Seul le prononcé fait foi
Madame la Ministre des transports, Monsieur le maire, cher Luc,
Monsieur le président de la région Normandie, cher Hervé, Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le préfet,
Monsieur le Secrétaire général de la mer, Monsieur le président du Cluster Maritime, Cher amis professionnels de la mer,
Qui se souvient des Vénètes ? Pas ceux de Vénétie. Ceux d’Armorique qui, aux alentours du 1er siècle avant notre ère, régnaient sur les mers, de la Bretagne jusqu’à l’actuel Royaume-Uni? Il y en a un qui s’en souvient, c’est Jules César. Dans ses Commentaires sur la guerre des Gaule, il se souvient que pour conquérir la Gaule, il a dû battre des Gaulois « terriens »– ça, je dirais, on le savait- et des Gaulois « marins ». Ça, on le savait moins. Et pourtant, quelle énergie pour en venir à bout !
Je vous rassure : l’oubli est excusable. D’abord parce que les historiens ignorent quand s’est précisément déroulée la bataille navale décisive. Si eux-mêmes ont oublié, après tout, pourquoi pas nous ? Mais si cet oubli est excusable c’est qu’il est le premier d’une longue série. L’oubli, volontaire ou involontaire, par la France de sa vocation maritime. Pour un Choiseul, un Colbert, un Richelieu, un Louis XIV, un Napoléon, un de Gaulle, combien d’intermittences du cœur ? Combien d’années sans vent dans les voiles ?
Ici, au Havre, il difficile d’oublier la mer. Le large, difficile de ne pas le voir, même lorsque le brouillard bouche l’horizon (ce qui est, comme vous le savez, rare). Le large, c’est notre raison d’être. Depuis 500 ans. Sans mer, pas de port, pas de ville du Havre, pas de Havrais. Comme beaucoup ici, la mer, je suis tombé dedans quand j’étais petit. La mer, dans ma famille, était une profession. Elle était une passion. Et ce que j’exprime n’est pas récent. Ça fait 500 ans que ça dure.
500 ans, c’est un peu l’âge de raison. L’âge aussi d’une certaine sagesse. Je ne dis pas qu’un Havrais sait tout ce qu’il faut savoir sur la mer, mais il a quelques convictions bien ancrées.
- Il sait d’abord ce que la volonté politique peut faire. Par exemple : construire un port et une ville au beau milieu d’un marécage pour que la France s’invite dans le commerce avec le Nouveau-Monde.
- Il sait que quels que soient les outils qu’elle utilise – boussole ou GPS-, la mondialisation commence et finit toujours dans un port.
- Un Havrais sait aussi qu’un port seul ne sert pas à grand-chose. Que pour se développer, il a autant besoin de la mer, que de la terre, que de fleuves, de rail, d’hommes et de femmes.
- Un Havrais sait enfin que la mer, c’est une affaire de métiers et de connaissances. Des métiers, des connaissances qu’on n’a jamais fini de transmettre. Des métiers, des connaissances qu’on n’a jamais fini de perfectionner.
Autant dire que j’ignore qui a eu l’idée d’organiser ces Assises ici, à cette date, mais je dois dire que c’est une bonne idée.
La mer fait rêver. C’est bien. Mais il est peut-être temps qu’elle nous fouette aussi un peu le visage. Qu’elle nous fasse réagir. Et agir. L’exercice n’est pas simple. C’est pourquoi je l’aborde avec une humilité à peu près égale à l’ambition qui m’anime.
- Humilité parce que beaucoup a été fait, c’est vrai et qu’il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Humilité aussi parce qu’en tant que maire du Havre, j’ai parfois souffert comme vous sans doute, d’hésitations, de changements de cap et d’un certain décalage, pas toujours volontaire d’ailleurs, entre les intentions et les actes. Je m’efforcerai donc d’aborder les choses avec cohérence et surtout avec constance.
- Ambition parce que nous avons 5 ans devant nous. Et en 5 ans, on peut rattraper beaucoup de retard, lever pas mal de verrous, libérer pas mal d’énergies et pourquoi pas, prendre de l’avance. Parce qu’en 2017, la France a choisi l’ouverture. Elle a choisi l’audace. Parce que dès que la France décide de regarder le monde « droit dans les yeux », elle se tourne, je dirais « naturellement », vers le large. Parce qu’un domaine maritime, ça s’occupe physiquement, ça s’organise, ça s’exploite avec discernement, ça s’aménage comme un « vrai territoire ». Parce que la mer est un magnifique projet à proposer aux jeunes Français.
Alors bien sûr, je n’y arriverai pas seul. La mer, c’est, au fond, toujours, une affaire d’équipage. C’est pourquoi j’ai réuni vendredi dernier un Comité interministériel de la Mer : c’est la première fois qu’un CIMER se réunit dans les 6 premiers mois d’un quinquennat. C’est pourquoi je m’exprime aujourd’hui devant vous, les professionnels de la mer.
Le sujet maritime mériterait en vérité un second discours de politique générale. Malheureusement, je ne dispose que de 25 minutes. Et puis, vous êtes des entrepreneurs. La mer, c’est votre outil de travail. Vous y investissez, vous y prenez des risques, parfois physiques. Vous avez besoin de visibilité. De sécurité. Alors, je vais vous parler de compétitivité. Maritime j’entends. Je vous parlerai de trois défis. Et je terminerai en lançant un appel. Un appel à volontaires. J’y reviendrai.
I/ Je ne choquerai personne si je dis que la France n’a pas un trafic portuaire à la hauteur de sa façade maritime, de son marché intérieur et de sa place en Europe. Et je n’étonnerai personne si je dis que si on ne fait rien, cela ne va pas s’arranger.
Je sais : on le répète depuis longtemps. On le répète depuis tellement longtemps qu’on s’est d’ailleurs un peu habitué à l’idée. Et bien moi, je ne m’habitue pas à l’idée qu’Anvers soit le premier port de France. Je n’ai rien contre les Belges : mes amis de Sainte-Adresse, juste à côté, savent à quel point nous partageons une histoire commune avec eux. Mais, quand on aime son pays, quand on aime ses ports, quand on aime ses dockers, on se dit que le temps du sursaut est peut-être venu.
Alors, oui, il faut bouger. Vite. Et pas qu’un peu. Parce que sans ports puissants, pas de puissance maritime. Pas d’industrie portuaire, pas d’emplois, pas d’avenir pour le Havre, Marseille, Dunkerque. Pas de France dans la mondialisation.
Mais avant cela, il faut une stratégie. Une stratégie portuaire. Une stratégie qui, dans mon esprit, comprend au moins trois axes.
- Le premier, c’est celui de la complémentarité. Tous les ports ont la même importance symbolique et historique. Nous sommes tous attachés à notre port d’attache, c’est comme ça. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ont tous la même vocation.
Il existe en métropole, trois systèmes portuaires qui ont clairement un intérêt européen et international. Et qui pour cette raison, doivent demeurer dans le giron de l’Etat.
1. Le premier c’est le système de l’axe Seine. Le Havre est le premier port du range Nord que croisent les trafics en provenance de l’Atlantique nord. Mais, voyez-vous, ce port est un petit peu particulier. Je ne sais pas pour vous mais moi, sur l’axe Seine, je ne vois qu’un seul port. Un port qui commence à la digue Sud et qui continue jusqu’au Pont- Neuf, à Paris, voire bien au-delà. Je ne remets pas en cause le succès d’HAROPA sur le plan notamment de la visibilité. Mais on sent bien que sa gouvernance a atteint ses limites ; qu’il y faut plus d’intégration ; un pilotage beaucoup plus unifié qui inclue au même niveau les trois ports : Le Havre, Rouen et Paris. J’ai demandé au préfet François PHILIZOT, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, de conduire une mission à ce sujet. J’attends ses conclusions avant la fin du mois de février 2018.
2. Mais la France a aussi une puissante vocation méditerranéenne. Et le grand port français de la Méditerranée, c’est Marseille. Et pour qu’il puisse remplir pleinement cette vocation, il doit d’une part mieux s’articuler avec les autres ports de la façade méditerranéenne, et d’autre part pénétrer profondément dans les terres, vers le nord, le long du Rhône et de la Saône jusqu’à Lyon. C’est pourquoi j’ai demandé à Jean- Christophe BAUDOUIN, délégué interministériel au développement de l’axe Méditerranée-Rhône-Saône de me proposer une réflexion sur une nouvelle stratégie portuaire sur la façade et le long de l’axe Rhône. Elle aboutira à l’été.
3. Enfin, le grand port français de l’activité transmanche, de la mer du Nord, c’est Dunkerque. Dunkerque qui se trouve en compétition immédiate avec les grands ports belges et néerlandais. Dunkerque qui doit devenir notre tête de pont sur l’axe Nord, en se coordonnant, bien sûr, avec les ports proches, en particulier celui de Calais. Le Préfet de région des Hauts-de-France conduira la réflexion sur cet axe.
Et puis, il existe, en métropole, des ports qui ont une vocation nationale mais qui ne se situent pas sur les grands axes des trafics mondiaux. C’est bien, on en a besoin. Mais je pose la question : l’Etat est-il le mieux placé pour en assurer le développement, en particulier avec leur territoire ? Pour moi, non. Et dans cette perspective, l’échelon pertinent, c’est la région. Ça ne veut pas dire que d’autres collectivités n’ont pas leur mot à dire. Ça ne veut pas forcément dire non plus que l’État doit s’en désintéresser. Ni que tous doivent être gérés de la même manière. Alors, parlons-en ! Dans la confiance et le respect des particularités. J’ai demandé qu’on lance très vite une mission de concertation dans ce but. Nous verrons alors ce qu’il est possible et souhaitable de faire, au cas par cas.
- Le deuxième axe, c’est celui de la compétitivité. Vous connaissez la situation : les ports français se heurtent à ce que les économistes appellent un « effet de ciseau ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Que d’un côté, on a des charges, en particulier fiscales, qui augmentent et que de l’autre, on a des revenus, ceux liés à la rente pétrolière, qui baissent.
Nous nous conformerons, bien sûr, aux règles communautaires concernant la fiscalité. Nous le ferons avec d’autant plus de bonne volonté, que nous n’avons pas peur de la concurrence. D’abord, parce que nous n’avons pas à rougir de nos savoir-faire. Et parce qu’ensuite on va s’y préparer, « s’armer pour ».
Madame la ministre des Transports Elisabeth Borne le sait mieux que quiconque : notre objectif, c’est de changer le regard que nous portons sur les ports. De ne plus les voir uniquement comme des gestionnaires d’infrastructures, mais comme des écosystèmes, des centres de services. Des écosystèmes capables d’attirer des investisseurs sur leur domaine ; de livrer de vraies batailles commerciales. Capables aussi d’innover, « d’incuber » comme diraient les startupers. Cela suppose de faire deux choses :
- D’abord, de leur donner de la visibilité sur leurs charges, notamment fiscales ;
- Ensuite, de simplifier les démarches, en revoyant les règles de la domanialité publique et les pratiques des ports pour sécuriser les investisseurs et optimiser l’utilisation du domaine portuaire.
J’ai demandé aux ministres concernés, en particulier à madame la Ministre des Transports de proposer des réformes dans ce sens.
- Troisième et dernier axe : l’amélioration de la fluidité du passage portuaire.
- Je l’ai dit, les ports ont besoin de la mer. Ils ont aussi besoin de la terre, plus précisément du rail et des fleuves.
- Les collectivités du Nord ont choisi le fleuve, avec le Canal Seine-Nord. Elles travaillent, avec l’État, à définir des modalités de financement acceptables. L’important, c’est d’en faire un succès pour nos ports, pour nos fleuves et pour nos territoires.
- Ici au Havre, on a le fleuve et on a le rail. Je sais que l’amélioration de l’accès fluvial à Port 2000 est ici dans toutes les têtes. Une concertation publique est en cours. Si elle conclut qu’il suffit d’optimiser l’organisation actuelle, nous le ferons. Si elle conclut qu’il faut étendre le terminal multimodal, nous le ferons. Et si elle conclut qu’il faut faire la chatière, je le dis : l’État prendra ses responsabilités et nous le ferons. Quant au rail, l’État investit dans la modernisation de la ligne ferroviaire entre Serqueux et Gisors pour une amélioration de la desserte dès 2020.
- Au-delà de ces deux exemples, l’Etat doit soutenir partout le transport combiné ferroviaire et fluvial. C’est pourquoi, un dispositif comparable à celui de l’aide à la pince sera maintenu. J’ai demandé aux services compétents de travailler très vite à la définition de ses nouvelles modalités pour 2018, en lien avec les professionnels.
- Les ports ont besoin des fleuves. Ils ont besoin de fluidité. En particulier de fluidité numérique. La première étape sera la convergence des systèmes logistiques de chaque axe portuaire. Il y a actuellement deux systèmes concurrents, l’un sur l’axe Seine, l’autre sur l’axe Rhône. Je les connais bien mais je veux désormais un seul système. J’ai demandé à la Ministre des transports d’y réfléchir et de me faire rapidement des propositions pour avancer avec les industriels. La seconde visera à la digitalisation complète de la logistique maritime avec la mise en place d’une plateforme nationale des données portuaires. Et inspirons-nous des meilleurs ! Pas des Belges ou des Néerlandais dans ce cas, mais des Singapouriens. Vous le comprenez, à terme, je ne veux plus 3 ports nationaux : je veux un seul port français, avec 3 portes d’entrée. L’Etat peut fixer les objectifs, mais il ne pourra obtenir des avancées décisives sans le concours des professionnels.
- Un dernier mot peut-être pour conclure ce chapitre portuaire, au sujet de l’Outre-mer. Je me trouvais au début du mois de novembre aux Antilles. À la fois pour dresser un état des lieux de la situation après le passage des ouragans Irma et Maria. Et pour parler d’avenir. De leur avenir. J’ai aussi dit que ce Gouvernement serait celui du « réflexe outre-mer ». A fortiori quand il parle de « mer ».
- Le comité interministériel de la mer de vendredi dernier a acté la mise en œuvre de mesures très concrètes en faveur du développement des croisières maritimes et de l’emploi des jeunes ultramarins dans ce secteur très porteur : en exemptant par exemple de visa certains touristes de la zone Schengen qui se rendent dans nos Outre-Mer ou en poursuivant la dématérialisation des procédures.
- Je souhaite aussi que l’on s’inspire de l’exemple de la Réunion pour créer aux Antilles (et alors que l’élargissement du canal de Panama vient de s’achever) une grande plateforme de transbordement. On doit pouvoir amorcer aux Antilles une dynamique de croissance des trafics comparable à celle que nous observons aujourd’hui à la Réunion.
Mes chers amis, je veux que la France devienne l’une des grandes portes de l’Europe continentale. Nous avons pris du retard par rapport aux ports d’Europe du Nord. Ce retard commence à nous coûter cher en termes de trafic, mais il n’est pas irréversible. Avec des ports compétitifs, nous aurons une économie de la mer compétitive. Et forcément durable.
II/ Durable parce que la mer, c’est le défi écologique du 21è siècle. Le défi des défis : ceux du changement climatique et de la biodiversité.
Nicolas Hulot, qui est en charge de la mer, vous en parlera sans doute demain. Je veux juste rappeler que la France a au moins deux bonnes raisons de se montrer particulièrement exemplaire.
- D’abord, notre pays assume un rôle de leader dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Il l’assume, presque tous les jours, par la voix du président de la République, sur la scène internationale. La semaine dernière à la COP23, dans un mois à l’occasion du Sommet du 12 décembre. Il l’assume au quotidien, en se donnant les moyens d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. C’est pourquoi mon Gouvernement défend en ce moment au Parlement une loi qui interdira, sur notre espace maritime, la recherche et la production d’hydrocarbures.
- Ensuite, la France des mers, c’est la France du vivant, la France de la biodiversité marine. L’histoire a fait de nous les dépositaires de l’une des plus grandes réserves de richesses au monde. Second espace maritime mondial, la France occupe la 1ère place européenne par le nombre d’espèces marines évoluant dans ses eaux avec 10 % des espèces connues au niveau mondial. L’histoire retiendra que nous en sommes par conséquent, les principaux comptables vis-à-vis des générations futures.
- La mer doit donc devenir un espace de transition. En 2 000 ans, des transitions, le transport maritime en a connu quelques-unes. Rames, voile, vapeur, gas-oil, et maintenant ?
Eh bien maintenant, le GNL. Des grands armateurs français – je pense à Brittany Ferries, à la CMA, dont je salue la récente commande de 9 porte-conteneurs propulsés au GNL – montrent la voie. On doit faire de cette transition un élément différenciant sur le marché. Sur celui des transports et sur celui de l’offre portuaire. Parce que les normes évoluent très vite. Parce que l’opinion publique, et c’est tant mieux, y est de plus en plus en sensible. Parce que ne pas préparer une évolution prévisible, c’est déjà prendre du retard.
- C’est pourquoi, l’Etat adaptera la réglementation relative à ce carburant pour faciliter l’approvisionnement des navires dans les ports.
- J’ai demandé à Bruno Le Maire d’étudier la révision des modalités d’amortissement des investissements concernant l’achat de nouveaux navires ou de modes de propulsion.
Nous voulons que les ports français s’équipent. Quand c’est possible bien sûr. Qu’ils s’équipent en installations GNL, mais aussi, à quai, en capacités de branchement électrique des navires.
- Enfin, nous demanderons et nous obtiendrons le classement par l’Organisation maritime internationale, de la Méditerranée en zone de basses émissions de polluants. Nous défendrons aussi l’adoption de plafonds d’émission de gaz à effet de serre.
- Mais la mer, c’est aussi une énergie. Une énergie brute. Indomptable. Parfois un peu effrayante. Poséidon et Eole chez Homère. Les éoliennes en mer chez nous.
C’est surtout du retard. Un retard qui, au pays de l’usine marémotrice de la Rance, fait un peu désordre. Un retard qu’on a essayé de rattraper depuis 2015. On y a d’ailleurs un peu réussi. Mais il reste quelques milles à parcourir. Et je crains qu’il nous faille souquer très ferme.
- Dès 2018, nous lancerons les études préalables en vue de l’engagement des futurs appels d’offres sur l’éolien flottant en Bretagne et en Méditerranée. Nous lancerons aussi les études environnementales et le débat public sur le projet de parc éolien posé au large d’Oléron.
- Pour mieux gérer les futurs conflits d’usage, j’ai demandé aux préfets de mettre en œuvre la planification stratégique et spatiale des espaces maritimes et de me remettre leur copie d’ici l’été 2018.
- J’ai demandé à Nicolas Hulot, un travail de simplification radicale des procédures d’instruction. L’objectif ? Faire remonter le plus en amont possible les études préliminaires, en particulier environnementales. Et les faire conduire par l’Etat.
Il ne s’agit évidemment pas de nier les conflits d’usage. La mer n’appartient à personne. Elle appartient à tous. C’est pour ça qu’on l’aime. Mais un conflit, ça s’anticipe, ça se désamorce, ça peut s’apaiser aussi, grâce à des études de qualité et à une concertation sérieuse.
- Enfin, la mer est un espace de connaissances ou plutôt d’ignorance. Y compris dans le pays de Charcot, de Paul-Emile Victor, de Cousteau.
- C’est pourquoi, nous avons besoin de notre recherche fondamentale. Parce qu’on exploite respectueusement que ce que l’on connaît de manière intime. Parce que le biomimétisme montre que nous avons beaucoup à apprendre de la mer. Parce que la mesure, l’observation, l’évaluation de la faune et de la flore marines seront à la fois notre boussole et notre baromètre.
- Et puis, évidemment, nous avons besoin d’une recherche plus appliquée. De pôles de compétitivité puissants. Et d’une stratégie pour transposer à la mer, en l’adaptant bien sûr, un modèle de recherche qui a bien fonctionné dans l’aéronautique et le spatial. Un modèle qui tienne mieux compte des risques industriels, ce que les anglo-saxons appellent d’une très belle formule maritime, les « sunk costs ». Nous lancerons donc des réflexions sur la meilleure manière de financer l’innovation maritime, en priorité dans les domaines relevant de l’autonomie stratégique de la France et de la gestion durable de nos espaces.
- Et comme la France, ce n’est pas 20 000 lieues mais 11 millions de kilomètres carré sous les mers, je souhaite qu’on mette l’accent sur l’exploration de nos grands fonds marins. L’État prendra sa part dans la modernisation de notre flotte océanographique scientifique, en finançant les gros travaux de maintenance dès 2018 et en en complétant les capacités pour que, d’ici 5 ans, la France, qui dispose de toute la chaîne pour explorer ces fonds, soit leader sur ce segment.
III/ La mer, ce sont des échanges, des énergies, des connaissances. Ce sont aussi des travailleurs, des artisans, des navigateurs, des ouvriers. Qui s’adaptent. Qui se réinventent. Qui s’allient. Qui se structurent.
Ce sont surtout des métiers. Des métiers pour aujourd’hui et pour demain. Alors, nous devons viser le meilleur. Regarder haut et loin. Regarder haut et loin ensemble, Etat et professionnels. Je prendrai 3 exemples.
1. La pêche d’abord. Dire que la pêche française a souffert dans le passé, est un euphémisme. Aujourd’hui, la pêche française va mieux. Ça reste difficile – parce que la pêche est un métier difficile- mais elle va mieux. Alors, bien sûr, il faut préserver la pêche française. La préserver, ça veut dire :
a. La défendre, sans relâche, « contre vents et marées », dans le cadre de la négociation sur le Brexit. Le président de la République comme moi-même, l’avons rappelé à Michel Barnier (qui connaît très bien le sujet) et à son équipe de négociateurs. La France sera intraitable pour faire valoir nos antériorités de pêche conformément au droit international.
b. Préserver la pêche, c’est aussi lutter contre la pêche illégale, notamment dans nos eaux ultramarines, comme en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. Nous expérimenterons l’utilisation de drones aériens pour intensifier les contrôles.
c. Préserver la pêche, c’est l’aider à se structurer en filière de qualité. Pour profiter de la conjoncture. Pour anticiper aussi. Anticiper la hausse du prix du gas-oil, le renouvellement de la flotte et la gestion des risques. Nous mettrons en place un dispositif de garantie contre les intempéries, y compris dans les Outre-Mer.
d. Enfin, la meilleure manière de préserver la pêche, c’est de continuer à préserver la ressource.
2. Je disais tout à l’heure qu’un domaine maritime « ça s’occupe ». Physiquement j’entends. Parce qu’y être présent, c’est un peu y monter la garde.
a. C’est pourquoi, nous avons besoin d’une flotte marchande qui sillonne « nos mers », qui batte « notre pavillon ». Une flotte marchande qui innove en permanence pour proposer des navires toujours plus propres et plus économes. Une marine marchande qui gagne des parts de marché.
b. C’est pour aider notre marine marchande que j’ai souhaité maintenir les exonérations de charges pour les armateurs votées en 2016 et qu’elles soient maintenues durablement. Parce qu’il y a là aussi, plus qu’un simple enjeu commercial, un enjeu de souveraineté.
c. Et à cet égard, nous développerons, durant les trois prochaines années, notre flotte stratégique, c’est-à-dire que nous maintiendrons une flotte sous pavillon national et des marins français pour les activités qui relèvent de notre souveraineté et des situations de crise.
3. Troisième métier : le nautisme. Je sais que le comité France maritime a créé en son sein un comité du nautisme et de la plaisance. Je sais aussi qu’après avoir été longtemps divisée, la profession a décidé de s’unir. Je voudrais saluer ici leur esprit de responsabilité. La profession, ses milliers de PME et ETI, fait face à un important enjeu de structuration. J’aimerais, si vous le voulez bien, que ce travail nous permette de faire trois choses :
a. D’abord d’évaluer de manière précise le poids économique de la filière et son importance pour les territoires littoraux.
b. Ensuite de consolider la compétitivité de l’offre française. Mon Gouvernement a démontré qu’il tenait à cette compétitivité, en adaptant le régime de protection sociale des marins résidant en France pour maintenir l’attractivité du territoire français, tout en leur garantissant une protection sociale élevée.
c. Enfin, nous devons rendre effective d’ici un an la responsabilité élargie du producteur. Nous devons le faire, en tenant compte du stock très important de navires – on parle de 35 000 – en attente de déconstruction. Le Gouvernement sera au rendez-vous pour y affecter les crédits nécessaires, ce que le CIMER de Brest a permis d’acter.
Cette filière, comme les autres, c’est l’économie maritime de demain. Les emplois de demain. Le travail de structuration des filières maritimes doit se poursuivre, cher Frédéric Moncany, avec l’Etat et les régions.
Oui, la mer offre de magnifiques métiers. Elle offre surtout des milliers de bonnes volontés qui n’ont qu’une envie : transmettre.
IV/ C’est là que je sonne l’appel dont je parlais. Malheureusement, je n’ai pas de cloche de quart sous la main. La voix suffira.
Cet appel s’adresse aux jeunes de France. Et il tient en quelques mots : « Prenez le large ».
« Embarquez-vous. Et embarquez la France avec vous ». Vous voulez vivre « réellement » et pas virtuellement la mondialisation ? Prenez la mer.
Vous voulez connaître une aventure totale, comparable à celle que vivent les astronautes ? Prenez la mer. Vous voulez travailler l’intelligence de vos mains, de votre corps, de vos sens ? Prenez la mer. Vous voulez aider vos concitoyens ? Engagez-vous dans les équipes de la Société nationale de sauvetage en mer dont nous venons de renforcer les moyens. Vous voulez défendre votre pays ? Engagez-vous dans la Marine !
Mais avant de prendre la mer, prenez le chemin de l’école. Celui de l’Ecole nationale supérieure maritime. Celui de l’apprentissage sur un chalutier. Prenez le chemin de la formation professionnelle. Des lycées maritimes, des universités et des laboratoires de recherche. Tous les chemins mènent à la mer.
Voyez-vous, les écoles de nos jours, c’est comme les hinterlands, il faut que ça atteigne une taille critique pour bien fonctionner :
1. C’est pourquoi, nous voulons donner un nouvel élan à l’ENSM, l’Hydro ici pour les intimes, à l’occasion de l’adoption de son nouveau contrat d’objectifs et de performance.
2. Un élan qui doit se traduire, non par des « guerres de sites », mais par des rapprochements. Rapprochement de services sur les sites existants. Rapprochement avec d’autres écoles pour proposer des enseignements ou des programmes de recherche communs, dont en priorité l’Ecole navale, mais aussi l’enseignement supérieur, et les lycées maritimes. Avec, pourquoi pas à terme, la création d’une véritable « Académie maritime » en France.
3. Je suis donc favorable à la réforme du statut de l’ENSM pour qu’elle entre dans le domaine de droit commun des écoles de l’enseignement supérieur, tout en gardant son esprit maritime.
4. Je souhaite qu’on revoie donc rapidement sa gouvernance et ses ambitions pour qu’elle devienne le fer de lance de la formation maritime au niveau européen. Formons les Européens, plutôt que laisser les autres former les jeunes Français.
5. Je souhaite aussi que l’Etat dresse, avec les collectivités concernées, l’état des lieux des besoins en formation maritime en Outre-mer pour que les jeunes ultramarins puissent se former près de chez eux.
6. Je veillerai personnellement à ce que la future réforme de l’apprentissage réserve une place de choix à la pêche.
Alors oui, mesdames et messieurs, ça fait beaucoup d’efforts. Mais la mer, c’est avant tout une histoire d’efforts. Et puis je vous rassure : l’Etat est bien décidé à en faire aussi. D’abord pour accroître sa capacité à prévenir et à agir en mer ou sur nos littoraux.
Ensuite pour organiser différemment son administration maritime. Il existe de nombreux champs d’amélioration à explorer.
C’est vrai dans le domaine de la surveillance maritime grâce au développement du numérique. Je veux que l’on se pose la question d’une meilleure intégration des moyens de surveillance en métropole comme outre-mer, en améliorant par exemple le réseau des sémaphores et des Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage.
C’est vrai aussi pour nos moyens nautiques. Je veux viser une meilleure synergie entre les moyens de toutes nos administrations et j’ai demandé qu’une vaste réflexion s’ouvre. Mon objectif est d’optimiser la fonction garde-côtes, huit ans après l’annonce de sa création au Havre, et de permettre le renouvellement des navires, leur entretien, mais aussi leur usage, dans un cadre de coopération interministérielle plus étroite, par souci d’économie budgétaire, mais surtout pour mieux adapter nos moyens aux missions.
C’est vrai enfin pour le dispositif de signalisation maritime – les phares – que je souhaite revaloriser parce qu’il est d’une valeur patrimoniale incomparable et qu’il touche à l’identité même du monde de la mer.
Vous me connaissez : j’aime les choses simples. Eh bien, mes indicateurs de réussite le seront aussi.
Nous aurons réussi quand – disons 70% - des habits et des objets que vous utiliserez au quotidien auront transité par un port français. Nous aurons réussi quand le soir, les Normands, les Bretons s’éclaireront avec une énergie qui viendra de leur horizon.
Nous aurons réussi quand le développement de notre économie maritime sera 100% compatible avec le fonctionnement des océans, qu’il garantira un renouvellement des ressources et une préservation du vivant dont nous dépendons.
Nous aurons réussi quand dans tous les lycées de France, y compris ceux qui se trouvent dans les terres, les métiers de la mer apparaîtront comme un avenir tout à fait naturel et accessible.
Nous aurons réussi quand les métiers, les filières que j’évoquais pourront accueillir les intelligences, les bras et le courage de jeunes Français fiers de leur histoire maritime.
Nous aurons réussi quand la France ne se définira plus comme des terres, continentales et insulaires, entourées de mers. Mais comme une terre, une seule et même terre de France, entourant toutes les mers.