Monsieur le ministre, cher Christophe BECHU,
Mesdames les ministres, chère Dominique FAURE, chère Olivia GREGOIRE,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil régional, cher Alain ROUSSET,
Monsieur le président du Conseil départemental, cher Alain PICHON,
Mesdames et Messieurs les maires,
Monsieur le président de l’Association des maires ruraux de France, cher Michel FOURNIER,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations d’élus,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants de la société civile, acteurs au quotidien des ruralités,
Quitter les rives de la Vienne, longer la Gartempe, pour atteindre le Montmorillonnais, c’est comprendre un peu de l’âme des ruralités de la France.
Ici, c’est l’Histoire de notre pays qui résonne. Ici, on retrouve la beauté de notre patrimoine naturel, la force de notre agriculture, et cet esprit de solidarité, de fraternité, si propre à nos villages.
Mais ici, comme à travers nos campagnes, on partage cette inquiétude, presque existentielle, sur l’avenir de nos ruralités, sur la capacité de nos jeunes à y naître, à y vivre et à s’y projeter.
Et pourtant, ici, comme dans tous les villages de France, on sait que les ruralités regorgent d’opportunités, d’espoirs et de talents. On sait que les initiatives et les solutions se trouvent dans nos territoires.
Cette journée, au coeur de la Vienne, a pour moi un sens particulier.
D’abord, à titre personnel, parce que je suis heureuse de retrouver la Vienne, de revenir dans ce département dont j’ai été la préfète, il y a quelques années de cela.
Mais aussi parce que cette journée marque un nouvel élan pour nos territoires ruraux.
Depuis 2017, nous avons agi pour la cohésion de nos territoires, pour revitaliser les centre-bourgs et les centres-villes, pour le retour des services publics, avec les espaces France services, ou encore pour l’accès à la fibre.
6 ans plus tard, les résultats sont là, mais certains défis demeurent, et nous devons y répondre impérativement.
Aujourd’hui, bien trop souvent, nos compatriotes ont le sentiment que les services reculent, que la vie de tous les jours devient un défi.
Je suis élue d’une circonscription rurale, et je le sais : des bocages normands à la vallée de la Vienne, des montagnes des Vosges aux vallons de Provence, les mêmes préoccupations reviennent chez nos concitoyens ruraux.
Je pense à l’accès aux soins, au distributeur bancaire, à la station-service, à la pharmacie la plus proche, parfois à 10 ou 30 kilomètres.
Je pense bien sûr à la dépendance à la voiture, à l’enclavement.
Je pense à l’impression qu’entreprendre, créer ou expérimenter sera plus difficile qu’ailleurs, à ce sentiment insupportable que toutes les études, toutes les voies ne seraient pas accessibles.
De tout cela nait un sentiment d’abandon, de relégation, auquel on ne peut pas se résoudre. Auquel je ne veux pas me résoudre.
Alors, avec mon Gouvernement, je viens prendre devant vous un engagement : agir. Trouver des solutions concrètes, aux effets rapides.
C’est ce que vous attendez.
C’est ce que nous vous devons.
Je parle « des » ruralités, car ce sont avant tout des territoires singuliers, dans leur diversité. Des territoires qui n’ont pas les mêmes forces et les mêmes faiblesses.
Parler des ruralités, c’est parler de 30 000 de nos communes, d’un tiers de la population française. C’est parler de territoires qui se transforment, qui, par leur volonté, ont réussi à enrayer la spirale du déclin.
C’est parler de noms, de visages.
De maires qui s’engagent pour faire venir des familles, ouvrir une classe, convaincre un médecin de s’installer.
De femmes et d’hommes qui multiplient les initiatives, viennent s’installer à la campagne, et se battent pour y trouver des solutions nouvelles.
C’est parler d’Anaïs, 27 ans, que je rencontrais tout à l’heure, et qui a repris in extremis le commerce multiservices de Liglet, qui menaçait de fermer. Elle participe, comme tant d’autres, à redynamiser nos bourgs et nos villages.
Ces dernières années, sans rien perdre de son identité, la France rurale s’est métamorphosée. Le temps de l’exode rural est révolu, les ruralités représentent un modèle de qualité de vie, et attirent de nombreux Français.
Je veux le dire ici, il n’est pas question d’opposer villes et campagnes, de les voir comme deux mondes séparés. Cela serait à la fois un gâchis pour notre pays, et un danger pour notre cohésion nationale.
La cohésion des territoires, ce n’est pas penser nos politiques publiques séparément selon le lieu où l’on vit.
C’est fonder une alliance des territoires, qui permette à tous de se développer, en nous appuyant sur les forces de chacun, et en misant sur nos complémentarités.
Alors sur ces fondements, ensemble, je vous propose bâtir un nouveau contrat avec nos territoires ruraux : France Ruralités.
Cette stratégie, c’est le fruit d’un an de travail, menés avec l’ensemble des acteurs des ruralités, par le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe BECHU, et, bien sûr, par la ministre chargée des Collectivités territoriales et des ruralités, Dominique FAURE.
France Ruralités, c’est un acte de reconnaissance et une promesse d’avenir, envers les 22 millions de Français qui habitent à la campagne et veulent continuer à y vivre.
France Ruralités marque une nouvelle étape dans notre manière d’envisager l’aménagement de nos territoires ruraux autour de plusieurs principes.
L’action en commun, avec les élus, avec la société civile, sera la règle.
Notre démarche prend appui sur une planification et une contractualisation renforcée, au niveau de chaque bassin de vie, main dans la main avec les élus locaux.
Deuxième principe : l’équité.
Notre objectif est de répondre à une aspiration légitime des territoires ruraux : donner à leurs habitants les mêmes opportunités qu’en ville.
L’égalité des chances est un de mes combats, je veux la faire vivre en milieu rural.
Troisième principe : la différenciation.
Nous devons adapter nos mesures et nos solutions aux enjeux de chaque territoire : depuis les campagnes les plus éloignées des grandes villes, jusqu’aux villages proches des agglomérations.
Enfin, France Ruralités, c’est une stratégie de transitions.
Prenons un exemple : qui de mieux placés que nos ruralités pour mener la transition écologique ?
Alors même que les forêts, les prairies et l’essentiel de notre biodiversité se trouvent dans nos territoires ruraux.
Je pense aussi à la transition agricole, car c’est l’agriculture qui façonne nos campagnes, et son renouveau sera aussi celui des villages.
Je pense encore aux transitions économique, numérique, énergétique.
Vous avez entre vos mains des solutions et des atouts pour chacune d’elles.
Voilà l’esprit de France Ruralités.
Mais ce que vous attendez avant tout, ce sont des actes concrets.
Aussi, nous allons agir autour de quatre piliers.
Et pour réussir, nous aurons besoin des maires.
Je sais combien les maires ruraux sont les bras armés du service public au contact de nos concitoyens. Je sais qu’ils sont le rempart de la République, face aux incivilités, face aux violences.
Je veux le dire ici à nouveau fermement : s’en prendre à un élu, c’est attaquer la République toute entière. C’est inacceptable. Intolérable.
Je veux dire aussi, à tous les élus, que nous serons là pour vous accompagner, pour vous protéger.
Nous avons d’ores et déjà pris des mesures, renforcé les sanctions.
L’État est et restera à vos côtés, et j’aurai l’occasion d’annoncer des mesures nouvelles très prochainement.
Le premier pilier de France Ruralités, c’est de vous donner les moyens de construire des solutions adaptées, en renforçant considérablement les capacités d’ingénierie locales.
Je connais l’amour que les maires portent à leurs territoires.
Je sais combien ils veulent les développer mais s’en sentent trop souvent empêchés, à défaut d’avoir toute l’ingénierie et les moyens nécessaires.
Après les progrès réalisés grâce à Action coeur de ville et Petites villes de demain, nous mettrons en place un programme d’ingénierie dédié aux communes rurales, pour leur apporter un soutien complet et coordonné.
Monsieur le Président, cher Michel FOURNIER, je parle bien d’un programme pariant sur nos « Villages d’avenir » – je sais que cela vous est cher.
Dès l’an prochain, nous allons déployer 100 chefs de projets à travers toutes les ruralités françaises.
Installés dans les sous-préfectures, pour être au plus proches du terrain, ils apporteront un appui en ingénierie, tant sur le diagnostic du territoire que sur le développement de projet. Ils auront un objectif : la complémentarité avec l’ingénierie locale existante.
Le deuxième pilier de notre action, c’est de nous appuyer sur notre patrimoine naturel, nos cours d’eaux, nos paysages, qui sont l’un des trésors de nos communes rurales.
Ma conviction, c’est que les ruralités de notre pays sont un atout majeur pour devenir une Nation verte, et que c’est avec elles que nous devons bâtir notre planification écologique.
L’entretien et la protection de leurs espaces naturels sont des services que les communes rurales rendent à tout le pays, acceptant parfois de renoncer à une part de leur développement, pour préserver notre environnement, notre bien commun.
Nous devons adapter les finances locales à cette réalité : les communes qui s’engagent pour protéger notre environnement doivent être mieux accompagnées.
C’est pourquoi dès 2024, nous réformerons profondément la dotation biodiversité pour la renforcer, et inciter davantage à entretenir et valoriser notre patrimoine naturel, nos « aménités rurales ».
Nous suivrons un principe simple : plus de surface protégée, plus de dotations.
Et nous mettons les moyens : dès l’année prochaine, nous augmenterons la dotation « biodiversité et aménités rurales » pour la porter à plus de 100 millions d’euros. C’est l’enveloppe qu’a proposée le Parlement rural, cher Bernard DELCROS, dans sa résolution récente.
C’est une mesure de justice, qui incarne la complémentarité entre villes et campagne. Car quand des maires ruraux se mobilisent pour l’entretien d’une forêt, c’est toute la France qui en bénéficie, en préservant ses puits de carbone,
et en limitant les risques d’incendie.
Ils agissent pour nous tous, nous devons les aider.
Mais ces moyens supplémentaires, c’est aussi une mesure d’urgence, car nos territoires ruraux sont fragiles, en première ligne face au dérèglement climatique.
Le troisième pilier de notre action, c’est de demander à chaque ministère, de bâtir des solutions différenciées et adaptées, pour nos ruralités.
La différenciation doit être un réflexe.
Cela vaut pour nos campagnes, comme pour tous les territoires.
Nous ne partons pas de zéro. Nous y avons travaillé activement, déjà, avec le Parlement, et je veux saluer ici votre engagement, Madame la Présidente Françoise GATEL.
La loi 3DS a posé des fondements importants.
Et nous avons d’ores et déjà réussi, sur certains sujets clés, à prendre en compte les spécificités rurales.
Je pense, par exemple, à l’objectif « Zéro artificialisation nette » en 2050.
J’en avais pris l’engagement devant les Maires de France.
Nous soutenons l’inscription dans la loi du principe d’une « garantie rurale », afin de laisser à chaque commune des perspectives de développement.
Aujourd’hui, nous voulons accélérer et trouver des solutions nouvelles, pour tous les défis auxquels nos ruralités sont confrontées.
Sur les mobilités, pour sortir de la dépendance à la voiture individuelle, nous devons donner aux territoires les outils pour développer des alternatives, par exemple du domicile à la gare.
C’est le sens du fonds de soutien de 90 millions d’euros sur trois ans, que nous créerons pour accompagner les autorités organisatrices de la mobilité rurales, avec l’appui des associations. Il permettra le déploiement d’une offre de transport du dernier kilomètre, innovante, écologique et solidaire.
Sur le logement, comment accepter de voir les coeurs de village tomber à l’abandon, sous le poids de la vacance ou des difficultés de rénovation des bâtiments anciens ?
Nous consacrerons donc 15 millions d’euros par an à l’accompagnement des communes, dans la mise en oeuvre des opérations de revitalisation du territoire et de l’habitat.
Et nous voulons aussi répondre au fléau des logements vides.
C’est pourquoi nous allons créer une prime de 5 000 euros par logement pour les propriétaires qui réhabilitent leurs logements vacants ou leurs résidences secondaires, en contrepartie d’obligations de mise en location.
Je veux que nous continuions à mener une action résolue pour nos commerces, notamment les commerces multi-services.
C’est un enjeu du quotidien pour nos concitoyens : plus de 20 000 communes en ruralité n’ont plus de commerce.
Un fonds de 12 millions d’euros a été créé pour financer leurs installations.
Son déploiement avance bien, avec déjà 76 commerces qui vont pouvoir ouvrir, dès cet été pour les premiers.
Nous pérenniserons ce fonds sur trois ans.
Enfin, pour renforcer la présence des services publics, le financement de France services sera augmenté dans les zones de revitalisation rurale.
Évidemment, France Ruralités devra nous aider à répondre aux défis de la santé, de l’accès aux soins, et de la lutte contre les déserts médicaux.
C’est une des premières préoccupations de nos concitoyens, et particulièrement de nos concitoyens ruraux.
Nous déploierons 100 médicobus avec les collectivités volontaires, apportant des capacités de diagnostic et de soins directement dans les campagnes.
Nous tiendrons également l’engagement d’une couverture intégrale du territoire en communautés professionnelles territoriales de santé, d’ici la fin de l’année.
J’ajoute que 4000 maisons de santé seront déployées partout en France, d’ici 2027, en particulier dans les territoires ruraux.
Ce sont des structures attractives pour les professionnels et qui offrent des solutions de prise en charge efficaces aux patients.
Évidemment, un meilleur accès aux soins ne viendra pas d’une solution miracle, mais bien d’une mobilisation collective, avec pour maitres mots, la confiance et la responsabilité.
C’est précisément dans cette optique qu’une proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins, déposée par le député Frédéric VALLETOUX, est actuellement débattue à l’Assemblée nationale.
Elle doit permettre de donner un cadre clair à la médecine de ville, pour mieux s’organiser dans les territoires et ainsi améliorer l’offre de soins.
Bien sûr, je n’ai cité ici que certains champs d’action, mais France Ruralités ne s’arrête pas là, et proposera aussi des mesures importantes sur la carte scolaire, l’offre culturelle, le renforcement des Frances services ou encore l’économie sociale et solidaire.
Ces mesures seront complétées par l’engagement de la Banque des territoires, dont le rôle est essentiel.
Enfin, et c’est le quatrième pilier de France Ruralités, nous voulons continuer à soutenir l’attractivité des territoires ruraux.
Depuis 1995, la loi identifie des « zones de revitalisation rurale », où sont ouvertes certaines exonérations fiscales et sociales et où de nombreux programmes et outils sont accessibles.
Ce zonage arrive à échéance d’ici la fin de l’année.
Je le redis solennellement : il n’est pas question de se priver de cet outil essentiel.
Nous pérenniserons les zones de revitalisation rurale, et nous les moderniserons, pour qu’elles soient plus en lien avec la réalité actuelle de nos campagnes.
Après une concertation avec les élus, les parlementaires et les acteurs économiques, le Gouvernement proposera d’ici l’automne, de nouvelles règles de définition du zonage, pour continuer à accompagner les ruralités.
De plus, nous voulons consacrer un effort supplémentaire aux territoires les plus vulnérables.
Ces objectifs doivent nous rassembler, au-delà de nos fonctions, et au-delà de nos étiquettes politiques.
Une telle action imposera des mesures législatives, et nous poursuivrons les consultations avec l’ensemble des groupes parlementaires dans les prochaines semaines. Notre objectif est que le nouveau zonage puisse être opérationnel dès l’année prochaine.
Devant vous, j’ai parlé de nos villages, de nos campagnes.
J’ai parlé de notre avenir, car c’est dans la France rurale que nous construirons bon nombre des solutions pour demain.
J’ai parlé d’égalité des chances, de justice territoriale, car chaque Français doit avoir les mêmes opportunités, où qu’il naisse, où qu’il vive, où qu’il s’installe.
France Ruralités, c’est permettre le retour de nos services publics, l’accès aux soins pour toutes et tous, et le développement des commerces de proximité.
C’est offrir des opportunités et des solutions.
C’est miser sur la complémentarité de nos territoires, et surmonter les défis et les transitions auxquels notre pays fait face, notamment la transition écologique.
Et aujourd’hui, avec vous, c’est une élue de la campagne normande qui vous le dit : le renouveau de nos ruralités s’accélère.
Les ruralités ont tout pour réussir.
Et ensemble, avec France Ruralités, nous y parviendrons.
Vive la République ! Vive la France !
Présentation du plan France ruralités