Michel BARNIER
Je suis heureux de vous dire quelques mots maintenant, dans une journée qui est importante, notamment en raison de cette visite sur les enjeux de santé mentale, qui est le début d'un très grand travail que le nouveau Gouvernement va faire, mais aussi en prolongeant des efforts engagés depuis de longues années. Je vais y revenir.
Je suis heureux d'être ici à Vouillé, dans la Vienne, où j'ai été très chaleureusement amicalement reçu et je remercie les élus locaux, le maire, le président du département, les parlementaires qui sont tous ici, toutes les autorités locales. Je vais revenir sur cet accueil et sur ce que j'ai appris.
Vous me permettrez peut-être de dire un petit mot de solidarité avec toutes les personnes qui sont touchées par les inondations. Il est tombé beaucoup d'eau partout en France, avec beaucoup d'intensité. On a dénombré 3 700 interventions des forces de secours, des sapeurs-pompiers, qui ont fait comme toujours leur travail, les élus locaux, le service de secours, très fortes précipitations dans beaucoup de départements et en particulier dans le département de Seine-et-Marne, où la ministre Agnès PANNIER-RUNACHER s’est rendue très vite aujourd'hui, à l'invitation d'ailleurs de Monsieur RIESTER, député, et à toutes ces personnes qui sont touchées par ces risques naturels.
Vous le savez, je suis très engagé depuis longtemps sur la culture du risque et donc je suis très solidaire de toutes ces actions. Je pense que la prévention coûte toujours moins cher que la réparation. Quand il faut réparer, on a affaire à des élus locaux qui sont disponibles au service des gens, des services de secours, de pompiers, de protection civile. Et l'État est là, il sera là dans la gestion post-crise de cet événement et de ces événements très graves. Voilà ce que je voulais dire comme un mot de solidarité.
Je voudrais aussi dire un petit mot sur le souci de la ruralité et de l'agriculture. Il y a dans ce département beaucoup d'agriculteurs - et d'ailleurs, on en a parlé ce matin avec la ministre de la Santé - qui sont aussi en souffrance, concernés par ces enjeux de santé mentale, en raison des difficultés de travailler, de vivre. Ils sont touchés en ce moment, en particulier par les crises sanitaires qui s'ajoutent au reste. Voilà pourquoi la semaine dernière à Cournon, j'ai annoncé un certain nombre de mesures très concrètes, et des mesures financières aussi pour accompagner l'ensemble des agriculteurs qui sont touchés par ces crises sanitaires. La FCO en particulier, mais dans l'ensemble de l'agriculture, la filière ovine en particulier. Voilà.
Je voudrais vous dire pourquoi je suis venu ici, dans la Vienne, aujourd'hui. Engager ce travail vers 2025 comme l'année d'une grande cause nationale pour la santé mentale et pour aider, mieux aider tous ceux qui sont engagés, comme toutes celles et tous ceux que j'ai vus aujourd'hui. Ce n'est pas la première fois qu'on décide d'une grande cause nationale. Je me souviens que la ministre chargée de la Coordination interministérielle, Madame CARREGE-GÉE était engagée à cette époque avec le président de la République sur la grande cause du handicap. Il y a eu aussi le Plan cancer. Nous sommes dans le même ordre d'ambition pour améliorer le travail et aider tous ceux qui sont touchés par ces enjeux. Voilà.
J'ai rencontré ce matin des médecins absolument remarquables, des soignants, des familles, des élus locaux, des associations, des bénévoles. J'oublie sans doute un certain nombre d'acteurs qui agissent ensemble. Ce qui m'a beaucoup frappé ici, c'est la capacité de travailler ensemble à l'échelle d'un territoire, le Haut-Poitou, mais aussi l'ensemble du département, la région, et de créer un décloisonnement. Mettre ensemble des gens qui n'ont pas forcément les mêmes idées, qui n'ont pas les mêmes fonctions, mais qui sont attachés aux mêmes enjeux au service de la population.
Il y a une famille sur cinq, presque un Français sur cinq, qui est touchée par une question de la santé mentale. Un Français sur cinq. Et donc, c'est à eux que nous voulons apporter une aide. C'est un enjeu, on l'a vu ici dans le travail en commun de toutes les associations et tous les acteurs qui doit concerner tout le monde. Cette capacité de travailler en oubliant parfois des sensibilités différentes, des fonctions différentes, mais de se mettre autour de la table, ça ne coûte pas cher. C'est une capacité que je voudrais qu'on diffuse, qu'on encourage un peu partout en France. Et je suis sûr que c'est possible en France métropolitaine et outre-mer. Et c’est aussi pourquoi on va faire de cette grande cause nationale de la santé mentale un travail comme c'est ici, comme on en a donné exemple ici, dans la Vienne, un travail interministériel.
La ministre de la Santé qui est à mes côtés, Madame DARRIEUSSECQ, portera ce projet. Naturellement, c'est son sujet, mais ce n'est pas seulement son sujet. Et voilà pourquoi le ministre chargé de la coordination interministérielle assurera que tous les ministères fassent de cet enjeu de la santé mentale leur affaire. Et ça concerne l'éducation, ça concerne le logement, ça concerne le sport, ça concerne beaucoup, beaucoup d'activités. C'est ce que je leur ai demandé à toutes les deux, et voilà pourquoi elles sont à mes côtés.
Nous aurons aussi le soutien d'une délégation interministérielle qui est déjà en place, et nous nous appuierons sur des groupes d'experts. Hier, j'ai passé un long moment à Matignon avec des experts nationaux de ces enjeux. Et ce sera aussi l'objet du comité interministériel que présidera la ministre de la Santé et la ministre de la coordination interministérielle. Je voudrais remercier les trois premières personnes qui ont accepté d'animer ce travail national dans un trio, pour gérer tout ce qui se fera autour de ce projet de grande cause nationale. Il s'agit du professeur de psychiatrie Michel LEJOYEUX, de Madame Angèle MALÂTRE-LANSAC, qui est la déléguée générale de l'Alliance pour la santé mentale, et enfin du maire du Touquet, Daniel FASQUELLE, qui suit ces questions au sein de l'association des maires de France. J'ai dit les enjeux.
Un Français sur cinq est touché par cet enjeu, et je voudrais que la première priorité de cette cause serve à déstigmatiser les maladies mentales. Nous allons faire des campagnes de sensibilisation, comme ça a été fait d'ailleurs, sur le harcèlement ou contre le harcèlement moderne, qui parlera aux jeunes. On aura besoin de vous, Mesdames et Messieurs, de la presse, et dans toutes ses dimensions. Il faut que ceux qui sont touchés, les familles, prennent la parole. On ne doit plus avoir honte. Il faut accepter de dire les choses simplement et normalement. Et nous allons encourager cette déstigmatisation.
Il y a aussi un deuxième enjeu, celui de la prévention, du repérage. Ça m'a été dit tout au long de la journée, très tôt, parfois même dès l'âge de deux ou trois ans, et dans tous les étages de la vie, et notamment à l'école, on va généraliser la formation à la prévention au premier secours en santé mentale, comme je l'ai vu aujourd'hui à Poitiers notamment. Je veux encore une fois dire que j'étais très impressionné par ce que j'ai vu ici à Vouillé ce matin, par la capacité de se mettre autour de la table et de travailler ensemble, de faire des décloisonnements, de faire du réseau et de travailler au même objectif. Nous avons aussi, pour renforcer la prise en charge de premiers recours, quelques priorités : mon souhait de développer en lien avec les services d'accès aux soins des filières de psychiatrie permettant de mieux orienter les patients et de les accompagner dans leur prise en charge, notamment, quand elle n'est pas programmée, quand ils n'arrivent pas, ou ils ne savent pas obtenir un rendez-vous. Ça veut dire l'engagement des psychiatres libéraux du secteur, des associations.
Dans le même esprit, notre objectif, je le dis clairement - et je fais toujours attention aux mots que je prononce pour faire attention au suivi des annonces que nous faisons - nous allons doubler le nombre de maisons des adolescents. Il y en a 125 actuellement sur le territoire national, nous allons doubler d'ici 3 ans le nombre de ces maisons, comme j'en ai vu aujourd'hui. Il y en a une à Poitiers, il y a aussi Victabus, qui est une idée très originale, d'aller devant des jeunes, des familles dans les villages, régulièrement, grâce à ce bus qui est très bien équipé, voilà.
Nous allons faire mieux connaître tous ces dispositifs grâce à l’Éducation nationale d'ici 2026. Je veux enfin que, sur ce thème, on généralise les outils de coordination territoriale comme les contrats locaux de santé mentale qui permettent d'organiser les parcours et de favoriser toute cette mobilisation des acteurs de niveau local comme la Vienne en donne d'exemple. Voilà.
Je vous donne enfin, sur un dernier point qui est très en amont du soin qui est celui de la recherche, et après avoir confirmé mon attachement à conforter la psychiatrie de secteur, dire qu'en matière de recherche, j'ai le souhait d'intensifier l'effort qui est fait à la source pour la santé mentale qui est aujourd'hui insuffisant. Nous allons favoriser des projets de recherche portés par les acteurs de terrain avec ce double objectif, d'une meilleure réponse aux besoins et d'une meilleure attractivité pour les professionnels. Hier, j’ai eu l'occasion — dans cette rencontre que j’ai eue à Matignon — d'écouter le professeur Marion LEBOYER, qui porte un de ses projets qui s'appelle le PEPR ProPSY. Et aujourd'hui, nous lançons, je vous le dis ici dans la Vienne, à l'occasion de cette grande journée de la santé mentale, nous lançons, dans le cadre du programme France 2030, un appel à projets doté d'une enveloppe de 10 millions d'euros pour faire émerger des technologies de santé numérique innovantes, comme la télésurveillance à domicile ou des équipements connectés.
Voilà, Mesdames et Messieurs ce que je voulais vous dire comme les premières démarches, les premières orientations qui sont celles du nouveau Gouvernement sur un sujet majeur. Je le répète, un Français sur 5 est concerné par les questions de santé mentale.
Journaliste
Monsieur le Premier ministre, bonjour. Vous parlez de la santé mentale comme une priorité de votre Gouvernement, une grande cause. Vous êtes en même temps en train de rendre des arbitrages budgétaires. Est-ce que cela signifie que le budget de la santé mentale, estimé par François BAYROU Haut-commissaire au Plan à 25 milliards d'euros, a vocation à ne pas être raboté ? Et plus généralement, qu'en sera-t-il ce soir du budget de la santé en général ?
Michel BARNIER
Écoutez, nous sommes dans un contexte, je l'ai dit dès le lendemain de mon arrivée, peut-être même le jour même, extrêmement difficile, pour toutes sortes de raisons d'ailleurs, et malgré les efforts faits par le précédent Gouvernement, qui avait déjà gelé des crédits ou annulé des crédits, nous nous trouvons devant une situation dans laquelle l'attractivité ou la crédibilité de la signature française doit être préservée. C'est ça, l'objectif. Et donc, j'ai l'objectif, qui est difficile, de ramener à 5 % de déficit l'année prochaine par rapport au PIB, et puis à 3 % en 2029. [inaudible] d'ailleurs une discussion qui sera difficile, sans complaisance, avec les autorités européennes. Mais c'est aussi notre intérêt. Quand on regarde la situation actuelle, on est à un déficit considérable qui nous oblige à emprunter à des taux plus élevés que nos voisins. Ça veut dire un prix à payer chaque année pour simplement payer les intérêts de la dette de 56 milliards d'euros, 56 milliards d'euros chaque année que nous donnons aux autres, à ceux qui nous prêtent de l'argent pour payer les intérêts. Ça veut dire, 800 euros par Français, que ce Français (inaudible) un mois, soit un bébé ou soit une personne âgée de 80 ans. 800 euros par an. Il faut que ça se sache. Moi, si je veux être utile le temps où je suis Premier ministre, je ne sais pas combien de temps, ça dépend du Parlement et de l'Assemblée nationale. Je veux marquer cette période-là, quelle que soit sa longueur, par un effort de vérité à l'égard des Français et de responsabilité. Alors, nous allons demander un effort de 60 milliards aux Français. Je veux que cet effort soit juste, qu'il soit équilibré. Il sera d'ailleurs, s'agissant des économies, réparti sur une somme de 40 milliards. Tout le monde prendra sa part. Et puis, il y aura…
Journaliste
Y compris la santé mentale ?
Michel BARNIER
Nous allons préserver les moyens de faire ce que j'ai dit. On fera des efforts. Il y a des efforts à faire dans le cadre du budget social, des efforts à faire dans le fonctionnement de l'État, débureaucratiser. Et puis, nous allons demander un effort à un certain nombre d'acteurs importants, qui ont d'ailleurs porté la croissance et l'économie vers l'avant en réduisant le chômage, il y a de très grandes entreprises qui font plus d'un milliard de chiffre d'affaires, ou des contribuables fortunés qui peuvent temporairement, exceptionnellement, de manière limitée, faire un effort. Nous allons faire appel à tout le monde. Il faut que cet effort soit réparti équitablement et juste.
Journaliste
Mais donc, aucune augmentation de crédit sur la santé mentale à grande cause nationale que vous avez ?
Michel BARNIER
Le budget que je présente ce soir avec le Gouvernement, il sera adopté au Conseil du ministre, où je vais me rendre tout de suite après avoir quitté cette commune et le département. Ce sera un budget qui sera perfectible, parce que j'ai dû le construire, je me permets de le rappeler, en 15 jours. Jamais un Premier ministre n'a dû fabriquer un budget pour la France en une période de 15 jours. Ce n'est pas possible de tout faire bien en aussi peu de temps. Donc, ce budget, j'ai utilisé lettre-plafond, envoyé par mon prédécesseur à tous les ministres. On a fait déjà des aménagements et des amendements. On en a d'autres qui seront faits par amendement gouvernemental durant la discussion budgétaire. Mais le Parlement peut améliorer et aura la capacité, en préservant les équilibres que nous souhaitons, dont nous avons besoin pour ne pas sacrifier, c'est une phrase que je rappelle souvent, mais qui a été prononcée par un homme d'État que j'admirais, Pierre MENDES FRANCE : « Ne jamais sacrifier l'avenir au présent. » On ne va pas sacrifier l'avenir de nos enfants, continuer à tirer des chèques en bois ou en blanc sur la tête de nos enfants, ni pour le budget, ni pour l'écologie.
Journaliste
Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas de majorité pour faire ce budget, à l'heure actuelle, en tout cas. Est-ce que vous avez déjà envisagé, par exemple, un 49-3. Comment le faire adopter et dans la mesure en plus, la majorité sortante est extrêmement sévère vis-à-vis de vos propositions de hausses d’impôts. Est-ce que vous comptez encore les convaincre ?
Michel BARNIER
Le fait qu’il n’y ait pas de majorité au Parlement ne m’a pas échappé. Cette information est arrivée jusqu’à moi.
Journaliste
C’est rassurant.
Michel BARNIER
Je sais que je suis à la tête d’un Gouvernement minoritaire avec une majorité relative qui va accompagner le Gouvernement sans complaisance, ils attendent des actes. Ils ont des opinions différentes. Je sais la préoccupation qui existe sur la préservation des retraites. Je sais les soucis qu’on a de garder les outils de compétitivité de dynamisme pour la France. D’autres disent, il ne faut pas augmenter du tout les impôts. J’entends tout ça. Il y aura la capacité d’amender le budget et l’améliorer. Si certains veulent moins dépenser, ou plus dépenser, ou moins prélever d’impôts sur certaines catégories, qui le peuvent, et faire autrement, il faudra qu’ils me pondent les idées. Je suis ouvert, je ne veux pas dire autre chose et j’espère convaincre ce (inaudible) de me soutenir. Nous verrons comment se déroule le débat, je ne veux pas préjuger des outils que nous utiliserons aux Constitutions.
Journaliste
Comment qualifieriez-vous vos relations avec Gabriel ATTAL. On a cru comprendre que la réunion avant-hier avec le groupe, c’était mal passé, notamment avec Gérald DARMANIN et (inaudible).
Michel BARNIER
Non, ça ne s’est pas mal passé. Franchement, franchement. D’abord, j’ai beaucoup d’estime pour Gabriel ATTAL qui a fait un bon travail comme Premier ministre en un temps limité. Et même auparavant, à l’Éducation, ou comme ministre du Budget. Il y a des personnalités comme Gérald DARMANIN et d’autres parlementaires qui ont chacun leur sensibilité, leur tempérament, je veux bien. Mais, je n’ai pas trouvé que ça s’est mal passé. Vous ne me connaissez pas encore bien. Et moi, j’aime bien discuter comme ça directement franchement.
Journaliste
Vous avez quand même envoyé une pique à Monsieur ATTAL.
Michel BARNIER
Non
Journaliste
Ce n’est pas en faisant applaudir et en se faisant remarquer qu’en termes de budget, vous repreniez un état (inaudible).
Michel BARNIER
Non, mais je trouve que vous êtes… Je comprends que vous passiez du temps sur telles ou telles petites phrases, mais ce n’est pas ça la manière dont j’ai envie de travailler. J’écoute les parlementaires, je réponds, je suis assez spontané. J’ai dit que je dirai la vérité, je l’ai dit aux parlementaires, je l’ai dit aux Français qui nous écoute et je ne vais pas changer. J’ai beaucoup de respect pour tous ces élus, j’ai beaucoup de respect pour tous ces élus d’Assemblée nationale. Et je pense que tous devront prendre à un moment donné leurs responsabilités comme nous prenons les nôtres, au Gouvernement prenons les siennes.
Intervenant non identifié
Merci à tous.
Journaliste
(inaudible) ministre de l’Intérieur.
Michel BARNIER
J’ai confiance en lui.
Journaliste
Est-ce que vous confirmez un projet de l’Immigration ?
Michel BARNIER
Je vous reverrai bientôt.