Discours à l'occasion du Conseil interministériel du tourisme

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 19/01/2018

Discours de M. Edouard PHILIPPE, Premier ministre
Conseil interministériel du tourisme
Chambéry, le 19 janvier 2018
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le maire,
Monsieur le président du conseil départemental,
Mesdames et messieurs les élus et représentants de secteurs professionnels,
Mesdames et messieurs,
De vieux poteaux télégraphiques. Des jantes de voitures récupérées dans une casse. Le pont arrière d’un camion Perkins et un moteur Berliet. C’est avec ça et pas mal d’astuce que Jean Pomagalski (Ndlr : le fondateur de l’entreprise Poma) et ses amis ont conçu, entre l’été 1935 et le mois de février 1936, le premier téléski à perches artisanales de France à l’Alpes d’Huez. N’étant pas un as du bricolage, plus de 80 ans après, la performance me laisse pantois.
En préparant ma venue ici, je suis tombé sur une note de mon dossier qui retraçait l’incroyable épopée de cet « ingénieur-bidouilleur » de génie. Pour être honnête, j’ignorais tout de lui. Je ne vais pas raconter son histoire ici. Vous la connaissez par cœur. Et sans doute mieux que moi. Mais en découvrant son parcours, plusieurs choses m’ont frappé. Sa vision d’abord du développement des sports d’hiver, en particulier du ski alpin. Son audace aussi. Pour lancer la production de ses téléskis, Jean Pomagalski a dû investir massivement dans une activité qui n’avait pas grand-chose à voir avec ce qu’il faisait puisqu’à l’époque, il dirigeait une petite entreprise de travaux publics. Ce qui m’a frappé aussi c’est son souci permanent, opiniâtre, d’améliorer en permanence le confort du skieur, notamment lors de la prise de perche. Une capacité à se mettre à la place du skieur – il en était un lui-même et de haut niveau- qui l’a conduit à déposer plusieurs brevets dont nous bénéficions encore aujourd’hui. Et enfin, son ouverture au monde. En effet, très tôt, Pomagalski est parti à la conquête des marchés internationaux.
Alors, en ce jour de comité interministériel du tourisme, que j’ai réuni ce matin à Matignon, je vous propose de nous inspirer un peu de Jean Pomagalski. De faire preuve de la même audace, de la même méticulosité, du même souci d’améliorer à la fois les « grandes choses », mais aussi tous ces détails liés au confort, au plaisir, à la simplicité, qui font, in fine, la différence. Dans le tourisme, nos amis hôteliers ou cuisiniers le savent : le succès – et malheureusement parfois le diable- est dans les détails. Dans ce petit « plus », pas forcément luxueux, qui peut être un accueil chaleureux, des conseils de visites, une décoration authentique, le Wifi, des produits locaux au petit-déjeuner. Un « plus » qui décide un client à dormir ou déjeuner ici et pas ailleurs. Qui peut aussi le convaincre de revenir ou de conseiller à ses amis de suivre son exemple. On a tous une bonne adresse à conseiller. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’avec les réseaux sociaux, le bon vieux « bouche à oreille » a désormais une résonnance assourdissante.
C’est un peu ça le tourisme : cet aller-retour entre de grandes choses – des lois, des infrastructures, un cadre administratif, des équipements, des financements – et de petites choses – des facilités, de la souplesse, des conseils, un accompagnement. Mais le tourisme, c’est surtout un secteur pas tout à fait comme les autres. C’est à la fois de l’industrie – Poma en est la preuve – de l’artisanat, de grands groupes, une myriade de TPE. C’est de l’exportation – Poma en est encore un exemple –, de l’apprentissage, de l’aménagement du territoire, de l’influence dans le monde. Du service, avec sa noblesse, parce qu’il y a de la noblesse à bien servir l’autre et à mieux le comprendre. De la culture aussi. Pas uniquement au sens traditionnel où l’on entend, c’est-à-dire l’accès à des lieux ou à des œuvres culturels. Le tourisme, c’est la culture de la différence : celle qu’on accueille et celle qu’on préserve. C’est un échange d’identités parfois lointaines et souvent très fortes. Et c’est pour vivre cet échange, cette confrontation apaisée d’identités, que nous voyageons. Pas forcément loin d’ailleurs. C’est un Normand en Savoie qui vous le dit ! Tous les pays s’inventent une histoire pour attirer les touristes. Nous, nous n’avons qu’à raconter la nôtre et son côté unique. Mais il faut, pour cela, s’organiser.
C’est pourquoi, dès ma nomination, j’ai voulu assumer et assurer cette transversalité. Redonner de la visibilité à un secteur « diffus » mais massif. Grand pourvoyeur de consommation intérieure, de métiers, de savoir-faire, de retombées économiques locales. J’ai voulu aussi suivre les évolutions « saison après saison » de ce secteur un peu livré à lui-même ces dernières années. Lever les freins, les complexités ou les manques qui l’empêchent de se développer de manière harmonieuse. De donner sa pleine mesure. Tout ça pour atteindre deux objectifs d’ici 2020 : l’accueil de 100 millions de touristes et une dépense touristique de 50 milliards d’euros.
L’avantage de se voir régulièrement, c’est que ça permet de travailler méthodiquement. Alors, au fond, on a agi comme l’aurait fait tout bon hôtelier : en commençant dès le mois de juillet par soigner l’accueil ou disons « le premier contact ». Un premier contact qui certes, ne décide pas de tout, mais qui laisse un souvenir durable. Un souvenir qui donne le « ton » d’un séjour et celui du récit qu’on en fait au retour. C’est peut-être injuste, mais c’est comme ça. Par définition, on n’a qu’une seule chance de faire une première bonne impression.
Donc, si vous me le permettez, je voudrais d’abord faire un rapide point d’étape sur les mesures que nous avons décidées lors du précédent comité interministériel du mois de juillet. Des mesures qui concernaient surtout l’accueil. Elles s’articulaient autour de trois éléments qui constituent la première expérience qu’a le touriste étranger avec notre pays : les services de visa, les aéroports et les infrastructures d’arrivée.
D’abord, le délai de délivrances de visas. Au mois de juillet, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères avait pris l’engagement d’abaisser à 48h le délai de délivrance des visas pour de nouveaux pays. C’est maintenant chose faite pourb huit d’entre eux et les premiers chiffres sont impressionnants : +60% de visas délivrés en Russie, + 36% en Inde.
Deuxième sujet : la réduction du temps d’attente dans nos aéroports. Evidemment, chacun peut comprendre qu’une partie de ce délai demeure incompressible pour des raisons de sécurité. C’est d’ailleurs partout pareil. Mais, nous avons déployé tous les moyens qui nous permettaient à la fois de garantir un maximum de sécurité, tout en fluidifiant un peu ces files, ou, tout du moins, en évitant qu’elles s’allongent de manière démesurée et injustifiée.
Nous avons ainsi affecté 200 policiers supplémentaires dans les aéroports parisiens. D’ici le mois de février prochain, 135 adjoints de sécurité complèteront ces effectifs.
D’ici l’été 2018, les aéroports franciliens qui concentrent une majorité du trafic international auront installé des « sas à reconnaissance faciale » qui permettront de fluidifier les files et de concentrer les effectifs là où nous en avons le plus besoin.
Depuis la fin de l’année dernière, ces aéroports disposent de statistiques en temps réel sur le temps d’attente aux frontières. Des statistiques qui seront pleinement automatisées durant l’année et qui seront partagées avec le ministère de l’intérieur pour optimiser la planification de l’armement des postes de contrôle.
Enfin, nous avons lancé un certain nombre de chantiers visant à modifier des infrastructures qui n’avaient pas forcément été conçues pour accueillir de tels flux de voyageurs. Ce sont souvent des travaux assez lourds, qui nécessitent du temps. Ils permettront à terme, de créer une quarantaine de postes de passage supplémentaires à Roissy et à Orly. Nous allons engager, avec le ministère des Transports, des chantiers similaires dans les aéroports régionaux qui sont également soumis à de fortes pressions, parfois saisonnières, comme c’est le cas à Chambéry.
Enfin, dernier sujet et non des moindres : la propreté des grandes voies de circulation non concédées qui relient Paris à ses aéroports. Inutile de vous en brosser le tableau. Vous le connaissez. Il s’agit de rompre avec une petite trentaine d’années d’inattention ou de négligence qui commencent à faire désordre auprès des millions de touristes (et de Franciliens) qui les empruntent chaque jour. Qui commencent aussi, reconnaissons-le, à nous faire un peu honte quand on voyage à l’étranger et qu’on compare avec les routes d’autres pays. Des routes qui sont d’intérêt national puisque, bien souvent, pour partir à l’étranger, nous devons les emprunter. Par ailleurs, sur les 100 millions de voyageurs par an qui transitent par les aéroports franciliens, les deux tiers les rejoignent par la route. Ce que nous expérimentons pour ces voies, nous pourrons le reproduire là où c’est nécessaire. Ainsi, les mesures sont désormais prêtes. 4 millions d’euros ont été budgétés pour une montée en puissance du dispositif à la fin de l’année. Il s’accompagnera également d’un volet policier et judiciaire pour lutter contre les filières de traitement illégal de déchets.
Voilà en ce qui concerne ce premier point d’étape. D’autres points d’étape suivront tous les six mois. J’en viens maintenant au cœur du sujet qui a réuni le gouvernement et les collectivités ce matin. Aux mesures que nous avons instruites et prises durant ce comité interministériel au tourisme. Des mesures qui montrent que le tourisme est un outil massif d’aménagement du territoire.
Ces mesures concernent toutes en effet, d’une façon ou d’une autre, les territoires ou les terroirs. Je parlais d’identités locales tout à l’heure. Elles sont une chance, le principal argument d’un pays dans un marché touristique mondial qui tend à s’homogénéiser. Quand on voyage, on aime retrouver quelques repères. Mais ce qu’on recherche surtout, c’est le dépaysement. La découverte. Un peu d’authenticité et d’émerveillement. Or, pour paraphraser un de mes auteurs favoris, la « France est diversité ». Eh bien, je vous propose d’investir, de valoriser cette diversité. Et je vous propose de le faire autour de trois axes.
Le premier axe est numérique. J’en ai déjà développé un volet le 14 décembre dernier à Cahors. Il concerne l’accès au haut débit et au très haut débit partout sur notre territoire. On l’a tous vécu : quand on réserve dans une maison d’hôte ou qu’on loue une maison à la campagne, on le fait pour profiter du paysage, faire une coupure, se promener. Mais au bout de quelques heures, on aime bien aussi jeter un œil à sa messagerie, consulter la météo, préparer la visite du lendemain, trouver un itinéraire. Bref, on ressent soudain le besoin urgent d’une vraie et bonne connexion. Or, l’absence de cette connexion est aujourd’hui un vrai handicap pour des territoires qui ont pourtant énormément à offrir. Nous garantirons donc un accès au très haut débit pour tous d’ici 2022.
L’autre volet concerne la régulation. Le tourisme a connu une numérisation rapide, globale. Et j’ajouterais parfois un peu brutale. Elle n’est pas mauvaise en soi. Elle a permis la création ou la valorisation d’un grand nombre d’activités en France. Elle a également permis de mettre sur le marché de nouvelles capacités d’hébergement, en particulier dans des zones en tension, parfois aussi dans les zones rurales. Des capacités qui répondent aux attentes d’une partie de la clientèle mondiale. Cependant, tout le monde doit pouvoir vivre. Parce qu’on a besoin de tout le monde. De toute la gamme d’hébergement. Et pour ça, il faut des règles du jeu équitables. Des règles claires, des règles fermes aussi. L’idée n’est évidemment pas de punir ou de freiner le développement d’activités. L’idée n’est pas non plus de modifier ces règles en permanence. Elle est d’encadrer, de déterminer avec précision les droits et les devoirs de chacun. Et de les faire respecter C’est la différence entre un pays de vraies libertés et le Far West. D’où plusieurs mesures :
D’abord, la loi de finances pour l’année 2018 modifie la taxe de séjour pour les hébergements non classés. Quel est le problème ? Un grand nombre de logements disponibles sur les plateformes relèvent d’un standing proche de 4 ou 5 étoiles. Et pourtant, jusqu’à présent, la taxe de séjour qui leur était applicable était inférieure à celle d’un hôtel une étoile. On a donc réparé cette distorsion grâce à cette taxe assise non sur le classement, mais sur le coût de la nuitée, tout en laissant une grande autonomie aux communes dans la fixation de son taux.
Il y a ensuite le fait de rendre pleinement applicable la loi de 2016 pour une République numérique. Ce n’est pas encore le cas. J’ai demandé aux ministres concernés que toutes les mesures d’application soient prises d’ici la fin de l’année. Elles sont soumises à la concertation.
J’ajoute, enfin, qu’à compter du 1er janvier 2019, les plateformes auront l’obligation de collecter la taxe de séjour et de transmettre les informations aux administrations fiscales.
Cet équilibre ne cible personne mais vise juste à rendre la loi effective, ce qu’elle n’était pas encore totalement. Et si la loi n’est pas respectée, si les équilibres de marché ne sont pas régulés, comment voulez-vous investir ?
Car c’est bien le deuxième axe des mesures que je veux vous présenter aujourd’hui. Il concerne l’investissement. En particulier l’investissement touristique dans les territoires.
Je l’évoquais tout à l’heure, le développement du tourisme en France s’est longtemps focalisé sur la promotion. C’est bien. On en avait besoin. On va même la renforcer encore. Je vais y revenir car on a besoin pour faire connaître et faire aimer la « destination France » et ses territoires. Mais, on doit aussi être capable d’accueillir convenablement les touristes qui nous font l’amitié de venir chez nous. Et on doit répondre à leurs attentes. Des attentes qui sont souvent différentes de celles des touristes des générations précédentes. Et pour ça, il faut investir. Pas n’importe où, ni n’importe comment. Il faut investir à bon escient et de la bonne manière.
Je ne suis pas un grand fanatique des chiffres, mais je dois reconnaître qu’ils permettent parfois de planter le décor. Que disent-ils les chiffres ? Que l’investissement touristique en France est resté au même niveau que celui de 2010 alors que la consommation touristique a augmenté de 15%. Ainsi, le poids du tourisme dans l’investissement total des services marchands s’élève en France à 6% contre 9% en Espagne, 16% en Italie et 17% au Royaume-Uni. Mais derrière ces chiffres, je voudrais insister sur deux réalités. Des réalités que vous connaissez bien ici.
D’abord, dans la montagne française, ¾ des hébergements ont plus de 20 ans. Et chaque année, sur les 790 000 lits disponibles en résidence de tourisme, 3 000 sortent du marché. Des appartements, des immeubles qui, si on ne fait rien, risquent de devenir des friches touristiques. C’est, je crois, ce que vous appelez ici les « lits froids-volets clos ». Ces milliers d’appartements souvent pas très grands avec une kitchenette et des lits superposés dans l’entrée qui, aujourd’hui, ne sont plus entretenus et qui d’ailleurs n’attirent pas toujours la clientèle, en particulier internationale.
La seconde réalité, c’est une l’évolution de la petite hôtellerie. Début 2017, on comptait 200 hôtels de moins qu’un an auparavant, les créations n’ayant pas permis de compenser les 400 fermetures. Des fermetures qui ont concerné en majorité les zones rurales. Et qui s’expliquent souvent par la transformation d’une activité hôtelière en maison d’hôtes. C’est bien aussi. De créer des chambres d’hôtes. Mais je le disais tout à l’heure : nous avons besoin de tous les métiers. Et on doit pouvoir revenir à un peu plus de diversité et d’équilibre.
Evidemment, on ne peut plus investir selon le modèle d’antan. Beaucoup de flocons sont tombés sur les cimes depuis le « plan neige » des années soixante. Désormais, cette responsabilité incombe aux collectivités locales. A fortiori depuis la loi NÔTRe de 2016. Et puis, les modes de financement aussi doivent changer. Ils ont eu leur vertu : construire vite et démocratiser la pratique des sports d’hiver. Mais, quarante ou cinquante ans après, on en perçoit les limites. Comment rénover de grands ensembles qui appartiennent à des centaines de copropriétaires ? Comment augmenter les capacités d’accueil alors que le foncier est contraint ? Et puis enfin, il y a ce risque que les flocons deviennent plus rares. Ce n’est pas le cas cette année – et je m’en réjouis. Mais il faut aussi l’intégrer et adapter l’offre touristique à un contexte de changement climatique.
Alors, sur le fondement des conclusions de la mission conduite par Serge Trigano, Philippe Augier et Eric Lombard, que je remercie, je vous propose de fonder une nouvelle politique de l’offre sur 3 piliers.
Premier pilier : les financements.
En ce qui concerne les petites activités économiques, la BPI ajustera son « prêt hôtellerie » en augmentant son plafond qui s’élève aujourd’hui à 400 000 euros. Elle mettra également en place un « accélérateur BPI » qu’elle proposera à de grands groupes de cofinancer. Il s’agit, en clair, d’appliquer un principe qu’on connaît bien ici et qui est celui de la cordée. La BPI sélectionnera une trentaine de PME, le plus souvent des start-ups du tourisme, pour les aider à grossir, et à franchir les paliers qui les séparent de la taille critique.
S’agissant des grands projets, qui requièrent d’importants capitaux et dont les marges ne sont pas toujours très élevées, nous avons demandé à la CDC de s’impliquer davantage. La Caisse dédiera 500 millions d’euros sur cinq ans au secteur, sur ses fonds propres pour lever, en jouant sur l’effet de levier, environ 3,5 milliards d’euros. Je lui ai demandé, et son Directeur général a bien voulu l’accepter, qu’elle en affecte une partie aux lits froids. C’est chose faite. Sur cette enveloppe enfin, 10 millions d’euros environ seront engagés en pure subvention sur le financement de l’ingénierie.
Le deuxième pilier de cette nouvelle politique de l’offre, c’est l’ingénierie.
Un casse-tête. Ce n’est pas moi qui le dit, mais vous, les professionnels. Et Serge Trigano, Philippe Augier, Eric Lombard l’ont dit ou plutôt écrit dans leur rapport. Il est devenu en effet très compliqué de faire sortir de terre des projets déjà pas simples à concevoir sur le papier et à financer. On doit pouvoir faire mieux et on va faire mieux.
On va faire mieux en constituant ce qu’on appelle en mauvais français un « front office » de l’ingénierie qui regroupera, dans le sillage d’Atout France, tous les acteurs concernés, en particulier la CDC et la future agence nationale des territoires, mais aussi et surtout les collectivités, qui sont centrales dans ce co-pilotage. Je sais que le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves LE DRIAN et le Secrétaire d’Etat Jean-Baptiste LEMOYNE, ont beaucoup avancé dans la concertation avec les Présidents de région sur ce point et je les en remercie. Donc, désormais, Atout France aura 2 métiers ou 2 casquettes : la promotion d’un côté, et l’ingénierie, c’est-à-dire l’accompagnement à la structuration des projets de l’autre. Les deux jambes d’une politique touristique fondamentalement partenariale, car, comme vous le savez, Atout France est un GIE, qui regroupe l’Etat, les collectivités et les professionnels. J’ai demandé aux ministres de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’économie et des finances de rendre sa gouvernance plus inclusive, pour que Atout France soit véritablement la « maison du tourisme », qui réunisse l’ensemble des acteurs du tourisme pour mutualiser les moyens et les actions.
C’est d’ailleurs ce futur « front office » qui commencera par suivre en particulier une dizaine de stations de manière expérimentale – dont plusieurs sont d’ailleurs en Savoie. Quelle est l’idée ? Elle est de sélectionner des communes et les accompagner dans la réhabilitation de leurs hébergements touristiques marchands. Dès le premier semestre 2018, dix communes expérimenteront cette nouvelle méthode. Et donc, après, grâce à cette première expérience, nous pourrons agir à une autre échelle.
Enfin, je sais bien que beaucoup d’entre vous en appellent à des mesures incitatives fiscales, soit positives soit plus pénalisantes par exemple envers les logements trop souvent vacants. Le rapport en dresse l’inventaire. J’ai demandé, afin de préciser les coûts et l’efficacité attendue de même que la faisabilité au regard de la Constitution, une mission interministérielle des inspections du ministère de l’économie et des finances et de la cohésion et des territoires en ce sens. J’attends leurs conclusions à l’été. Mais il y a également une réponse en droit de l’urbanisme et de la copropriété. Des propositions ont été reprises et seront versées au projet de loi ELAN pour soutenir les maires qui le souhaitent à inciter à la réhabilitation et à, comme vous dites ici, « reconstruire la station sur la station ».
Troisième et dernier pilier : la simplification. Une simplification qui s’adresse en priorité aux plus petits acteurs du tourisme.
Nous avons, en la matière, un précédent utile : celui de la réforme du classement des hôtels en 2016. Nous allons en étendre la logique à d’autres métiers : les offices de tourisme, les résidences de tourisme et les campings. S’agissant des stations classées, nous engagerons une concertation avec les représentants des collectivités locales.
Mais un vrai grand enjeu collectif concerne la mise en accessibilité, en particulier des petits établissements recevant du public. L’idée n’est évidemment pas de renoncer à l’ambition, ni aux objectifs. Elle est d’accompagner ceux qui en ont le plus besoin. Dans les cas plus difficiles, nous nommerons des « ambassadeurs de l’accessibilité » pour mener les discussions sur la mise en œuvre des agendas Ad’Ap, mais aussi pour chiffrer correctement les travaux, souvent trop élevés. Cette mise en accessibilité représente certes un investissement, mais elle doit aussi être une chance. Elle peut permettre à des établissements de monter en gamme et d’attirer une clientèle différente. Encore faut-il aider tout le monde à relever ce défi. Nous le ferons ensemble.
Voilà en ce qui concerne cette nouvelle politique de l’offre. J’en viens maintenant au dernier sujet qui, d’une certaine façon, résume ou symbolise tous les autres.
Connaissez-vous le principal point commun entre la montagne et la mer ? Les deux font rêver les poètes, c’est certain. Les deux attirent des millions de touristes chaque année, on est d’accord. Mais leur principal point commun c’est que la montagne, comme la mer, ça creuse. C’est pourquoi, je terminerai mon intervention en vous parlant de gastronomie. De cet art de « régler l’estomac » comme disaient les Grecs.
Alors, tout a été dit, et très bien dit, sur la gastronomie. En particulier en France où le sujet déchaîne les passions depuis la nuit des temps. Pas seulement dans les grands restaurants, mais dans les « 60 millions de cuisines » que compte notre pays. Alors oui, comme l’a dit le président de la République le 27 septembre 2017 devant les grands chefs réunis à l’Elysée : « la nourriture est bien une affaire d’Etat ».
C’est une affaire d’Etat parce que depuis le 16 novembre 2010, depuis que l’Unesco a inscrit le « repas gastronomique des Français » sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, la gastronomie, c’est du patrimoine. Et un patrimoine, ça se préserve, ça se valorise, ça se transmet aux jeunes générations, ça s’ouvre aussi au grand public.
C’est une affaire d’Etat parce que la gastronomie, c’est une des voies d’accès à nos terroirs, à cette diversité que j’évoquais tout à l’heure. Bien souvent, quand on est un touriste étranger, la première fois qu’on rencontre la Bourgogne, la Normandie, le Bordelais, les Alpes, c’est dans son assiette ou dans son verre. Pas forcément en France, mais aussi dans l’un des restaurants français qui a pignon sur rue à San Francisco, à New York, à Singapour, à Pékin ou à Tokyo.
Enfin, les chefs le confirmeront, la gastronomie c’est un secteur, comment dire, assez « concurrentiel ». Un secteur dans lequel les positions les plus enviables et les plus enviées ne sont jamais acquises. Un secteur où il faut pas mal de rigueur, de travail, de talent, de savoir-faire pour se hisser en haut de l’affiche ; mais où il faut encore plus de rigueur, de travail, de talent et de savoir-faire pour s’y maintenir.
Alors au fond, aujourd’hui, c’est un peu comme si notre pays « remettait son titre de champion du monde » en jeu tous les ans. Et pour l’aider à conserver ce titre, je vous propose de former une équipe et « d’animer un peu le championnat ». Comment ? En faisant trois choses :
D’abord, pour la première fois, l’Etat soutiendra financièrement la gastronomie française à hauteur d’1,5 million d’euros. Pour en augmenter l’attractivité. Et pour en asseoir encore un peu plus la visibilité au niveau international.
Nous allons ensuite proposer de labelliser, un peu sur le modèle de la « French Tech », et autour d’Atout France, les meilleures initiatives françaises. Nous le ferons sous une bannière commune. Cette bannière, ce sera le label « Good France – Goût de France » qu’Alain Ducasse, son inventeur, a accepté de céder à l’Etat, ce dont je le remercie sincèrement.
Et puis, comme l’a annoncé le président de la République le 27 septembre 2017, nous allons un peu scander l’année grâce à quelques grands rendez-vous mondiaux, Ainsi :
Au mois de mars prochain, nous organiserons, pour la 4ème fois, un dîner à la française partout dans le monde, grâce à l’aide de notre réseau d’ambassades.
En juin, la France souhaite accueillir, - vous me pardonnerez l’expression, mais elle s’y prête- « tout le gratin de la gastronomie mondiale » à Paris. Pour faire de Paris, le Davos de la nourriture, l’endroit où la planète entière se donne rendez-vous pour évoquer les nouvelles tendances et en rassemblant tous nos terroirs amenés à y être représentés.
Enfin, l’ancienne fête de la gastronomie sera rebaptisée « Goût de France » et revivifiée dès septembre prochain.
D’ici 2019, nous organiserons tous ces évènements durant la même période, c’est-à-dire la fin du printemps, pour leur donner un maximum de résonnance.
Voilà, mesdames et messieurs, les mesures très concrètes que je voulais évoquer avec vous aujourd’hui. En gastronomie comme ailleurs, il y a le savoir-faire et le faire-savoir. Le savoir-faire, je viens d’en parler. Pas uniquement au sujet de la gastronomie, mais de tous les métiers du tourisme. Le « faire-savoir », c’est un peu la raison d’être d’Atout France. J’ai dit tout à l’heure que l’opérateur assumerait une seconde mission, tournée vers l’ingénierie. Ça ne veut pas dire qu’il fera moins de promotion, bien au contraire, pour faire venir les touristes étrangers dans nos territoires.
Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et le Secrétaire d’Etat ont lancé, au mois d’octobre 2017, une mission sur la réforme du financement de la promotion. Nous venons tout juste de prendre connaissance de ses conclusions. Ses principaux axes sont majeurs :
D’abord, atteindre d’ici 2020 l’objectif d’un euro dépensé en promotion touristique par touriste étranger accueilli pour se replacer au niveau de la moyenne mondiale. L’idée n’est pas de dépenser de l’argent pour dépenser de l’argent, mais de parler plus fort et plus haut. Et donc de faire cet effort de rattrapage dans le domaine de la promotion pour soutenir toute la filière. La France veut accueillir plus et mieux. Elle s’en donne les moyens. Il faut maintenant que ça se sache.
Dès 2018, Atout France bénéficiera d’une quinzaine de millions d’euros supplémentaires pour la promotion dont 6 millions de l’Etat et 6 au moins du secteur privé, sans compter les régions. Dès 2019, ce financement sera encore renforcé. Nous avons ainsi décidé de pérenniser la recette issue de la délivrance des visas à l’étranger : 3% de cette recette totale sera reversée à Atout France. Il s’agit d’un effort majeur, qui donnera de la visibilité au budget d’Atout France et donc à l’ensemble de ses partenaires.
A terme, l’objectif est donc bien que l’opérateur assure une très forte montée en puissance qui nécessitera d’adapter sa gouvernance. C’est ce à quoi travaille le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
J’évoquais tout à l’heure l’objectif national de 100 millions de touristes accueillis en 2020. Cet objectif sera sans doute atteint. Surtout quand on sait que la France aura accueilli en 2017 près de 90 millions de touristes. Vous l’aurez compris, au-delà des chiffres, la question est de savoir quel tourisme nous voulons pour notre pays pour les dix ou quinze prochaines années. Pour moi, un séjour en France doit demeurer quelque chose d’unique. Pour être unique, ce séjour doit évidemment comprendre des étapes incontournables comme Paris et le Mont-Saint-Michel. Mais on le rendra vraiment incroyable si on y inclut des chemins de traverse. Des chemins qui conduisent au cœur des régions de France, au cœur de ces joyaux architecturaux et naturels que nous, Français, connaissons bien, mais que nos amis étrangers ne soupçonnent pas toujours.
La meilleure manière pour qu’un séjour en France soit unique, c’est que notre pays reste unique. Il doit certes emprunter quelques codes, s’adapter à quelques exigences, mais il doit avant tout creuser le sillon de sa singularité. Il doit travailler ce que le grand voyageur et ethnographe français Victor Segalen appelait, dans son essai sur l’exotisme, « l’esthétique de la diversité ». Parce qu’un voyage en France doit être cet aller-retour permanent entre nous-mêmes et les autres. Un aller-retour consubstantiel à notre histoire.

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