Des Français tirés au sort pour participer à la Conférence sur l’avenir de l’Europe nous racontent ce nouvel exercice démocratique.
Il y a un an, la
Conférence sur l’avenir de l’Europe se déployait dans tous les pays de l’Union
européenne.
« Cet exercice inédit a permis de donner la
parole aux citoyens européens, afin qu’ils définissent ensemble l’horizon
politique de l’Europe pour les années et décennies à venir », analyse
Clément Beaune, secrétaire d'État en charge des Affaires européennes.
Deux dispositifs ambitieux
En France, cette
vaste consultation citoyenne a pris la forme de deux dispositifs ambitieux et complémentaires.
18 conférences organisées avec des citoyens tirés au sort sur l’ensemble du
territoire français et une consultation en ligne menée auprès de 50 000
jeunes Français.
Le processus arrive
à sa fin. Ce 9 mai, journée de l’Europe, c’est à Strasbourg que seront
présentées les propositions de la Conférence dans un rapport final remis aux
présidents de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil de
l’Europe.
« Les propositions finales
des citoyens, que les institutions européennes ont désormais la responsabilité
de traduire en actions concrètes, sont le résultat d’un investissement
considérable de l’ensemble des participants à la Conférence », résume
Clément Beaune.
« J’ai été choisie par téléphone, se
remémore Aimée. Je travaille de nuit,
donc normalement à cette heure, je ne suis pas chez moi. C’est vraiment un
hasard que j’ai pu répondre à cet appel ! Depuis, je me suis laissée
porter par l’aventure. Mes enfants disent que je vais devenir célèbre, ils
rêvent ! » s’amuse cette habitante des Hauts-de-France de 38 ans.
« J’ai accepté sans avoir conscience du
chemin qui m’attendait », reconnaît Stéphanie, 39 ans. À 71 ans, Élisabeth
est la doyenne de ce panel français. Et elle n’a pas hésité une seconde avant
de s’engager. « Quand on a une
opportunité de la sorte, il faut la saisir », clame l’ex-comptable
corse. Pour François, 64 ans, accepter de participer était, aussi, « une évidence ». « Mais, j’ai quand même demandé l’avis de
Madame, car c’est une mission qui requiert un certain engagement. »
Un engagement
certain, et du temps. « Je n’ai
jamais autant lu et travaillé sur l’Europe ! », se remémore Gwenahelle,
46 ans. « Les journées étaient
courtes et longues à la fois », poursuit Aimée.
Jean-Régis, 68 ans et
pro-européen depuis toujours, reconnaît une forte implication. Pour preuve, dans
le comité, on le surnommait le « Jedi ». L’intéressé, ancien acheteur
industriel, désormais installé en Normandie, en rit. « Disons que je me suis mobilisé. J’ai
l’habitude de diriger des équipes, je parle couramment anglais et j’ai la
chance d’avoir besoin de peu de sommeil. »
« Un brassage intergénérationnel »
À l’unanimité,
ces Français tirés au sort mettent en avant les liens tissés. Aux conférences régionales et nationale, groupes de travail et plénières, « Il y avait un réel brassage
intergénérationnel, se réjouit Élisabeth. Je suis devenue copine avec Gwenhaelle, qui n’a pourtant pas du tout
mon âge… »
« Dès la fin de la première matinée, tout le
monde se connaissait, poursuit François. On s’est même donnés rendez-vous à la même date l’année prochaine, et
en attendant on continue de correspondre sur notre groupe WhatsApp. »
Zakaria,
27 ans, partage ce sentiment. « J’ai
créé des attaches avec les gens de mon panel, et je sais qu’elles perdureront
dans le futur car nous partageons les mêmes valeurs européennes. » Le jeune homme a
également été grisé de sa proximité avec les décideurs : « Clément Beaune a fait un travail formidable,
on a même reçu ses encouragements. »
Gwenhaelle va plus loin. « Nous, citoyens, nous ne sommes pas habitués
à ce genre d’exercice face aux personnalités politiques et… vice versa !
Il serait intéressant de renouveler encore et encore cette aventure pour créer
du lien entre le monde politique et nous. »
Autre avantage
de la Conférence sur l’avenir de l’Europe : les débats, parfois « enflammés », notamment sur les sujets
d’actualité.
« Le fait de travailler
en équipe nous a imposé à chacun de s’adapter souvent au rythme de l’autre pour
ne risquer de léser personne dans cette aventure, et ce malgré les différences
d’âge, les points de vue divergents, les forts caractères et les mentalités
différentes… », explicite Evann, 18 ans.
« Tout l’intérêt des travaux préparatoires de
la Conférence sur l’avenir de l’Europe est de remettre en cause nos a priori,
d’échanger, de changer de point de vue… Et, en cela, les différentes étapes ont
été un succès. Moi-même, raconte Jean-Régis, à titre individuel, par exemple, je faisais attention à
l’environnement, mais depuis ma participation à la Conférence, j’ai pris
conscience de la véritable urgence climatique. De même que la situation en
Ukraine a remué les consciences sur la question de la migration. »
Malgré ces
passes d’armes, François et Élisabeth dressent un même constat d’homogénéité.
« Ce qui m’a le plus frappé, confie
le premier, c’est que tous les Européens
pensent pareil. Toutes les propositions françaises se sont retrouvées dans
celles du panel des citoyens européens. » Et Élisabeth
d’ajouter : « Nous portons tous
les mêmes thématiques, nous sommes concernés par les mêmes choses. »
« Un engagement de réalisation »
Qu’attendent-ils
de la suite ? « Des mots
encourageants et des déclarations qui daignent nous montrer que le sens profond
de nos propositions a été bien perçu », liste Evann.
« Mon objectif, dit Aimée, c’est que l’Union européenne parle d’une seule
et même voix, sans cafouillis. » Gwenhaelle, elle, espère « un engagement de réalisation »,
notamment sur l’environnement, et François « une prise en compte des propositions soumises ».
Zakaria aimerait
tout particulièrement que les sujets qui le « concernent directement » soient traités : « le relais économique, la démocratie
européenne, la nécessité de réduire notre consommation énergétique ».
Et, tous
garderont un œil sur la suite donnée aux 300 mesures nées de la Conférence sur
l’avenir de l’Europe. Comme le résume Evann. « L’engagement citoyen est fort, car au sein du comité et même d’après
les conversations que j’ai pu entretenir avec les diverses parties prenantes de
la Conférence, aucun d’entre nous n’a l’intention de cesser le suivi et la
surveillance de la bonne transposition des aspirations nationales jusqu’au cœur
des institutions européennes. »
Quant à
recommencer une telle expérience, les membres du panel ne disent pas non. « J’ai vécu cette aventure comme un privilège,
témoigne Gwenahelle. J’ai savouré
pleinement chaque étape, y compris les moments de stress, comme au moment d’une
prise de parole dans l’hémicycle. »
« C’était
une grande fierté, un moment intense à vivre, s’enthousiasme François, et je souhaite à tout le monde d’être
sollicité pour un tel exercice démocratique. »