Lancement des chantiers de la Justice - TGI Nantes
Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.
Publié le 06/10/2017
Madame la procureure générale
Monsieur le premier président
Monsieur le président, Monsieur le procureur de la République
Monsieur le bâtonnier,
Mesdames et messieurs les magistrats et fonctionnaires de justice,
Mesdames et messieurs
Deuxième observation, qui est aussi une constante : le temps de la justice est différent de celui de la société. C’est un fait : la justice a toujours été plus « lente » que la société. Rassurez-vous : ce décalage existait avant la création d’internet, avant le code Napoléon, avant la Révolution Française, avant même Saint-Louis ! Ce décalage correspond tout simplement au temps de l’instruction, de l’analyse pour traiter une affaire qui, sur le moment, soulève passions publiques ou privées. Qu’un travail bien fait, bien instruit, réclame du temps, personne ne le conteste. Comme je ne pense pas qu’une justice trop rapide soit le gage d’une justice plus juste. Vous en parlerez au sieur Pierre Landais, principal conseiller du duc François II de Bretagne, dont le gibet se trouvait en 1485 juste sous nos pieds, dans l’ancienne île de la Prairie au Duc, vous verrez ce qu’il en pensera. Il y a donc, me semble-t-il, un équilibre à trouver dans cette gestion, dans cette appréhension du temps. Il y a une lenteur nécessaire, saine, « incompressible », mais reconnaissons qu’il y a des lenteurs, moins justifiées, moins compréhensibles par les justiciables. En particulier dans la société dans laquelle nous vivons.
Troisième enseignement : quand un système ne fonctionne pas aussi bien qu’il le devrait, ce n’est pas toujours du fait de celles et ceux qui sont chargés de son fonctionnement. Il en va de la Justice, comme de d’autres domaines : on y trouve d’excellents professionnels, passionnés, passionnants et dévoués . On y trouve tant de bonnes volontés. Et puis, on tombe aussi parfois sur quelques conservatismes, quelques vieilles habitudes, quelques résistances. Mais ni plus, ni moins qu’ailleurs. . En clair, la réforme de la justice de notre pays n’est pas qu’une question de procédure, de professionnalisme, de bonne ou de mauvaise volonté, mais une question de contrat social. Une question de temps, d’énergie et de moyens que la France veut consacrer à sa Justice.
Je suis aujourd’hui là pour vous dire que conformément aux engagements du Président de la République dans sa campagne, mon gouvernement mettra tout en œuvre pour rendre encore plus effectives vos décisions, pour donner encore plus de sens à votre mission, pour rétablir la confiance de nos concitoyens dans notre justice.
Le deuxième principe est un principe de réalité. Cette réalité, c’est celle que vous vivez ici à Nantes, mais aussi dans les autres juridictions de France. Nos réflexions partiront de cette réalité vécue. Vécue par vous et par le justiciable pour voir comment on peut, sans effets de manche, sans annonce intempestive, avec rigueur, avec patience, améliorer les choses, les procédures, les outils. Je sais que c’est symbolique, mais c’est pour cette raison que la Garde des Sceaux et moi-même, nous avons voulu lancer ces travaux, non à Paris, mais ici, chez vous, à Nantes. C’est une façon de dire : nous partirons du terrain pour remonter les expériences et les propositions ensuite vers les ministères. Non l’inverse.
Le troisième et dernier principe, c’est un principe de cohérence.
Cohérence dans le temps. Nous avons cinq ans devant nous. Cinq ans, c’est à la fois long et assez court. Le président de la République, la Garde des Sceaux et moi-même, nous avons voulu profiter de ce temps long. La meilleure façon d’en profiter, c’est de donner l’impulsion très vite, dès le début du quinquennat. Une des raisons pour lesquelles certaines réformes n’ont pas fonctionné, c’est qu’elles ont été lancées un peu dans la précipitation, sans concertation, sans vision d’ensemble. Et souvent trop tard.
Cohérence de l’action gouvernementale. J’ai demandé à tous les ministres concernés, en particulier au Ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et au Secrétaire d’Etat chargé du numérique, de mobiliser leurs directions, leurs ressources, pour nous aider, vous aider à transformer ce qui doit l’être. Je veux vraiment insister sur cette dimension interministérielle qui est au cœur de la réussite de nos projets.
Cohérence enfin entre les moyens et les fins. Des réflexions vont s’engager. L’objectif est de présenter en Conseil des ministres au cours du premier semestre 2018 :
une loi de programmation pour les années 2018 à 2022 liant les engagements budgétaires aux perspectives de réformes ;
deux textes de simplification de procédure civile et pénale ;
L’objectif est d’en obtenir l’adoption à l’été prochain. Pourquoi cet horizon ? Pour que tout – par « tout », j’entends les dotations budgétaires, les réformes de procédures, la programmation- concorde et forme un ensemble cohérent.
Le deuxième chantier, plus technique, est celui de la simplification de la procédure pénale. La procédure protège bien sûr. Mais elle pèse aussi, parfois de manière démesurée, sur le quotidien des forces de l’ordre, des parquets et des juges du siège. Il s’agira d’évaluer les effets des dernières mesures de simplification et d’en proposer de nouvelles. Pour mener ce chantier, nous aurons bien évidemment besoin de l’aide des services de la police nationale, de la gendarmerie, mais aussi celle des barreaux. Je profite de l’occasion de les remercier par avance de leur participation.
Troisième chantier : la simplification de la procédure civile. Une importante réforme de l’appel vient d’entrer en vigueur. Il faut évidemment se donner le temps avant d’en modifier à nouveau les règles. En revanche, nous devons et nous pouvons aller plus loin sur la procédure civile de première instance : dématérialisation, simplification des règles de saisine, développement de la conciliation et de la médiation, obligation d’avocat, office du juge et rôle des parties, cas d’ouverture de l’appel, exécution provisoire : autant de thèmes à ouvrir et explorer ensemble, pour que nos concitoyens changent leur regard sur la justice.
Le quatrième chantier concerne l’adaptation de l’organisation judiciaire. J’ai lu, vu, entendu les inquiétudes au sujet de la carte judiciaire. Je peux d’ores et déjà confirmer une chose : nous conserverons le maillage actuel. Cela ne veut pas dire qu’il ne faudra pas, parfois, s’organiser autrement. Dominique Raimbourg et Philippe Houillon mènerons une mission de concertation sur ce thème. Ils conduiront cette mission autour de deux principes : le maintien du contentieux du quotidien à proximité des justiciables et la mise en place d’équipes pluridisciplinaires autour des magistrats.
Enfin, dernier chantier : l’efficacité des peines. Le Président de la République et moi partageons la même ligne : il faut rendre nos prisons dignes, car c’est notre dignité qui est en jeu. Nous ferons donc ce qui doit être fait pour nos prisons. Mais comme je l’ai déjà dit, cela ne saurait induire une politique du tout carcéral. Or je ne choquerai personne si je dis que notre système d’aménagement est devenu trop complexe, parfois déresponsabilisant et qu’il n’atteint pas ses objectifs. J’ajoute qu’il est parfois très mal compris, voire mal ressenti par les Français. Je voudrais que ce chantier soit l’occasion de travailler ou de s’interroger sur le sens de la peine.
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