Mesdames et Messieurs, vous le savez, avec le Président de la République, nous avons choisi d’engager des actions de transformation profonde du pays dans le champ du dialogue social, de l’économie, de la formation secondaire, universitaire, professionnelle, du transport, du logement. Nous avons décidé de réparer ce qui ne fonctionnait plus suffisamment bien et d’avancer. Nous proposons et nous demandons beaucoup à un nombre considérable d’acteurs. Nous leur suggérons, nous les invitons à des changements qui sont profonds, encore une fois, pour réparer le pays.
Nous avons la conviction que nous n’y parviendrons que si nous fixons, pour la sphère publique le même niveau d’ambition que celui que nous fixons aux acteurs économiques. C’est un sujet d’évidence, c’est presque même un sujet de crédibilité. Comment imaginer que nous puissions demander des efforts importants aux acteurs économiques si nous ne sommes pas capables de nous imposer les mêmes efforts pour atteindre les mêmes objectifs en s’inspirant parfois des mêmes logiques ?
Le programme Action Publique 2022, que nous avons lancé il y a un petit peu plus de trois mois, porte cette ambition pour réfléchir sans totems, sans tabous au rôle de l’Etat et de la sphère publique dans la France du XXIe siècle, pour repenser les politiques publiques, pour gagner en efficacité, pour améliorer le service rendu aux usagers, pour améliorer les conditions de travail des agents, pour faire des économies aussi parce que notre pays a besoin de retrouver la maîtrise de ses finances publiques.
Ces économies seront la conclusion vertueuse de la transformation publique, à l’inverse de la logique du rabot qui a longtemps prévalu et qui paupérise le service public. Nous avons la conviction que l’immobilité et le rabot fragilisent le service public. Nous avons la conviction que la transformation ambitieuse de l’action publique rendra plus fort ce service public.
J’ai parfaitement conscience que, par le passé, beaucoup d’autres que moi ont porté des discours ambitieux en la matière. Je sais aussi que les actes qui ont suivi n’étaient pas toujours à la hauteur des annonces. Je sais donc que la transformation de l’Etat, la transformation des administrations publiques est souvent bien plus un art d’exécution qu’un art d’incantation.
Nous avons parfaitement conscience que ça n’est pas aujourd’hui que nous serons soumis, de ce point de vue, au jugement des Français. Ce jugement viendra et je l’attends sereinement car je connais la détermination du Président de la République en la matière et je sais la force des engagements qu’il a pris devant les Français au moment de la campagne présidentielle. Ce jugement, je l’attends sereinement car j’ai constaté la qualité et la quantité du travail accompli depuis trois mois par le comité « Cap 22 », par les ministères aussi qui ont su nouer un dialogue créatif, constructif, utile. Grâce à ce dialogue, grâce à cette méthode qui associe un regard extérieur, une totale liberté de proposer et l’expertise des ministères, nous avons identifié une vingtaine de pistes de transformations structurantes des politiques publiques.
Nous avons, ce matin, à l’occasion du Comité interministériel de la transformation publique, partagé avec les ministres un point d’étape sur ces projets de transformations qui, comme je l’avais indiqué lors du séminaire de rentrée du 3 janvier dernier, seront expertisés par les ministres et discutés lors des prochains Conseils des ministres jusqu’au mois d’avril. A l’issue de ce travail, le comité « Cap 22 » nous fera ses propositions finales et un comité interministériel de la transformation publique se réunira en avril afin d’arrêter et d’annoncer la feuille de route de la transformation de l’action publique. Pardon, je cite les étapes successives qui vont intervenir en la matière mais vous comprenez bien que la méthode est importante, que les sujets, pour être portés et pour être mis en œuvre, doivent être correctement expertisés et partagés par l’ensemble des ministres.
C’est donc un travail de fond dans lequel nous nous sommes engagés. D’ores et déjà, le comité et tous les ministères ont identifié un certain nombre de prérequis, un certain nombre de chantiers qui sont transversaux, qui intéressent l’ensemble des ministères et qui doivent être mis en œuvre pour que les projets réussissent. Pour faire réussir, pour faire bouger nos politiques publiques, il est d’abord impératif de donner davantage de souplesse à la gestion des ressources humaines dans l’administration. Pour faire bouger nos politiques publiques, nous devons également nous appuyer sur le formidable levier que constitue le numérique. Pour faire bouger nos politiques publiques, on doit enfin piloter les services publics par la performance, par les résultats, par la qualité.
C’est l’objet des décisions que nous venons d’arrêter lors de ce premier comité interministériel. Elles doivent permettre de créer dans la durée les conditions de son succès.
La première décision, c’est de mettre en place un nouveau contrat social pour les agents publics. Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald DARMANIN, et le secrétaire d’Etat placé auprès de lui, Olivier DUSSOPT, vont ouvrir une grande concertation qui doit aboutir à un cadre renouvelé de gestion des agents publics. Ce qui est en jeu, c’est d’adapter le statut de la fonction publique, c’est de l’assouplir, c’est de faire en sorte qu’il puisse redevenir un cadre efficace pour l’action publique, pas une fin en soi, mais un élément qui permette une action efficace de l’action publique.
Alors, bien sûr, il faut maintenir les grands principes sur lesquels nous sommes tous légitimement attachés de ce cadre public : la neutralité, la continuité, l’égalité, l’adaptabilité. Tout ça, ce ne sont pas simplement des concepts auxquels seuls les étudiants en droit ou les juristes chevronnés devraient être attachés, c’est une réalité, ce sont des impératifs qui reposent sur l’action publique et l’ensemble des agents publics. Mais une fois qu’on a dit combien on était attaché à ces principes, on peut aussi reconnaître que les règles statutaires se sont un peu sédimentées, que l’application du statut s’est rigidifiée et que, si nous voulons donner à l’action publique l’efficacité, la rapidité et l’agilité dont elle a besoin, dont nos concitoyens ont besoin – ce n’est pas simplement l’action publique en général qui en a besoin, ce sont nos concitoyens, qui dépendent parfois de l’action publique, qui en ont besoin –, alors il faut rénover ce cadre statutaire et tenir compte d’un monde qui va de plus en plus vite et de nouveaux aspects qu’il faut évidemment intégrer.
Quatre axes de travail vont être ouverts à la discussion avec les organisations syndicales.
Le premier axe, c’est la rénovation du dialogue social. L’objectif est de suivre la logique de simplification et d’enrichissement du dialogue social qui a été notamment portée par les ordonnances discutées l’année dernière. Nous voulons redonner de l’efficacité au dialogue social, simplifier le paysage des instances représentatives et déconcentrer bien plus qu’aujourd’hui les processus et les décisions. J’ai eu l’occasion de le dire plusieurs fois, je crois profondément au dialogue social, je crois profondément que le dialogue social permet d’enrichir et d’améliorer la façon dont on envisage l’action publique dans l’Etat ou le fonctionnement de l’entreprise dans le monde privé. Mais il n’est pas certain que le dialogue social tel qu’il est organisé aujourd’hui soit véritablement efficace, parce qu’est-on véritablement efficace quand on a aujourd’hui 22 000 instances de dialogue dans la fonction publique ? Est-ce qu’il est raisonnable de voir un projet de réorganisation d’un service portée par un manager public prendre des mois et des mois parce que les réunions obligatoires se succèdent sans d’ailleurs qu’un contenu considérable n’en découle et que ces réunions s’annulent parfois faute de quorum parce qu’elles sont tellement nombreuses qu’on ne trouve pas forcément le nombre de représentants nécessaire pour pouvoir les tenir dans de bonnes conditions ? Ceux qui vivent au quotidien l’action publique voient très bien ce dont je veux parler. Au fond, notre logique, ce serait de dire : au lieu d’avoir un très grand nombre d’instances qui gèrent souvent des décisions individuelles et qui rentrent parfois dans le micromanagement, pourquoi ne pas faire en sorte d’avoir moins d’instances, mais avec véritablement du grain à moudre et une discussion générale sur la façon d’envisager et de mettre en œuvre l’action publique ?
Le deuxième axe, c’est la refonte de la politique de rémunération. L’objectif consiste évidemment à garantir l’égalité, mais aussi à mieux récompenser le mérite individuel, l’implication, les résultats. Là encore, nous nous plaçons exactement dans la logique qui avait été décrite par le Président de la République pendant sa campagne. Nous ne sommes pas contre l’automaticité mais nous avons conscience qu’elle n’est pas toujours motivante et qu’on peut sans doute la compléter par des mesures qui sont plus incitatives. Donc, oui à l’égalité, oui à l’impartialité, mais oui aussi à une forme d’équité qui consiste à donner plus, un peu plus à celles et à ceux qui s’impliquent le plus dans leur mission, qui sont ceux qui ont le plus grand mérite et aussi prendre en compte des mécanismes d’intéressement collectif. Ils existent dans le privé, rien n’interdit qu’on puisse réfléchir à des formes d’intéressement collectif dans les administrations, nous y sommes favorables.
Troisième axe, l’accompagnement des transformations. Je vous ai parlé de la revue des missions menée par le gouvernement, elle va conduire à réorienter les ressources sur de nouvelles priorités et donc, mécaniquement à transformer certains métiers. Là encore, je voudrais prendre un exemple dans le champ qui intéresse le ministre de l’Action et des Comptes publics, le métier des agents des impôts. Ces métiers sont en train de se transformer : on passe progressivement d’une culture du contrôle systématique à une culture de l’intelligence des données, on parle parfois de data mining. Notre question est : comment est-ce que nous allons accompagner la transformation des compétences indispensables pour faire en sorte que l’administration, en l’occurrence l’administration des impôts, continue le chemin sur lequel elle est d’ailleurs déjà très bien engagée de modernisation, d’adaptation aux technologies, aux besoins nouveaux ?
Les métiers changent aussi, par exemple, à la Sécurité sociale où les fonctions de gestion de prestations sont automatisées au profit des métiers de conseil à plus forte valeur ajoutée. Là où, par exemple, la culture du papier pouvait prévaloir, elle disparaît pour la gestion des prestations, avec des nouveaux systèmes de liquidation automatique. Et puis des nouveaux métiers se développent pour accompagner les collectivités locales dans leurs projets de crèches, pour mieux accompagner les professionnels de santé sur leurs prescriptions médicales.
Quand les métiers, quand les besoins se transforment, il faut accompagner ces transformations, accompagner les reconversions, accompagner les mobilités au sein des différentes fonctions publiques ou au sein des différents versants de la fonction publique, parfois accompagner des départs vers le secteur privé. Nous devons nous donner les outils pour rendre possibles ces mobilités pour éviter les logiques anciennes du rabot, du « un sur deux » pour tout le monde qui ont atteint leurs limites. Encore une fois, notre politique, notre logique est à l’opposé de cette politique et de cette logique du rabot qui a trop longtemps prévalu.
Nous mettrons un véritable effort de formation au service de cet objectif. C’est l’objet des crédits de formation qui sont d’ores et déjà prévus par le grand plan d’investissement : près de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans. Là encore, il s’agit de pouvoir accompagner dans de bonnes conditions cette priorité.
Enfin, dernier axe de ce nouveau contrat social : les possibilités de recourir aux contrats seront largement étendues, notamment pour les métiers qui ne relèvent pas d’une spécificité propre au service public. Nous avons beaucoup parlé ce matin de l’enjeu du numérique, je vais l’évoquer dans quelques instants. Pour prendre un seul exemple, il est bien évident que, de par les spécificités des métiers, de par aussi la nécessité de faire des allers-retours dans le secteur privé, de piloter des projets sur une durée définie, ce domaine d’intervention se prête mal au recrutement ou au recrutement exclusif par concours. Si nous voulons trouver les bonnes réponses à ces bonnes questions, il faut pouvoir avoir les bons instruments.
Ces quatre chantiers ne pourront réussir sans un engagement sans précédent de la haute fonction publique. Une des mesures que nous venons d’arrêter revêt d’ailleurs une symbolique particulière. Je l’évoque parce que je sais la valeur symbolique justement de cette mesure. Aujourd’hui, plus d’un tiers des élèves qui sortent de l’Ecole Nationale d’Administration et parfois les mieux classés exercent dans un corps d’inspection et de contrôle. Le Président de la République a demandé que ces élèves des grands corps, comme on les appelle parfois, soient affectés très rapidement - deux ans après leur sortie de l’école, deux ans après qu’ils ont commencé leur carrière administrative - aux projets prioritaires du Gouvernement, c’est-à-dire là où nous avons besoin de leur talent et de leur force de travail.
Nous avons donc sollicité les préfets de région et les ministres pour nous proposer une trentaine de fiches de poste qui permettront, par exemple, dès septembre à de jeunes hauts fonctionnaires d’accompagner en Guyane la réforme du RSA qui s’engage sur ce territoire ou d’accompagner le déploiement de Parcoursup auprès des équipes du ministère de l’Enseignement supérieur ou encore de muscler le pilotage de la transformation numérique au ministère de la Santé. Vous voyez bien l’idée, elle est simple, elle est là encore de bon sens, il y a des ressources humaines partout dans l’administration et nous voulons que ceux qui sont peut-être à certains égards le mieux formés puissent venir contribuer non pas simplement à l’épanouissement de leur carrière, mais aux besoins dont le Gouvernement, dont l’Etat juge qu’ils sont les plus indispensables à un moment donné, en leur offrant des missions qui sont passionnantes et qui vont contribuer effectivement à la transformation du pays.
Le ministre de l’Action et des Comptes publics va vous présenter plus précisément la méthode de concertation que nous allons proposer aux représentants des agents publics. Nous allons évidemment prendre le temps du dialogue, c’est une des marques de fabrique des grandes transformations que nous portons dans ce Gouvernement, et nous prendrons les textes nécessaires au début de l’année 2019.
Deuxième chantier transversal, la publication d’indicateurs pour encourager la transparence et la qualité. Le meilleur levier de la transformation, c’est la satisfaction du public et la satisfaction du public, c’est souvent le meilleur indicateur qui vaille. Il s’agit enfin d’avoir une boussole, un tableau de bord pour connaître les outils dans lesquels nous devons investir ou les formations que l’on peut proposer. C’est pourquoi, dans toutes les administrations qui accueillent du public – les écoles, les tribunaux, les hôpitaux – des indicateurs de résultats et de qualité de service, prenant en compte la satisfaction des usagers, seront rendus publics dès la fin de l’année. Et encore une fois, il ne s’agit pas simplement de construire des indicateurs pour les pilotes de ces administrations, il s’agit de construire des indicateurs qui prennent en compte la qualité de service, la satisfaction du public et de les rendre publics, de faire en sorte qu’ils soient connus.
Ces résultats seront l’aiguillon du changement, un moyen de toujours mieux répondre aux attentes souvent très concrètes des usagers. Le ministre de l’Action et des Comptes publics pourra vous donner des éléments sur nos priorités pour l’année qui vient.
Troisième chantier, le numérique. L’ambition a été assez clairement fixée par le Président de la République pendant la campagne : 100 % des démarches administratives accessibles en ligne d’ici 2022, y compris par le mobile. Et le champ de transformation est là encore immense. Pendant longtemps, nous avons eu en France un temps d’avance sur ce sujet et le ministère du Budget, la Direction des impôts notamment a été pendant longtemps un modèle, une référence au niveau européen et au niveau mondial en termes de dématérialisation et d’utilisation du numérique.
Le monde ne nous attend pas et il existe des pays, des administrations à l’étranger où les gens ont été plus vite et où ils ont été plus loin : je suis allé en Estonie, je sais ce qui se pratique à Singapour, il n’y a pas de raison que la France ne puisse pas le faire. Nous devons retrouver notre capacité à être premier, nous devons retrouver notre capacité à être pionniers. Ce soir, avec Mounir MAHJOUBI, nous ferons un exercice que je réalise chaque semaine de contact direct sur une grande plateforme pour détailler notre feuille de route numérique et le programme que nous appelons FranceConnect.
Mais je voudrais donner quelques exemples très concrets qui vont venir simplifier la vie des Français. D’abord, nous avons demandé au ministre de l’Education nationale de mettre à la disposition de l’ensemble des écoles de France une application très simple qui permettra une fois pour toutes aux parents de remplir les nombreuses fiches de liaison que, chaque année, il convient de remplir au cours d’une scolarité. Tout ce que nous pouvons faire pour le principe du « dites-le nous une fois » sera bienvenu, c’est plus de simplicité, c’est plus d’efficacité, c’est moins de papier. C’est évidemment quelque chose sur lequel nous devons avancer.
Aujourd’hui, il y a 5,5 millions de personnes à la CMU complémentaire et 1,5 million de personnes bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé. Elles remplissent chaque année un formulaire compliqué qui fait six pages. Avant la fin de l’année, ce formulaire sera simplifié et la procédure sera dématérialisée. C’est vraiment un champ considérable de transformation qui s’ouvre à nous, de simplicité et d’efficacité dans l’action publique. Avec l’identité et avec le label FranceConnect, nous allons très profondément transformer la façon pour l’Etat de produire des services numériques en les faisant interagir et la façon pour les usagers d’utiliser ces plateformes publiques et donc d’entrer en relation plus simple, plus rapide, plus immédiate avec l’administration et les différents services publics.
Voilà pour ces premières mesures transverses. J’ai été long, je voudrais passer la parole à Gérald DARMANIN qui va vous détailler un certain nombre d’éléments. Je voudrais vous donner rendez-vous en avril pour le prochain Comité interministériel qui va nous permettre d’annoncer et d’arrêter les principaux projets de réformes.