Inaugurer une prison, c’est toujours un moment particulier, pour un territoire et pour la société.
Mais je l’affirme, ouvrir une prison aujourd’hui, c’est indispensable pour notre pays.
Pour les conditions de vie des personnes détenues, qui, dans un pays comme le nôtre, doivent toujours être dignes. Car comme l’a rappelé le Président de la République, « une nation est jugée aussi à travers ses prisons ».
Ouvrir des capacités, c’est indispensable pour la bonne application de notre politique pénale : pour que les peines soient exécutées, et que la gestion des places de prison ne soit plus un sujet d’inquiétude.
C’est le cap que le Président de la République a fixé, et c’est le sens du projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice, qui va permettre de disposer de 15 000 nouvelles places de prison.
Nous sommes en bonne voie pour atteindre cet objectif : sur la cinquantaine de chantiers en cours, la moitié des établissements seront livrés en 2024.
Alors que l’ancienne maison d’arrêt de Caen, lieu de mémoire et de Résistance,
va fermer ses portes, j’ai une pensée pour les familles et les proches des fusillés.
Je tenais donc à venir aujourd’hui à Caen, dans mon département du Calvados, pour partager ce moment avec vous, et inaugurer ce projet nécessaire et ambitieux de centre pénitentiaire.
Un projet qui reflète la volonté politique de mon Gouvernement : des conditions de détention dignes et des conditions de travail améliorées pour les personnels.
Un projet qui représente 550 places de détention pour notre territoire.
Un projet qui a contribué à l’activité des entreprises locales depuis plus de deux ans, une activité qu’il va continuer à soutenir.
Et aujourd’hui, je veux saluer l’action décisive de l’agence pour l’immobilier de la justice, de l’administration pénitentiaire, du préfet, des élus et des entreprises du territoire.
Au-delà d’un grand projet immobilier, ce centre pénitentiaire, c’est aussi le visage concret de la politique pénale de mon Gouvernement.
Je veux d’abord le dire :il n’y a pas de justice crédible, pas de fermeté contre la délinquance sans prison.
Protéger nos concitoyens, c’est le cœur de la mission de l’Etat régalien.
Et c’est aussi le sens de la peine de prison.
Construire des places de prison, c’est assurer que les peines prononcées puissent être effectuées, et donner confiance à nos concitoyens dans la capacité de la Justice à les protéger.
Et pour y arriver, il faut des moyens.
Depuis 6 ans, nous avons considérablement augmenté les moyens de notre Justice, et nous continuons.
La hausse du budget sera de près de 60% entre 2017 et 2027, et nous recruterons près de 10 000 personnels supplémentaires pour le ministère d’ici la fin du quinquennat. Parmi eux : des agents pénitentiaires, dont les conditions de travail doivent être à la hauteur des enjeux, et dont les rémunérations ont été significativement revalorisées, comme l’a annoncé le ministre en février dernier.
Bien sûr, la prison n’est pas la réponse à tout, et dans un Etat libre et démocratique, une politique pénale ne peut pas se fonder sur le tout-carcéral.
Mais il n’est pas question de céder à l’angélisme, de refuser la prison par principe et d’affaiblir notre réponse pénale.
Quand la société est en danger, quand les actes commis sont graves, nous devons protéger nos concitoyens, avoir des réponses fermes, et les peines doivent être exécutées.
Mais si la prison demeure la condition d’une politique pénale efficace, nous devons avancer en gardant à l’esprit un deuxième principe : la prison est un lieu de vie. Il doit être digne pour les personnels comme pour les détenus.
La surpopulation carcérale, l’entassement dans des cellules trop étroites, le froid, la chaleur, la saleté et la promiscuité : nous ne pouvons pas l’accepter, et ce nouvel établissement est une réponse.
Des locaux modernes, des cellules adaptées, plus d’activités, plus d’ateliers, et le respect des meilleures normes environnementales.
Jusque dans son architecture, ce nouvel établissement inspire la dignité, avec une construction respectueuse du paysage.
Et nous souhaitons avancer, plus largement, pour les droits sociaux des détenus. Nous avons créé un statut juridique et social plus protecteur pour ceux qui travaillent. Pour les personnes les plus éloignées de l’emploi en raison d’un handicap, nous avons permis la création d’établissements et services d’aide par le travail en établissement pénitentiaire.
Améliorer les conditions de la détention, c’est aussi agir pour le quotidien des personnels de l’administration pénitentiaire.
Avec le ministre, j’ai pu échanger avec quelques-uns d’entre vous tout à l’heure.
Vous m’avez parlé de vos missions, de vos métiers.
J’ai entendu vos difficultés, perçu votre engagement, ressenti votre détermination.
Vous êtes la troisième force de sécurité intérieure.
Votre tâche est difficile, exigeante, parfois risquée.
Votre professionnalisme est remarquable.
Je veux vous rendre hommage et vous remercier pour les missions essentielles de surveillance, d’écoute, d’attention, de réinsertion que vous accomplissez avec dévouement et abnégation.
J’ai parlé il y a quelques instants de la fermeté de notre politique pénale. Elle ne doit pas s’opposer à une meilleure réflexion sur le sens de la peine, et sur la réinsertion des personnes détenues.
Au contraire, ces deux politiques avancent ensemble : une meilleure réinsertion aujourd’hui, c’est moins de récidive demain.
Les murs d’une prison protègent la société le temps d’une peine, mais entre ces murs, l’Etat a le devoir de préparer le retour dans la société des personnes détenues, et ainsi de tout faire pour prévenir la récidive et maintenir les liens familiaux.
Cela passe par le travail, la formation ou l’apprentissage.
C’est aussi une mission plus large, pour donner un horizon aux personnes détenues, et leur redonner confiance en leur avenir.
Cet établissement a été pensé dans cette optique, avec 7 salles de classe, 4 salles de formation, 2 bibliothèques et 9 ateliers.
En résumé : plus d’enseignement, plus de formation, et plus de travail pour plus d’opportunités.
La réinsertion par le travail des personnes détenues, c’est un axe majeur de la feuille de route du Garde des Sceaux, qui a lancé un tour de France du travail pénitentiaire.
C’est une priorité de mon Gouvernement, en lien avec les acteurs économiques locaux, pour favoriser l’implantation d’entreprises dans les établissements.
C’est enfin un enjeu pour responsabiliser les détenus et leur permettre d’indemniser les victimes.
Dans une société, il y a des écoles, des universités, des hôpitaux, et il y a aussi des prisons.
Nous ne pouvons pas détourner le regard.
Faire comme si la fermeté n’était pas nécessaire pour la sécurité.
Comme si la réinsertion n’était pas essentielle pour éviter la récidive.
Aujourd’hui, j’ai confiance.
Confiance dans notre Justice.
Pour faire preuve de la rigueur nécessaire et pour ne jamais dénier aux personnes incarcérées le droit de se réinsérer et de retrouver pleinement leur place dans la société.
C’est notre responsabilité collective.
C’est ce que cet établissement va permettre.
Vive la République ! Vive la France !
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