La lutte contre le chômage reste notre premier objectif. La tendance que nous connaissons est meilleure : le taux de chômage est passé à la fin de l’année 2018 en dessous de 9% pour la première fois depuis 10 ans. On peut donc saluer ce résultat, mais il faut également constater que ce niveau reste trop élevé avec le 4ème plus fort taux de chômage européen, la France est l’un des seuls pays développés à ne pas avoir su apporter une réponse durable à cette question du chômage de masse.
Nous avons eu l’occasion de dire, avec Muriel Pénicaud, très tôt après la désignation du Gouvernement, qu’il n’existait pas un seul instrument qui permettrait d’avoir des résultats significatifs contre ce chômage de masse, et que nous allions devoir conjuguer différentes réformes pour obtenir des résultats.
Nous avons engagé ces réformes en commençant par refonder le cadre de notre droit du travail. Ça a été l’objectif des ordonnances de 2017 en donnant un espace sans précédent au dialogue social au plus près du terrain et en offrant plus de sécurité aux entreprises en matière de rupture du contrat de travail. Les premiers effets sont là, avec une baisse des contentieux et une hausse du nombre d’accords signés notamment dans les TPE : pour vous donner une illustration, dans une région comme la Bretagne, on a 15% d’accords de plus en un an à un niveau de 5400 accords et un quasi-doublement dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Nous avons en 2018 engagé une réforme en profondeur de notre système d’apprentissage et de formation professionnelle avec le choix de privilégier enfin l’alternance en levant les blocages à son développement, et le choix de privilégier la formation des demandeurs d’emploi plutôt que les emplois aidés, avec le plan d’investissement pour les compétences qui engage des moyens financiers sans précédent pour la formation des demandeurs d’emplois.
Là aussi, les premiers résultats sont là : une hausse sans précédent depuis 1996 des contrats d’apprentissage et une baisse du chômage qui se confirme avec un taux de chômage de 8,8%.
La modification des règles de l’indemnisation du chômage constitue le troisième levier pour transformer notre marché du travail. Je voudrais commencer par dire ce qui semble évident mais ce qui doit néanmoins être dit : le principe d’une indemnisation chômage est un des fondements de notre modèle social. Il est bon, il est sain que nous ayons un système permettant de ne pas laisser seul et sans indemnisation, ceux qui, dans leur vie professionnelle, connaissent une interruption liée à l’activité économique. Il ne s’agit donc pas de revenir sur ce principe, mais bien au contraire de faire en sorte que ce principe puisse trouver une application efficace et durable. Car le système tel qu’il fonctionne aujourd’hui, qui s’est composé par une addition de règles, par une sédimentation de règles, pose un certain nombre de problèmes ou connait un certain nombre de dysfonctionnements.
D’abord, il ne permet pas de lutter efficacement contre le recours abusif aux contrats courts. Je voudrais donner quelques chiffres pour que chacun ait bien à l’esprit l’ampleur du sujet. En 15 ans, le recours au CDD de moins d’un mois a été multiplié par 3. 70% des embauches se font aujourd’hui en contrats de moins d’un mois et, c’est peut-être le chiffre qu’il faut le plus significativement soulever, dans 8 cas sur 10 c’est la même personne que l’on réembauche. Autrement dit, l’addition des règles telles qu’elles existent aujourd’hui - qui résultent de choix qui ont été faits bien avant ce Gouvernement - a conduit à une multiplication des contrats très courts qui concernent les mêmes personnes. Les salariés subissent des mois, voire des années une précarité continue, sans perspective d’évolution.
Ce statu quo n’est pas tenable et nous considérons que les entreprises doivent être beaucoup plus responsabilisées dans leur choix de recourir aux contrats courts. C’est d’autant plus nécessaire que les entreprises ont acquis plus de souplesses et de sécurité depuis la réforme du droit du travail. La contrepartie – vous avez noté que j’apprécie ce terme -, c’est une responsabilité accrue dans le recours aux contrats courts.
Recruter en contrat de chantier ou en CDI intérimaire, aménager le temps de travail pour gérer les périodes de creux d’activité, c’est possible, et c’est possible dans une atmosphère et dans un dialogue social renouvelé au sein de l’entreprise. C’est une vraie alternative à l’usage de contrats très courts. Vous comprenez bien qu’ayant libéré les entreprises des règles qui créaient des incertitudes défavorables à l’embauche, nous pouvons désormais refaire du CDI et des contrats longs la norme à l’embauche.
Deuxième sujet : il faut que le travail paye toujours plus que le chômage. Evidemment dans la plupart des cas, les règles d’indemnisation sont bien faites, elles sont justes et nous n’allons pas chercher à les remettre en cause. Mais il y existe des cas où le montant de l’allocation chômage mensuelle est plus élevé que le salaire mensuel moyen perçu antérieurement. Ce n’est pas la majorité des cas, mais ça existe. Et ce système a évidemment pour conséquence de maintenir les chômeurs dans une forme de précarité. Il est faussement à leur avantage puisqu’il permet aux entreprises de faire payer par la collectivité cette précarité, et qu’il installe les chômeurs dans une alternance entre le travail et le chômage. Or tout ceci existe à un moment où les entreprises expriment le fait, partout en France, et dans tous les secteurs, qu’elles ne parviennent pas à recruter durablement dans leur secteur. C’est quelque chose que nous ne pouvons plus accepter.
Enfin, c’est le troisième point, nous devons revoir notre système qui permet d’obtenir des niveaux d’indemnisation, pour les salaires élevés, qui sont 3 fois supérieurs à ce qui se passe chez nos voisins. La ministre du Travail donnera un certain nombre de chiffres en la matière. Il est clair que les règles d’assurance-chômage, qui ne protègent pas suffisamment contre la précarité, indemnisent dans le même temps à un niveau dépassant de très loin ce qui existe ailleurs en Europe, alors même que le marché du travail des cadres est au plein emploi.
J’ajouterai à ces objectifs, à ces trois dysfonctionnements qu’il nous faut corriger, un quatrième qui est celui d’un accompagnement plus efficace des chômeurs. Si nous formulons des règles plus exigeantes, ces règles doivent aller de pair avec une meilleure prise en charge des demandeurs d’emploi.
Nous devons donc agir. Tous ces constats, toute la nécessité d’y répondre, nous les avons formalisés dès septembre dernier, dans un document de cadrage qui a été transmis aux partenaires sociaux.
Nous avons laissé toutes ses chances à la négociation. Nous avons rédigé le document qui leur a été adressé après les avoir consultés et après avoir tenu compte de leur avis pour en élaborer le contenu. En affirmant le nécessaire désendettement de l’Unedic, nous avons pris soin de mentionner non pas un objectif budgétaire mais une fourchette d’économies suffisamment large pour que l’espace de discussion soit réel. Et nous avions indiqué aux partenaires sociaux que dès lors qu’ils atteindraient une cible à l’intérieur de cette fourchette, nous pourrions suivre leurs recommandations.
Je regrette évidemment très profondément qu’un accord n’ait pu être trouvé. J’ai parfaitement confiance qu’il n’était pas facile d’obtenir cet accord, parce que c’est toujours difficile de remettre à l’endroit un système qui s’est constitué par une sédimentation de règles année après année.
Nous allons donc reprendre ce dossier. La ministre du Travail va dès cette semaine engager de très larges consultations auprès des différents acteurs du marché du travail. Les partenaires sociaux seront évidemment consultés dans ce cadre, mais nous irons au-delà. Elle vous dira comment et autour de quels axes ces consultations vont être organisées.
A l’issue de cette phase de quelques semaines, j’indiquerai au printemps les paramètres et les mesures que nous retiendrons. Le décret sera ensuite élaboré afin d’être mis en œuvre pendant l’été 2019.