Mesdames et Monsieur les
ministres,
Madame l’adjointe à la maire de
Paris chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche,
Monsieur le recteur de Paris,
Monsieur le président du
CNRS,
Madame l’administratrice générale
du Conservatoire national des Arts et Métiers,
Madame et Monsieur
JOLIOT-CURIE,
Chères Bérangère DUBRULLE,
Céline BELLARD, Nina HADIS AMINI,
et Marjorie CAVARROC-WEIMER,
« Dans la vie, rien
n’est à craindre, tout est à comprendre ».
Cette phrase, on la prête à Marie CURIE.
Et aujourd’hui, alors que nous
célébrons les femmes scientifiques, je crois qu’elle nous rassemble.
Parmi les clichés les plus
coriaces, se trouve l’idée que les sciences ne seraient pas faites pour les
femmes.
Bien des caricatures sexistes
sous-tendent cette idée.
Mais à force d’être répétée, elle
a trop souvent fini par être acceptée.
Pourtant, je le crois, « rien n’est à craindre » – surtout pas
les sciences. « Tout est à comprendre
», et nous n’y parviendrons pas en nous privant de la moitié des talents de
l’Humanité.
Car si l’on regarde derrière
nous, c’est à une femme, Émilie du CHATELET, que nous devons la diffusion des
théories de Newton, et une meilleure compréhension de l’énergie cinétique.
C’est à une femme, Ada LOVELACE,
que l’on doit les prémisses de l’informatique, et sans doute les premières
lignes de code.
C’est une femme, Marie CURIE, qui
a découvert la radioactivité, et une autre, sa fille, Irène JOLIOT-CURIE, qui
nous a permis de mieux la comprendre et la maîtriser.
C’est encore à une femme, Rosalind
FRANKLIN, que l’on doit la compréhension de la structure de l’ADN.
Une découverte qui ne lui a été
attribuée que tardivement, ses travaux ayant été spoliés,
dans un temps pas si lointain, où
certains hommes aimaient à récolter les lauriers du travail féminin.
Je n’ai cité que 5 noms, mais
cette liste pourrait être bien plus longue.
Car les découvertes des femmes
scientifiques ont changé la face du monde.
Et grâce à elle, la médecine, la
physique, la chimie, les mathématiques, l’informatique ont été bouleversées,
révolutionnées.
Aujourd’hui, si nous sommes
réunis, c’est aussi grâce à toutes ces femmes.
Elles ont montré l’exemple, brisé
des plafonds de verre et ouvert la voie.
Vous le savez, Mesdames, vous,
dont les noms rejoignent ceux de ces grandes scientifiques.
Toutes quatre, vous portez haut
les couleurs de la science et de la recherche française.
Et par la diversité de vos
parcours, et de vos domaines de recherche, vous montrez à toutes les jeunes
filles, que tous les succès scientifiques leur sont accessibles.
Vous recevez aujourd’hui le prix
de la femme scientifique de l’année.
Vous racontez que votre vocation
est née en découvrant, dans un livre d’histoire, des photos de Louis PASTEUR et
de Marie CURIE.
Et comme elle et lui, par votre
travail, vous mettez la science au service du progrès.
Directrice de recherche au CNRS,
vous travaillez aux frontières des mathématiques et de la physique, appliqués
notamment au climat.
Vos travaux portent en
particulier sur les mécanismes de turbulence, que l’on pourrait simplifier à
l’extrême en parlant de l’étude des « tourbillons ».
C’est un phénomène physique
particulièrement complexe, identifié dès Léonard de VINCI, mais dont la
compréhension n’avait pratiquement pas avancé pendant plusieurs siècles.
C’est donc presque directement
dans les pas de Léonard de VINCI, que vous marchez.
Et comme les savants de la
Renaissance, vos recherches nourrissent la compréhension du monde dans de
nombreux domaines, allant de la mécanique des fluides à la météorologie, en
passant par l’étude de la formation des systèmes solaires.
Au cours de votre carrière, vous
réalisez plus de 180 publications, ce qui vous vaut la reconnaissance de vos
pairs, et de nombreuses récompenses, nationales et internationales, jusqu’à ce
prix Joliot-Curie.
Vous recevrez dans quelques
instants, le prix spécial de l’engagement.
Votre parcours est un exemple. Il
montre qu’aucun destin n’est tracé à l’avance.
Fille d’ouvriers, vous avez été
formée à l’université, où vous découvrez la recherche.
Très tôt, vous décidez que le
combat écologique serait celui de votre vie.
Aujourd’hui, nous vous devons une meilleure compréhension de l’effet du
dérèglement climatique sur la biodiversité.
Vous êtes la lauréate du prix de
la jeune femme scientifique.
Vous développez des méthodes de
contrôle pour les ordinateurs quantiques de demain.
Dans un milieu du numérique
encore largement masculin, vous vous faites un nom et une place.
Et par vos travaux, vous
contribuez à notre souveraineté industrielle et technologique.
Marjorie CAVARROC-WEIMER,
C’est le prix « femme, recherche
et entreprise », que vous recevez cet aprèsmidi.
C’est au sein du groupe SAFRAN,
que vous exercez, au profit d’un des fleurons industriels français.
Désignée « Ingénieure de l’année
» en 2010, vous avez mis votre succès et la reconnaissance de votre talent, au
service de l’égalité des chances.
Vous faites en sorte que les
carrières des femmes soient reconnues et que toutes les jeunes filles, aient
accès aux mêmes opportunités que vous.
Je suis fière de voir vos
parcours mis à l’honneur.
Par votre travail et votre
talent, vous vous êtes frayé un chemin dans un monde d’hommes.
Vous êtes parvenues à surmonter
des obstacles que vos collègues masculins ne rencontreront jamais.
Vous avez connu, peut-être, comme
tant d’autres les présomptions d’incompétence ou les doutes sur votre capacité
à mener de front carrière et vie personnelle.
Je suis une scientifique.
Je suis entourée, dans mon
Gouvernement, de plusieurs femmes qui ont choisi les sciences.
Je suis heureuse d’en voir
certaines présentes ici. C’est la preuve de notre engagement collectif.
Et je veux ici, bien sûr, saluer
particulièrement la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche,
Sylvie RETAILLEAU – elle-même physicienne.
Ces expériences, ces préjugés,
tout comme vous, nous les connaissons.
Mais ils ne doivent jamais nous
pousser à renoncer.
Ils doivent, au contraire,
renforcer notre détermination et notre envie de changer les mentalités.
Nous nous retrouvons face à des
défis immenses.
La transition écologique et
énergétique, la réindustrialisation de notre pays, la révolution numérique, qui
continue et s’accélère, notamment avec l’intelligence artificielle.
Tous ces bouleversements
surviennent en même temps.
Ils imposent des changements
majeurs, dans nos manières de vivre, de produire, de penser.
Ils imposent de miser sur
l’innovation et le développement de technologies nouvelles.
Pour y arriver, nous avons besoin
d’ingénieurs, de chercheurs.
Nous avons besoin de tous les
talents et de toutes les imaginations.
Nous avons besoin de mixité.
Pour construire le futur, la
science a besoin de femmes.
Pour prolonger la phrase célèbre
de Pierre MENDES-FRANCE : « La République
a besoin de savantes. »
Bien sûr, depuis quelques
décennies, les choses se sont améliorées.
Certaines professions
scientifiques se sont largement féminisées, je pense à la médecine ou aux
sciences de la vie.
Ce sont des étapes importantes,
mais il fallait aller plus loin.
Aucune discipline, aucun domaine
n’est la chasse gardée des hommes.
L’avenir des mathématiques, de
l’informatique, de la physique est aussi bien féminin que masculin.
Le Président de la République a
fait de l’égalité entre les femmes et les hommes, la grande cause de ses deux
quinquennats.
C’est un combat que nous devons
porter jusqu’aux sciences, en attaquant, d’abord, les inégalités à la
racine.
En Terminale, trois quarts des
garçons suivent un enseignement de mathématiques, mais seulement la moitié des
lycéennes.
A l’université, les femmes
représentent 60% des étudiants, mais seulement 31% en sciences
fondamentales.
Toutes formations confondues, la
part des femmes diplômées d’un titre d’ingénieur en 2020 est seulement de 28%.
Nous allons redoubler d’effort,
dans le primaire et dans le secondaire, pour veiller à la mixité des
filières.
Comme le ministre de l’Éducation
nationale, Pap NDIAYE, l’a annoncé, nous visons la parité d’ici 2027 dans les
spécialités mathématiques, physique-chimie ou mathématiques expertes.
Nous voulons nous assurer, aussi,
que chaque élève dispose d’un bagage scientifique suffisant. C’est pourquoi
nous avons réintroduit les mathématiques obligatoires en classe de
première.
Je crois à la force de
l’exemple.
C’est pourquoi nous allons
favoriser les rencontres avec des professionnels, dès le collège.
C’est ainsi que des vocations
pourront naître, chez les jeunes femmes – comme chez les jeunes hommes.
Je veux également ici saluer le
travail d’associations comme Femmes et Sciences, Femmes et mathématiques,
Animath, ou tant d’autres qui interviennent dans des lycées et poussent les
femmes à oser s’engager dans des filières scientifiques.
Enfin, nous devons réussir le défi
de l’orientation.
C’est bien à ce moment que les
stéréotypes peuvent casser une vocation.
Le renforcement de l’orientation vers les voies scientifiques pour les
jeunes femmes, est un de nos axes de travail.
Il y a quelques instants, j’ai eu
l’occasion de parler avec des lycéennes.
J’ai entendu leurs doutes, leurs
envies, leurs espoirs.
Je leur ai répété ces mots, que
j’ai prononcé en prenant mes fonctions de Première ministre : « allez au bout de vos rêves ».
Il n’y a pas de métier, pas de
filière d’homme ou de femme.
Il n’y a que votre envie, votre
détermination et votre talent.
A toutes les collégiennes et
lycéennes de France, je veux dire : si vous le voulez, et que vous travaillez,
vous pourrez écrire tous les métiers de la science au féminin.
Vous serez à l’origine des
découvertes qui changeront notre monde.
Vous pourrez trouver les technologies et les innovations, qui
permettront de mener les transitions et surmonter les défis devant nous.
Nous avons besoin de vous.
Rien ne vous est interdit.
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