Monsieur le Ministre délégué,
Mesdames les Secrétaires
d’État,
Mesdames et Messieurs les
parlementaires,
Mesdames les Ambassadrices, Messieurs
les Ambassadeurs,
C’est notre première rencontre
collective et la première fois que j’ai l’occasion de m’exprimer devant vous.
J’attendais ce moment avec une certaine impatience. Comme cheffe d’entreprise,
comme ministre, comme Première ministre, j’ai mesuré depuis longtemps votre
engagement, votre implication et votre rôle central et déterminant.
Ces dernières années l’ont
rappelé avec acuité : face à la crise sanitaire, vous avez aidé nos
compatriotes et permis de répondre au défi de la solidarité internationale pour
l’accès au vaccin. Face à la reprise de l’Afghanistan par les Talibans, vous
avez permis l’évacuation dans un temps record de nos ressortissants et de 3 000
réfugiés afghans. Face à l’agression russe et pour soutenir l’Ukraine, vous
avez répondu présents, actifs sur tous les fronts qu’il s’agisse d'accompagner
nos ressortissants en Ukraine et en Russie, de permettre l'accueil des réfugiés
ou d'organiser la réponse internationale.
Vous êtes les voix de la
France. Vous êtes les porte-paroles de nos principes et de nos valeurs partout
dans le monde. Vous êtes nos relais pour conquérir de nouveaux marchés, pour
partager notre culture, faire connaître nos savoir-faire.
Et dans cette période de
bascule marquée par la fin de nos certitudes et le retour des conflits armés en
Europe, nous avons particulièrement besoin de vous. Besoin de diplomates
aguerris, besoin de notre réseau diplomatique.
Après le Président de la
République hier, je voulais à mon tour, au nom du Gouvernement, vous dire toute
ma reconnaissance. Comme l'a souligné le Président de la République, la période
qui s'ouvre augure de grands changements. Le dérèglement climatique, la guerre
sur le sol européen et les tensions énergétiques sont autant de crises dont
nous n'avons pas fini de mesurer les conséquences.
Nous entrons dans une ère de
désordre économique, climatique, stratégique. Et ces désordres ont un point
commun : ils touchent directement le quotidien des Français, mais trouvent
leurs racines et une bonne part de leurs solutions à l'international.
Vous détenez, par votre
action, sous l'autorité du Président de la République, une part des réponses
aux préoccupations de nos concitoyens. Le Président l'a affirmé hier dans des
termes très clairs, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères est le
chef de file interministériel de l'action extérieure de l'Etat.
En m'adressant à vous, je
souhaite d'abord et à grandes lignes vous présenter les piliers de notre
action. Il est important que vous les connaissiez, que vous les partagiez et
que vous les expliquiez dans les pays où vous servez.
Le Président de la République
nous a fixé un cap : construire une France plus forte et plus juste dans une
Europe plus indépendante. Pour y parvenir, nous avons répondu dès les premières
heures du nouveau quinquennat à l'urgence du pouvoir d'achat en prenant une
série de mesures fortes.
Ces mesures ont pu être votées
malgré l'absence de majorité absolue au Parlement.
Nous mènerons également quatre
batailles de front.
La première, c'est la bataille
pour le climat. Nous respecterons nos engagements européens de diminuer de 55 %
nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, objectif indispensable pour
atteindre la neutralité carbone en 2050. Et nous nous fixons l'ambition d'être
la première grande nation industrielle à sortir des énergies fossiles. Cela
exigera des changements radicaux dans nos manières de vivre, de produire et de
consommer. Nous les conduirons grâce à une transition écologique planifiée avec
des objectifs et un calendrier secteur par secteur.
Cette bataille pour le climat
dépasse largement nos frontières. Vous êtes aux avant-postes pour pousser
chaque pays à s'y engager. Nous comptons sur vous.
La seconde bataille, c'est
celle du plein emploi. Nous avons créé plus d'un million d'emplois dans le
précédent quinquennat et porté le chômage au plus bas niveau depuis 15 ans. Le
plein emploi est accessible. Il assurera notre puissance économique en Europe
et dans le monde. Nous mènerons les réformes nécessaires, même si elles sont
difficiles. Par votre action au service de la diplomatie économique, vous
participez vous aussi à cet objectif.
La troisième bataille, c'est
celle de l'égalité des chances. Au cœur de notre engagement se trouve le refus
des inégalités de destin. Alors nous agirons dans tous les domaines et
notamment pour la sécurité, la santé et l'éducation.
Enfin, la quatrième bataille,
c'est celle de la souveraineté, une souveraineté française et européenne. Loin
de s'exclure, les deux vont de pair et se renforcent mutuellement. Nous voulons
ainsi bâtir une indépendance stratégique, énergétique, alimentaire,
industrielle, numérique et culturelle au niveau de notre pays et de l'Union
européenne.
Pour mener à bien nos
réformes, nous mettons en place une nouvelle méthode avec un dialogue accru
avec les élus, avec les territoires. Une nouvelle méthode, davantage fondée sur
l'écoute, sur le partage des options à notre disposition et des contraintes qui
pèsent sur nous.
Vous devrez prendre part à
cette nouvelle méthode. Vous serez amenés à renforcer encore vos relations de
travail avec les élus et les territoires. Cela vaut pour les représentants des
Français à l'étranger. Ils sont le baromètre de notre communauté partout dans
le monde. Ils sont aussi des sources précieuses d'initiatives et d'idées. Nous
devons les consulter et les associer aux visites des autorités.
Cela vaut ensuite pour nos
parlementaires. Je vous demande une attention particulière à leurs demandes et
leur travail.
Cela vaut enfin pour les
territoires, les ONG et le secteur privé. Leurs initiatives sont nombreuses et
utiles en particulier dans les périodes de crise.
Notre mobilisation collective
en soutien à l’Ukraine l’a montré. C’est en unissant nos forces que la France pèse.
Tout cela, vous le faites déjà, je le sais bien, mais il est essentiel de le
faire davantage encore. J’y vois une condition majeure de notre efficacité
collective.
Au-delà de ces 4 batailles fondamentales, j’ai
donné à chacun de mes ministres une feuille de route avec des objectifs précis.
Notre action doit être
lisible, visible et transparente. Cela vaut également pour notre action
diplomatique.
Parmi ces objectifs, je vous
ai confié Madame la Ministre, chère Catherine COLONNA, 3 priorités.
La première pour laquelle la
secrétaire d’Etat chargée de l’Europe œuvre d’ores et déjà, c’est de consolider
la souveraineté européenne car il n’y aura pas de France forte sans Europe
puissante.
Les derniers mois ont été des
accélérateurs majeurs. Ils ont aussi permis à nos concitoyens de prendre la
mesure de l’opportunité que représente l’Europe, qu’elle est sur de nombreux
sujets l'échelon pertinent pour agir et peser.
Grâce à l'Europe, nous avons
su faire face à la pandémie en mutualisant l'achat de vaccins. Grâce à
l'Europe, nous avons pu adopter des sanctions coordonnées contre la Russie pour
rendre insupportable le coût de la guerre qu'elle mène en Ukraine. C'est grâce
au rôle moteur de l'Europe que nous avons pu avancer à l'échelle internationale
pour faire face à la crise climatique. C'est encore grâce à l'Europe que nous
pourrons mettre en place des règles efficaces pour maîtriser ensemble nos
frontières dans le cadre de l'espace Schengen.
Porter cette ambition
européenne est donc l'intérêt majeur de notre pays. Nous venons de le faire de
façon remarquable dans le cadre de la présidence française de l'Union
européenne, qui a permis d'obtenir pas moins de 130 accords.
Ces résultats qui sont autant
de réponses pour le climat, le numérique, l'autonomie stratégique, les droits
sociaux ou l'égalité femmes hommes, c'est d'abord grâce à la diplomatie que
nous les avons obtenus. Ce sont des avancées majeures, nous ne devons pas
relâcher la pression, nous devons continuer à être moteur, à revenir à la
charge.
J'aurai à cœur, avec la ministre
et la secrétaire d'État en charge de l'Europe, de m'investir pour contribuer à
aider l'Union européenne à avancer.
Notre prochain défi ne tardera
pas. La Russie a d'ores et déjà pratiquement coupé ses exportations de gaz vers
l'Europe. Et si elle décide de couper complètement son approvisionnement, nous
savons que l'Europe manquerait de gaz cet hiver sans alternative immédiate.
C'est dans ces moments-là que la solidarité européenne prend tout son sens. La
France a beau être moins exposée que ses voisins, elle a un devoir vis-à-vis de
l'Europe. C'est une question de réciprocité. Comment pourrions nous attendre en
retour de la solidarité si nous la refusions dans ce moment critique ? C'est
une question économique, car nous pâtirions nous aussi d'un ralentissement de
l'économie européenne. C'est une question de principe : nous avons fait
l'Europe pour surmonter les crises ensemble, nous devons être fidèles à notre
engagement.
La deuxième priorité que je
vous ai confiée, Madame la Ministre, c'est le renforcement de nos partenariats
internationaux et le rayonnement de la France par la Francophonie.
Je sais que vous pourrez
compter dans cette mission sur l'engagement et la détermination de la
Secrétaire d'Etat chargée du Développement, de la Francophonie et des
Partenariats internationaux.
Depuis 2007, nous avons engagé
une hausse sans précédent des moyens de notre aide publique au développement.
Nous continuerons à investir davantage à travers les programmes de nos
opérateurs et par un engagement accru au sein des instances multilatérales et
des Nations unies.
Surtout, nous devons assumer
de faire de notre aide au développement un outil au service de nos valeurs, de
la réponse aux défis globaux comme la santé mondiale, le climat ou la
biodiversité et de nos relations avec nos partenaires, et je pense notamment à
l'Afrique, dans une logique d'investissement solidaire et au service de nos intérêts
mutuels.
Le multilatéralisme, ce n'est
pas une posture, encore moins une idéologie. C'est du bon sens et une question
d'efficacité.
Les crises mondiales, quelles
qu'elles soient, ne peuvent être résolues par un seul pays, aussi puissant
soit-il. Elles requièrent que chacun contribue. Je souhaite pour cela pouvoir
réunir au cours des prochains mois un Conseil interministériel de coopération
internationale et de développement qui doit permettre, sous la coordination du
ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, de renouveler l'engagement de
chaque ministère.
Concernant le rayonnement de
notre pays et la promotion de la Francophonie, nous y répondrons grâce au
renforcement du réseau éducatif et de recherche, du réseau culturel et de
l'audiovisuel extérieur public dans le monde. Ce sont des instruments
remarquables, ils doivent être pleinement mobilisés au service de notre
influence. J'y reviendrai.
La troisième priorité que j'ai
donnée à la ministre, c'est d'améliorer l'accompagnement des Français de
l'étranger.
Vous agirez en ce sens avec le
ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l'attractivité et des
Français de l'étranger. Je connais tout le travail de vos équipes consulaires
et je veux les saluer. Beaucoup a déjà été initié, notamment pour la dématérialisation
des procédures, il nous faut aller plus loin pour simplifier la vie de nos
compatriotes de l'étranger.
Nous devons déployer France
Consulaire et rendre nos services publics plus accessibles. Nous ferons un pas
supplémentaire partout où c'est possible pour la dématérialisation du
renouvellement des titres d'identité, du dépôt de procuration ou de
l'établissement des certificats de vie.
Nous continuerons à soutenir
par nos subventions le réseau associatif pour les Français de l'étranger.
Mesdames et Messieurs, au-delà
de ces priorités, je vous demande de mener vos actions en gardant toujours en
tête 3 principes.
Le premier, c'est la défense
et la promotion de nos valeurs. Je compte sur vous pour porter le combat des
droits humains dans vos postes. Le Gouvernement continuera d’agir dans ce sens,
je pense à l’accueil de 100 000 réfugiés ukrainiens en France, à la protection
que nous accordons aux opposants russes, ou encore à celle que nous continuons
à apporter aux réfugiés afghans. Nous resterons fidèles à nos devoirs et à
notre histoire. Nous aurons besoin que votre implication se poursuive.
Le deuxième principe, c’est le
développement de notre influence. Dans le monde actuel, chaque puissance mène
une guerre d’information , voire de propagande. Nous ne pouvons pas faire
semblant de l’ignorer, et nous devons nous organiser. Il est capital de
répondre face aux fausses informations sur la France et sur nos actions. Nous
devons être en mesure de riposter plus vite, plus fort, et de mieux expliquer
ce que nous faisons. Les propositions de réforme du service de communication du
Ministère sont intéressantes et audacieuses. Comme vous, je pense que nous
devons revoir à la hausse notre ambition en matière de communication publique
extérieure.
Enfin, le troisième principe
qu'il nous faut garder en tête, c'est l'action pour notre économie et nos
emplois. Aujourd'hui, notre pays tient bien. Nous avons atteint un nombre
record d'entreprises exportatrices. Les exportations du secteur agroalimentaire
ou encore des produits pharmaceutiques et cosmétiques dépassent leur niveau
d'avant crise.
La France se maintient au
premier rang des pays européens pour l'accueil des projets d'investissements
étrangers. Et nous devons garder en tête que 4 millions d'emplois dépendent de
nos exportations, et que l'atteinte de notre objectif de plein emploi passe
aussi par des commandes importantes à l'export.
Je vous invite donc à mener
une diplomatie économique offensive de manière à attirer des investisseurs
étrangers dans nos territoires, à attirer les talents étrangers, à diversifier
nos approvisionnements et à sécuriser les débouchés de nos entreprises à
l'export.
Cela implique d'accompagner
nos entreprises à l'export et notamment les PME, en misant sur le collectif de
Team France Export avec tous nos partenaires institutionnels, les élus et les
entreprises elles-mêmes.
Cela veut dire aussi
promouvoir partout la marque France à l'étranger, promouvoir notre pays, nos
entreprises, nos atouts, et notre volonté de réforme. Je sais pouvoir compter
sur la mobilisation particulière de la ministre et du ministre délégué sur ces
sujets.
Mesdames les ambassadrices, Messieurs
les ambassadeurs, derrière les mots de souveraineté, valeur, partenariat ou
diplomatie économique, se cachent votre investissement personnel et celui de
vos équipes. J'en suis bien consciente et c'est pourquoi j'ai souhaité, comme
le demandait votre ministre, que le ministère de l'Europe et des Affaires
étrangères soit doté de moyens supplémentaires, en particulier humains.
Aussi avec une centaine
d'emplois de plus en 2023, c'est la première fois depuis des décennies que les
effectifs du Quai d'Orsay repartent à la hausse. C'est une marque de confiance,
c'est aussi la preuve que notre Gouvernement sait l'importance du travail de
notre diplomatie.
Pourtant, beaucoup d'entre
vous s'interrogent, je le sais. La réforme de la haute fonction publique a pu
faire naître quelques inquiétudes, quelques doutes, elle a aussi fait l'objet
d'incompréhensions.
Le Président de la République
l'a affirmé hier, et je le dis une nouvelle fois devant vous, cette réforme ne
signifie en aucun cas la disparition du métier de diplomate. Nous avons besoin
de vous. Nous savons l'ampleur et la qualité de votre travail. Et, je le redis,
vous serez déterminants pour affronter les défis des années à venir.
L'objectif de cette réforme,
c'est de garantir que le haut encadrement de l'Etat est un socle commun de
connaissances et de compétences, en somme une culture commune.
C'est de faire émerger des
logiques de métiers dont les spécificités sont davantage reconnues.
C'est enfin de décloisonner.
Il n'est pas question de vider la diplomatie de ses diplomates, mais toute
notre haute fonction publique doit pouvoir bénéficier de votre expertise.
Et pour vous, faire une
mobilité, c'est apprendre et se doter de nouvelles compétences qui seront
utiles et valorisées lors de votre retour dans votre cœur de métier.
La nouvelle grille indiciaire
des administrateurs de l'État sera publiée cet automne, et vous pourrez exercer
votre droit d'option en janvier prochain, en pleine connaissance de cause. Cela
permettra de lever certaines incertitudes. Je sais également que si des
garanties ont été apportées, certains points doivent encore être clarifiés,
notamment sur la promotion des secrétaires des Affaires étrangères ou
l'organisation du nouveau concours d'Orient.
La ministre de l'Europe et des
Affaires étrangères et le ministre de la Transformation et de la Fonction
publique y travaillent, des réponses seront apportées rapidement.
Mesdames les ambassadrices, Messieurs
les ambassadeurs, la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères m'a fait
part de son souhait d'organiser sous peu des états généraux de la diplomatie.
Cet exercice permettra de se
poser les questions qui comptent pour l'avenir.
Quelles sont les missions
indispensables de la diplomatie ? Comment améliorer encore l'efficacité de
notre outil diplomatique ? Quel rôle doit jouer le Ministère au sein de l'Etat
?
Les réponses que nous
apporterons seront déterminantes pour l'avenir de notre diplomatie et la place
de notre pays dans le monde. Il sera du coup très important que cette réflexion
fasse l'objet d'une appropriation interministérielle, et j'y veillerai.
Et si j'ai une conviction à
vous partager pour conclure, c'est que le succès de nos politiques publiques
passe par votre action, vos décisions et vos réussites ont des impacts concrets
sur le quotidien des Français.
Sous l'autorité du Président
de la République, avec la ministre, avec toute l'équipe ministérielle du Quai
d'Orsay, nous connaissons l'ampleur de votre travail et celui de toutes vos
équipes.
Nous sommes avec vous, nous
avons besoin de vous, et je compte sur vous.
Vive la République ! Et vive
la France !
Conférence des ambassadrices et ambassadeurs