Madame la
ministre, chère Sylvie, Monsieur le président du CNES, cher Philippe BAPTISTE,
Monsieur le directeur général de l’Agence spatiale européenne, cher Joseph
ASCHBACHER, Mesdames et Messieurs, chers astronautes, entrepreneurs,
industriels, étudiants.
Il y a quelques
jours, des images nous sont parvenues, venues directement du ciel, celles d'une
France jaunie par la sécheresse. Depuis des mois, les images du télescope
James-Webb fascinent le monde et ouvrent de nouvelles portes pour notre
recherche. Au moment même où nous parlons, depuis les données de nos téléphones
portables, jusqu'aux communications de nos forces, une grande partie de nos
quotidiens, de notre défense, de notre recherche, dépend de l'espace. Je tenais
à être présente parmi vous.
D'abord parce que
le Congrès international d'astronautique fait de la France, à travers le CNES,
et pour quelques jours, le Centre mondial de la recherche et des échanges pour
toute l'industrie spatiale. Mais je voulais prendre part à cette édition aussi,
parce que le thème que vous avez choisi, l'Espace pour tous, reflète
parfaitement la conviction de la France, et les défis à venir. Mesdames et
Messieurs, nous vivons une période de bouleversements majeurs. Je pense aux
bascules géopolitiques bien sûr, mais aussi aux lames de fond que sont les
changements climatiques et numériques.
Pour les
surmonter, l'espace sera crucial. Qu'il s'agisse des émissions de gaz à effet
de serre, du niveau des océans, ou encore de l'évolution des surfaces
végétales, seuls les satellites peuvent permettre de mesurer en tout point du
globe, et dans la durée, les paramètres du dérèglement climatique. Ce sont plus
de la moitié des données utiles au GIEC, par exemple, qui ne peuvent être
mesurées que de l'espace. Notre mission est maintenant de mettre l'espace au
service de la transition écologique. Dès à présent, les satellites et les
services Copernicus permettent, notamment à des startups, de détecter des
fuites de méthane de l'industrie pétrolière et gazière. Déployés par l'Union
européenne, ils sont un parfait exemple de ce que nous pouvons faire ensemble.
Nous devons aller
plus loin, être plus ambitieux encore. C'est précisément l'objet du Space
Climate Observatory, qui rassemble 40 agences et organisations, déterminées à
se battre pour évaluer, atténuer, et nous adapter au dérèglement climatique.
C'est une excellente chose, continuons dans cette direction. Je veux ajouter
que le spatial ne doit pas seulement être un outil au service de notre action
pour la transition écologique. Pour la première fois, les questions de
compensation carbone et de gestion responsable sont prises en compte par
l'organisation même de ce congrès. C'est le signe d'une inflexion majeure, et
c'est le signe de votre responsabilité.
Ensuite, parler
d'espace, c'est parler de numérique. Nos téléphones, nos systèmes de
géolocalisation, Internet, tout dépend aujourd'hui de notre activité spatiale.
Au fil du temps, nos technologies se sont perfectionnées, et il y a quelques
jours à peine, Ariane 5 a décollé de Kourou avec à son bord le satellite
Eutelsat VHTS Konnect. Ce satellite, c'est Internet très haut débit pour 500
000 personnes en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. C'est aussi le
succès d'une R et D, efficacement stimulée par le Secrétariat général pour l'investissement
et par le CNES.
Nous le voyons, la
connectivité s'accélère, et elle sera une des clés de notre puissance
économique, comme de notre souveraineté. C'est pourquoi nous avons décidé, à
l'échelle européenne, de compléter nos deux programmes spatiaux phares, Galileo
et Copernicus, par une initiative de connectivité sécurisée. Le but de ce
programme est clair : créer un système européen pour des télécommunications
spatiales sécurisées. C'est utile pour les citoyens européens, en permettant
des connexions modernes, y compris dans les zones blanches, c'est impératif
pour notre sécurité nationale, et nous pourrons bénéficier partout et dans le
monde entier de télécommunications de bonne qualité et au plus haut standard de
sécurité. Mais au-delà des projets spatiaux que vous portez, nous devons aussi
accentuer nos coopérations en matière de recherche spatiale. Parce que c’est
souvent dans l’espace que nous avons fait des découvertes scientifiques aux
retombées que nous ne soupçonnions pas. Je pense notamment aux missions Proxima
et Alpha de Thomas PESQUET, les expériences menées à bord de la Station
spatiale internationale ont permis des résultats en matière de santé, notamment
sur la sédentarité. L'espace est donc un immense laboratoire d'exploration
scientifique. Et je veux saluer ici l'excellence de notre recherche spatiale
française, et le travail mené par le monde de la recherche, par le CNES, par le
CNRS, et par tous ceux qui placent la France à la pointe du spatial.
Mais je voudrais
partager une conviction profonde avec vous : Ma conviction, c'est que notre
excellence est décuplée quand nous travaillons en coopération. Il y a peu de
secteurs plus fédérateurs que la recherche spatiale. Peu de secteurs où la
coopération s'impose aussi fortement : Huygens, Cassini, Rosetta Philae, sont
autant de missions que nous ne pouvions réussir qu’en commun. Nous continuerons
à promouvoir la coopération, et l'Agence spatiale européenne doit y jouer un
rôle central. Et de la même façon, nous devons nous unir autour de grands projets
d'exploration qui nous fédèrent, nous dépassent, et permettront des avancées
concrètes sur Terre.
Mesdames et
Messieurs, en lançant cet appel à la coopération, je reste parfaitement lucide.
J'évoquais il y a quelques instants les bouleversements de notre monde ;
l'espace n'en est pas exempt. D'abord, il y a la centralité de l'espace pour
nos quotidiens et toutes nos politiques publiques. Ensuite, avec la
multiplication des usages de l'espace, celui-ci devient de plus en plus
encombré, pollué, et les débris peuvent être des menaces pour nos satellites,
comme pour nos activités. Nous devons en tenir compte, et l'Europe est
pionnière en la matière. Enfin, et c'est une révolution qui nous préoccupe
particulièrement, on y voit des actes d'espionnage. On sait aujourd'hui aussi
que certains États peuvent empêcher l'accès à l'espace, dégrader des
satellites, ou les dévier de leur orbite. L'espace devient un champ de
confrontation à part entière, ça n'est plus une fiction. Dans ce contexte
inédit, le président de la République, à Toulouse, a fixé les grandes ambitions
de notre stratégie spatiale ; d'une stratégie que nous n'envisageons qu'avec
l'Europe.
La première
ambition, c'est de garder en français, et en européen, notre autonomie d'accès
à l'espace. C'est une question déterminante, une question de souveraineté. Nous
ne pouvons pas être le seul continent qui accepte de dépendre d'autres
puissances pour ses lancements. Cela signifierait mettre notre accès à l'espace
dans les mains d'autres nations. Nous ne pouvons évidemment pas l'accepter.
Nous devons donc assumer la préférence européenne pour les lancements, gagner
en compétitivité et construire de grands projets de lanceurs. Je pense
évidemment à Ariane 6, mais aussi au mini et micro lanceur réutilisable.
Notre seconde
ambition, c'est de prendre pleinement le tournant des constellations, et plus
largement de tous les services spatiaux. L'Europe a pris la mesure de l'enjeu.
Il nous faut maintenant aller vite et innover.
La troisième
ambition de notre stratégie, c'est de nous placer à la pointe du spatial pour
le climat, et de prendre pleinement part aux aventures scientifiques et aux
explorations à venir.
Pour atteindre ces
3 premières ambitions, nous avons besoin de moyens forts, et d'une recherche de
pointe. C’est pourquoi, suivant le cap fixé par le Président de la République,
nous avons augmenté considérablement nos moyens pour le spatial depuis 5 ans.
C’est inscrit dans la trajectoire budgétaire de la loi de programmation de la
recherche, avec des moyens massifs pour le CNES. C’est également l’un des
piliers du plan France 2030, qui prévoit 1,5 milliard d’euros pour le spatial.
Et ce sera au cœur des discussions, lors de la prochaine ministérielle de
l'ESA, avec des ambitions fortes. Au total, ce sont plus de 9 milliards d’euros
que la France s’apprête à investir sur le secteur spatial dans les 3 prochaines
années, pour la recherche et notre industrie spatiale. Évidemment, nous
souhaitons que ces investissements majeurs aient un impact maximal pour notre
recherche, notre industrie, et nos concitoyens.
Nous devons
veiller à toujours recourir aux mécanismes les plus pertinents au sein de
l’Union européenne, en bilatéral avec les autres puissances spatiales, ou
encore au sein de l’Agence spatiale européenne. C’est pourquoi les ministères
réuniront les parties prenantes du secteur fin octobre, pour partager nos
priorités, et nos leviers de financement. Enfin, je ne pourrais être complète
sans évoquer notre 4e ambition, celle d’assumer la part militaire de notre puissance
spatiale. Nous ne pouvons pas être les naïfs de la militarisation de l'espace.
Nous devons en tenir compte, nous adapter et fournir des équipements spatiaux à
la hauteur des enjeux de sûreté actuelle. Il s’agit de préserver notre
autonomie stratégique nationale en matière d’appréciation de situation, de
décisions et de conduite des opérations. Il s’agit aussi de garantir l’accès à
l’espace et de défendre les intérêts nationaux dans ce milieu, y compris de
façon active.
C’est pour cela
que l’armée de l’Air est devenue l’armée de l’Air et de l’Espace. C’est pour
cette raison que la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit une
enveloppe de 5 milliards d’euros de crédits destinés aux spatial. C’est inédit
et nécessaire. Cela ne s’arrêtera pas. Nous lançons par ailleurs des
coopérations opérationnelles en matière spatiale, et le centre d’excellence
espace de l’OTAN à Toulouse en est l’illustration. Internationalement, nous
œuvrons pour garantir des normes qui promeuvent les comportements responsables,
et rappellent que l'espace appartient à tous.
Mesdames et
Messieurs, la course technologique bat son plein, et si la France et l'Europe
sont aujourd'hui parmi les leaders de l'industrie spatiale et en pointe pour
l'industrie des satellites, cette position n'est jamais acquise. Alors, en plus
de nos moyens, il nous faut de la méthode et travailler à unir nos forces. Le
CNES sera évidemment central, et son contrat d'objectifs et de performance le
renforce. Le CNES a toujours su évoluer, s'adapter et doit continuer. J'attends
bien entendu la mobilisation de tous les acteurs industriels historiques : Ils
ont réussi à faire de la France et de l'Europe des puissances spatiales
incontournables dans les satellites et les lanceurs. Nous avons encore beaucoup
à faire ensemble.
Je pense aussi à
toute la génération d'acteurs émergents, qui bousculent les codes et nous
poussent à innover. C'est une dynamique utile, saine. Etats, industriels
historiques et nouveaux acteurs doivent travailler ensemble. C'est la condition
de notre succès. Et je veux saluer les initiatives nombreuses qui permettent de
nous rapprocher. Enfin, pour réussir, toute notre industrie spatiale a besoin
de la jeunesse. L'Espace fascine, intrigue, les expéditions et les images
satellites sont autant de moments qui aiguisent l'intérêt, et poussent nos
jeunes vers le spatial et vers la science en général. Il nous faut nous donner
les moyens de transformer la curiosité en métier. L'Industrie spatiale doit
agir en faveur du soutien à l'enseignement, développer le mentorat et je pense
par exemple à l'initiative SpaceEarth du GIFAS.
Nous devons aussi
nous engager pour plus de mixité. Parmi les salariés du secteur, on ne compte
qu'une femme sur 5, et nous descendons à une sur 10 pour les astronautes. Trouvons
des moyens d'avancer. Je suis fière que, dans le sillage de Claudie HAIGNERÉ,
l'Europe soit aujourd'hui représentée dans la Station spatiale internationale
par l'astronaute Samantha CRISTOFORETTI. Mesdames et Messieurs, chers
astronautes, entrepreneurs, industriels, étudiants, nous sommes réunis
aujourd'hui autour d'un défi : l'espace. Il a déjà peuplé l'imaginaire de
millions de personnes, il est votre réalité, il permet à la science de faire
des pas de géant, et se trouve aujourd'hui au cœur de notre quotidien et au
cœur de notre souveraineté. Nous n'avons pas fini. Nous avons encore des
découvertes à faire, encore des solutions à trouver, encore des expéditions à
mener, et des mondes à explorer. Nous y parviendrons ensemble par notre quête
d'innovation. Nous y parviendrons ensemble en unissant nos forces. Nous y
parviendrons ensemble, en français et en européen. Nous avons été parmi les
pionniers des débuts du spatial et nous serons à la pointe de son avenir.
L'avenir de
l'espace se discute ici, il se construit par coopération, il nous offrira des
découvertes et des avancées. Je souhaite donc un très bon congrès à toutes et à
tous. Merci.