effectivement vus comme la marque du meilleur système au monde.
Le système universel permettra de mieux protéger les Français les plus fragiles, qui sont de fait, trop souvent, les « oubliés du système ».
Je veux d’abord parler de ceux qui partent avec des retraites très faibles malgré toute une vie de travail. Nous garantirons une pension minimale de 1 000 euros nets par mois pour une carrière complète au SMIC. Ce sera une révolution sociale qui restera comme une conquête, notamment pour les agriculteurs, les artisans, les commerçants. Le gouvernement ira même plus loin : le minimum de pension sera garanti par la loi à 85% du SMIC dans la durée, et évoluera comme celui-ci.
Les Français qui ont des carrières heurtées ou qui sont forcés de travailler à temps partiel, ne seront plus pénalisés.
Des points seront alloués, comme aujourd’hui, pour compenser les périodes de chômage et de maladie.
Le système ne fonctionnera plus sur un mécanisme de trimestres, qui oblige ceux qui ont des vies professionnelles hachées à travailler toujours plus tard pour rattraper les trimestres manquants.
Chaque heure travaillée permettra d’acquérir des points et donc d’améliorer sa pension. Très rapidement, nous regarderons la règle actuelle, ce seuil des 150H par trimestre en deçà duquel on cotise sans s’ouvrir de droits, comme un vestige peu glorieux des anciens régimes.
Les femmes seront les grandes gagnantes du système universel.
Aujourd’hui, les pensions des femmes sont inférieures nous le savons de presque moitié à celles des hommes. Qui peut l’accepter ? Personne ? Mais cela fait longtemps que cela dure ! Cela s’améliore un peu c’est vrai, mais très lentement. Nous avons l’occasion d’y remédier : d’abord évidemment par un rattrapage des salaires. Ce rattrapage est en cours, sur la base du travail mené par Muriel Penicaud en concertation avec partenaires sociaux. Mais nous savons que le chemin sera long et que les femmes connaissent, plus souvent que les hommes, des interruptions de carrière, notamment pour s’occuper de leurs enfants. Le système universel permet d’y remédier.
D’abord, évidemment, en compensant la maternité à 100%. Ensuite en accordant des points supplémentaires pour chaque enfant, et ce dès le premier enfant et non à partir du 3ème comme aujourd’hui. Cette majoration de 5% par enfant sera accordée à la mère sauf choix contraire des parents.
Je sais aussi l’attachement des Français au système de la réversion. Non seulement nous le préserverons et nous le généraliserons, mais nous l’améliorerons, en garantissant au conjoint survivant 70% des ressources du couple. Je rappelle que 90% des bénéficiaires des pensions de réversion sont des femmes.
Dernière chose : si nous nous engageons vers un âge d’équilibre, et je vais y venir, nous pourrons abaisser la borne des 67 ans qui est l’âge d’annulation de la décote pour, là encore, ne plus pénaliser les femmes qui ont des carrières heurtées et leur permettre de partir plus tôt à taux plein. Il s’agit là aussi d’un progrès social majeur : je rappelle que 80 000 femmes chaque année sont contraintes d’attendre 67 ans pour liquider leur retraite parce qu’elles n’ont pas assez de trimestres travaillés. Ces femmes pourront à terme toucher leur pension deux à trois ans plus tôt qu’aujourd’hui.
Nous construirons donc un système de retraite plus juste pour les femmes.
Je veux également donner confiance aux familles.
Et c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité faire évoluer les propositions du Haut-Commissaire sur 2 points. D’abord pour aider les femmes qui choisissent d’arrêter de travailler pour élever leurs enfants ; nous maintiendrons le bénéfice de l’assurance vieillesse des parents au foyer pour les femmes qui arrêtent de travailler pour élever leur enfant jusqu’à l’âge de 6 ans à partir du 3ème enfant. Et d’autre part, pour reconnaître que notre pays et notre système de retraites ont besoin des familles nombreuses. Au-delà des 5% par enfant, nous accorderons 2% supplémentaires aux parents de familles nombreuses de 3 enfants et plus.
Plus de solidarité, c’est enfin faire contribuer les plus hauts revenus.
J’aurais aimé ne pas avoir à revenir sur la polémique qui a conduit certains à affirmer l’inverse de ce que nous voulons faire. Les choses sont pourtant simples. Le régime universel est fondé sur la solidarité nationale. Et d’une certaine façon, il est la solidarité nationale Jusqu’à 120 000 euros de revenus annuels, tout le monde cotisera au même taux, pour s’ouvrir des droits dans la limite de ce montant. Et au-delà de ce montant, les plus riches paieront une cotisation de solidarité plus élevée qu’aujourd’hui, qui financera, non pas des droits supplémentaires pour eux, mais des mesures de solidarité pour tout le monde. C’est un effort qui me paraît juste. Tout le reste, si j’ose dire, n’est que littérature, fusse-t-elle en l’espèce, tristement erronée.
Le troisième principe de ce système universel, c’est la responsabilité.
Responsabilité des acteurs d’abord. Je l’ai dit : la gouvernance du système sera confiée aux partenaires sociaux, sous la supervision du Parlement. 75% du système est financé par des cotisations ce qui justifie leur intervention et leur rôle central. Et ils ont démontré, à l’AGIRC/ARRCO, qu’ils savent gérer les retraites quand ils sont en situation de responsabilité et quand on leur en donne les leviers.
La responsabilité, ça veut dire aussi restaurer la confiance des jeunes générations dans un système dont elles doutent de plus en plus. Nous avons tous ici des enfants ou des petits-enfants qui expriment ce doute, à leur façon, mais de plus en plus fort. Ce n’est pas leur demander de financer, en plus de nos retraites, des déficits que nous aurions accumulés parce que nous ne voudrions pas, nous, payer la totalité de la retraite de nos parents.
La responsabilité, c’est tenir compte, comme tous nos voisins, de données économiques et démographiques incontestables. Il y avait 4 actifs pour financer 1 retraité en 1950. Il n’y en a plus qu’1,7 aujourd’hui.
C’est cet esprit de responsabilité qui nous oblige à bâtir ce nouveau système sur des bases financières solides. Je crois au langage de vérité qui était celui de Pierre Mendes France et de Michel Rocard. Je crois au langage de l’effort qui était celui du Général de Gaulle. Je crois au bon sens de Georges Pompidou, je crois à la méthode des grandes social-démocraties européennes, et des gestionnaires responsables du paritarisme en France, qui ont démontré leur sens des responsabilités.
Je crois surtout que les Français reprendront confiance en nous si nous leur disons la vérité. Une vérité qu’ils connaissent déjà : pour garantir les pensions, pour financer un niveau élevé de solidarité, pour profiter de la hausse de l’espérance de vie, sans augmenter les impôts, la seule solution, c’est de travailler progressivement un peu plus longtemps, comme c’est le cas partout en Europe et dans le monde.
Comme le président de la République s’y est engagé durant la campagne présidentielle, nous maintiendrons l’âge minimal de départ à la retraite à 62 ans. L’âge légal ne bougera donc pas. C’est un principe de liberté auquel nous voulons rester fidèles, en laissant à chacun la possibilité de partir à la retraite si son parcours de vie le lui permet ou l’y invite.
Sans les y forcer, nous devons inciter les Français à travailler plus longtemps. Le Gouvernement compte donc reprendre la proposition du rapport Delevoye qui consiste à instaurer, au-dessus de l’âge légal, un « âge d’équilibre », avec un système de bonus-malus.
Le Conseil d’Orientation des Retraites nous dit qu’il faudrait fixer cet âge à 64 ans en 2025 pour atteindre l’équilibre. Je vous dirai dans un instant comment je vous propose de procéder pour ma part. Mais je voudrais faire observer que 64 ans, ce sera l’âge selon les projections, l’âge moyen auquel les salariés partiront à la retraite dans 5 ans. Cela veut dire que cette date est d’ores et déjà un horizon raisonnable pour la très grande majorité des Français.
La responsabilité, c’est certes travailler un peu plus. Mais c’est aussi entendre les organisations syndicales qui nous demandent de protéger les salariés qui ne peuvent pas travailler aussi longtemps que les autres. L’un ne peut pas aller sans l’autre.
C’est pourquoi, les personnes qui ont commencé à travailler tôt, avant 20 ans, pourront continuer de partir deux ans avant les autres. Nous maintiendrons évidemment ce principe de protection des carrières longues. Le futur système tiendra également compte de ceux qui, notamment pour des situations de handicap, ne peuvent plus travailler comme les autres. Nous allons étendre et améliorer la prise en compte de la pénibilité selon des critères qui seront les mêmes pour tous. Nous donnerons là aussi la possibilité aux personnes qui exercent des métiers usants de partir deux années plus tôt que les autres. Le compte pénibilité sera ouvert à la fonction publique et en particulier à l’hôpital : cela bénéficiera directement aux infirmiers de la catégorie A qui travaillent de nuit et n’ont aucun droit aujourd’hui. Ensuite, nous abaisserons le seuil du travail de nuit, afin que davantage d’agents puissent bénéficier d’un départ anticipé.
Enfin, je souhaite que s’engage rapidement, sur la base du rapport Bellon qui me sera remis en janvier, la construction avec les partenaires sociaux d’une stratégie ambitieuse pour améliorer l’emploi des séniors et aménager les fins de carrière. Je mettrai la pression sur les entreprises sur ce sujet.
En particulier, je suis favorable à l’idée de déplafonner les droits liés à la pénibilité, pour qu’on puisse les utiliser sans limite, soit pour se former, soit pour effectuer la fin de sa carrière à temps partiel.
Je crois aussi que nous devons améliorer les transitions entre activité et retraite. C’est pourquoi, nous assouplirons le dispositif de retraite progressive et nous donnerons la possibilité de continuer à obtenir des points, tout en cumulant retraite et activité.
J’en viens aux transitions et aux garanties que nous devons apporter.
La première garantie, c’est le temps. Après discussions avec les partenaires sociaux, nous avons désormais une vision nette du rythme auquel nous proposons de changer le régime de retraites. Un rythme qui doit éviter l’écueil de la précipitation comme celui de la procrastination. Ni trop vite, ni trop tard. Nous ne partons pas d’une page blanche. La transition entre les 42 anciens régimes et le nouveau système est un défi considérable, et je comprends qu’il puisse inquiéter. Mais je me souviens aussi que lorsque nous avons évoqué, avec le Ministre de l’Action et des Comptes Publics, le projet de faire basculer l’ensemble de nos concitoyens vers un système, s’agissant de l’impôt sur le revenu, de prélèvement à la source, des inquiétudes, parfois techniques parfois politiques, ont été formulées. In fine le système a été mis en place, et les Français, pourtant inquiets – et je ne mets pas en cause la légitimité de leur inquiétude avant – se le sont approprié très rapidement, et dans des conditions satisfaisantes. J’ai la conviction que ce sera la même chose avec le système à points. Parce que le système à points une fois lancé sera simple, pratique. Qui peut dire que le système de retraites actuel, où prévalent un très grand nombre de poly-pensionnés, est simple, lisible, équitable ? Pourquoi devrions-nous toujours voir le futur comme quelque chose d’inquiétant ?
J’ai la conviction, nourrie de mes discussions avec les organisations syndicales, que nous pouvons organiser une transition réussie vers le nouveau système si nous respectons trois impératifs. D’abord respecter les projets de vie de chacun, en prenant en compte la proximité de l’âge de la retraite. On ne s’y projette pas de la même manière à 35 ans et à 55 ans. Deuxième impératif : respecter le contrat social qui lie une personne à une organisation. Dans certains métiers, l’âge de départ à la retraite en fait partie intégrante. On ne peut en rebattre les cartes brutalement. Dernier impératif : respecter les équilibres économiques de professions qui se sont construites avec un niveau de cotisation donné.
Nous avons pris des décisions qui respectent, je crois, ces équilibres.
D’abord, nous avons conçu ce système pour les jeunes générations. Pour celles qui vont être confrontées, plus encore que les nôtres, à ces mobilités professionnelles qui sont parfois des opportunités professionnelles, à ces carrières heurtées, à ces mobilités géographiques, elles doivent en bénéficier sans attendre. Je ne vois pas l’intérêt de leur demander de cotiser dans 42 régimes voués à disparaître. Ceux qui entreront pour la première fois sur le marché du travail en 2022 intègreront donc directement le nouveau système. Plus précisément, la génération 2004 qui a 15 ans aujourd’hui et qui aura 18 ans en 2022, sera la première à intégrer le système universel de retraites.
Pour les personnes qui sont déjà dans la vie active, nous avons choisi de ne rien changer pour celles qui sont aujourd’hui à moins de 17 ans de leur retraite. C’est-à-dire, pour le régime général, les personnes nées avant 1975, qui auront plus de 50 ans en 2025. Cela veut dire que toutes les personnes qui se projettent déjà dans leur retraite, qui l’ont préparée et planifiée dans l’ancien système, ne seront pas concernées par le système universel. Comme les retraités actuels eux-mêmes, cela va sans dire.
Quant aux personnes qui rejoignent le nouveau régime, je voudrais les rassurer. La transition sera très progressive : toute la partie de carrière effectuée jusqu’à 2025 donnera lieu à une retraite calculée selon les anciennes règles. Seules les années travaillées à partir de 2025 seront régies par le système universel. La première génération concernée, la génération 75, qui prendra sa retraite vers 2037, aura donc encore 70% de sa retraite calculée selon l’ancien système. Vous verrez, j’en prends le pari, que beaucoup, qui verront les avantages du nouveau système, trouveront que cela ne va pas assez vite. Ensuite, je voudrais donner des garanties fortes sur le maintien des droits acquis. Nous conserverons 100% des droits acquis dans les régimes actuels. Et pour ne pas léser les régimes qui fondent leur calcul de retraite sur les 6 derniers mois, nous sommes prêts à mettre en place des dispositifs très protecteurs, qui permettront de garantir que nul n’est lésé.
Enfin, pas plus que nous ne voulons de brutalité sur les transitions, nous ne voulons brusquer les choses sur le retour à l’équilibre.
A terme, je l’ai dit, ce sera la responsabilité des partenaires sociaux, comme ils le font déjà pour les régimes complémentaires. Nous mettrons en place dès l’année prochaine une gouvernance qui leur confiera les principaux leviers. Il leur reviendra donc de fixer une trajectoire de retour à l’équilibre puis de maintenir celui-ci.
Si les partenaires sociaux s’entendent sur une telle trajectoire, le Gouvernement la prendra à son compte.
Mais nous devons être prêts à prendre nos responsabilités. Le Gouvernement a prévu, je l’ai indiqué, des avancées sociales : la retraite à 1000 euros minimum pour ceux qui tout au long de leur vue ont cotisé et ont gagné le SMIC, la revalorisation des enseignants, la baisse de la décote pour les personnes qui n’ont pas tous leurs trimestres. Ne comptez pas sur moi pour renvoyer la patate chaude aux partenaires sociaux. Personne ne nous croira, personne n’aura confiance, si nous ne disons pas comment nous les financerons.
Je considère pour ma part que nous ne pouvons pas mettre en place un âge d’équilibre à 64 ans d’un coup d’un seul en 2025. J’ai entendu les organisations syndicales qui ne voulaient pas de fétichisme sur la date de 2025 et j’ai accepté de prendre le temps nécessaire en décalant le calendrier initial jusqu’à 2027.
Après concertation avec les partenaires sociaux, j’ai proposé au Président de la République un compromis qui repose sur deux critères :
  • bien distinguer dans le temps la préparation de la réforme et les mesures d’équilibre. J’ai entendu ceux, et notamment la CFDT, l’UNSA et la CFTC, qui soutiennent le régime universel mais qui nous appellent à ne pas tout mélanger, le temps que nous fassions voter la loi et que la nouvelle gouvernance se mette en place ;
  • mais en revanche, et c’est le deuxième élément du compromis, ne pas fuir nos responsabilités en renvoyant au-delà du quinquennat les mesures nécessaires.
Tous ces éléments me conduisent à proposer de mettre en place la nouvelle gouvernance dès l’adoption de la loi, au cours de l’année 2020, au plus tard le 1er janvier 2021. Elle aura à prendre des décisions qui seront mises en oeuvre dès le 1er janvier 2022. Je crois dans le système de confiance que nous mettons en place, qui est fait de liberté et de responsabilité, pour atteindre l’âge d’équilibre de 64 ans en 2027. Il nous faudra mettre en place un système de bonus-malus qui incitera les français à travailler plus longtemps. Je l’ai dit l’âge légal restera à 62 ans, et avant le 1er janvier 2022, les responsables de la nouvelle gouvernance auront à définir le bon système de bonus-malus pour aller vers ces 64 ans. Dans l’hypothèse où les responsables de la nouvelle gouvernance ne présenteraient pas une trajectoire d’équilibre, ou les moyens de la garantir, la loi cadre aura prévu ces mécanismes.
Evidemment, s’agissant des régimes spéciaux ou de ceux qui ont des âges dérogatoires, il faudra adapter les modalités de cet âge du taux plein et tenir compte, quand elles existent, des trajectoires de convergence qui ont été décidées dans les réformes précédentes.
Au-delà de la gestion des transitions, j’avais identifié avec vous au mois de septembre des professions qui appelaient des réponses spécifiques. Parce que comme l’a dit le Président de la République dès sa campagne, un système universel ne signifie pas la négation de toute spécificité. C’est d’ailleurs ce qui fera aussi, dans la durée, sa force.
Je veux d’abord confirmer à nos forces de sécurité intérieures que ceux qui sont exposés à des fonctions dangereuses dans le cadre de missions régaliennes, comme les pompiers, les policiers, les gendarmes, les gardiens de prison et bien-sûr les militaires, conserveront le bénéfice des dérogations d’âge. Par ailleurs, les gains représentés par les bonifications de durée qui existent dans ces régimes seront préservés dans le futur système universel, ce qui permettra de maintenir des niveaux de retraite comparables aux pensions actuelles.
Je veux ensuite prendre des engagements fermes vis-à-vis des enseignants pour qui, j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, une application mécanique des nouvelles règles ferait perdre une part significative de leur future pension. Je le dis tout net : il serait inacceptable que les enseignants perdent le moindre euro de pension. Et cela ne se produira pas.
Tout d’abord, nous inscrirons dans la loi la garantie selon laquelle le niveau des retraites des enseignants sera sanctuarisé et comparable aux niveaux de retraites des fonctions comparables dans la fonction publique. Ensuite, nous engagerons avant la fin du quinquennat les revalorisations nécessaires pour maintenir le niveau des pensions. Nous le ferons progressivement et nous commencerons dès 2021.Enfin, nous mettrons certes l’accent sur les débuts de carrière, puisque le décalage de génération nous donne un peu de temps, mais pas seulement ; nous ne voulons pas créer deux catégories d’enseignement, c’est une vision globale que nous voulons construire. Et là aussi, le temps doit nous donner l’ambition de véritablement repenser le métier d’enseignant.
Le Ministre de l’Éducation nationale réunira très rapidement les organisations syndicales. Elles devront baliser une discussion qui devra s’achever au printemps 2020 et fixer le cadre sur les 10 prochaines années de la reconstruction des rémunérations, des carrières et des organisations du travail. En parallèle, Frédérique Vidal poursuivra les consultations sur la loi de programmation de la recherche pour aboutir, dans le même esprit, également au premier semestre.
Je suis évidemment extrêmement attentif, avec la ministre des solidarités et de la santé, à la situation des aides-soignantes.
Ce n’est pas un hasard si nous avons souhaité flécher certaines mesures du plan d’urgence pour l’hôpital vers ces professionnels qui sont au front quotidiennement, jour et nuit. Nous savons tous ce que l’hôpital leur doit. Compte tenu de leur démographie, près des 2/3 des aides-soignantes aujourd’hui en poste resteront dans leur régime actuel.
Je veux néanmoins que nous avancions dans deux directions :
  • nous adapterons les seuils sur la reconnaissance de la pénibilité liée au travail de nuit, en lien avec la réalité de leur rythme de travail effectif. Cela permettra à près d’un quart des aides-soignantes à l’hôpital de partir plus tôt ;
  • nous mettrons en place un nouveau dispositif permettant le financement d’un temps partiel sans perte de revenu en fin de carrière pour les aides-soignantes qui le solliciteraient.
Je veux enfin souligner la nécessité de construire des transitions spécifiques pour les travailleurs indépendants, les artisans, les commerçants et les professions libérales.
Les discussions menées avec le Haut-commissaire ont permis d’avancer sur trois choix :
  • la réforme de la CSG et des cotisations « vieillesse » des travailleurs indépendants sera mise en oeuvre au 1er janvier 2022 ;
  • deuxième choix : nous adopterons des modalités douces de convergence des cotisations. Je veux là aussi, ne rien brusquer. Je propose de nous donner un horizon de 15 ans pour y parvenir, ce qui n’interdira pas de le faire plus vite là où c’est possible, mais je pense que lorsque l’on prépare de grands mouvements en matière d’évolution des taux de cotisation, il faut prendre le temps de faire en sorte qu’ils soient acceptables à la fois par les individus et par le tissu économique ;
  • enfin, j’ai parfaitement entendu les craintes des représentants des professionnels libéraux sur le sujet des réserves. Je veux être très clair là-dessus : les réserves resteront dans les caisses des professionnels concernés. Et elles auront vocation, notamment, à accompagner la transition vers le système universel au bénéfice des auxiliaires médicaux, avocats, et médecins concernés. Pas de hold up, pas de siphonage pour combler tel ou tel trou, tel ou tel déficit. Ce n’est pas notre conception de la gestion de l’argent des Français, et ce n’est pas notre projet.
Un mot au sujet du calendrier. Nous avons pris le temps de concerter – on nous a même reproché d’en prendre trop. Il faut désormais avancer. Je n’exclus pas que ceux qui nous accusaient hier d’aller trop lentement ne manqueront pas de dire que nous allons maintenant trop vite.
Dès aujourd’hui, je souhaite que, les présidents d’entreprises publiques engagent le dialogue avec les organisations syndicales.
Il me semble que les garanties données aux populations les plus inquiètes justifient que le dialogue reprenne et que la grève, qui pénalise des millions de français, s’arrête. Une nouvelle fois, je pense à tous ceux qui galèrent et pour qui chaque journée est devenue un véritable parcours d’obstacle entre les transports et les problèmes de garde d’enfant. Ces Français existent, ce sont nos concitoyens, et j’ai pour eux une pensée de solidarité.
Le projet de loi de réforme des retraites sera prêt à la fin de l’année. Nous le soumettrons au Conseil des ministres le 22 janvier. Il sera discuté au Parlement à la fin du mois de février.
Ce projet contiendra in extenso tout ce que je viens de dire, à commencer par les garanties de calcul du point, des pensions des enseignants ou des forces de sécurité.
Il renverra à des ordonnances ou à des décrets les précisions sur les transitions, ce qui est normal dans la mesure où, même si nous avons acté le principe de transitions longues, le dialogue social va continuer pour en préciser les modalités.
Dans les deux années qui viennent, il nous faudra voter le projet de loi, et continuer à négocier avec les partenaires sociaux, tous les points, et ils sont nombreux, qui restent ouverts : la question de la pénibilité, la prise en compte des carrières longues, la question du travail des seniors et de l’aménagement des fins de carrière, les modalités de conversion des droits, sur lesquelles la loi aura donné des garanties, mais qu’il faudra définir régime par régime.
Au 1er janvier 2022, les nouveaux droits seront mis en place et les nouveaux entrants sur le marché du travail intègreront le régime. La réforme sera alors irréversible.
En 2025, les générations qui sont à plus de 17 ans de la retraite intègreront le nouveau système en conservant tous leurs droits acquis. Leurs retraites, liquidées à partir de 2037, intégreront progressivement une proportion croissante du nouveau système.
Mesdames et messieurs, vous voyez que nous nous inscrivons, comme toujours quand il s’agit de retraites, dans le temps long. Je suis totalement déterminé à mener à bien cette transformation, parce que je la crois profondément juste. Juste pour les plus fragiles. Juste pour des millions de femmes. Juste pour nos enfants. Je ne mésestime pas la complexité de la réforme et j’entends ceux qui me demandent de l’expliquer simplement. Si je cherche à le faire en conclusion de façon succincte, je dirai ceci :
  • nous transformons, très progressivement, le système des retraites des Français pour bâtir un système de répartition : plus fort parce qu’il repose sur la solidarité de tous, plus simple, parce que chaque euro gagné compte et que chaque euro ouvre les mêmes droits, sans logique de statut, plus juste, parce que les règles sont les mêmes pour tous et qu’un fort niveau de solidarité protège les plus faibles ;
  • en même temps que cette réforme, nous mettons en place de nouvelles avancées sociales. Nous réglons le problème des petites retraites. Nous protégeons les retraites des femmes et des familles. Nous marquons la solidarité du pays vis-à-vis des agriculteurs, des artisans et des commerçants. Nous engageons les revalorisations indispensables des rémunérations des enseignants, des chercheurs, nous intégrons les primes des fonctionnaires et nous étendons le régime de la pénibilité aux trois fonctions publiques et notamment aux aides–soignantes et aux infirmières ;
  • enfin, nous mettons ce système plus juste et plus simple sur des bases financières solides, en travaillant un peu plus longtemps et en mettant fin, très progressivement, aux régimes spéciaux.
C’est dire l’ampleur du changement. Mais ces changements, nous les conduisons de manière progressive. Avec les organisations syndicales, avec les parlementaires, avec tous ceux qui veulent que notre pays demeure la grande Nation productive et solidaire qu’elle a toujours cherché à être. Nous vous proposons précisément d’être fidèles à cet idéal français. Nous vous proposons de rebâtir le pacte entre les générations sur le principe d’une solidarité de tous les travailleurs pour tous leurs parents, sans logique de statut ni de rente. Ce n’est pas un saut dans l’inconnu. C’est un retour aux sources de notre République.
Donc oui, Mesdames et Messieurs, le temps est bien venu de construire un système universel de retraites.

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