Messieurs les présidents de commissions parlementaires,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus des Français de l’étranger,
Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes,
« Personne ne peut mieux que lui saisir ma main. Mais personne ne peut mieux que moi la lui tendre. »
Comprendre l’amitié franco-allemande, c’est se rappeler ces mots du Général de Gaulle à propos chancelier ADENAUER.
De part et d’autre du Rhin, la France et l’Allemagne incarnent une Histoire chahutée, prise dans l’étau de la rivalité et de l’admiration, de la guerre et de la reconstruction.
Car notre Histoire est faite d’admiration et d’échanges, dont vous êtes les légataires et les héritiers.
C’est Voltaire correspondant avec Frédéric II et faisant briller les Lumières françaises à la cour prussienne.
C’est Madame de STAËL, ébahie par la musique, les mots et la pensée allemande, et la diffusant dans un Paris du XIXe siècle admiratif.
C’est Franz HESSEL traduisant PROUST et BALZAC, et donnant le goût du verbe français à l’Allemagne.
Mais notre Histoire, c’est aussi celle de conflits et de guerres, qui ont marqué le continent.
Je n’oublie pas, je n’oublierai jamais, que c’est aussi notre incapacité à reconstruire et le désir de vengeance qui a nourri les pires idéologies et contribué à les mener au pouvoir ici.
En 1963, pourtant, le Général de Gaulle et Konrad ADENAUER, deux hommes que tout opposait en apparence ont décidé de dévier le cours de l’Histoire.
Et plutôt que de la voir balbutier, ils ont tracé un nouveau chemin : celui de la paix, celui de la construction, celui de l’Europe.
Je suis né en 1989, une date qui résonne tout particulièrement ici, à Berlin.
Pour une génération, la chute du mur a été le symbole d’un horizon démocratique nouveau.
Pour la mienne, ce fut un acquis dès le départ : le symbole de l’espoir de paix et d’unité en Europe.
Ma génération n’a jamais connu la guerre, et sans doute a-t-elle trop souvent pris la paix pour un acquis.
Peut-être oublie-t-elle, parfois, tout le prix et le poids de l’amitié franco-allemande. En quoi elle nous protège et ce qu’elle nous apporte.
Je n’en ai aucun doute – et vous non plus : on mesure la force de l’Europe, à la solidité de l’amitié franco-allemande.
Que nos deux Nations avancent ensemble et l’Europe accélère, se développe et retrouve ses habits de puissance.
Que nos deux Nations se divisent, et l’Europe toute entière hésite.
Cette brèche de la division, c’est celle qu’attendent les populistes, celle dont se repaissent les extrêmes, guettant la moindre de nos différences pour flatter les plus bas instincts et tenter de saborder l’Europe.
L’Europe, c’est l’unité. C’est la recherche de solutions. C’est la capacité à mettre de côté des différences pour construire, pour conquérir notre indépendance.
Autant le dire, c’est tout ce que rejettent les extrêmes.
J’ai tenu à venir ici, pour mon premier déplacement à l’étranger en tant que Premier ministre.
Ça n’a pas été toujours le choix de mes prédécesseurs, que de choisir l’Allemagne – et lorsqu’ils l’ont fait, cela a mis un peu de temps.
J’ai choisi, quelques semaines seulement après ma nomination, de venir ici.
Et j’ai tenu aussi à m’adresser à vous. On me dit que c’est la première prise de parole d’un Premier ministre français devant la communauté française en Allemagne depuis près de 12 ans.
Parce que je crois en l’Europe, parce que je crois que son avenir s’écrit en grand, et qu’en cette année cruciale, derrière le cap fixé par le Président de la République depuis le discours de la Sorbonne, je refuserai toujours de voir l’Europe affaiblie. Tout comme je refuserai de voir l’amitié franco-allemande affaiblie.
Et devant vous, Mesdames et Messieurs, je ne le cache pas, c’est à la fois inquiet et déterminé que je m’exprime.
L’Europe est un vieux continent. C’est une force. Mais l’Europe ne peut pas se reposer sur le poids de son Histoire, et croire en sa force guidé par l’ivresse du passé.
Nous sommes un vieux continent, qui doit sans cesse se remettre en cause, se questionner, s’emparer des technologies de demain, avancer.
C’est le constat qui a été fait par le Président de la République dès 2017, avec un diagnostic lucide ?
Quand on compare notre continent à l’Amérique du Nord ou à l’Asie, avons-nous choisi d’investir assez dans toutes les innovations et les secteurs stratégiques ?
Sommes-nous capables d’assurer notre souveraineté dans tous domaines ?
Avons-nous fait les choix qui nous rendent attractifs ?
Quand on pense innovation, pense-t-on assez Europe ?
Nous avons les meilleurs chercheurs, les meilleures universités.
Nous avons un réseau de start-up hors du commun – et je veux saluer les entrepreneurs et les innovateurs ici présents, qui ont fait le choix de l’Europe, qui ont fait le choix de notre souveraineté.
Alors, pourquoi notre croissance est-elle plus faible de moitié que celle des Etats-Unis, depuis 2000 ?
Pourquoi hésite-t-on encore avant d’assumer pleinement notre volonté de puissance, d’indépendance, et de croissance européenne ?
Depuis 2017, nous le disons : nous devons réussir un sursaut européen. Et je le réaffirme devant vous : ce sursaut européen sera un sursaut franco-allemand.
Depuis 2017, le Président de la République a franchi des étapes majeures et il a permis de parvenir à des résultats que nous n’aurions pu espérer encore quelques années plus tôt.
Le discours de la Sorbonne a marqué une étape et revendiqué, enfin, la souveraineté européenne comme horizon.
Le traité d’Aix-la-Chapelle, dont nous fêtons la cinquième année, a permis de réaffirmer la force et la nécessité du couple franco-allemand.
L’agenda de Versailles, en 2022, a été celui de la prise de conscience et a posé les fondements d’une indépendance nouvelle technologique, industrielle, énergétique, stratégique même.
Et la clé de notre réussite, c’est l’amitié franco-allemande.
D’abord, parce que notre relation est le lit de la construction européenne.
Et alors même que la guerre revient sur le continent, aux portes de l’Union, à moins de 1000 kilomètres de Berlin, alors même que les extrêmes tentent de nous affaiblir en mettant à bas l’Europe, l’Europe est plus que jamais un impératif, et nous devons porter haut ses couleurs.
Ensuite, parce que nous avons en partage ce qui compte plus que tout le reste : le respect et la défense de l’Etat de droit et des libertés fondamentales.
La croyance profonde que l’économie ne peut avancer qu’avec le social – ce que l’on appelle souvent, ici, en Allemagne, l’économie sociale de marché.
La volonté de relever ensemble les grands défis du monde.
Je pense à la transition écologique, un défi existentiel pour chacun de nous – alors que les températures extrêmes et les catastrophes naturelles se multiplient, jusqu’à menacer nos propres modes de vie.
Une transition écologique pour agir, et jamais pour subir.
Une transition écologique que nous ne pourrons mener qu’avec tous les citoyens, à leur écoute et à leur côté. La colère exprimée par les agriculteurs, un peu partout en Europe ces dernières semaines, nous le rappelle.
Je pense au défi industriel et technologique, qui est la condition pour une Europe qui attire et qui croît.
Nous devons mener les investissements indispensables pour l’avenir, être à la pointe de tous les virages technologiques.
Avec l’intelligence artificielle, nous avons montré, il y a quelques jours encore, que nous en étions capables. Il faut aller plus loin encore.
Je pense à la souveraineté énergétique, dans le respect du mix de chacun.
Je pense à la souveraineté à nos frontières. Là aussi, nous avons obtenu quelques belles avancées au niveau européen, il y a quelques semaines.
Je pense à la souveraineté stratégique.
Bien sûr, il ne faut pas être naïf.
La France et l’Allemagne ont leurs désaccords et leurs différences.
Bien sûr, il y a toujours des moments difficiles dans la relation entre la France et l’Allemagne.
Mais ces moments ne doivent en rien nous faire reculer.
Ces moments ne doivent jamais nous faire renoncer.
Lorsque le Président de la République et le Chancelier décident de développer l’aviation et le char militaire du futur en franco-allemand : personne n’imagine que ce sera facile.
Lorsque nous devons concilier nos positions sur le marché de l’énergie, alors que depuis des décennies nous avons développé des stratégies différentes, personne n’imagine que ce sera réglé en un claquement de doigt.
Lorsque nous devons mettre en place des règles communes pour le pacte de stabilité et assurer la solidité de notre monnaie unique, alors même que nos sensibilités ne sont toujours les mêmes, personne ne pense que cela peut se faire en une fraction de seconde.
Et pourtant, nous le faisons.
Et pourtant, nous avançons.
Et pourtant, nous trouvons des solutions – et j’assume de le dire, des compromis.
Alors à ceux qui aiment à faire penser que ces obstacles pourraient être insurmontables, je dis qu’au contraire, c’est la volonté du Président de la République, sa conviction européenne, que de ne jamais baisser les bras, de toujours remettre l’ouvrage sur le métier, de toujours chercher à avancer.
Et en tant que chef du Gouvernement, avec mes ministres, mon rôle, mon engagement, c’est toujours de suivre ce cap. C’est d’agir toujours en bâtisseur et de donner corps à notre relation franco-allemande.
Ce message, c’est celui que j’adresserai tout à l’heure au Chancelier SCHOLZ.
Ce message, c’est celui que portent, je le sais, tous vos élus.
Mesdames et Messieurs les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, Mesdames et Messieurs les conseillers des Français de l’étranger, toutes et tous, vous jouez un rôle précieux pour faire entendre les aspirations de nos compatriotes installés à l’étranger, installés ici en Allemagne. Vous êtes aussi des aiguillons pour rappeler la force et la profondeur de la relation franco-allemande.
Je voudrais également avoir un mot pour votre député, Frédéric PETIT, qui ne pouvait malheureusement pas être présent aujourd’hui, mais dont je connais la détermination à agir au service des Français d’Allemagne.
Ce message de détermination, c’est aussi celui de l’ensemble des services de l’Etat ici : votre ambassadeur, les consuls généraux et tous les services de l’Ambassade et des Consulats de France en Allemagne.
Leur travail est absolument remarquable et précieux pour notre pays.
Cette envie d’agir en commun, enfin, vous l’incarnez, vous le faites vivre.
Chacun de vous participe à renforcer le lien qui unit nos pays.
Chacun de vous est un visage de l’amitié franco-allemande.
La force de cette relation particulière entre nos deux pays, ce ne sont pas seulement les liens d’Etat à Etat : c’est la multiplicité, la profondeur, la densité de ces relations entre sociétés civiles, associations, collectivités, écoles, universités, entreprises…
Ce sont ces échanges culturels et l’apprentissage de nos deux langues, que nous devons continuer à entretenir.
J’ai eu l’occasion, il y a encore quelques mois, en tant que ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, de développer une feuille de route pour renforcer l’apprentissage de la langue du partenaire.
J’ai aussi eu l’occasion de voir et de mesurer, il y a quelques années, en tant que secrétaire d’Etat à la Jeunesse, le rôle absolument fondamental de l’OFAJ pour le lien entre nos deux pays.
Vous êtes plus de 180 000 à vivre en Allemagne, dont près de 30 000 ici, à Berlin, dans cette ville qui incarne à elle seule nos idéaux de liberté et d’unité européenne.
Une communauté qui ne cesse de grandir.
Une communauté jeune, où se côtoient des familles et des étudiants ; des entrepreneurs et des fonctionnaires ; des femmes et des hommes engagés dans des associations, engagés au service de la cité ; des personnes de toutes les passions et de tous les horizons.
Ma conviction, c’est que cette diversité est une très grande force.
Par votre présence et votre engagement, vous nouez des liens absolument déterminants.
Vous aidez à construire une économie européenne forte, innovante.
Vous faites résonner notre exception culturelle de ce côté du Rhin.
Vous faites vivre la francophonie et montrez le plus beau visage de la France.
Je veux vous en remercier. Nous avons besoin de vous. Dans tous les défis à venir, vous avez votre rôle à jouer.
En 2024, nous porterons haut l’amitié franco-allemande.
Nous le ferons, grâce à vous, grâce aux échanges et grâce au travail commun à venir entre nos deux Nations.
Le Président de la République se rendra, d’ailleurs, cette année, en Allemagne pour une visite d’Etat – la première visite d’Etat depuis celle de Jacques CHIRAC en l’an 2000.
Nous porterons haut l’amitié franco-allemande, en continuant à fortifier les liens entre nos deux pays et notamment entre la France et l’Est de l’Allemagne. C’est une de nos ambitions fortes et nous devons continuer à la déployer.
Nous porterons haut l’amitié franco-allemande, sous le signe du sport. Car entre l’Euro de football en Allemagne et les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, le sport mondial vibrera cet été dans nos deux pays.
Chères Françaises et chers Français d’Allemagne,
La France et l’Allemagne sont deux Nations alliées, amies.
Nous avons construit la paix ensemble.
Nous avons noué des liens solides, capables, je le crois très profondément, de résister à tous les défis.
Nous sommes le cœur battant de l’Europe.
Aujourd’hui, l’amitié franco-allemande, c’est le lien entre nos Gouvernements, bien sûr – et ma rencontre avec le Chancelier SCHOLZ le montre.
L’amitié franco-allemande, c’est cette enseignante qui apprend le Français à un jeune allemand. C’est cet étudiant qui vient passer une année ou une scolarité toute entière dans une université outre-rhin.
C’est cet artiste qui se lance dans une création, ici, à Berlin.
C’est ce groupe d’entrepreneurs qui décide de venir ici pour innover pour le climat.
Chacune et chacun vous forgez le lien qui unit nos pays.
Nous avons besoin de vous. Nous serons toujours là pour vous. Là pour faire vivre la coopération entre la France et l’Allemagne.
Vive la République ! Vive la France !
Vive l’amitié franco-allemande !
Discours devant la communauté française à Berlin