Discours du Premier ministre depuis la Résidence de France en Allemagne

Publié le 06/02/2024|Modifié le 05/02/2024

Le Premier ministre, Gabriel Attal, est allé ce lundi 5 février 2024 en Allemagne pour poursuivre et renforcer la coopération franco-allemande.

On mesure la force de l'Europe à la solidité de l'amitié franco-allemande.

Gabriel Attal

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Gabriel Attal
Source : Le Premier ministre à Berlin pour son premier déplacement à l'étranger

Discours du Premier ministre, Gabriel Attal, à la communauté française présente en Allemagne

Messieurs les présidents de commissions parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les élus,

les Français de l’étranger,

Monsieur l’ambassadeur,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers compatriotes.

« Personne ne peut mieux que lui saisir ma main mais personne ne peut mieux que moi la lui tendre ». Comprendre l'amitié franco-allemande, c'est se rappeler ces mots du général de GAULLE à propos du chancelier ADENAUER. De part et d'autre du Rhin, la France et l'Allemagne incarnent une histoire chahutée, prise dans l'étau de la rivalité et de l'admiration, de la guerre et de la reconstruction. Car notre histoire est faite d'admiration et d'échanges dont vous êtes les légataires et les héritiers. C'est Voltaire correspondant avec Frédéric II et faisant briller les Lumières françaises à la cour prussienne. C'est Madame de STAËL ébahie par la musique, les mots et la pensée allemande, et la diffusant dans un Paris du 19ème siècle admiratif. C’est Franz HESSEL traduisant PROUST et BALZAC et donnant le goût du verbe français à l'Allemagne. Mais notre histoire, c'est aussi celle de conflits et de guerres qui ont marqué le continent. Je n'oublie pas et nous n'oublierons jamais que c'est aussi notre incapacité à reconstruire et le désir de vengeance qui a nourri les pires idéologies et contribué à les mener au pouvoir ici.

En 1963, pourtant, le général de GAULLE et Konrad ADENAUER, deux hommes que tout opposait en apparence, ont décidé de dévier le cours de l'histoire. Et plutôt que de la voir balbutier, ils ont tracé un chemin nouveau: celui de la paix, celui de la construction, celui de l'Europe. Je suis né en 1989, une date qui résonne tout particulièrement ici, à Berlin. Pour une génération, la chute du mur a été le symbole d'un horizon démocratique nouveau. Pour la mienne, ce fut tout simplement un acquis dès le départ, le symbole de l'espoir de paix et d'unité en Europe. Ma génération n'a pas connu la guerre en Europe et sans doute a-t-elle trop souvent pris la paix pour un acquis. Peut-être oublie-t-elle parfois tout le prix et le poids de l'amitié franco-allemande, en quoi elle nous protège et ce qu'elle nous apporte. Je n'en ai aucun doute, et vous non plus.

On mesure la force de l'Europe à la solidité de l'amitié franco-allemande. Que nos deux nations avancent ensemble et l'Europe accélère, se développe et retrouve ses habits de puissance. Que nos deux nations se divisent et l'Europe toute entière hésite. Cette brèche de la division, c'est celle qu'attendent les populistes, celles dont se repaissent les extrêmes, guettant la moindre de nos différences pour flatter les plus bas instincts et tenter de saborder l'Europe. L'Europe, c'est l'unité, c'est la recherche de solutions, c'est la capacité à mettre de côté des différences pour construire, pour conquérir notre indépendance. Autant le dire, c'est tout ce que rejettent les extrêmes.

Mesdames et Messieurs, j'ai tenu à venir ici pour mon premier déplacement à l'étranger en tant que Premier ministre. Ça n'a pas toujours été le choix de mes prédécesseurs de choisir l'Allemagne. Et lorsqu'ils l'ont fait, cela a mis un peu de temps. J'ai choisi quelques semaines seulement après ma nomination de venir ici. Et j’ai choisi aussi et j’ai tenu à m’adresser à vous. On me dit que c’est la première prise de parole d’un Premier ministre français devant la communauté française ici en Allemagne depuis près de 12 ans. Parce que je crois en l'Europe, parce que je crois que son avenir s'écrit en grand et qu'en cette année cruciale, derrière le cap fixé par le président de la République depuis le discours de la Sorbonne, je refuserai toujours de voir l'Europe affaiblie, tout comme je refuserai toujours de voir l'amitié franco-allemande affaiblie.

Et devant vous, Mesdames et Messieurs, je ne le cache pas, c'est tout à la fois inquiet et déterminé que je m'exprime. L'Europe est un vieux continent, c'est une force. Mais l'Europe ne peut pas se reposer sur le poids de son histoire et croire en sa force guidée par la seule ivresse du passé. Nous sommes un vieux continent qui doit sans cesse se remettre en cause, se questionner, s'emparer des technologies de demain et avancer. C'est le constat qui a été fait par le président de la République dès 2017, avec un diagnostic lucide. Quand on compare notre continent à l'Amérique du Nord ou à l'Asie, avons-nous choisi d'investir assez dans toutes les innovations et dans tous les secteurs stratégiques ? Sommes-nous capables d'assurer notre indépendance dans tous les domaines ? Avons-nous fait tous les choix qui nous rendent attractifs ? Quand on pense innovation, pense-t-on assez Europe ? Nous avons les meilleurs chercheurs, les meilleures universités, nous avons un réseau de start-ups hors du commun et je veux saluer les entrepreneurs et les innovateurs ici présents qui ont fait le choix de l'Europe, qui ont fait le choix de notre indépendance. Alors pourquoi notre croissance est-elle plus faible de moitié que celle des États-Unis depuis 2000 ? Pourquoi hésite-t-on encore avant d'assumer pleinement notre volonté de puissance, d'indépendance et de croissance européenne ? Depuis 2017, nous le disons, nous devons réussir un sursaut européen. Et je le réaffirme devant vous aujourd'hui, ce sursaut européen sera un sursaut franco-allemand.

Mesdames et Messieurs, depuis 2017, nous avons franchi des étapes majeures et nous sommes parvenus à des résultats que nous n'aurions pu espérer encore quelques années plus tôt. Le discours de la Sorbonne a marqué une étape et revendiqué enfin la souveraineté européenne comme horizon. Le traité d'Aix-la-Chapelle, dont nous fêtons la cinquième année, a permis de réaffirmer la force et la nécessité du couple franco-allemand. L'agenda de Versailles, en 2022, a été celui de la prise de conscience et a posé les fondements d'une indépendance nouvelle, technologique, industrielle, énergétique, stratégique même. Et la clé de notre réussite, c'est l'amitié franco-allemande. Pourquoi ? D'abord parce que notre relation est le lit de la construction européenne. Et alors même que la guerre revient sur le continent, aux portes de l'Union, à moins de 1000 km de Berlin, alors même que les extrêmes tentent de nous affaiblir en mettant à bas l'Europe, l'Europe est plus que jamais un impératif et nous devons porter haut ses couleurs.

Ensuite, parce que nous avons en partage ce qui compte plus que tout le reste, le respect et la défense de l'Etat de droit et des libertés fondamentales, la croyance profonde que l'économie ne peut avancer qu'avec le social. C'est ce qu'on appelle souvent ici en Allemagne l'économie sociale de marché. La volonté de relever ensemble les grands défis du monde. Je pense à la transition écologique, un défi existentiel pour chacun de nous, alors que les températures extrêmes et les catastrophes naturelles se multiplient jusqu’à menacer nos propres modes de vie, une transition écologique pour agir et jamais pour subir. Une transition écologique que nous ne pourrons mener qu’avec tous les citoyens à leur écoute et à leurs côtés, la colère exprimée par les agriculteurs un peu partout en Europe ces dernières semaines nous le rappellent. Je pense au défi industriel et technologique qui est la condition pour une Europe qui attire et qui croît. Nous devons continuer de mener les investissements indispensables pour l'avenir, être à la pointe de tous les virages technologiques, avec l'intelligence artificielle, ,nous avons montré il y a quelques jours encore que nous en étions capables, il faut aller encore plus loin. Je pense à la souveraineté énergétique dans le respect du mix de chacun. Je pense à la souveraineté à nos frontières. Et là aussi, nous avons obtenu de belles avancées au niveau européen, il y a encore quelques semaines. Je pense à la souveraineté stratégique.

Bien sûr, il ne faut pas être naïf. La France et l'Allemagne ont leurs désaccords et leurs différences. Bien sûr, il y a toujours des moments difficiles dans la relation entre la France et l'Allemagne, mais ces moments ne doivent jamais nous faire reculer. Ces moments ne doivent jamais nous faire renoncer. Lorsque le président de la République et le Chancelier décident de développer l'aviation et le char militaire du futur en franco-allemand, personne n'imagine que ce sera facile. Lorsque nous devons concilier nos positions sur le marché de l'énergie, alors que depuis des décennies, nous avons développé des stratégies différentes, personne n'imagine que ce sera réglé en un claquement de doigt. Lorsque nous devons mettre en place des règles communes pour le pacte de stabilité et assurer la solidité de notre monnaie unique, alors même que nos sensibilités ne sont pas toujours les mêmes. Personne ne pense que ça peut se faire en une fraction de seconde et pourtant nous le faisons. Et pourtant, nous avançons. Et pourtant nous trouvons des solutions. Et j’assume de le dire, des compromis. Alors, à ceux qui aiment à faire penser que ces obstacles pourraient être insurmontables, je dis qu’au contraire, c’est la volonté du président de la République, sa conviction européenne que de ne jamais baisser les bras et toujours remettre l’ouvrage sur le métier, toujours chercher à avancer.

En tant que chef du Gouvernement, avec mes ministres, mon rôle, mon engagement, c'est de toujours suivre ce cap. C'est d'agir toujours en bâtisseur et de donner corps à notre relation franco-allemande.

Mesdames et Messieurs, ce message, c'est celui que j'adresserai tout à l'heure au chancelier SCHOLZ. Ce message, c'est celui que portent, je le sais, tous vos élus ; Mesdames et Messieurs les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, Mesdames et Messieurs les Conseillers des Français de l'étranger, toutes et tous, vous jouez un rôle précieux pour faire entendre les aspirations de nos compatriotes installés à l'étranger, installés ici en Allemagne. Vous êtes aussi des aiguillons pour rappeler la force et la profondeur de la relation franco-allemande. Je voudrais également avoir un mot pour votre député, Frédéric PETIT, qui ne pouvait malheureusement pas être présent aujourd'hui, et dont je connais la détermination à agir au service des Français d'Allemagne. Ce message de détermination, c'est aussi celui de l'ensemble des services de l'État ici. Votre ambassadeur, les consuls généraux et tous les services de l'ambassade et des consulats de France en Allemagne, leur travail est absolument remarquable et précieux pour notre pays. Cette envie d'agir en commun, enfin, vous l'incarnez, vous la faites vivre. Chacun de vous participe à renforcer le lien qui unit nos pays. Chacun de vous est un visage de l'amitié franco-allemande. La force de cette relation particulière entre nos deux pays, ce ne sont pas seulement les liens d’État à État, c’est la multiplicité, la profondeur, la densité de ces relations entre sociétés civiles, associations, collectivités, écoles, universités, entreprises. Ce sont ces échanges culturels et l'apprentissage de nos deux langues que nous devons continuer à entretenir. J'ai eu l'occasion, il y a encore quelques mois, en tant que ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, de développer une feuille de route pour renforcer l'apprentissage de la langue du partenaire. J'ai aussi eu l'occasion de voir et de mesurer il y a quelques années, en tant que secrétaire d'État à la Jeunesse, le rôle absolument fondamental de l'OFAJ pour le lien entre nos deux pays.

Vous êtes plus de 180 000 à vivre en Allemagne, dont près de 30 000 ici, à Berlin, dans cette ville qui incarne à elle seule nos idéaux de liberté et d'unité européenne. Une communauté qui ne cesse de grandir, une communauté jeune où se côtoient des familles et des étudiants, des entrepreneurs et des fonctionnaires, des femmes et des hommes engagés dans des associations, engagées au service de la cité, des personnes de toutes les passions et de tous les horizons. Ma conviction, c'est que cette diversité est une très grande force. Par votre présence et votre engagement, vous nouez des liens absolument déterminants, vous aidez à construire une économie européenne forte et innovante. Vous faites résonner notre exception culturelle de ce côté du Rhin. Vous faites vivre la francophonie et montrez le plus beau visage de la France. Je veux vous en remercier. Nous avons besoin de vous. Dans tous les défis à venir, vous avez votre rôle à jouer.

Mesdames et Messieurs, en 2024, nous porterons haut l'amitié franco-allemande. Nous le ferons grâce à vous, grâce aux échanges et grâce au travail commun à venir entre nos deux nations. Le président de la République se rendra d’ailleurs cette année en Allemagne pour une visite d’État, la première visite d’État depuis celle de Jacques CHIRAC en l’an 2000. Nous porterons haut l’amitié franco-allemande en continuant à fortifier les liens entre nos deux pays et notamment entre la France et l’est de l’Allemagne. C’est une de nos ambititons fortes et nous devons continuer à la déployer. Nous porterons haut l’amitié franco-allemande sous le signe du sport car entre l’Euro de football en Allemagne et les Jeux olympiques et paralympiques à Paris, le sport mondial vibrera cet été dans nos deux pays.

Mesdames et Messieurs, chères Françaises et Français d’Allemagne, la France et l’Allemagne sont deux nations alliées, amies. Nous avons construit la paix ensemble, nous avons noué des liens solides capables, je le crois très profondément, de résister à tous les défis. Nous sommes le cœur battant de l'Europe. Aujourd'hui, l'amitié franco-allemande, c'est le lien entre nos gouvernements, bien sûr, et ma rencontre avec le Chancelier SCHOLZ le montre. Mais ce n'est pas tout. L'amitié franco-allemande, c'est cette enseignante qui apprend le français à un jeune Allemand. C'est cet étudiant qui vient passer [coupure]. C'est cet artiste qui se lance dans une création ici à Berlin. C'est ce groupe d'entrepreneurs qui décident de venir ici pour innover pour le climat. Chacune et chacun, vous forgez le lien qui unit nos pays. Nous avons besoin de vous. Nous serons toujours là pour vous, là pour faire vivre la coopération entre la France et l'Allemagne.

Alors vive la République, vive la France et vive l'amitié franco-allemande.

Je vous remercie.


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