Ukraine : déclaration de Gabriel Attal à l’Assemblée nationale

Publié le 12/03/2024|Modifié le 12/03/2024

Gabriel Attal a plaidé ce mardi, devant les députés, en faveur de l’accord de sécurité franco-ukrainien conclu par le président de la République et le président de l'Ukraine le 16 février 2024.

L'Assemblée nationale se prononce mardi 12 mars sur la stratégie d'aide à l'Ukraine lors d'un débat et d'un vote symbolique
Au cours d'un discours introduisant le débat, le Premier ministre, Gabriel Attal, s'est déclaré en faveur de l’accord de sécurité franco-ukrainien conclu par le président de la République, Emmanuel Macron, et le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky, le 16 février 2024.

Une inflation alimentaire puissance dix, une explosion des prix de l'énergie puissance dix. Je pourrais continuer longtemps à énumérer un à un les risques concrets, tangibles, directs d'une victoire de la Russie pour la vie quotidienne des Français.

Gabriel Attal

  • Premier ministre
Gabriel Attal
Source : Accord avec l'Ukraine

Déclaration du Premier ministre, Gabriel Attal, sur l'accord bilatéral de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine. Gouvernement

Madame la Présidente, Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les députés. 

Il y a un peu plus de deux ans, dans une offensive cynique, brutale et destructrice, la Russie a attaqué l'Ukraine. Seule responsable du conflit, la Russie a attaqué froidement une nation libre et démocratique qui ne la menaçait pas, qui ne l'attaquait pas, et ce, en violation de toutes les règles du droit international et de la Charte des Nations Unies. 

Ces constats, ces faits, puisqu'il s'agit de faits objectifs, l'écrasante majorité d'entre nous les partage. Ce constat, ces faits, comme toutes les évolutions, nous les avons partagés avec le Parlement et avec les forces politiques, régulièrement, dans la plus grande transparence possible depuis le début du conflit. 

Par deux fois, des débats sur le fondement de l'article 51-1 de la Constitution se sont tenus dans cet hémicycle. Deux comités de liaison se sont réunis depuis le début du deuxième quinquennat du président de la République et la semaine dernière encore, le président de la République a une nouvelle fois reçu les chefs de partis politiques pour échanger sur la situation et sur nos positions. 

Aujourd'hui, conformément à l'engagement du président de la République, notre débat illustre cette volonté de transparence et d'association de la représentation nationale. Une transparence que nous vous devons car c'est un impératif démocratique, une transparence qui passe par l'affirmation claire des positions de l'exécutif. 

Je vais m'y employer cet après-midi avec mes ministres. Une transparence qui passe par le vote. Nous le devons à tous nos concitoyens français qui doivent savoir sans ambiguïté possible la position de chacun sur le soutien à l'Ukraine et la condamnation de la Russie. 

Mesdames et Messieurs les députés, si la Russie a lancé une offensive massive et coordonnée sur l'Ukraine le 24 février 2022, je crois qu'il est utile, pour la comprendre, de revenir aux origines du conflit. 

Certains, en Russie, nostalgiques de l'Empire ou de l'hégémonie soviétique sur l'Europe de l'Est, n'ont jamais accepté l'éclatement de l'U.R.S.S. et l'indépendance de l'Ukraine. Menée par Vladimir POUTINE, ces impérialistes ne supportent pas que d'anciennes républiques soviétiques, et l'Ukraine en particulier, puissent prendre leur destin en main, puissent choisir souverainement leurs alliances, puissent faire le choix de la démocratie. 

Il y a 10 ans, en février 2014, un vent de liberté part de la place Maïdan, souffle sur l'Ukraine et elle tourne son regard vers l'Europe. Il ne s'agissait pas alors pour l'Ukraine de se rapprocher de l'OTAN, mais de signer un accord d'association avec l'Union européenne. La Russie ne l'accepte pas et dès le 28 février 2014, des troupes russes entrent en Crimée, l'occupent et l'annexent en violation de toutes les règles internationales. Certains, y compris dans cet hémicycle, avaient alors nié cette annexion et accepté la parodie de référendum organisé par le Kremlin. 

8 ans plus tard, le 24 février 2022, malgré les efforts sans précédent déployés par le président de la République pour éviter la guerre, le Kremlin lance son autoproclamé « opération spéciale » contre l'Ukraine. Moscou misait sur une guerre éclair et pensait faire tomber Kiev en quelques jours. Il n'en a rien été. La résistance du peuple ukrainien a été et reste exceptionnelle. 

[Applaudissements]

Yaël BRAUN-PIVET

J'en profite pour vous indiquer qu'il y a notamment l’Ambassadeur d'Ukraine qui assiste à nos débats cet après-midi.

Gabriel ATTAL

La résistance du peuple ukrainien, je le disais, a été et reste exceptionnelle. La détermination des armées ukrainiennes impressionne. Ils n'ont pas cédé, ils se sont battus et se battent pour chaque village, pour chaque maison, pour chaque mètre de leur territoire. Ils ont refusé de céder à la loi du plus fort, refusé de plier face à la brutalité et au cynisme. Avec vous, avec vous tous, je l'espère, je veux leur rendre hommage. Avec vous, je veux rendre hommage au peuple ukrainien et à sa résistance exceptionnelle depuis plus de deux ans contre l'agresseur russe. Elle nous oblige. [Applaudissements] 

Face à la résistance ukrainienne, la Russie n'a reculé devant rien. Aucune exaction, aucune violence, aucun crime. Depuis deux ans, les civils ukrainiens sont ciblés par des frappes russes. Encore ces dernières semaines, à Kiev ou à Kharkiv, des drones et des bombardements russes ciblent délibérément des quartiers résidentiels, tuent familles et enfants, sans état d'âme et sans distinction. La liste des exemples est longue, elle est glaçante. Et il y a 10 jours encore, c'est à Odessa qu'un drone russe a frappé un immeuble faisant 12 morts et parmi eux, 5 enfants. 

Depuis le début du conflit, on estime que 10 000 civils sont morts sous les frappes de la Russie. Depuis deux ans, la Russie pratique une politique de la terre brûlée qu'elle avait étrenné précédemment en Syrie et en Tchétchénie. Des quartiers et des villes entières sont rasés. Marioupol, Marïnka, entièrement rasées en mars 2023, et aujourd'hui Bakhmout ou Adviivka. Depuis deux ans, les découvertes macabres se sont multipliées. À Boutcha, à Isiom, des massacres innommables se sont tenus. La Russie a commis des crimes de guerre barbares, et laissé derrière elle des charniers monstrueux. Elle devra en répondre, nous en prenons l'engagement [Applaudissements]. 

Depuis deux ans, les exactions insoutenables se multiplient, des exactions qui visent les plus jeunes. Et l'on sait que plusieurs milliers d'enfants ukrainiens ont été enlevés et conduits dans des camps militaires pour, je cite, « les rééduquer ». Je vous l'ai dit, en Ukraine, la Russie a franchi toutes les limites. Pas une horreur ne l'arrête, pas un massacre ne la rebute. 

Mesdames et Messieurs les députés, Vladimir POUTINE a attaqué l'Ukraine, mais c'est bien plus largement à toutes nos valeurs qu'il a déclaré la guerre. Par cette attaque, il a voulu changer l'ordre du monde pour imposer sa loi, pour imposer la loi du plus fort, où n'importe quelle puissance en quête d'affirmation pourrait soumettre une nation libre, soit par le chantage, soit par les armes. Par cette attaque, le Kremlin a voulu ébranler nos valeurs, montrer la faiblesse des démocraties. 

Ne nous y trompons pas, c’est bien la liberté et le pluralisme qu'il remet en cause, c'est bien nos modes de vie et nos valeurs qu'il agresse et qu'il veut faire tomber. 

Pour nous, tourner le dos à l'Ukraine, ce serait tourner le dos à nos valeurs, ce serait trahir la confiance de nos alliés et faire acte de faiblesse. Ce ne serait certainement pas la paix, mais la porte au contraire, la porte ouverte à de nouveaux conflits, de nouvelles blessures et de nouvelles guerres. 

Alors depuis la première seconde, aux côtés du président de la République, nous le disons clairement et fermement, nous sommes aux côtés de l'Ukraine. Nous l'aiderons autant qu'il le faudra [Applaudissements]. 

En lançant cette offensive, Vladimir POUTINE pensait diviser l'Europe. Il avait tort. Dès les premières heures du conflit, notamment sous l'impulsion du président de la République, l'Europe a réagi. L'Europe a fait front et a pris des sanctions fortes en un temps record. 

Depuis, malgré nos différences, malgré le chantage russe à l'énergie, à la sécurité alimentaire, malgré la désinformation et les menaces, le Kremlin n'est pas parvenu à faire plier l'Union européenne. Il n'est pas parvenu à diviser l'Europe. Le contraire est arrivé. 

À l'épreuve de cette guerre, l'Europe s'est transformée, elle s'est renforcée. Il a fait comprendre à chacun que notre destin collectif pouvait vaciller d'un instant à l'autre, que nous devions compter sur nous-mêmes et que nous ne pouvions pas nous en remettre au bon vouloir d'autres puissances. 

En deux ans, sur la base de l'agenda de Versailles, la souveraineté de l'Europe a fait des pas de géant. 

Souveraineté industrielle, avec un engagement sans précédent de l'Union européenne à sortir de toutes ces vulnérabilités stratégiques. Je pense au semi-conducteur, aux matières premières critiques. 

Souveraineté énergétique, avec la fin de la dépendance de certains pays d'Europe aux gaz russes. 

Souveraineté stratégique, avec l'adoption d'une boussole commune que constitue le premier livre blanc de la défense européenne. 

Le résultat est clair. Nous sommes plus unis qu'avant, plus forts qu'avant, plus indépendants qu'avant. L'Europe puissance se construit, avance et protège la France et les Français. Vladimir POUTINE n'y croyait pas. Nous lui apportons la démonstration du contraire. 

En lançant sa guerre, Vladimir POUTINE pensait aussi diviser l'OTAN. Une fois de plus, il avait tort. L'OTAN s'est renforcée et des pays dont l'adhésion était impensable il y a deux ans encore, la Suède et la Finlande ont aujourd'hui rejoint l'Alliance. 

Mesdames et Messieurs les députés, sous l'impulsion du président de la République, nous avons apporté un soutien massif, infaillible et déterminé à l'Ukraine. 

Un soutien politique d'abord. La France est depuis les premiers jours aux avant-postes de la communauté internationale pour organiser et mobiliser le soutien à l'Ukraine. Elle se tient à l'écoute de son allié et de ses demandes et nous tentons d'y répondre au mieux. Ces dernières semaines encore, c'est d'ailleurs à Paris et à l'initiative du président de la République, que s'est tenue une conférence de soutien à l'Ukraine, qui a réuni 27 chefs d'État et de gouvernement ou leurs représentants. 

Notre soutien est humanitaire ensuite. Le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères aura l'occasion d'y revenir plus en détail. Nous avons fourni plus de 210 tonnes de matériels et de médicaments, mené plus de 50 opérations d'urgence répondant aux priorités fixées par Kiev, envois médicaux et évacuations sanitaires, appui à la sécurité civile ukrainienne, envoi de semences agricoles et de produits alimentaires. Sous la coordination de la Cellule interministérielle de crise, nous avons pu accueillir en France 100 000 réfugiés ukrainiens et scolariser près de 18 000 enfants. Nous n'aurions pas pu réussir, je le dis, nous n'aurions pas pu réussir cet accueil sans la mobilisation et la solidarité des Français dont la réaction a été à la hauteur de l'histoire. Nous n'aurions pas pu réussir non plus, et je veux les remercier et leur rendre hommage, sans l'engagement exceptionnel des collectivités locales qui ont multiplié les initiatives, collecté des dons et ont rendu possible l'accueil des réfugiés ukrainiens. 

Notre soutien, bien sûr, est également un soutien militaire. Nous avons répondu présent. Les faits et les chiffres sont là, les faits et les chiffres le prouvent. Nous avons livré des équipements à l'Ukraine en respectant toujours les 3 mêmes critères : livrer ce dont l'Ukraine a besoin sans fragiliser nos propres armées et en faisant tout pour éviter l'escalade. Depuis le début du conflit, nous avons livré pour plus de 2,6 milliards d'euros d'équipements militaires à l'Ukraine. Toujours avec la même perspective : répondre avant tout aux besoins opérationnels des Ukrainiens sur le terrain en proposant des équipements complets, en permettant aux Ukrainiens de se former à leurs emplois et en veillant à leur maintien en condition opérationnelle. J'ajoute que la France n'a qu'une parole et que ce que nous nous sommes engagés à livrer aux Ukrainiens, nous l'avons effectivement livré. 

De plus, nous avons participé de manière particulièrement active aux mécanismes européens mis en place pour fournir des équipements à l'Ukraine. Nous sommes ainsi le deuxième contributeur à la Facilité européenne pour la paix, avec plus de 1,2 milliards d'euros engagés entre le début de la guerre et la fin de l'année 2023. Au total, en 2022 et 2023, de manière bilatérale et à travers l’Europe, la France a donc apporté une aide militaire à l’Ukraine à hauteur de 3,8 milliards d’euros. 

Concrètement dès les premières heures de l’offensive, nous avons livré des matériels déterminants pour permettre à l’Ukraine de se défendre et de résister. Des missiles anti-chars, des missiles anti-aériens, des équipements de protection et de l’armement individuel. Nous avons ensuite livré des équipements décisifs, plus lourds et plus complexes pour renforcer la défense aérienne ukrainienne avec les systèmes de missiles sol-air Crotale. Nous avons aussi contribué à renforcer son artillerie avec des canons CAESAR et des lance-roquettes unitaires. Nous avons fourni aussi les armements à l'Ukraine pour reprendre les territoires perdus comme des VAB, des blindés légers comme les missiles SCALP, déterminants pour des frappes dans la profondeur. 

Nous allons poursuivre ces livraisons qui sont indispensables à l'Ukraine. Le président de la République a demandé aux industriels d'accélérer leur passage dans une économie de guerre et d'augmenter leur capacité à produire. Dans les prochains mois, nous livrerons à l'Ukraine 150 drones, 100 munitions téléopérées et 6 canons CAESAR et 12 autres seront financés par la France. Nous produirons jusqu'à 3 000 obus par mois au profit de l'Ukraine. Nous allons livrer près de 600 bombes A2SM à raison d'une cinquantaine par mois, ainsi qu'une quarantaine de missiles SCALP. Enfin, comme l'a confirmé le président de la République lors de sa visite en République tchèque, la France participera au financement de l'achat d'obus en masse proposé par nos alliés tchèques. [Applaudissements] 

Je veux enfin dire un mot de ceux qui diffusent de fausses informations sur nos livraisons d'armes. Une vente de porte-hélicoptères Mistral avait été annulée par le président François HOLLANDE en 2015, une décision d'ailleurs dénoncée à l'époque par l'extrême droite, mais une décision confirmée par le président de la République. Dire l'inverse, c'est un mensonge éhonté. C'est de la désinformation, c'est une diversion grossière qui en dit long sur les intentions de ces auteurs. 

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai évoqué notre soutien politique, humanitaire et militaire, mais notre soutien s'est également incarné au niveau européen. Je le disais, la réaction de l'Europe a été immédiate et puissante. 

Nous avons d'abord agi pour sanctionner la Russie. Nous en sommes à 13 paquets de sanctions, tous adoptés à l'unanimité des États qui frappent l'économie russe au cœur et l'affaiblissent de manière profonde et structurelle. 

Nous avons dans le même temps décidé d'actions fortes pour soutenir l'Ukraine. Une aide qui concerne tous les domaines : protection temporaire octroyée aux réfugiés ukrainiens, aide économique, aide humanitaire, aide militaire. Ce sont au total plus de 85 milliards d'euros d'aide que les 27 ont apporté à l'Ukraine jusqu'à présent. 

Ce soutien, je veux le dire, il se poursuit résolument. Le mois dernier, le Conseil européen a décidé d'une nouvelle aide pour l'Ukraine, à hauteur de 50 milliards d'euros. Une aide essentielle qui permettra au pays de tenir pour son fonctionnement quotidien, mais aussi de mener les investissements et les réformes nécessaires pour son redressement. 

Nous voulons également aller plus loin dans le soutien militaire de l'Union à l'Ukraine. En acceptant de livrer des armes, l'Europe a procédé à une véritable révolution copernicienne. Jamais nous n'aurions pu l'envisager il y a quelques années. Et les ennemis de l'Europe comptaient là-dessus. Ils y voyaient une preuve de son impuissance. Les choses ont changé. Et grâce à la Facilité européenne pour la paix, ce sont d'ores et déjà pour 7,1 milliards d'euros d'armement qui ont été engagés pour l'Ukraine. 

Nous voulons maintenant franchir une nouvelle étape, réformer cet instrument pour en faire un véritable outil de production militaire européen. C'est l'objet des négociations en cours qui doivent aboutir à l'occasion du Conseil européen des 21 et 22 mars prochains. 

Enfin, le soutien à l'Ukraine, c'est reconnaître qu'elle se bat tous les jours pour nos valeurs et qu'elle fait partie de la famille européenne. 

Mesdames et messieurs les députés, si nous avons tenu à ce que ce débat et ce vote puissent se tenir aujourd'hui, c'est parce que nous sommes à un moment de bascule dans ce conflit. Nous le savons, cette guerre s'inscrit dans la durée. Une guerre de position se joue désormais. 

Et pour la Russie, le temps est désormais un allié. Elle compte sur la lassitude des alliés de l'Ukraine. Elle compte sur des échéances électorales prochaines aux États-Unis comme en Europe. Elle compte sur l'efficacité au long terme de son travail de sape et de désinformation. 

Dans le même temps, la Russie durcit sa position. Elle la durcit sur son territoire national en renforçant plus encore la chape de plomb qui pèse sur la société russe. Alors que nous sommes à quelques jours de l'élection présidentielle en Russie, si je peux parler d'élection, je voudrais avoir ici une pensée pour Alexeï NAVALNY. Avec la mort tragique en prison de cet opposant qui porte la marque de la responsabilité du Kremlin, avec l'interdiction de tout candidat des oppositions de participer à la prochaine élection présidentielle, je crois que le message est clair et qu'il s'impose à tous : le régime russe est un régime autoritaire déterminé à combattre nos valeurs et nos intérêts. 

Sur le terrain, en Ukraine, la Russie durcit également sa position, multipliant ses attaques et les exactions. Parce que les forces russes ont repris la ville d'Avdiivka à un coût exorbitant pour elles, elles veulent faire croire qu'elles ont repris l'initiative. La Russie durcit également sa position en devenant un acteur méthodique de la déstabilisation du monde : en Syrie, dans le Caucase, en Asie centrale ou en Afrique, notamment grâce à ses faux-nez et ses mercenaires, nous ne l'avons que trop vu au Sahel. 

Elle durcit aussi ses attaques dans le champ de l'information, n'hésitant pas à propager des fausses nouvelles, à tenter de diviser les peuples. La France n'y fait pas exception. Elle est une cible de choix pour la Russie, qui n'hésite pas à intervenir dans notre pays pour tenter de semer la discorde. La Russie durcit sa position dans le cyberespace en multipliant les cyberattaques, elle durcit sa position en se lançant dans une militarisation de l’espace pouvant mettre en danger nos satellites en dépit de toutes les règles et de toutes les Conventions internationales. 

Nous sommes donc dans un moment décisif. La Russie est une menace non seulement pour l’Ukraine mais aussi directement pour nous, pour l’Europe, pour la France, pour le peuple français face à une puissance impérialiste, révisionniste qui menace et qui ne croit qu’à la force, il n’y a pas de raccourci, il n’y a que la détermination politique et la posture stratégique qui comptent pour la tenir en respect. 

Et la première ligne de défense, c’est en Ukraine qu’elle se situe. Le reste, ce sont des mots. Les mots légers de ceux qui ne veulent pas voir leur responsabilité et croient que les choses rentreront dans l’ordre toutes seules sans effort. Les mots coupables de ceux qu'aveuglent des affinités anciennes avec une Russie agressive et régressive. 

Je le répète, la Russie ne peut ni ne doit gagner. 

Que voudrait dire concrètement pour les Français une victoire de la Russie ? Je ne parle pas ici seulement d'arguments moraux, de l'abandon d'une démocratie, de la trahison de nos valeurs. Je parle de conséquences concrètes qui pèseraient sur la vie des Français. 

Une victoire de la Russie, je le dis clairement, c'est la fin d'un ordre international fondé sur le droit et un blanc seing donné à toutes les puissances animées d'instincts révisionnistes. [Applaudissements]. 

Une victoire de la Russie, c'est le signal qu'attendent les régimes autoritaires pour sonner la fin de l'histoire des démocraties libérales. 

Une victoire de la Russie, c'est le danger constant des appétits insatiables, une sécurité européenne affaiblie, des cyberattaques qui se multiplient encore davantage, jusqu'à pouvoir empêcher nos services publics de fonctionner. 

Une victoire de la Russie, c'est le risque de nouveaux conflits, plus proches encore, plus menaçants encore, et de la prolifération à quelques centaines de kilomètres de nos frontières. 

Une victoire de la Russie, c'est la plus grande vague migratoire de l'histoire sur le continent européen. Des millions de réfugiés ukrainiens et des pays voisins qui craindraient désormais pour leur propre sécurité, qui se déplaceraient sur le continent européen. 

Une victoire de la Russie, c'est un danger direct pour notre sécurité alimentaire. La Russie et l'Ukraine, ce sont les deux plus grands producteurs de céréales au monde. Si la Russie prenait le contrôle des céréales ukrainiennes, elle serait libre de faire monter les prix comme bon lui semble en réponse à nos sanctions, menaçant directement nos agriculteurs et le pouvoir d'achat des Français. [Applaudissements]. 

Une victoire de la Russie, c'est aussi le risque de la panne énergétique généralisée. Nous avons réussi à tenir face au chantage gazier de la Russie. Mais si elle se trouvait en position de force après l'avoir emporté sur l'Ukraine, elle serait en mesure de déstabiliser davantage encore le marché, avec à la clé des factures d'énergie et des prix à la pompe qui exploseraient plus encore pour les Français. 

Je le dis clairement, la guerre a évidemment un impact dans la vie quotidienne des Français. 

Mais une victoire de la Russie, ce serait un cataclysme pour le pouvoir d'achat des Français, une inflation alimentaire puissance 10, une explosion des prix de l'énergie puissance 10. La liste est encore longue. 

Je pourrais continuer longtemps à énumérer un an les risques concrets, tangibles, directs d'une victoire de la Russie pour la vie quotidienne des Français. Dans un monde où la Russie gagnerait, les Français vivraient moins bien, avec des aliments plus chers, de l'énergie plus coûteuse, une insécurité croissante. 

À nouveau, évidemment que cette guerre a un coût dans la vie quotidienne mais ce coût serait décuplé sans commune mesure si la Russie l'emportait sur l'Ukraine. Le succès de l'Ukraine, c'est aussi l'intérêt des Français. [Applaudissements] 

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons réagir. C'est pourquoi le président de la République a appelé ces dernières semaines à un sursaut, un sursaut collectif pour aider l'Ukraine et pour éviter le scénario du pire. La Russie ne peut, ni ne doit gagner la guerre. Alors, dans un esprit de lucidité, en veillant à refuser toute escalade, nous prenons nos responsabilités. 

C'est le sens de l'accord de sécurité conclu entre le président de la République et le Président ZELENSKY à Paris, le 16 février dernier. Cet accord bilatéral sur lequel nous vous demandons de vous prononcer, ce sont des engagements mutuels entre la France et l'Ukraine. C'est bien sur cela que vous vous prononcerez aujourd'hui. 

C'est d'abord un engagement politique très fort de la France à renforcer structurellement et sur le long terme les capacités de l'Ukraine sur tous les plans, militaire, économique également pour la reconstruction du pays. L'objectif, c'est d'accroître la capacité de l'Ukraine à résister, accroître sa capacité de résilience et décourager tout acte d'agression à l'avenir. 

Cet accord, il fait suite aux engagements pris par les pays du G7 dans une déclaration adoptée le 12 juillet 2023 en marge du sommet de l'OTAN de Vilnius. Il s'inscrit donc dans une logique collective. En plus des pays du G7, 25 pays ont adhéré à cette démarche. Avec la France, ce sont déjà 7 pays qui ont conclu des accords similaires : l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, l'Italie, les Pays-Bas et le Danemark. C'est donc bien sur un élan de solidarité internationale que nous vous demandons de vous prononcer. 

Quel est l'engagement des pays signataires d'un accord de ce type ? En cas de nouvelle agression russe contre l'Ukraine, il s'agit de lui fournir une assistance rapide, notamment en matière de sécurité, d'équipement militaire et d'assistance économique. En matière d'aide militaire, cet accord prévoit, pour l'année 2024, jusqu'à 3 milliards d'euros de soutien militaire additionnel. C'est pratiquement une fois et demi que ce que nous avons fourni en 2023 et près de deux fois plus qu'en 2022. 

Par votre vote, nous vous demanderons d'affirmer que la France est un partenaire militaire fiable de l'Ukraine, un partenaire capable de créer l'initiative. Je pense notamment à la livraison de chars légers, un partenaire capable de livrer des capacités qui font la différence sur le terrain, je pense notamment à nos canons CAESAR ou aux missiles longue portée SCALP. En contrepartie de ces engagements financiers importants, l'Ukraine s'engage pour sa part à poursuivre sa trajectoire ambitieuse de réforme. Cela implique la poursuite des efforts importants initiés par les autorités ukrainiennes en matière de lutte anticorruption, de réforme judiciaire, de consolidation de l'État de droit, de décentralisation, de modernisation de son secteur de la défense ou encore de transformation de son agriculture vers les standards européens. 

Cet accord est un acte fort. Il réaffirme le soutien de la France à l'Ukraine dans la durée. Et s'il n'est juridiquement pas soumis à la ratification du Parlement, le président de la République a souhaité qu'il vous soit présenté, que vous puissiez en débattre et que vous puissiez voter. 

Car derrière cet accord, ce n'est pas seulement l'avenir de l'Ukraine, c'est aussi la défense de nos intérêts et de notre sécurité qui est en jeu. Cet accord les défend, cet accord les protège et j'appelle à l'esprit de responsabilité de chacun au moment de voter. 

Mesdames et Messieurs, les députés, au-delà de cet accord qui fera l'objet de votre vote, la France prend ses responsabilités aussi en mobilisant la communauté internationale. 

Lors de la réunion qui s'est tenue à Paris le 26 février avec les chefs d'État, de gouvernement, des 27 États, de leurs représentants, de nouveaux engagements ont été pris. Collectivement unis, nous avons décidé de continuer à renforcer notre soutien à l'Ukraine. 

Collectivement unis, nous avons choisi de renforcer nos efforts pour fournir à l'armée ukrainienne les munitions dont elle a besoin. 

Collectivement unis, nous avons décidé de renforcer la défense anti-aérienne et les capacités de frappe dans la profondeur des forces ukrainiennes. Une neuvième coalition internationale sera créée en ce sens. 

Enfin, de nouveaux axes d'efforts ont été identifiés et proposés sur lesquels chacun pourra s'engager comme il le souhaite et autant qu'il le souhaite. Il s'agit de renforcer la défense cyber et les capacités de déminage ukrainienne, d'être en mesure de coproduire l'armement en Ukraine, d'assurer la défense des pays directement menacés par l'offensive russe, comme la Moldavie, et d'être en capacité de soutenir l'Ukraine pour qu'elle puisse continuer de sécuriser sa frontière avec la Biélorussie. 

Ces engagements ont porté leurs fruits. Loin des caricatures des partisans de la défaite permanente et du déclin, la France a donné un élan nouveau au soutien à l'Ukraine. Lors de la conférence ministérielle de suivi organisée la semaine dernière sous l'égide du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et du ministre des Armées, des dizaines d'États partenaires ont accepté de se saisir de nos réflexions, de s'engager et même de prendre la tête de travaux sur certains chantiers. 

Grâce à la volonté du président de la République, à l'engagement de mon Gouvernement, la France est à l'initiative, elle est moteur. Nos travaux ont poussé nos partenaires à se poser les bonnes questions, à prendre la mesure de la menace, à avancer ensemble. Nous avons posé toutes les options sur la table, sans logique d'escalade, mais sans faux-semblant. Cela a permis un électrochoc salutaire, a donné un coup d'accélérateur à la réaction internationale. Nous avons assumé notre rôle. Les travaux sont lancés. Nous proposons, et nos partenaires sont libres de participer, d'avancer et de contribuer. 

Enfin, je veux le dire clairement ici, dans un moment aussi grave, dans une situation aussi complexe, il n'y a pas de place pour l'instrumentalisation. Le message du président de la République a été très clair [Applaudissements]. 

Nous n'abandonnerons pas l'Ukraine et nous n'excluons par principe aucune option. Nous nous inscrivons dans un cadre réfléchi pour réaffirmer notre soutien à l'Ukraine, mais sans faire la guerre à la Russie et en refusant toute logique d'escalade. Nous ne nous fixons pas de limites face à une Russie qui, elle, n'en fixe aucune. Nous continuerons comme nous le faisons depuis le début du conflit à faire évoluer notre soutien, à l’adapter aux besoins des Ukrainiens. 

En deux ans, beaucoup d’évolutions que l’on croyait impensables ont eu lieu. La Suède et la Finlande qui rejoignent l’OTAN, impensable et pourtant c’est fait. 

L’Europe, capable de prendre des sanctions fortes en quelques heures. Impensable et pourtant c’est fait. 

L’Europe qui se mobilise, qui fournit des armes. Impensable, et pourtant, c'est fait. 

Il y a une différence entre le soutien militaire et la cobelligérance. Nous pratiquons cette différence tous les jours avec nos partenaires et nos alliés. Une dynamique est en train de se lancer sur les chantiers ouverts à Paris afin de faire plus, mieux et si besoin différemment pour soutenir l'Ukraine dans la durée. 

Mesdames et Messieurs les députés, ces propos sont fermes, je le sais, mais je veux rappeler ici qu'aucun pays plus que la France n'a œuvré au dialogue avec la Russie, n'a œuvré pour ramener ses dirigeants à la raison, 

que ce soit dans les négociations du format dit Normandie avec l'Allemagne dès 2014, sous l'égide du président François HOLLANDE et repris par le président de la République, 

que ce soit par toutes les initiatives françaises de ces dernières années lors des rencontres entre le président de la République et le président POUTINE à Versailles, à Saint-Pétersbourg, à Osaka ou à Brégançon, 

que ce soit dans l'organisation, à l'initiative du président de la République, de ce qui s'est avéré être la seule rencontre entre les présidents ZELENSKY et POUTINE en décembre 2019, c'était en France, à l'Élysée, 

que ce soit dans les mois, les semaines, les jours qui ont précédé l'éclatement du conflit où le président de la République a tout tenté jusqu'à se rendre à Moscou pour éviter la guerre. 

À toutes les étapes, notre engagement pour l'Ukraine a été constant en faveur de sa souveraineté et du respect de son intégrité territoriale sans volonté d'ostraciser la Russie. 

C'est la raison pour laquelle la position de la France en faveur de la paix est inchangée. Notre objectif reste celui d'une solution négociée qui respecte les droits de l'Ukraine et nos intérêts de sécurité. C'est la seule solution qui permettra d'obtenir des garanties crédibles de la part de la Russie pour s'assurer qu'elle ne retournera à l'assaut ni de l'Ukraine ni d'un autre pays européen. 

Mesdames et Messieurs les députés, dans quelques instants, vous voterez. vous voterez sur notre accord de sécurité bilatérale avec l'Ukraine. Vous voterez sur notre soutien à l'Ukraine. Vous voterez sur notre capacité à défendre nos intérêts et nos valeurs. C'est bien cela l'objet de ce vote : l'accord bilatéral de sécurité entre la France et l'Ukraine, comme 7 pays déjà, ont déjà conclu un accord bilatéral de sécurité, j'ai rappelé lesquels il y a un instant, 7 pays qui ont déjà conclu cet accord. 

Et c'est sur cet accord que vous êtes amenés à vous prononcer. Au moment de ce vote, les Français nous regardent. Des Français qui s'inquiètent de la situation, des Français que la Russie menace. Des Français qui tiennent à nos valeurs, à notre liberté, à notre démocratie et qui ont parfaitement compris quel danger les guettait si la Russie l'emportait. 

Évidemment, l'Ukraine nous regarde. Elle attend la confirmation et le signal de notre unité derrière elle. Nos partenaires nous regardent aussi. Ils ont répondu à notre appel, sont prêts à s'engager davantage pour l'Ukraine et attendent de nous de montrer l'exemple. 

Et je le dis, la Russie nous regarde aussi, elle qui veut imposer la loi du plus fort, elle qui veut nous diviser, elle qui veut mettre à bas nos principes et nos valeurs. 

Alors ce vote est important. Je respecte évidemment institutionnellement et de façon républicaine le vote de chacune et de chacun ici. C'est pour cela que nous soumettons cet accord au vote. 

Mais je vais vous dire la conviction qui est la mienne, je vous dis ma conviction. Voter contre, c'est remettre en cause le travail et les efforts accomplis par la France et ses alliés depuis deux ans. 

Voter contre, c'est donner à Vladimir POUTINE tous les arguments et un signal qu'il espère et qu'il attend. 

Voter contre, c'est affirmer que les règles internationales peuvent être bafouées sans conséquence ou réponses claires de notre part. 

Voter contre, c'est signifier à nos alliés que la France tourne le dos à son engagement et à son histoire. 

Je le dis également, s'abstenir, c'est fuir. Fuir ses responsabilités devant l'histoire. Trahir ce qui nous est de plus cher depuis le 18 juin 1940 : l'esprit français de résistance. 

Alors aujourd'hui, je vous appelle à dire que nous soutenons l'Ukraine, sans « mais » et avec détermination. Si l'Ukraine perd, nous perdons nous aussi. Nous ne laisserons pas la Russie gagner. La France ne peut s'effacer devant ses responsabilités. 

Alors, je le dis ici, en tant que Premier ministre de la France, au nom du Gouvernement de la France, à la tribune de l'Assemblée nationale de la France, je le dis au plus profond de mon cœur qui résonne et qui bat pour la valeur de liberté des peuples, je le dis du plus profond de mes tripes qui se nouent autour de l'intérêt des Français, Slava Ukraini !

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