Fervent soutien du général De Gaulle, Jacques Chaban-Delmas (Jacques Delmas, dit), très impliqué dans la Résistance, s'ancre à Bordeaux dont il fut le maire pendant quarante-huit ans. Durant seize ans président de l’Assemblée nationale, Premier ministre du président Georges Pompidou de 1969 à 1972, sa carrière politique traverse toute la seconde moitié du XXe siècle.
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Biographie
Né le 7 mars 1915 à Paris et mort le 10 novembre 2000.
Profession : journaliste puis haut fonctionnaire
Résistant, général de brigade
Sportif de haut niveau : international de rugby et champion de France de tennis
Partis politiques : UNR - UDR - RPR
En 1933, après son baccalauréat, Jacques Delmas entre au quotidien L'Information. Il poursuit parallèlement ses études. Diplômé de l’École libre des sciences politiques en 1937, licencié en droit en 1938, il est titulaire de deux diplômes d'études supérieures, l'un en économie politique, l'autre en droit public. En 1939, il sort major de sa promotion à l'école militaire de Saint-Cyr. Après la défaite de juin 1940, il souhaite rejoindre la France libre mais ses contacts l’orientent vers la Résistance intérieure. Travaillant au ministère de la Production industrielle, il participe au réseau de renseignement Hector. Pour servir la Résistance, il entre à l’Inspection générale des finances en 1943. Il poursuit son ascension dans la Résistance sous le nom de Lakanal puis Chaban. En 1944, il est, à 29 ans, le plus jeune général de l’armée française depuis le Premier empire. Très impliqué dans les opérations de préparation de soutien de la Résistance au débarquement, il joue un rôle central à la libération de Paris. Il a été élevé à la dignité de compagnon de la Libération.
Député de la Gironde (Parti radical) en 1946, maire de Bordeaux en 1947, il préside aux destinées de cette ville pendant près d’un demi-siècle (jusqu’en 1995), ce qui lui vaut le surnom de « duc d’Aquitaine ». Il devient ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme dans le gouvernement Mendès France (1954), ministre d'État chargé des Anciens combattants dans le gouvernement Mollet (1956) et ministre de la Défense nationale et des Forces armées dans le gouvernement Gaillard (1957).
Il demeure fidèle au général de Gaulle. Il participe à la fondation du RPF en 1947, puis à celle de l’UNR. Il préside l’Assemblée nationale de 1958 à 1969, puis d’avril 1978 à mai 1981 et d’avril 1986 à juin 1988.
JACQUES CHABAN-DELMAS À L'HÔTEL DE MATIGNON
Georges Pompidou, élu à la présidence de la République, nomme Jacques Chaban-Delmas Premier ministre en juin 1969.
Avec Chaban-Delmas, c’est l’ouverture dans la continuité et, pour Georges Pompidou, il s’agit à la fois de la caution des gaullistes historiques – les « gaullistes de guerre » et d’une certaine ouverture à gauche. En effet, Chaban-Delmas ne veut pas être dans un « camp ». Le cabinet du Premier ministre accueille le mendésiste Simon Nora, Jacques Delors, chargé des questions sociales, et Ernest-Antoine Sellière.
Le Premier ministre a une excellente connaissance du milieu parlementaire et le souci de la préservation des droits du Parlement afin d’équilibrer la République gaullienne. Si les gaullistes siègent en force au gouvernement, celui-ci comprend également des centristes ralliés et une vingtaine de secrétaires d’État nommés à la demande du président pour assurer la relève (ainsi de Jacques Chirac, chargé du Budget).
Discours de politique générale, 16 septembre 1969
Le Premier ministre affiche d’abord son souci du trop faible degré d’industrialisation de la France et de sa trop grande tendance à l’inflation. Le tableau dressé est celui d’une société « bloquée ».
En conséquence, le Premier ministre dresse l’ambitieux programme d’établissement d’une nouvelle société. Celle-ci passe par une série de mesures concrètes telles que : augmenter deux fois plus vite les dépenses pour l’Éducation nationale que pour les autres ministères, développer l’enseignement technique, rendre autonomes les universités et l’ORTF, décentraliser le pouvoir au bénéfice des collectivités locales, moderniser et rationaliser les administrations, assurer une politique de grands travaux aménageant le territoire, instaurer un dialogue constant avec les syndicats.
Des rapports sociaux contractuels
Sur le plan social, les grandes lois de l’ère Chaban-Delmas procèdent d’une certaine vision de la société qui souhaite substituer une organisation contractuelle à une situation conflictuelle. Parmi ses grandes réformes, la mensualisation des salaires pour tous, qui met fin à la distinction entre les employés payés au mois et les ouvriers payés à l’heure ou au rendement.
Le Smic remplace le Smig. Le Premier ministre fait également voter la loi du 16 juillet 1971 garantissant à tout salarié l’accès à la formation, assorti d’un droit au congé-formation.
La réforme de la loi de 1950 sur les conventions collectives, menée par le ministre du Travail Joseph Fontanet, ouvre des possibilités nouvelles en matière sociale.
Jacques Chaban-Delmas fait voter, en 1970, une loi qui institue l'autorité parentale partagée entre le père et la mère (auparavant seule l'autorité paternelle était reconnue).
Prééminence présidentielle
Malgré cet activisme, la prééminence présidentielle reste entière : Georges Pompidou, Premier ministre pendant six ans, a une parfaite connaissance des dossiers de la France. La prééminence du président reste totale dans les domaines des Affaires étrangères et de la Défense. La formule de « domaine réservé » s’applique bien mal au couple Chaban-Delmas/Pompidou, le président se passionnant également pour la politique économique et industrielle de la France ou sa politique culturelle. Ainsi, des conseils restreints se tiennent souvent à l’Elysée, et sur des domaines étendus et variés.
L'APRÈS-MATIGNON
la mort de Georges Pompidou, Chaban-Delmas se présente à l’élection présidentielle de 1974. Avec 15,1% des suffrages, il n’arrive qu’en troisième position après François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing, ce dernier bénéficiant du soutien décisif de nombreux responsables du gaullisme (dont Jacques Chirac). Quant à cette opposition de gaullistes préférant alors Valéry Giscard d’Estaing à l’un des leurs, il affirme plus tard : « Je n'oublie rien, mais je choisis de ne pas tenir compte ».
Il conserve ses mandats en Aquitaine (président du conseil régional, maire de Bordeaux). Jacques Chaban-Delmas est de nouveau élu président de l’Assemblée nationale de 1978 à 1981 et de 1986 à 1988. En juin 1995, il décide de ne pas se représenter à la mairie de Bordeaux et cède sa place à Alain Juppé.
Il décède le 10 novembre 2000 à l'âge de 85 ans.
Le dernier hommage de la République à l’un des siens
Jacques Chaban-Delmas a été inhumé à Ascain (Pyrénées-Atlantiques). À son domicile parisien où il décède, un cahier est dressé sur une table, recevant les hommages des citoyens tandis que de nombreuses personnalités politiques se succèdent pour le veiller. Une cérémonie funèbre officielle a lieu à Saint-Louis-des-Invalides. Sont présents ceux qui lui succédèrent, aussi bien à l’Hôtel de Matignon (Pierre Messmer, Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Edith Cresson, Edouard Balladur, Alain Juppé, Raymond Barre étant représenté par son épouse) qu’à l’Hôtel de Lassay (Louis Mermaz ou Henri Emmanuelli).
Les compagnons de la Libération étaient à gauche du catafalque, derrière la famille arrivée avec les proches et les anciens conseillers, dont Jacques Delors.
À la fin de la messe avec chants basques, célébrée par Mgr Lustiger et l'archevêque de Bordeaux Pierre Eyt, le président Jacques Chirac a déclaré : « En précurseur, il avait compris que notre société moderne ne serait pas celle des certitudes acquises une fois pour toutes, des manichéismes, des idéologies en blanc et noir. Il savait que certains grands projets pour réussir doivent dépasser les clivages et rassembler des majorités d'opinion et d'enthousiasme. La nouvelle société qu'il appela de ses vœux était une société plus juste, plus solidaire, une société humaniste… Aujourd'hui, en ce début de XXIe siècle, Jacques Chaban-Delmas nous montre le chemin ».
Un hommage solennel fut également rendu à l’Assemblée nationale. Pendant une demi-heure les députés écoutèrent, debout, les éloges funèbres. Pour le Premier ministre Lionel Jospin, Chaban-Delmas avait eu « toute sa vie la passion de la France ». Pour Alain Juppé, tout à la fois gaulliste, maire de Bordeaux et ancien Premier ministre, il s’agissait de saluer un homme visionnaire et généreux qui « symbolisait l'histoire de la France… Nous sommes tous dans la peine ».
LES PRINCIPALES LOIS DU GOUVERNEMENT CHABAN-DELMAS