Facebook Live du 13 février

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 14/02/2018

Facebook Live du Premier ministre en compagnie d'Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Edouard PHILIPPE, Premier ministre
Bonjour à tous, bienvenue pour cette nouvelle édition de Facebook Live. Toutes les semaines j’essaye de répondre aux questions nombreuses que vous posez sur l’action du gouvernement et sur ce que nous sommes en train de faire. Cette semaine c’est une émission un peu particulière puisque ce matin avec Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la Santé, nous sommes allés à l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne pour présenter la réflexion et les pistes sur lesquelles nous nous engagions pour la transformation du système de santé, du système hospitalier et plus généralement du système de santé.
J’ai eu l’occasion donc de visiter l’hôpital, de rencontrer un certain nombre de personnels, de faire un discours et il nous a semblé utile à Agnès BUZYN et à moi-même que ce soir nous puissions répondre à vos questions.
Donc on est partis, posez vos questions sur les commentaires et on va essayer d’y répondre. La première question est posée par…non, d’ailleurs avant que Bloublou pose sa première question, moi je voudrais en poser une peut-être à Agnès BUZYN, qu’elle nous présente, qu’elle nous dise un petit peu le sens de cette réforme, de ce que nous voulons faire.
Agnès BUZYN, Ministre des Solidarités et de la Santé
Le constat sur le système de santé français est partagé, c’est un système qui soigne bien mais qui n’arrive pas à maintenir les gens en très bonne santé parce que nous ne savons pas très bien faire de la prévention. Le deuxième constat qui est clair c’est que tous les Français n’accèdent pas aux soins et il y a une inquiétude aujourd’hui pour savoir comment accéder au système de santé sur les territoires, avec en plus des grandes disparités dans la qualité des soins qui sont donnés sur le territoire, des grandes disparités de pratique. Et le troisième constat c’est que le système de soins est complexe, il est cloisonné, quand on a une maladie un peu compliquée, un peu grave ou plusieurs maladies en même temps le malade doit se débrouiller pour trouver le bon professionnel et le parcours n’est pas très bien organisé, pas très bien coordonné et ça crée de l’anxiété notamment pour les personnes les plus âgées.
Donc on a voulu se mettre à la place des patients français, on a voulu se dire « si je suis malade et si je veux être maintenu en bonne santé comment le système de santé doit répondre à mes attentes ? » Donc notre ligne de conduite repose complètement sur la nécessité de prendre en compte les besoins des patients et on va chercher à améliorer globalement la qualité de notre système de santé.
Edouard PHILIPPE
On va essayer de répondre aux questions précises qui sont posées. La première ne pose pas d’ailleurs une question spécifiquement sur ce qu’on a avancé ce matin, elle est posée par Bloublou qui nous dit, Bloublou, oui, là aussi je pense qu’on n’est pas exactement, à mon avis c’est un pseudonyme : « j’ai entendu dire, nous dit Bloublou - je ne sais pas si c’est il ou elle - que les soins dentaires et autres seraient mieux remboursés, cela me paraît nécessaire effectivement, j’attends de bonnes nouvelles ».
Comme vous le dîtes le président de la République s’est engagé pendant sa campagne à faire en sorte que le reste à charge, c’est-à-dire ce qui reste à payer par les personnes, en matière de soins dentaires, d’optique et d’audioprothèses puisse être égal à zéro. Parce que c’est un fait que ce soit en matière de soins dentaires, d’optique ou d’audioprothèses on a des frais qui sont élevés pour des besoins qui sont importants et ça pose un problème de santé publique, ça pose un problème de confort aussi, de confort de vie, ce n’est pas du tout du luxe, c’est du confort de vie, et donc il nous a semblé utile d’essayer de mettre en place ce dispositif.
On est en train d’y réfléchir, ça ne se discute pas simplement entre l’Etat et les médecins, il faut parler aux mutuelles, aux assureurs, il faut parler à la Sécurité sociale, il faut parler aux professionnels, donc c'est une discussion, un exercice évidemment un peu compliqué. On veut définir des paniers de soins, c'est-à-dire à l'intérieur des soins dentaires ce qui peut relever de cette logique, à l'intérieur de l'optique ce qui peut relever de cette logique, on comprend bien que ça peut valoir le coup d'avoir un reste à charge à zéro pour un certain type de lunettes mais si on veut acheter des lunettes de marque très chères le reste à charge zéro n'a pas beaucoup de sens, en tout cas il a un sens qu'on ne veut pas accepter, et c'est la même chose pour les audioprothèses. Donc c'est une réflexion qui est engagée, normalement on devrait aboutir à l'été 2018, c'est l'objectif qu'on s’est fixé.
Agnès BUZYN
On aboutit à une feuille de route de mise en œuvre de la réforme, l'engagement c'était reste à charge zéro d'ici la fin du quinquennat et selon qu'on s'occupe de l'optique, des soins dentaires ou des audioprothèses on mettra plus ou moins rapidement en œuvre la réforme parce que ça nécessite quand même que toutes les professions se réorganisent autour d'une filière de production par exemple.
Edouard PHILIPPE
Je vais laisser Agnès BUZYN répondre à cette question, Karima nous pose la question suivante : « bonsoir Monsieur le Premier ministre, pourquoi nous imposer 11 vaccins infantiles contenant des poisons et des effets secondaires pouvant être très graves à nos enfants ? »
Moi je pourrais essayer de répondre mais Agnès BUZYN étant outre ministre de la Santé médecin je pense que c’est plus intéressant que ce soit vous qui répondiez.
Agnès BUZYN
Bien entendu si c'était un poison on n’imposerait pas d'injecter un poison à des enfants, donc c'est évidemment faux, c'est ce qui circule sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui il y a un vrai besoin pour améliorer ce qu'on appelle la couverture vaccinale, on a par exemple une forte épidémie de rougeole qui démarre aujourd'hui dans trois régions. Il y a une femme de 32 ans qui est morte hier de la rougeole à Poitiers, elle était en réanimation, elle n’était pas vaccinée et d’ailleurs tous les cas de rougeole aujourd'hui sur le territoire ce sont soit des gens qui n'étaient pas vaccinés pour la grande majorité d'entre eux, soit des gens qui n'avaient reçu qu'une seule dose de vaccin et donc il y a urgence aux familles qui habitent dans ces régions et qui ont des enfants non vaccinés à rattraper le calendrier vaccinal parce que ces épidémies sont potentiellement mortelles pour certaines personnes notamment les plus vulnérables.
Edouard PHILIPPE
C’est un des axes dont la ministre de la Santé a fait sa priorité, sur lequel tout le gouvernement s'est engagé, c'est la question de la prévention. On ne fait pas assez pour la prévention en France, la prévention ce n'est pas là pour ennuyer le monde, c'est simplement un ensemble de pratiques, de politiques publiques, de mesures qui permettent d'éviter de tomber malade, qui permettent d'éviter d'avoir besoin de recourir à des soins. Il se trouve qu'en France on soigne très bien mais on prévient très mal, j'exagère peut-être un peu en disant « très mal » mais en tout cas moins bien que ce qu'on devrait faire.
C’est la raison pour laquelle nous nous engageons sur la question des vaccins, c’est exactement de la prévention, c’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés sur la question du tabac, c’est aussi la raison pour laquelle nous nous sommes engagés sur la question de la sécurité routière, ce qu’on peut faire pour prévenir est toujours mieux que ce qu’on peut faire pour guérir. C'est une formule, elle est importante, je la note.
Céline me pose la question, on me la pose souvent, elle est très bonne : « qu'en est-il de la compensation de la hausse de la CSG pour les fonctionnaires sur la paie de janvier ? Elle travaille à l’hôpital. 5 % de hausse de cotisations en moins sur le salaire et aucune compensation ».
Le principe, ce que nous avons dit, c'est que tous les fonctionnaires seront compensés de la hausse de la CSG. Nous nous y sommes engagés, ce sera tenu. Dans la pratique nous avons voté l'augmentation de la CSG qui s'applique depuis le 1 er janvier, elle a donc été appliquée dès le mois de janvier. Il se trouve que pour certains fonctionnaires, pas pour tous, pour des raisons qui sont liées à la complexité de l'administration dans laquelle je n'entrerai pas mais pour certains fonctionnaires la compensation qui va être apportée n'a pas été apportée en janvier. Pourquoi ? Parce que le logiciel de paie n'était pas adapté ou ne pouvait pas fonctionner de ce point de vue-là dès le mois de janvier. Elle sera donc compensée et rétroactivement depuis le mois de janvier en février. Je crois même qu'il y a un…
Agnès BUZYN
Un rattrapage.
Edouard PHILIPPE
Un rattrapage qui est prévu bien entendu et ensuite il y aura effectivement compensation complète de l'augmentation de la CSG. Donc je comprends très bien la surprise et parfois, disons-le, la mauvaise surprise de ceux qui voyant arriver leur feuille de paie ont vu une diminution de leur revenu à cause de l'augmentation de la CSG, je le dis aux fonctionnaires, je le dis ce soir, le système est rattrapé en février, c'est une difficulté technique qui ne permettait pas de le faire dès le mois de janvier mais bien entendu dès le mois de février ce sera fait et ce sera fait en rattrapant le mois de janvier.
Peut-être une question pour Agnès : « compte tenu de la pénurie croissante de médecins généralistes et des temps d'attente de plusieurs heures dans les salles alors qu'en général ce sont des patients malades pourquoi le numerus clausus n'est pas augmenté ? »
Agnès BUZYN
Le problème du numerus clausus c’est qu’il a un effet différé parce qu'il faut entre 10 et 15 ans pour former un médecin, donc si on ouvre le numerus clausus aujourd'hui nous aurons des médecins formés qui s'installeront en 2030, 2035. Le problème que nous avons aujourd'hui est lié au fait que le numerus clausus n'avait pas été augmenté dans les années 90, 2000. Aujourd’hui il a été doublé, nous sommes à 8.000 médecins alors que dans les années 2000 nous étions à 4.000 médecins formés.
Donc il y a une réflexion qui va s'ouvrir sur le numerus clausus parce qu’aujourd'hui il est quand même très sélectif, nous avons envie de diversifier les personnes qui vont rentrer dans les études médicales. Donc nous lançons une grande concertation avec les étudiants sur les études de médecine et sur le numerus clausus mais il ne faut pas penser que le numerus clausus va être le remède miracle aux déserts médicaux qu’on ressent aujourd'hui parce qu'en fait il aura un effet seulement en 2035.
Edouard PHILIPPE
Eric pose une question qui nous est parfois posée : « le patient pourra-t-il toujours choisir le professionnel qui le soigne ? »
La réponse, Eric, est claire, oui, oui, bien sûr, il n’est pas prévu de revenir sur la liberté du patient, c’est un des éléments auxquels les Français sont traditionnellement très attachés, donc on ne reviendra pas là-dessus. On le disait ce matin, dans l'acte de soigner il y a quelque chose qui est extrêmement humain et il faut qu'une relation s'installe avec son médecin, il faut qu'on soit à l'aise avec lui, en confiance, au moins à l'aise et ça ça exige de la capacité de choisir pour le patient, on y est très attachés, il est hors de question de revenir dessus, je peux rassurer Eric au cas où il serait inquiet.
Monique nous demande si l'on peut craindre que cette nouvelle réforme aille encore davantage vers une médecine pour les riches et une médecine à minima pour ceux qui ne peuvent pas ou qui ne pourraient pas financer leurs soins.
Agnès BUZYN
Evidemment non, je pense qu'on est tous très attachés à ce bien commun qui est l'accessibilité à des soins pour tous. Aujourd'hui les maladies graves, les soins coûteux sont pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale et cela restera toujours le cas. La réforme vise au contraire à mieux ancrer les hôpitaux dans les territoires pour permettre une meilleure accessibilité aux soins pour tous dans tous les territoires. Donc vraiment l'objectif de la médecine ce n'est pas une médecine à deux vitesses, c’est au contraire une égalité des chances pour tous sur tous les territoires.
Edouard PHILIPPE
Joseph nous pose la question : « pourquoi n'investissez-vous pas aussi des milliards dans la santé comme pour l'armée ? Quand allez-vous augmenter les salaires des personnels hospitaliers qui sont indécemment bas ? »
D’abord je voudrai dire à Joseph que, c'est vrai, on augmente les dépenses militaires et on ne va pas s’en cacher, on le revendique même, on les augmente d'environ 1,8 milliard en plus par an tous les ans jusqu'en 2023. Ce qui veut dire qu’on va arriver à un niveau où on aura dépassé les 40 milliards d'euros par an pour les dépenses militaires. On ne le fait pas parce qu’on aimerait particulièrement faire des dépenses militaires, on le fait parce qu'on vit dans un monde qui est assez dangereux et qu’il nous semble que dans ce monde dangereux il vaut mieux être prêt, il vaut mieux être en capacité de réagir si la sécurité des Français était plus encore qu'aujourd'hui mise en cause.
Ce qui n’est pas vrai ce serait de dire que nous n'investissons pas aussi dans la santé parce que le montant des sommes qui sont investies comme vous dites dans la santé est bien supérieur aux dépenses militaires. Pour dire les choses, dans les cinq années qui viennent si on cumule les budgets on dépensera 200 milliards pour les dépenses militaires. Les dépenses d'une année en matière de santé c'est déjà 200 milliards, c'est-à-dire qu’on est cinq fois au-delà de ce qui est consacré aux dépenses militaires. Et cette année 2018 par rapport à l'année dernière 2017 c'est quatre milliards et demi supplémentaires qui seront consacrés aux dépenses de santé.
Donc ça veut dire qu’on investit bien sûr, après on peut se poser la question, et je peux parfaitement l’entendre, est-ce qu'on investit suffisamment, est-ce qu'on investit là où c'est nécessaire, est-ce que les bons choix d'investissement sont faits partout sur le territoire par les hôpitaux, par l'Assurance maladie, ça c'est un débat qu'on peut parfaitement avoir mais ce qui est vrai c'est qu'on investit évidemment beaucoup dans les dépenses de santé et c'est tant mieux. Et je dirai même encore un peu plus, une des raisons pour lesquelles on fait la réforme et qu'on veut modifier la tarification pour passer d'une tarification à l'acte à une tarification plus intelligente c'est aussi pour faire en sorte qu'on puisse dégager des capacités à investir dans du matériel médical, dans de la technologie qui permet de mieux soigner parfois, c'est une dimension très importante.
S’agissant de l’augmentation des salaires des personnels hospitaliers, j'ai indiqué que nous allions engager au cours de l'année 2018 une année entière de réflexion avec les organisations syndicales. Je l'ai dit s'agissant de la transformation de l’Etat, donc de toute la fonction publique que ce soit publique d'Etat, fonction publique territoriale ou fonction publique hospitalière, il est évident qu’il y aura un certain nombre de rendez-vous salariaux qui sont prévus.
Jean-Christophe SEZNEC nous dit : « comment résoudre la crise des vocations des médecins qui ne souhaitent plus s’installer, qui partent à l'étranger alors que la seule solution proposée à la crise sanitaire qui s'annonce est de construire des maisons de santé qui restent toujours vides de médecins et qui coûtent à la collectivité ? »
Agnès BUZYN
Pas mal de notions dans cette question qui sont plus ou moins exactes. Il n'y a pas énormément de médecins qui partent à l'étranger, on a plutôt des médecins formés à l'étranger qui viennent s'installer en France. Deuxièmement, nous voulons construire beaucoup de maisons de santé, nous voulons les doubler les maisons et les centres de santé pendant la durée du quinquennat, il y a un budget important de plusieurs centaines de millions qui va nous aider à créer des maisons de santé sur le territoire.
Mais force est de constater que quand les maires ou les élus locaux pensent à créer une maison de santé, construisent un bâtiment et oublient d'avoir un médecin qui porte le projet, en fait ces maisons de santé restent vides. Et donc s’il y a un seul conseil à donner c'est que pour créer une maison de santé sur un territoire il faut un médecin qui ait envie de s'investir, qui ait envie de recruter auprès de lui d'autres médecins, d'autres professionnels de santé pour créer une équipe, il faut un leader. Et aujourd'hui c'est ce que nous essayons de promouvoir chez les jeunes en particulier qui sortent de la fac de médecine, cette envie de créer une équipe et d'aller s'installer dans les territoires et nous les aidons, nous avons beaucoup de mesures incitatives pour les aider à s'installer.
Edouard PHILIPPE
Je crois que c’est Jean-Christophe qui posait la question, il a raison, d'abord les médecins s'installent plutôt de plus en plus tard dans leur vie.
Agnès BUZYN
Ca c’est vrai.
Edouard PHILIPPE
L’âge moyen auquel un médecin s'installe, un médecin généraliste s’installe est de plus en plus ancien si j’ose dire, tardif, ça c’est la première chose. La deuxième chose c'est vraiment, moi je l’ai vécu sur le territoire que je connais bien en Seine-Maritime, en Normandie, c'est vraiment le projet qui fait la maison de santé et la maison de santé ne fait jamais le projet. Autrement dit, quand on construit des murs en espérant qu'il va se passer quelque chose souvent il ne se passe rien. Quand en revanche on a déjà une petite équipe qui s'y colle comme le dit très bien Agnès là avec l'aide des pouvoirs publics, de l'Assurance maladie, avec l'aide des collectivités territoriales souvent on peut créer un projet.
On en a vu un ensemble, est-ce c'était en Haute-Vienne ?
Agnès BUZYN
Oui.
Edouard PHILIPPE
Qui était dans un village et c’était formidablement bien pensé et ça avait permis de maintenir une présence médicale qui ne servait pas simplement au village mais qui servait je crois à peu près à tout le canton, c'est une très, très belle initiative. Donc ça peut marcher, ça marche même bien quand ça marche mais il faut être attentif et pas mettre la charrue avant les bœufs.
Dominique PELLE, je ne sais pas si Dominique est un homme ou une femme mais je sais que il ou elle me pose la question suivante : « pourquoi être obligé de repasser des radios et autres examens quand on change d'hôpital, d'établissement de santé ou de praticien même si celles-ci sont récentes de moins d'un an ? Pourquoi est-il encore si dur de récupérer ces radios lorsqu'elles sont faites à l'hôpital ? »
Je ne sais pas si c’est toujours difficile de récupérer ses radios à l’hôpital…
Agnès BUZYN
Souvent, souvent.
Edouard PHILIPPE
Souvent ! Ce que je sais c’est qu’on n‘est quand même pas très en avance en France sur la communication numérique, sur le partage des données numériques liées à un patient entre les différents intervenants de la chaîne de santé. Il y a des pays où il y a des objectifs beaucoup plus ambitieux que chez nous qui ont été fixés, je pense à la Suède notamment. Nous on voudrait qu'en 2022, c'est-à-dire à la fin du quinquennat, on puisse avoir une capacité à faire en sorte que les données soient échangées facilement entre les praticiens et seulement entre les praticiens bien entendu et avec évidemment l'accord du patient pour que ça puisse aller plus vite.
Les objectifs c'est être capable d'avoir un accès en ligne pour chaque patient de ses propres données, ce qui est déjà un plus considérable.
Agnès BUZYN
Dématérialiser les prescriptions médicales.
Edouard PHILIPPE
Oui et puis faire en sorte que…
Agnès BUZYN
Un échange de données facilité par Internet et souvent je parle des actes inutiles, une forme de gabegie de notre système, ce que dit cet internaute c'est vraiment ça, ce sont des radios qui sont refaites trop souvent tout simplement parce qu’il n'y a pas eu de communication entre les médecins et ce sont des actes inutiles à la fois pour le patient qui subit des rayons et à la fois pour la Sécurité sociale qui va rembourser deux fois un acte. Donc ça nécessite une volonté ferme d'organiser la télémédecine et la transmission de données sur le territoire, c'est une urgence.
Edouard PHILIPPE
Valérie pose la question suivante : « pourquoi n’a-t-on pas plus d'ophtalmos et de gynécos ? C’est souvent très difficile d’avoir des rendez-vous ».
Agnès BUZYN
Ca pose la question des choix anciens qui ont été faits sur les filières de spécialistes et le nombre de spécialistes formés. Il y a aussi la problématique de l'installation de ces spécialistes qui vont plus facilement dans certains territoires que dans d'autres. On est en train d'essayer de rattraper le retard pour certaines spécialités parce que, je l’ai dit tout à l'heure, il faut entre 10 et 15 ans pour former un médecin et quand les choix n'ont pas été faits dans les années 90, 2000 on subit en fait aujourd'hui les difficultés d'accès. Donc il faut travailler à la démographie médicale dont on aura besoin dans les années 2030, 2050.
Edouard PHILIPPE
Autre question, c’est Brigitte qui la pose : « Ne croyez-vous pas que la chirurgie ambulatoire doit se faire sur 24 heures, comme dans les pays anglo-saxons, compte tenu de la population vieillissante ? »… Une expérience de la chirurgie ambulatoire. Ce que je comprends, c’est que compte tenu des progrès de la chirurgie en général… enfin de la chirurgie en particulier, de la médecine en général, il est maintenant beaucoup plus facile d’avoir une intervention dans la journée, et donc de calibrer beaucoup plus finement pour le patient, la masse de soins et de services qui est à disposition. Et accessoirement, on me dit – mais ça, c’est Agnès qui le dira mieux que moi – que pour le patient, pouvoir revenir chez lui est souvent un élément aidant.
Agnès BUZYN
Oui, de réhabilitation accélérée. Peut-être pour compléter, en fait, la chirurgie ambulatoire, c’est vrai qu’elle est tout à fait adaptée à des personnes qui vont, en rentrant chez elles, retrouver une certaine aide, être accompagnée. Et pour des personnes âgées qui vivent seules, ça n’est pas forcément effectivement l’idéal. Donc aujourd’hui, ce qui compte, ce n’est pas tant de les garder hospitalisées, mais de vérifier qu’à leur domicile, elles vont pouvoir être suivies correctement. Toutes les études montrent quand même que moins on reste longtemps à l’hôpital, moins on a d’infections associées aux soins, parce que l’hôpital, ce n’est pas un lieu très propre, malgré toutes les précautions qu’on prend ; et d’autre part, plus vite une personne âgée va rentrer chez elle, moins elle va se dégrader, moins elle va perdre ses repères et plus vite elle sera debout, plus vite elle récupérera et là, toutes les études scientifiques, toutes les recommandations internationales montrent qu’il faut être très proactif pour faire lever les gens, les faire rentrer chez eux. Après, il faut des adaptations au cas par cas en fonction de la situation familiale, d’accueil évidemment.
Edouard PHILIPPE
Et ce matin, à Eaubonne, on a vu dans le service de gériatrie, un exemple très intéressant dont on nous a expliqué qu’il était finalement assez peu courant dans l’organisation hospitalière française, c’était une hospitalisation à domicile, enfin un service d’hospitalisation à domicile qui était intégré dans le service de gériatrie, qui permettait justement de faire en sorte que les personnes âgées, et parfois très âgées qui avaient parfois besoin de venir à l’hôpital, puissent être hospitalisées à domicile et que le service de gériatrie lui-même soit en mesure de répondre très vite à toutes les demandes susceptibles d’intervenir lorsqu’il y avait une hospitalisation à domicile. C’était très impressionnant, l’exemple qu’on a vu ce matin. Ca semblait tellement intelligent qu’on se demandait pourquoi ce n’était pas toujours… enfin pourquoi ce n’était pas comme ça partout, mais tu m’as confirmé que ce n’était pas comme ça partout.
Agnès BUZYN
Non, c’est d’ailleurs pour ça qu’on fait une réforme, Edouard, c’est que justement aujourd’hui, on a vu un exemple extraordinaire de coopération, en fait, entre professionnel, une organisation des soins autour des besoins du malade, et pas une organisation des soins qui corresponde aux besoins de l’hôpital ou aux besoins de la ville, et c’est vrai que c’était très impressionnant de voir cette coopération, cette coordination. Aujourd’hui, on n’est pas capable de tarifer ça. Et dans la réforme qu’on veut mettre en place, on veut aller vers des tarifications qui permettent qu’un ensemble de professionnels, qu’ils soient en ville ou à l’hôpital, s’organisent autour d’un parcours de soins de malades, c'est une forme de révolution.
Edouard PHILIPPE
Mais quand on dit « tarifer », c’est en fait valoriser ! C'est-à-dire qu’au lieu de payer simplement à l’acte, avec parfois des actes qui sont répétitifs ou concurrents, l’idée, c’est de valoriser et donc de rémunérer l’hôpital à la bonne coopération entre des services et au bon parcours de soins.
C’est une des choses qui m’a frappé, moi, quand j’étais président de l’hôpital du Havre et qui est dit systématiquement maintenant : l’hôpital public fonctionne sur un système de tarification à l’acte, donc plus on fait d’actes, plus on augmente le chiffre d’affaires de l’hôpital, pardon de parler comme ça ; et en revanche, on ne tarifie pas les bonnes coopérations ou le fait de ne pas faire d’actes, parce que justement, on peut produire un meilleur résultats sans faire d’acte – parce qu’évidemment, si on ne fait pas d’actes eh bien on n’est payé – donc… Et donc l’idée, c’est d’enrichir le fonctionnement de l’hôpital avec une tarification qui sera à l’acte, mais pas seulement, qui prendra en compte la pertinence des soins, la qualité des soins. Ce n’est pas facile, mais c’est indispensable si on veut transformer la façon de vivre à l’hôpital ! Et de travailler à l’hôpital. Je dis ça notamment parce que je vois une question de Franck « As de trèfle », je vais répondre à Franck qui dit : « Pas un mot sur les soignants ». Je crois d’abord que ce n'est pas tout à fait exact, parce qu’on a dit un mot sur les soignants, mais à la limite, ce qu’on essaie de faire, dans la réforme de l’hôpital et dans la réforme du système de soins hospitaliers qu’on est en train de mettre en œuvre, c’est de penser à l’intérêt du patient, à la qualité des soins à porter par les soignants au patient, parce que c’est lui qui est au cœur – d’ailleurs si les soignants s’engagent, c’est pour le patient, au moins autant que par passion du métier – donc pour le patient, et ensuite, c’est de favoriser une meilleure – et ça ne sera, à mon avis, pas difficile, enfin ça sera difficile mais c’est facile à dire – une meilleure organisation du travail. Nous avons indiqué, c’est un des chantiers que nous avons ouvert aujourd’hui, que nous voulons travailler sur la formation initiale, ça c’est indispensable, mais que nous voulions aussi travailler sur les ressources humaines, sur la capacité à mieux organiser le dialogue, peut-être la gouvernance aussi, au sein des hôpitaux, la capacité à mieux connaître et à déceler les problèmes dans l'organisation du travail pour faire en sorte que les soignants consacrent leur temps à soigner ! Et pas à autre chose ! Et on peut faire des progrès immenses en la matière.
Donc Franck, aujourd'hui, on a rencontré des soignants ! Agnès les rencontre, les a rencontrés dans toute sa vie professionnelle ! Elle a été un de ces personnels soignants, un de ces médecins ! On en a rencontré aujourd'hui, on a échangé avec eux, et d'ailleurs c'était passionnant, parce qu’il y a une vraie envie de faire bien, il y a une vraie fatigue parfois, ou reconnaissance de la difficulté du rythme, parfois même de la perte de sens de ce métier, il ne s'agit absolument pas de le nier, mais il y a aussi une envie de bien faire, et nous, notre objectif, c'est de faire en sorte que ce soit plus facile d'être un excellent soigneur.
Agnès BUZYN
Peut-être pour compléter sur les soignants. Les soignants aiment bien faire. Les soignants, ce sont vraiment des personnes très engagées auprès des malades, et quand ils ont l'impression que le système dysfonctionne, ça crée énormément de frustration. Et c'est ce qu'on voit aujourd'hui ; c'est-à-dire que les soignants pensent qu'ils n'ont pas assez de temps dédié à la personne malade, qu'ils ont trop de paperasse, qu’ils perdent beaucoup de temps en coordination – et on va y travailler – et qu'ils ont perdu les repères d'équipe dans beaucoup d'établissements, alors que c'est l'équipe aussi qui crée de la satisfaction au travail quand elle fonctionne bien. Donc on veut justement rendre du temps médical, rendre du temps de soignants, du temps humain, on veut aider les coopérations, on veut revenir à des fonctionnements d'équipe, que ce soit à l'hôpital ou en ville, avec les maisons de Santé pluriprofessionnelles, et je crois qu'au contraire, tout ce qu’on fait, c'est pour rendre de la satisfaction dans le travail des soignants en leur permettant de faire ce pourquoi ils se sont engagés, c'est-à-dire de la très bonne médecine.
Edouard PHILIPPE
Daniel pose la question, enfin d'ailleurs non, il ne pose pas une question, c'est plutôt une affirmation, il dit : Il faut absolument maintenir la CMU et l'AME, l’Aide Médicale d'Etat, devoir de solidarité d'humanisme simplement parce que nous devrions être égaux devant la maladie ».
Je veux bien rassurer Daniel, il faut absolument la maintenir, c'est vrai. D'ailleurs c'est notre objectif, on va la maintenir, pour les raisons qu'il indique : devoir de solidarité c'est vrai, humanisme aussi ; et puis au-delà de ces considérations, enfin, auxquelles le médecin qu’est Agnès et moi-même, on est extrêmement attachés, parce que c'est l'intérêt collectif ! C'est l'intérêt collectif de faire en sorte que ceux qui sont malades puissent avoir accès à des soins quel que soit leur statut, quels que soient leurs moyens. C’est indispensable, c'est un intérêt collectif. Donc il faut l'organiser, il faut le permettre, il ne faut pas en abuser, mais c'est évidemment essentiel de maintenir ces deux dispositifs.
Peut-être une question de Christian sur le tabac. Christian nous dit : « Depuis longtemps, on sait que fumer expose au cancer des poumons ». C'est vrai et pas seulement. « Fumer aujourd'hui est donc un acte volontaire vers la dégradation de sa santé, dont les conséquences inéluctables sont payées par la collectivité. N'y a-t-il pas des mesures à prendre meilleures que la taxation des paquets de cigarettes ? ». Voilà la question de Christian.
Agnès BUZYN
Ça pose la question de la solidarité, face à une prise de risque. C'est une question de solidarité d'une société. Si on commence à rentrer dans « on va moins bien rembourser les gens qui ont fumé parce qu'après tout, ils savaient le risque qu'ils prenaient », et si on tire le fil de ce raisonnement, on ne va plus soigner les gens qui vont aller faire de l'alpinisme et avoir un accident parce qu'après tout, ils ont pris un risque, ceux qui ont dépassé de 10 km/h la limite de vitesse, et il nous a semblé plus logique de taxer suffisamment le tabac pour que ce soit dissuasif pour l'achat, plutôt que de, quelque part – c'est ce que j'entends de sous-entendu dans la question – de dérembourser les gens qui prennent des risques, parce que parfois, ils les prennent – et le tabac c'est une addiction – ils les prennent quand ils sont très jeunes, et ensuite, ils sont malades du tabac ; c'est très difficile d'arrêter de fumer, comme c'est très difficile d'arrêter de boire. Et donc, il faut considérer qu'ils sont malades de cette addiction et qu'il faut les soigner.
Edouard PHILIPPE
François pose une question relative à la gestion des hôpitaux publics en nous disant : « Elle est devenue tellement complexe qu'elle ressemble aujourd'hui à une usine à gaz où tout le monde se perd. Le moment n'est-il pas venu de privatiser certains pans de nos hôpitaux qui entravent leur bon fonctionnement, les empêchant de se concentrer sur l'essentiel ? ».
Bon, je suis à moitié d'accord avec François. Je suis d'accord avec lui sur le constat : la gestion des hôpitaux publics est devenue complexe, et la complexité n’est pas simplement gérée par les hôpitaux ; elle s'est imposée aux médecins, elle s'est imposée aux personnels soignants, elle s'est imposée aux patients. Et ça, évidemment, ce n'est pas sain, ça fait perdre du temps, ça fait perdre de la relation humaine avec le patient, ce n'est pas satisfaisant. Est-ce que la bonne solution pour contrer ça, c'est de privatiser des pans de nos hôpitaux ? François dit « Eh bien il n’y a qu’à privatiser le back-office ou la gestion des Ressources ». Ce n'est pas le choix qu'on a fait. Il y a d'abord des établissements privés qui existent, donc on n'est pas… A la limite, on peut choisir ! Donc il ne s'agit pas de dire que tout doit être public, mais enfin il y a des hôpitaux publics, ils ont une vocation, ils sont importants, on y est attaché, Agnès a travaillé dans des hôpitaux publics toute sa… Toute ta carrière ?
Agnès BUZYN
Oui.
Edouard PHILIPPE
Toute sa carrière.
Agnès BUZYN
Toute ma carrière.
Edouard PHILIPPE
… Et donc, on y est attaché. Notre objectif, c'est plutôt d'essayer de simplifier. C'est d'ailleurs une constante de ce gouvernement, on essaie de simplifier. C'est difficile parfois, mais on essaie de simplifier ; on l'a fait avec les normes applicables à l'Etat, on le fait avec les normes applicables aux collectivités territoriales ; on va aussi le faire s'agissant des normes applicables aux hôpitaux, pour essayer de créer un petit peu de fluidité et de souplesse, et donc de dégager du temps et de l'attention pour autre chose que la gestion de cette complexité.
Agnès BUZYN
Et peut-être pour compléter, on a lancé une mission sur la simplification pour les professionnels de santé au sens large, pas seulement les hospitaliers, mais aussi ceux qui travaillent en ville, qui ont aussi besoin de récupérer du temps dédié à leurs pratiques et d'avoir moins de temps administratif. Donc cette mission de simplification, elle est lancée dans tous les secteurs et j'espère qu'elle va aboutir à des choses qui seront appréciées.
Edouard PHILIPPE
Voilà, on avait décidé de consacrer une demi-heure à cet échange avec vous, sur la réforme complète du dispositif. On n’a évidemment pas épuisé toutes les questions. Il y en aura beaucoup d'autres, c'est un débat qui commence, c’est un débat essentiel parce que l'hôpital – et en général la santé, mais l'hôpital est une grande partie du sujet de la santé – est au cœur de nos vies, pour le coup littéralement, souvent on naît à l'hôpital, parfois on meurt à l'hôpital, dans les moments essentiels, on a besoin de l'hôpital, un hôpital qui fonctionne bien, il y a plein de choses qui fonctionnent merveilleusement dans le système français, mais il y a aussi des choses qui doivent être réparées, c’est notre objectif.
Là, on a lancé, sur cinq chantiers différents, une réflexion, une concertation qui va durer jusqu'à mai ; au mois de mai, on annoncera un certain nombre de décisions, en fonction de ce qui aurait été échangé, de ce qui ont été entendu ; et puis ensuite, il faudra le mettre en œuvre. C'est un défi assez essentiel, ça fait très longtemps qu'on demande beaucoup d'efforts à ceux qui travaillent à l'hôpital, qu'on fait de la régulation budgétaire et de la réorganisation territoriale pour essayer de contenir la progression des coûts, je ne vais pas écarter du plat de la main tout ce qui a été fait avant, il fallait le faire ; à certains égards, ça a parfois produit un bon effet, mais ça a aussi créé beaucoup de problèmes.
Nous, notre objectif, ce n’est pas de faire une petite mesure en plus, ou une petite réforme en plus, c'est vraiment d'essayer d'organiser les choses pour que pendant, vingt, trente, quarante, cinquante ans on ait un cadre qui soit adapté au monde qui se transforme et aux besoins des Français d'accès aux soins hospitaliers. Donc c'est une réforme qui sera ambitieuse, mais je pense que l'hôpital le mérite. Voilà.
Agnès BUZYN
Merci.
Edouard PHILIPPE
Merci à vous ! A bientôt.
Agnès BUZYN
Merci !

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