Discours de la Première ministre Élisabeth Borne - Réponse à une motion de censure

Ce contenu a été publié sous le gouvernement de la Première ministre, Élisabeth Borne.

Publié le 20/02/2023

Madame la Présidente, 
Mesdames et Messieurs les députés, 
Malgré le chaos de ces derniers jours, et encore avec cette motion de censure, nous assistons à une forme de clarification.
La motion de censure a été déposée par un groupe dont le silence a été assourdissant tout au long des débats, et dont les votes ne disent rien d’autre que l’opportunisme de chaque instant. 
Elle intervient, par ailleurs, après 15 jours d’agitation permanente,  de volonté farouche des députés de La France Insoumise d’empêcher l’examen du texte.
Au fond, ces deux populismes se répondent : ce sont deux visages du mépris de la démocratie. 
Avec cette motion de censure, le Rassemblement national montre sa vraie nature et le vide de son projet. 
Après deux semaines de mutisme dans l’hémicycle, l’extrême droite s’est enfin réveillée. 
Naturellement pas, pour faire des propositions. 
Évidemment pas, pour sauver notre système de retraite. Surtout pas, pour faire avancer le pays. 
Mais pour une manœuvre grossière, qui visait uniquement à obtenir votre brevet de meilleur opposant. 
Qu’importe le fond, tant que le coup tactique est bon !
Le Rassemblement national attend sagement, tapi dans l’ombre, pour voir où le vent tourne. 
Et à la 25ème heure, il surgit, pour se remettre au centre du jeu médiatique, mais toujours pas dans le débat démocratique. 
Madame la Présidente LE PEN, 
Vous avez présenté, dans une brève conférence de presse, un projet alibi. 
Vous ne prenez même pas la peine de le reprendre dans votre motion de censure, sans doute, car la vacuité de telles propositions apparaît encore plus nettement à l’écrit. 
Âge légal à 60 ans, passant progressivement à 62 ans, et le tour serait joué. 
Avec des dépenses massives, vous creusez le déficit, d’un système déjà déficitaire. 
Vous ne ferez croire à personne que la fin de l’aide médicale d’État, matinée d’argent magique,  pourrait couvrir un millième de toutes vos dépenses. 
Madame LE PEN, 
Vos mensonges sont un mépris pour les Français. 
Au nom de quelle légitimité pourriez-vous prétendre être leur unique porte-parole ?
Vous ne pouvez pas prétendre lutter contre les injustices, en votant contre la fin des régimes spéciaux et contre la mise en place d’un index pour favoriser l’emploi des seniors.
La réalité, c’est que vous n’avez ni projet social, ni solutions pour nos compatriotes. 
Vous dressez un écran de fumée, qui se veut le gage de votre respectabilité. 
Vous avancez masqués, refusant de participer au débat. 
Vous espérez que la discussion va abîmer un peu plus l’image que nos concitoyens se font de nos Institutions. 
Vous attendez que le débat se soit tenu pour attaquer, manipuler, récupérer. 
Madame LE PEN, 
j’ai cherché dans votre motion de censure des propositions nouvelles,  peut-être des explications de financement.
Mais le texte de votre motion de censure est aussi substantiel que votre contribution au débat de ces derniers jours. 
Il est aussi soucieux de vérité, que votre rapport à l’Histoire.  Il est aussi rigoureux, que votre rapport aux faits.    
Dans votre motion de censure, la seule chose que vous nous dites, c’est que le Gouvernement n’aurait pas laissé le temps nécessaire pour l’examen du texte. 
Dans vos propos, vous nous proposez simultanément de ne pas écouter et de faire évoluer notre projet.
Les faits sont têtus, ils sont contre vous, mais puisque vous le souhaitez, comparons le temps prévu pour ce débat, avec celui des deux précédentes réformes des retraites.
Nous avons prévu plus de jours de débats, que lors des réformes d’Éric WOERTH en 2010 et de Marisol TOURAINE en 2014.
21 séances se sont tenues pour examiner ce texte, c’était seulement 15 en 2010 et 13 en 2014. 
Votre assemblée a consacré précisément 73h30 à examiner ce texte, c’est 8 heures de plus qu’en 2010, et pratiquement 30 heures de plus que pour la réforme TOURAINE. 
La réalité est là : le Gouvernement a laissé plus de temps au débat que lors des précédentes réformes. 
*
Mesdames et Messieurs les députés, 
Mais alors, comment se fait-il que nous n’ayons même pas atteint l’article 3 ? 
La raison est simple : 
764 amendements en 2010, 3 120 en 2014, et plus de 20 000 amendements sur ce texte.  C’est 6 fois plus que pour la réforme TOURAINE, 27 fois plus que pour la réforme WOERTH, alors même que ces textes comportaient 3 fois plus d’articles que notre projet. 
Cette motion de censure, c’est aussi l’occasion pour la NUPES, de mesurer les conséquences de son attitude dans l’hémicycle. 
Nous étions prêts à discuter de toutes les propositions.
Prêts à débattre d’idées. 
Prêts et résolus, à aller au bout de l’examen du texte et le temps parlementaire prévu le permettait. 
Mais, Mesdames et Messieurs les députés de la NUPES, vous en avez décidé autrement, en multipliant les amendements. 
Puis, pris au piège par la manœuvre du Rassemblement national, vous avez hésité, commencé à retirer des amendements, mais trop peu, et trop tard, pour permettre d’arriver ne serait-ce qu’au cœur de ce texte.  
Il est vrai que vous avanciez en ordre dispersé. 
Dans un des oracles Twitter, dont il a le secret, le cher leader de La France Insoumise, s’en est pris, une fois de plus, aux communistes, en leur reprochant de renoncer à leurs amendements. 
A cette brimade, il a ajouté un aveu saisissant. 
Dans un rare éclair de lucidité, Jean-Luc MELENCHON a rappelé à la NUPES, ce qu’elle devait éviter à tous prix : le vote ! 
Il reconnaît ainsi, ce que vous peinez à comprendre : vous n’avez pas de majorité sur ces bancs !
Alors, je vois bien les contorsions de La France Insoumise, qui tente de rejeter la responsabilité de cet examen incomplet sur le Gouvernement, tâtonnant pour prouver l’impossible. 
Bien sûr, votre droit d’amendement est total, mais vous l’avez dévoyé !
Pour vous, ce n’est pas l’expression du débat, mais une arme de blocage !
Pour vous, le fond des amendements importe peu, pourvu qu’ils soient nombreux, racoleurs, outranciers. 
Quand j’ai vu certains vouloir renommer l’index senior, « feuille de salade »,  Je me suis dit : quel mépris !
Quel mépris pour le travail parlementaire !
Quel mépris pour l’emploi des seniors !
Quelle tristesse, enfin, pour la gauche, passée sur ces bancs de l’éloquence de JAURES, à la « feuille de salade » de Sandrine ROUSSEAU !
En réalité, vous utilisez les amendements pour manipuler le temps des débats. 
Vous vous moquez qu’ils contribuent à la discussion et c’est pourquoi vous pouvez en retirer des centaines, en quelques secondes.
Vous êtes libres d’amender autant que vous le souhaitez. 
Mais assumez les conséquences de vos actes. 
Assumez les conséquences de votre stratégie : c’est vous, et vous seuls, qui avez choisi d’empêcher le débat. 
Votre seul et unique objectif, c’est d’enlever toute légitimité au Parlement. 
Vous aviez déclaré vouloir le chaos dans l’hémicycle. 
Vous l’avez bien démontré ces dernières semaines, car fondamentalement, vous ne croyez pas à la démocratie !
Vous la minez en la transformant en cirque !
Mesdames et Messieurs les députés de la NUPES,
En plus d’empêcher le débat, certains parmi vous, en particulier sur les bancs de La France Insoumise, ont choisi de salir la démocratie parlementaire. 
Vous avez multiplié les injures, les outrances, les menaces. 
Nous voulions débattre projet contre projet, vous avez choisi d’enchaîner insultes sur insultes. 
Les Français nous ont élus pour travailler, pour débattre, pas pour faire de cet hémicycle une foire d’empoigne !
Pourtant, il est possible de s’opposer sans insulte.
Une députée issue de vos rangs, affirmait aujourd’hui même,  et je la cite : que « le niveau de radicalité ne se mesurait pas à l’inflation des invectives » et elle vous appelait collectivement à ne pas tomber dans la caricature. 
J’espère qu’elle sera entendue pour les prochains débats. 
*
Mesdames et Messieurs les députés, 
Quand la NUPES hurlait, quand les députés du Rassemblement national se cachaient, la majorité, elle, travaillait !
Je veux ici avoir un mot pour la présidente de la commission des Affaires sociales, pour la rapporteure générale et pour tous les députés de la majorité, qui ont défendu, non seulement un projet de loi, mais aussi la dignité en politique. 
Je veux saluer l’engagement du ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, et à ses côtés celui de Gabriel ATTAL et de Franck RIESTER.
Mesdames et Messieurs, 
Je regrette d’autant plus, que nous n’ayons pas pu débattre, que les trois groupes de la majorité avaient proposé des amendements utiles, que nous souhaitions intégrer au projet de loi :
-          pour permettre aux enseignants du premier degré de partir dès lors qu’ils ont atteint l’âge légal, sans attendre la fin de l’année scolaire ;
-          pour faciliter le rachat de trimestres pour les périodes de stage, d’apprentissage ou d’études supérieures ;
-          pour valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et des sportifs de haut niveau ;
-          pour améliorer les droits familiaux en étendant aux professions libérales la majoration de 10% de la pension au 3ème enfant ;
-          pour nous engager dans la suppression des écarts de pension entre les femmes et les hommes ;
-          pour compléter les mesures de revalorisations pour les pensions agricoles et les retraites à Mayotte ; 
-          pour faire évoluer le dispositif « carrière longue » et protéger davantage ceux qui ont commencé à travailler tôt. 
Il s’agissait d’autant d’améliorations du texte, d’autant de mesures utiles, justes, concrètes, portées par les trois groupes de la majorité. 
Des mesures partagées pour certaines, par les députés Les Républicains. 
Je comprends votre frustration de ne pas avoir pu en débattre. Je la partage. 
Nous ne laisserons pas ces préoccupations sans lendemain. 
Nous veillerons à ce que ces amendements soient portés dans les débats au Sénat. 
*
Mesdames et Messieurs les députés, 
Que retiendrons-nous de ces deux semaines de débat ? 
D’abord, que nous avions le temps d’examiner le texte intégralement, que nous avions même plus de temps que lors des précédentes réformes des retraites. 
Nous verrons aussi que la majorité avait travaillé, qu’elle était prête à débattre et qu’elle l’a souhaité jusqu’au bout. 
Nous verrons encore que le Gouvernement avait fait évoluer son projet et construit des compromis avec les députés prêts à œuvrer pour l’avenir de nos retraites. 
Mais, malheureusement, je crains que l’on retienne l’attitude de la NUPES, qui a empêché la discussion par tous moyens. 
C’est délétère,et c’est une lourde déception pour celles et ceux qui attendaient ce débat. 
Ils vous demandaient de discuter au moins de l’article 7.
Vous leur avez refusé. Alors, ne prétendez pas parler en leur nom !
Enfin, de ces débats, nous retiendrons la posture du Rassemblement national, qui a préféré se taire pendant des semaines et tout miser sur un coup d’éclat final. 
Mesdames et Messieurs les députés, 
Entre ceux qui ont tourné le dos aux travailleurs et ceux qui ne croient qu’aux coups de communication, 
Entre ceux qui ont empêché le débat et ceux qui n’ont rien proposé, 
Nous avons observé pendant quinze jours, deux faces d’un même mépris de la démocratie.
*
Mesdames et Messieurs les députés, 
Si ce soir s’est achevé le délai fixé par la Constitution, pour l’examen en première lecture de ce projet de loi devant cette Assemblée, le débat autour de ce texte n’est pas fini. 
Dans les prochaines semaines, nous pourrons continuer à l’enrichir, en tenant compte des idées de tous ceux qui sont prêts à travailler avec nous, qui veulent, comme nous, assurer l’avenir de notre système de retraite par répartition.  
Je vous remercie. 

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