Mesdames et Messieurs les députés,
Malgré le chaos de ces derniers jours, et encore avec
cette motion de censure, nous assistons à une forme de clarification.
La motion de censure a été déposée par un groupe dont
le silence a été assourdissant tout au long des débats, et dont les votes ne
disent rien d’autre que l’opportunisme de chaque instant.
Elle intervient, par ailleurs, après 15 jours
d’agitation permanente, de volonté
farouche des députés de La France Insoumise d’empêcher l’examen du texte.
Au fond, ces deux populismes se répondent : ce sont
deux visages du mépris de la démocratie.
Avec cette motion de censure, le Rassemblement
national montre sa vraie nature et le vide de son projet.
Après deux semaines de mutisme dans l’hémicycle,
l’extrême droite s’est enfin réveillée.
Naturellement pas, pour faire des propositions.
Évidemment pas, pour sauver notre système de
retraite. Surtout pas, pour faire avancer le pays.
Mais pour une manœuvre grossière, qui visait
uniquement à obtenir votre brevet de meilleur opposant.
Qu’importe le fond, tant que le coup tactique est bon
!
Le Rassemblement national attend sagement, tapi dans
l’ombre, pour voir où le vent tourne.
Et à la 25ème heure, il surgit, pour se remettre au
centre du jeu médiatique, mais toujours pas dans le débat démocratique.
Madame la Présidente LE PEN,
Vous avez présenté, dans une brève conférence de
presse, un projet alibi.
Vous ne prenez même pas la peine de le reprendre dans
votre motion de censure, sans doute, car la vacuité de telles propositions
apparaît encore plus nettement à l’écrit.
Âge légal à 60 ans, passant progressivement à 62 ans,
et le tour serait joué.
Avec des dépenses massives, vous creusez le déficit,
d’un système déjà déficitaire.
Vous ne ferez croire à personne que la fin de l’aide
médicale d’État, matinée d’argent magique,
pourrait couvrir un millième de toutes vos dépenses.
Vos mensonges sont un mépris pour les Français.
Au nom de quelle légitimité pourriez-vous prétendre
être leur unique porte-parole ?
Vous ne pouvez pas prétendre lutter contre les
injustices, en votant contre la fin des régimes spéciaux et contre la mise en
place d’un index pour favoriser l’emploi des seniors.
La réalité, c’est que vous n’avez ni projet social,
ni solutions pour nos compatriotes.
Vous dressez un écran de fumée, qui se veut le gage
de votre respectabilité.
Vous avancez masqués, refusant de participer au
débat.
Vous espérez que la discussion va abîmer un peu plus
l’image que nos concitoyens se font de nos Institutions.
Vous attendez que le débat se soit tenu pour
attaquer, manipuler, récupérer.
j’ai cherché dans votre motion de censure des
propositions nouvelles, peut-être des
explications de financement.
Mais le texte de votre motion de censure est aussi
substantiel que votre contribution au débat de ces derniers jours.
Il est aussi soucieux de vérité, que votre rapport à
l’Histoire. Il est aussi rigoureux, que
votre rapport aux faits.
Dans votre motion de censure, la seule chose que vous
nous dites, c’est que le Gouvernement n’aurait pas laissé le temps nécessaire
pour l’examen du texte.
Dans vos propos, vous nous proposez simultanément de
ne pas écouter et de faire évoluer notre projet.
Les faits sont têtus, ils sont contre vous, mais
puisque vous le souhaitez, comparons le temps prévu pour ce débat, avec celui
des deux précédentes réformes des retraites.
Nous avons prévu plus de jours de débats, que lors
des réformes d’Éric WOERTH en 2010 et de Marisol TOURAINE en 2014.
21 séances se sont tenues pour examiner ce texte,
c’était seulement 15 en 2010 et 13 en 2014.
Votre assemblée a consacré précisément 73h30 à
examiner ce texte, c’est 8 heures de plus qu’en 2010, et pratiquement 30 heures
de plus que pour la réforme TOURAINE.
La réalité est là : le Gouvernement a laissé plus de
temps au débat que lors des précédentes réformes.
Mesdames et Messieurs les députés,
Mais alors, comment se fait-il que nous n’ayons même
pas atteint l’article 3 ?
764 amendements en 2010, 3 120 en 2014, et plus de 20
000 amendements sur ce texte. C’est 6
fois plus que pour la réforme TOURAINE, 27 fois plus que pour la réforme
WOERTH, alors même que ces textes comportaient 3 fois plus d’articles que notre
projet.
Cette motion de censure, c’est aussi l’occasion pour
la NUPES, de mesurer les conséquences de son attitude dans l’hémicycle.
Nous étions prêts à discuter de toutes les
propositions.
Prêts à débattre d’idées.
Prêts et résolus, à aller au bout de l’examen du
texte et le temps parlementaire prévu le permettait.
Mais, Mesdames et Messieurs les députés de la NUPES,
vous en avez décidé autrement, en multipliant les amendements.
Puis, pris au piège par la manœuvre du Rassemblement
national, vous avez hésité, commencé à retirer des amendements, mais trop peu,
et trop tard, pour permettre d’arriver ne serait-ce qu’au cœur de ce
texte.
Il est vrai que vous avanciez en ordre dispersé.
Dans un des oracles Twitter, dont il a le secret, le
cher leader de La France Insoumise, s’en est pris, une fois de plus, aux
communistes, en leur reprochant de renoncer à leurs amendements.
A cette brimade, il a ajouté un aveu saisissant.
Dans un rare éclair de lucidité, Jean-Luc MELENCHON a
rappelé à la NUPES, ce qu’elle devait éviter à tous prix : le vote !
Il reconnaît ainsi, ce que vous peinez à comprendre :
vous n’avez pas de majorité sur ces bancs !
Alors, je vois bien les contorsions de La France
Insoumise, qui tente de rejeter la responsabilité de cet examen incomplet sur
le Gouvernement, tâtonnant pour prouver l’impossible.
Bien sûr, votre droit d’amendement est total, mais
vous l’avez dévoyé !
Pour vous, ce n’est pas l’expression du débat, mais
une arme de blocage !
Pour vous, le fond des amendements importe peu,
pourvu qu’ils soient nombreux, racoleurs, outranciers.
Quand j’ai vu certains vouloir renommer l’index
senior, « feuille de salade », Je me
suis dit : quel mépris !
Quel mépris pour le travail parlementaire !
Quel mépris pour l’emploi des seniors !
Quelle tristesse, enfin, pour la gauche, passée sur
ces bancs de l’éloquence de JAURES, à la « feuille
de salade » de Sandrine ROUSSEAU !
En réalité, vous utilisez les amendements pour
manipuler le temps des débats.
Vous vous moquez qu’ils contribuent à la discussion et
c’est pourquoi vous pouvez en retirer des centaines, en quelques secondes.
Vous êtes libres d’amender autant que vous le
souhaitez.
Mais assumez les conséquences de vos actes.
Assumez les conséquences de votre stratégie : c’est
vous, et vous seuls, qui avez choisi d’empêcher le débat.
Votre seul et unique objectif, c’est d’enlever toute
légitimité au Parlement.
Vous aviez déclaré vouloir le chaos dans
l’hémicycle.
Vous l’avez bien démontré ces dernières semaines, car
fondamentalement, vous ne croyez pas à la démocratie !
Vous la minez en la transformant en cirque !
Mesdames et Messieurs les députés de la NUPES,
En plus d’empêcher le débat, certains parmi vous, en
particulier sur les bancs de La France Insoumise, ont choisi de salir la
démocratie parlementaire.
Vous avez multiplié les injures, les outrances, les
menaces.
Nous voulions débattre projet contre projet, vous
avez choisi d’enchaîner insultes sur insultes.
Les Français nous ont élus pour travailler, pour
débattre, pas pour faire de cet hémicycle une foire d’empoigne !
Pourtant, il est possible de s’opposer sans insulte.
Une députée issue de vos rangs, affirmait aujourd’hui
même, et je la cite : que « le niveau de radicalité ne se mesurait pas à
l’inflation des invectives » et elle vous appelait collectivement à ne pas
tomber dans la caricature.
J’espère qu’elle sera entendue pour les prochains
débats.
Mesdames et Messieurs les députés,
Quand la NUPES hurlait, quand les députés du
Rassemblement national se cachaient, la majorité, elle, travaillait !
Je veux ici avoir un mot pour la présidente de la
commission des Affaires sociales, pour la rapporteure générale et pour tous les
députés de la majorité, qui ont défendu, non seulement un projet de loi, mais
aussi la dignité en politique.
Je veux saluer l’engagement du ministre du Travail,
Olivier DUSSOPT, et à ses côtés celui de Gabriel ATTAL et de Franck RIESTER.
Je regrette d’autant plus, que nous n’ayons pas pu
débattre, que les trois groupes de la majorité avaient proposé des amendements
utiles, que nous souhaitions intégrer au projet de loi :
-
pour permettre aux enseignants du premier degré
de partir dès lors qu’ils ont atteint l’âge légal, sans attendre la fin de
l’année scolaire ;
-
pour faciliter le rachat de trimestres pour les
périodes de stage, d’apprentissage ou d’études supérieures ;
-
pour valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers
volontaires et des sportifs de haut niveau ;
-
pour améliorer les droits familiaux en étendant
aux professions libérales la majoration de 10% de la pension au 3ème enfant ;
-
pour nous engager dans la suppression des écarts
de pension entre les femmes et les hommes ;
-
pour compléter les mesures de revalorisations
pour les pensions agricoles et les retraites à Mayotte ;
-
pour faire évoluer le dispositif « carrière
longue » et protéger davantage ceux qui ont commencé à travailler tôt.
Il s’agissait d’autant d’améliorations du texte,
d’autant de mesures utiles, justes, concrètes, portées par les trois groupes de
la majorité.
Des mesures partagées pour certaines, par les députés
Les Républicains.
Je comprends votre frustration de ne pas avoir pu en
débattre. Je la partage.
Nous ne laisserons pas ces préoccupations sans
lendemain.
Nous veillerons à ce que ces amendements soient
portés dans les débats au Sénat.
Mesdames et Messieurs les députés,
Que retiendrons-nous de ces deux semaines de débat
?
D’abord, que nous avions le temps d’examiner le texte
intégralement, que nous avions même plus de temps que lors des précédentes
réformes des retraites.
Nous verrons aussi que la majorité avait travaillé,
qu’elle était prête à débattre et qu’elle l’a souhaité jusqu’au bout.
Nous verrons encore que le Gouvernement avait fait
évoluer son projet et construit des compromis avec les députés prêts à œuvrer
pour l’avenir de nos retraites.
Mais, malheureusement, je crains que l’on retienne
l’attitude de la NUPES, qui a empêché la discussion par tous moyens.
C’est délétère,et c’est une lourde déception pour
celles et ceux qui attendaient ce débat.
Ils vous demandaient de discuter au moins de
l’article 7.
Vous leur avez refusé. Alors, ne prétendez pas parler
en leur nom !
Enfin, de ces débats, nous retiendrons la posture du
Rassemblement national, qui a préféré se taire pendant des semaines et tout
miser sur un coup d’éclat final.
Mesdames et Messieurs les députés,
Entre ceux qui ont tourné le dos aux travailleurs et
ceux qui ne croient qu’aux coups de communication,
Entre ceux qui ont empêché le débat et ceux qui n’ont
rien proposé,
Nous avons observé pendant quinze jours, deux faces
d’un même mépris de la démocratie.
Mesdames et Messieurs les députés,
Si ce soir s’est achevé le délai fixé par la
Constitution, pour l’examen en première lecture de ce projet de loi devant
cette Assemblée, le débat autour de ce texte n’est pas fini.
Dans les prochaines semaines, nous pourrons continuer
à l’enrichir, en tenant compte des idées de tous ceux qui sont prêts à
travailler avec nous, qui veulent, comme nous, assurer l’avenir de notre
système de retraite par répartition.
Télécharger le discours de la Première ministre Élisabeth Borne