Discours du Premier ministre Jean Castex - Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié le 18/02/2022

Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le président de l’Assemblée des Départements de France,
Monsieur le président Mathieu KLEIN,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations professionnelles, patronales et syndicales,
Mesdames et Messieurs,
Merci d’abord de votre présence à ce moment, je crois, important dont – je le rappelle et cela a du reste été dit – j’avais pris l’engagement formel précisément le 8 novembre dernier. Le Président de la République en a réaffirmé le principe au début de l’année, la Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social qui se tient aujourd’hui était nécessaire, hautement nécessaire et, je le sais, très attendue par chacune et chacun d’entre vous et par tout un secteur professionnel.
Nécessaire, et même urgente, car nous connaissons tous les très graves difficultés auxquelles se confrontent tous les secteurs du champ sanitaire, social et médico-social pour constituer et stabiliser leurs équipes aujourd’hui.
Attendue et légitime car nous parlons de professionnels qui sont porteurs – cela a été dit à de multiples reprises – d’enjeux de solidarité essentiels : sans des travailleurs reconnus qui trouvent du sens à leur engagement professionnel, nous courons le risque d’un accompagnement qui se fragilise auprès de celles et ceux qui sont pourtant justiciables du plus grand engagement de notre Nation. De la naissance jusqu’au grand âge, notre République, la politique publique, s’honore en effet d’abord lorsqu’elle ne laisse personne sur le bord du chemin, quel que soit son parcours et quelle que soit sa vulnérabilité.
Les échanges nourris de ce matin – j’ai assisté à une partie d’entre eux – montrent qu’une conviction finalement nous rassemble, par-delà nos secteurs, nos positions, nos responsabilités et notre histoire : la grande famille du travail social est essentielle à la cohésion de notre société, et nous lui devons autant d’attention et de considération qu’à celles et ceux qu’ils accompagnent. Faire changer le regard que la société porte sur eux, en même temps que change le regard que la société porte sur les personnes qu’ils accompagnent. Voilà un principe dit et répété qui peut sembler simple et évident, mais comme nous y a invité M. Denis PIVETEAU dans son rapport – que je salue et avec qui j’ai partagé beaucoup de combats communs dans son rapport, remarquable rapport – il est plus que jamais bon de le rappeler clairement et fermement.
Ces 200 000 professionnels – entendus au sens large – sont, vous le savez, présents dans tous les domaines de l’intervention sociale : ceux du grand âge, de la politique du handicap, celui des personnes en grande difficulté sociale et de santé, celui évidemment de l’enfance, et de la protection maternelle et infantile, et celui, trop souvent oublié, de la protection juridique des majeurs.
Ils sont aussi présents partout dans les territoires, dans le secteur public bien sûr – qu’il soit hospitalier, de l’Etat mais aussi bien sûr des collectivités territoriales. Ils sont aussi présents en très grand nombre – c’est aussi l’une des spécificités de ce secteur – dans le secteur privé non lucratif, notamment associatif, dans toute sa diversité.
Quel que soit leur lieu d’exercice, je veux rappeler ici au pays que ces professionnels se sont mobilisés tout au long de cette crise sanitaire inédite, aux côtés des soignants, pour maintenir la continuité du lien et des accompagnements qu’une telle situation aurait pu mettre en grave péril. Ils l’ont fait, il faut le dire, dans des conditions matérielles parfois, souvent même, difficiles, mais avec une abnégation, une réactivité, un redéploiement de leurs interventions qui forcent l’admiration. Ils l’ont fait en tant que « vigie de notre République sociale », ainsi que l’a récemment rappelé le Président de la République lui-même. Pour cela, une fois encore, je veux, puisque l’occasion m’est donnée ce matin, au nom du Gouvernement, les remercier et rendre hommage à l’action qu’ils ont conduite.
Je le dis en tant que chef du Gouvernement, je le dis aussi par conviction personnelle : l’expertise est un puissant moteur pour l’adaptation de notre société toute entière, et à travers elle pour l’émergence d’une réelle égalité des chances.
Cette conviction, je sais que je la partage avec les élus, communaux et intercommunaux bien sûr, et surtout départementaux car l’action sociale est au cœur depuis de nombreuses décennies de leurs compétences et de leurs responsabilités. Et bien entendu, cet intérêt supérieur a été au cœur de nos échanges avec l’Assemblée des départements de France notamment pour la préparation de la conférence qui nous réunit ce matin. Je voudrais à mon tour, cher François, saluer le président de l’ADF pour son implication personnelle ; les présidents – il y en a deux ici – ainsi qu’un autre en visioconférence qui s’est exprimé ce matin, pour leur implication personnelle dans le travail que nous avons conduit et qui débute aujourd’hui – car nous allons dérouler un programme ambitieux – mais aussi dans la préparation des dispositions que je vais annoncer dans un instant. Etat et départements peuvent ensemble et en confiance prendre leurs responsabilités. Alors j’entends à cet égard que le partage des compétences peut créer des situations complexes. Il y a sûrement des pistes d'amélioration en la matière, mais je le dis à chaque fois que l'occasion m’est donnée, moi qui ai beaucoup travaillé à titre professionnel dans ce secteur. Ainsi va notre pays et son histoire qu'on aurait toujours tort de vouloir tordre ou transformer. Nous avons besoin des autorités décentralisées et de la République des élus qui se dévouent dans les territoires et qui en connaissent les réalités de terrain. Mais nous avons aussi besoin, la France et nos concitoyens, et en particulier celles et ceux qui souffrent, de l'État. Et si la crise sanitaire que nous avons traversée est grave et inédite depuis plus de 100 ans, qui, j'en profite pour le dire, n'est pas encore tout à fait terminée, a bien eu une valeur pédagogique, c'est bien de rappeler que l'État reste et demeure utile, ainsi que tous ses serviteurs, aux côtés des autres acteurs publics à la cohésion de la Nation. Et je sais aussi que nous sommes capables dans le respect des attributions de chacun de discuter parce que cette situation de partage nous oblige à la discussion. Et je veux vous dire que c'est une excellente chose au-delà des différences d'appréciation, de conviction qui sont éminemment respectables et qui sont au cœur de la démocratie, cela nous oblige à travailler ensemble. Mais n'est-ce pas là ce qui fait finalement société ?
À ce stade de mon propos, permettez-moi de vous rappeler que ce Gouvernement s’est engagé sous ce mandat pour impulser de nouvelles dynamiques au bénéfice des personnes et des familles au service desquelles, ensemble, nous nous trouvons et ce, dans tous les champs de nos politiques sociales. Ce n’est jamais assez bien sûr, il y a des marges de progression.
Nous les avons portées avec vous, les acteurs de la solidarité ici réunis et avec les départements. Je pourrais évoquer notre politique en faveur de l’enfance, qu’il s’agisse, cher Adrien, des 1 000 premiers jours ou de la protection de l’enfance, avec d’ailleurs un texte de loi qui vient d’être adopté par la Représentation nationale pour améliorer le quotidien de ces enfants. Je pourrais aussi parler de la création de la 5 ème branche de la Sécurité sociale que – je vous le dis – j’ai portée avec fierté depuis ma prise de fonction. Je sais bien, surtout, le chemin qu’il nous reste encore à faire. Mais il est engagé et il a permis, doit permettre, de consacrer notre politique du handicap et de l’autonomie, avec un investissement particulier, y compris sous forme salariale, pour – François SAUVADET l’a rappelé – les 200 0000 professionnels de l’aide à domicile.
Je pense aussi aux avancées portées dans le champ du handicap, chère Sophie, dans l’accès au droit, dans la détection et l’intervention précoce du handicap, dans la matérialisation de l’École inclusive, ou encore dans le déploiement de structures innovantes dans les territoires, comme c’est le cas de l’habitat inclusif.
Je pense enfin à la lutte contre la pauvreté et aux mesures que nous avons prises pour lutter contre les inégalités de destin et pour favoriser la sortie de la pauvreté par l’insertion et le retour au travail, en particulier pour nos jeunes.
Pour mener ces transformations, quelles qu’elles soient, qu’incomplètes qu’elles apparaissent encore, il est impératif Mesdames et Messieurs que des professionnels et des managers sur le terrain soient en mesure de les porter.
Or, n’y allons pas par quatre chemins, nous le savons tous, comme l’a dit M. Stéphane TROUSSEL, ce constat est partagé : ces métiers du travail social sont aujourd’hui en crise. Nous ne sommes pas ici pour avoir simplement des mots de reconnaissance, quand bien même ils sont à la fois justifiés et importants, quand bien même de toutes bouches qu’ils émanent ils soient sincères. Nous sommes réunis – je le dis, je m’étais déjà exprimé en ce sens – parce que la situation est grave, et que le travail social est menacé dans notre pays d’un lent affaissement, d’une implosion silencieuse, et avec lui la qualité de l’accompagnement que nous devons aux plus fragiles. Or, cela vient de loin, nous pourrions longuement disserter sur les causes, les origines, les responsabilités des uns et des autres. Ce n’est pas mon propos. Nous devons regarder devant nous à partir d’une réalité qui est qu’aujourd’hui le niveau des candidatures est au plus bas, celui des postes vacants à l’inverse est au plus haut. Dans certains endroits, si les informations portées à ma connaissance sont exactes, ce sont 40 % des professionnels qui manquent, entraînant un fonctionnement dégradé et parfois même la fermeture de places, avec tous les drames humains que cela peut engendrer pour les résidents et pour leurs familles.
Tout aussi préoccupant, ces professionnels sociaux ont un ressenti, souvent, d’injonctions contradictoires. Le sentiment d’être invisibles dans le champ public, médiatique, ou alors pour y apparaître dans des conditions parfois vécues à bon droit de manière profondément injuste. Le sentiment que le sens de leur métier au quotidien, un métier fait d’engagement et de relation humaine, n’est pas reconnu à sa juste valeur. Avec les soignants, la crise a projeté leurs métiers et donc les femmes et les hommes qui les incarnent, qui les portent au quotidien, dans la lumière. Et pourtant leur sentiment d’invisibilité est d’autant plus injustement ressenti qu’il se confronte à une exigence immense et légitime des familles et des proches.
On fonde de grandes attentes sur eux, on leur demande de transformer sans cesse leurs interventions, de faire plus et mieux pour les personnes, sans – disons-le – leur en donner toutes les clefs et tous les moyens. On leur demande de prendre en charge la précarité des situations des personnes alors qu’eux-mêmes se sentent parfois précaires. Ces métiers, toutes les données l’indiquent, sont en effet marqués par des contrats courts, des temps partiels surtout pour celles des professions, il faut bien l’admettre, qui sont très féminisées, et des niveaux de rémunération très bas.
Et comme cela a été dit, on leur demande d’accompagner les parcours des personnes en s’appuyant sur leur expertise tout en les privant parfois eux-mêmes de la possibilité d’avoir des parcours professionnels plus diversifiés, en ne reconnaissant pas suffisamment leur montée en compétence et leur prise de responsabilités.
Il est d’ailleurs significatif, Mesdames et Messieurs, que l’ensemble des organisations syndicales représentatives au plan interprofessionnel que j’ai reçues ces derniers jours comme je le fais depuis le début de mon mandat à l’Hôtel de Matignon, ont appelé mon attention parmi les difficultés du pays sur cette situation spécifique. La mission que j’ai confiée aux inspecteurs généraux des affaires sociales MM. Benjamin FERRAS et Jean-Philippe VINQUANT – mission, je le dis devant vous, qu’ils ont accomplie remarquablement, Mesdames et Messieurs, je veux les en féliciter, dans des délais records. J’en profite pour le dire, on a dit : « On va vite ». C'est vrai que l'on va vite, mais je m'excuse, il y a urgence. On ouvre un processus, mais je tenais à prendre des décisions tant que je suis en responsabilité. Cette mission l’a confirmé : le travail social n’attire plus assez de nouveaux professionnels, jeunes ou en reconversion professionnelle ayant cette vocation de la relation à l’autre. Vous voyez le symbole : contrarier des gens qui veulent agir par vocation pour s'engager au service de celles et ceux de nos concitoyens qui sont les plus en difficulté. Ce n'est pas acceptable.
Les constats sont là et les démarches pour mettre le travail social au cœur du débat public sont partout engagées. Dans les suites qui seront données à la Conférence de ce jour, les travaux conduits par le Haut conseil du travail social, cher Mathieu KLEIN, seront un aiguillon majeur. Je veux également saluer l’initiative lancée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur, justement, la problématique des métiers de la cohésion sociale.
Cette énergie collective doit produire ses pleins effets, et être désormais mise au service du changement concret.
La conférence sociale que nous avons tenue ce jour, après un travail préparatoire très approfondi, doit constituer – c’est l’ambition du Gouvernement mais pas que de lui – un tournant très important pour les professions de l’accompagnement social. Il s’agit d’ouvrir une véritable dynamique de filière pour ces métiers, dans une vision d’ensemble qui, finalement, sache s’extraire de la forte hétérogénéité des cadres et des statuts d’emploi présents dans ce paysage que vous avez tous décirt comme étant très morcelé. Cette rigidité et cette segmentation, nous en payons aujourd’hui le prix et il est plus que temps, je vous le dis, de changer de braquet. C’est ce que nous vous proposons de faire.
Il nous faut pour cela prendre ce sujet à bras le corps, en nous tournant résolument vers une logique de filière qui puisse animer une véritable dynamique d’attractivité pour ces métiers. Pour cela, j’ai demandé aux ministères compétents de pouvoir installer d’ici avril prochain un « Comité des métiers socio-éducatifs » , avec toutes les parties prenantes, pour organiser dans la durée un pilotage resserré de la bonne mise en œuvre d’un agenda ambitieux pour ces métiers.
Ce comité devra également traiter la question majeure de la rénovation de l’architecture des qualifications et des diplômes, selon une cartographie que j’espère consensuelle, qui permette de mieux tenir compte et organiser le développement de nouvelles compétences, mais aussi d’évaluer les besoins en recrutement au regard des perspectives – nouveaux défis – de départ à la retraite de nombreux professionnels dans les toutes prochaines années, ce qui accroît encore la pression qui pèse sur nous. C’est un enjeu incontournable pour faciliter la reconnaissance des équivalences, la mobilité des parcours et donc la motivation des équipes. Sujet évidemment essentiel.
Nous devons aussi monter en compétences, administrations comme structures associatives, pour un dialogue de meilleure qualité, davantage centré sur la qualité de l’accompagnement et qui favorise la dynamique d’innovation et de coopération dans les territoires. Les outils de contractualisation devront être rénovés, et les moyens trouvés pour sécuriser dans la durée l’engagement des équipes dans des projets novateurs.
Pour porter cette ambition globale de consolidation d’une filière socio-éducative, je souhaite aussi que nous puissions engager, avec l’appui des administrations compétentes, des actions concrètes rapides pour le recrutement et l’attractivité de ces métiers :
  • L’État consacrera un investissement exceptionnel, à hauteur de 120 millions d’euros sur 3 ans, pour la formation professionnelle et la validation des acquis de l’expérience (VAE). Je souhaite également que ce plan prévoie des actions spécifiques pour l’encadrement intermédiaire, car je sais combien il constitue un maillon essentiel dans l’organisation et la qualité du travail social, et doit pouvoir retrouver du temps disponible pour animer les collectifs de travail. En s’inspirant du reste de la façon dont nous avons procédé pour la formation des professionnels de la petite enfance, je souhaite, cher Mathieu KLEIN, que le Haut Conseil au Travail social joue un rôle majeur dans l’élaboration de ce qui sera le nouveau référentiel de formation des professionnels du travail social, en lien bien sûr avec le futur Comité des métiers socioéducatifs.
  • Nous devons deuxièmement lancer un plan d’amélioration de la qualité de vie au travail pour favoriser les conditions d’exercice de ces métiers, dans un secteur – cela a été rappelé par plusieurs intervenants – où la sinistralité est particulièrement élevée. 15 millions d’euros seront spécifiquement dédiés pour former les managers à ces enjeux de qualité de vie au travail et des aides de la branche ATMP seront également engagées à cet effet avec une enveloppe exceptionnelle de 50 millions d’euros sur 4 ans.
Mais plusieurs d’entre vous l’ont dit, l’urgence, c’est évidemment de revaloriser les salaires. Il s’agit donc d’engager très rapidement, mais aussi de façon structurelle, des augmentations de rémunérations pour les professionnels de ces filières qui participent aux côtés des professionnels du soin au collectif de travail de ces secteurs. Et cette notion de collectif illustre bien l’injustice qu’ils ont pu ressentir avec les mesures adoptées pour les soignants dans le cadre du Ségur.
Éducateurs spécialisés, moniteurs, accompagnateurs, etc., nous ne pouvons plus nous permettre de ne leur promettre que 1 300€ par mois à l’embauche et un salaire qui n’évolue par pendant les 5 ou 6 premières années d’activité puisque telles sont les grilles actuellement en vigueur. Elles sont trop vétustes, elles limitent trop les perspectives d'évolution des rémunérations. Elles doivent être modernisées, et ne plus valoriser qu’uniquement l’ancienneté. Et ce travail de modernisation, qui est un appel aux partenaires sociaux que je lance ici, il est cohérent, chère Élisabeth BORNE, avec ce que nous faisons par ailleurs dans l'ensemble du champ professionnel.
Nous avons, beaucoup d'entre vous ont rappelé cet historique, pris nos responsabilités d'abord dans le champ du soin. Je voulais vous dire d'emblée quand même que nous ne le regrettons pas. Même si nous mesurons bien les effets que cela ait pu avoir sur les autres, mais c'est bien les autres qu'il faut faire monter dans le bateau et ne pas concevoir évidemment la moindre gêne par rapport au Ségur de la Santé, à ce qu'il a suivi : le mandat que j'ai donné à Michel LAFORCADE et les mesures qui, je le rappelle, ont été consécutivement adoptées en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022. Au total, je le rappelle ici aux organisations syndicales et professionnelles, ce sont près de 1,6 million de professionnels de ces secteurs qui ont été revalorisés, des professions médicales, des professions du soin et, pour certains secteurs comme celui du grand âge, des professionnels de l’accompagnement. L’effort public, et je salue le travail d’Olivier VÉRAN et Brigitte BOURGUIGNON, a quand même été sans précédent : vous le savez toutes et tous, plus de 7 milliards d’euros ! Mais cet effort était légitime, au point que d’aucuns – dois-je le rappeler – l’ont considéré comme un rattrapage. Et permettez-moi, là encore dans cette démarche, de rappeler un élément essentiel à bien des égards et que l'on oublie trop souvent quand on parle du Ségur de la Santé. Ce Ségur de la Santé, je le redis solennellement, est le fruit d'une négociation sociale. Il est le produit d'un accord majoritaire signé par les organisations de ce secteur. Ce n'est pas neutre de dire ça. Bien sûr, on commente le contenu, on veut le faire évoluer, mais le fait même que nous y soyons parvenus non par une décision unilatérale de l'État, mais au terme d'une négociation sociale dans une société fragmentée, divisée est tout, tout sauf indifférent.
Et bien aujourd’hui, oui je le dis, c’est le tour des travailleurs sociaux professionnels de la filière socio-éducative. Et donc je vous annonce, conformément à l’accord conclu avec l’Assemblée des Départements de France et je veux, à mon tour, Monsieur le président, Messieurs les présidents, souligner la qualité du travail sur ce registre si je puis me permettre, sur d’autres, que nous menons ensemble au service de l’intérêt général. Tout simplement. Je veux vous annoncer que le financement public nécessaire au soutien de cette revalorisation par les employeurs sera apporté. Et bien nous donnerons aux employeurs que je salue ici les moyens nécessaires à la transposition des 183 € pour tous les professionnels de la filière socio-éducative, et ce le plus vite possible, c’est-à-dire, nous l’espérons, dès le 1 er avril prochain. Cela représente – je le signale quand même – un investissement de 540 millions d’euros dès 2022 pour les structures associatives, dont deux tiers seront financés par l’État et un tiers par les départements. C’est le sens de l’accord que nous avons noué hier.
Ce montant sera porté à 720 millions d’euros en année pleine et, je le dis tout de suite, s’ajouteront 110 millions d’euros en année pleine pour cette même extension aux professionnels socio-éducatifs des structures publiques autonomes.
Cet effort immédiat et massif permet, je le souhaite, de rendre à notre portée les perspectives d’améliorations structurelles attendues de tous. J’en appelle donc solennellement à la responsabilité des partenaires sociaux de cette grande branche sanitaire, sociale et médico-sociale : il leur appartient désormais de négocier, mais sur des bases facilitées par la décision que je viens d’annoncer de nouvelles conditions conventionnelles – encore et toujours le dialogue social. Saisissez-en vous pour faire converger et moderniser le cadre d’emploi et de rémunération des professionnels du secteur.
La définition d’un nouveau cadre conventionnel nécessitera, je le sais forcément, des moyens. Si une partie pourra s’absorber par les efforts que pourront faire les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation, chacun sait que cela ne suffira pas. Cela a été rappelé par les employeurs du secteur pour financer l'impact de la convergence entre les conventions existantes. Là, je m'adresse aux salariés, des représentants. Je commence à avoir quelques heures de vol, quand on rapproche des dispositifs disparates, c'est très, très, très rare que l’on fasse des alignements par le bas. Et de toute façon, si tel devait être le cas, puisque j'en appelle à la négociation collective, je ne suis pas certain que vous apposeriez votre signature.
C’est la raison pour laquelle État et Départements nous sommes mis d’accord pour sanctuariser ensemble, en soutien à cette démarche, une enveloppe complémentaire de 500 millions d’euros.
Ces moyens sont bien complémentaires, j’insiste, au sens où ils s’ajouteront au financement des mesures de revalorisation financées dès cette année et que je viens d’annoncer.
Bien entendu, en revanche, là, autant le dire clairement, François, la mobilisation de ces moyens additionnels sera conditionnée au bon aboutissement de la négociation conventionnelle. Et je crois que c'est là aussi un bon équilibre de la conception, en tout cas, que je me fais du rôle respectif de l'État et des partenaires sociaux. Quand je dis de l'État, des collectivités publiques, du service public, cet engagement fort vient crédibiliser notre choix de faire émerger sur un champ que nous savons très large, une nouvelle convention collective unique. J'entends parler de cette convention collective unique depuis des décennies et, me semble-t-il, sans laquelle nous ne franchirons pas un palier qualitatif structurel.
Évidemment, et c'est ce qui me plaît dans la proposition que je fais, cela va reposer sur un dialogue social construit, de qualité, qui doit permettre de faire émerger les termes d’un accord. Ce sera aux partenaires sociaux d’en déterminer le cadre et permettez-moi de les inviter à négocier sans délai un accord de méthode, qu’il faudrait dans l’idéal conclure avant la fin de ce printemps. Je vous y invite. Après, vous êtes souverains. Peut-être que, est-ce que je vais trop loin en disant que le cadre de la commission mixte paritaire pourrait être le bon format. Si on m'interrogeait, je donnerais mon avis qui serait positif, et ce, dans les meilleurs délais.
Je dirais aussi que l'appui technique, chère Élisabeth, des équipes du ministère du Travail, vous est acquis, mais enfin vous ferez comme vous l'entendrez. Compte tenu des enjeux et des moyens engagés très significatifs, je le dis quand même, parce qu’on parle de la création de la Sécurité sociale. Souvent, on me parle même du Conseil national de la résistance. Références majeures, exceptionnelles, qui ne peuvent sonner et résonner que très fort dans nos esprits et dans nos cœurs. Le Ségur de la Santé, que l'on va pouvoir désormais qualifier de Ségur de la Santé sociale et médico-sociale, va représenter un effort pas du Gouvernement ou de l’ADF mais de la Nation, disons-le, inédit par son ampleur depuis 1945. Il faut quand même le dire à nos concitoyens au nom desquels les uns et les autres nous agissons. Mais, il faut aussi que ce soit au-delà des engagements financiers, l'amour ne va pas sans les preuves d'amour, mais les preuves d'amour ne vont pas sans amour. On a donné des preuves d'amour, mais il faut que ce soit aussi une rénovation des méthodes de la concertation sociale dans ce secteur. J'ai entendu avec évidemment grande satisfaction les propos du président de l’ADF, non pas parce qu'il m’était agréable, parce que j'ai aussi l'habitude d'entendre ici ou ailleurs des propos moins agréables.
Bon, donc, ils sont bienvenus, cher François, mais pardonnez-moi, ce n’est pas tellement le sujet, je ne suis candidat à rien. En revanche, oui, nous le devons, là aussi, moderniser, c'est ce que je m'efforce de faire, les relations entre l'État et les associations d'élus et nous nous y employons, je crois avec un certain succès. On va toujours évidemment à être expert, à dire ce qui ne marche pas, mais dans l'ensemble, ça marche. Et si je dis ça, Mesdames et Messieurs, que ce soit sur le champ du dialogue social ou sur le champ des relations entre les pouvoirs publics, c'est que j'ai la conviction, finalement assez simple, je dois le dire, peut-être simpliste, mais enfin que dans un moment très particulier, je l'ai déjà évoqué, d'un pays très fragmenté ou comme je le dis parfois, certains s'échinent à mettre de l'huile sur le feu quand tout est déjà incandescent, nous devons faire profession de mettre, nous, de l'huile dans les rouages. Et vous ne me détournerez jamais, conformément à la mission que m'a confiée le Président de la République, de cet objectif.
L’engagement que nous annonçons ce jour avec le Président François SAUVADET représentera donc un effort au total de 1,3 milliard d’euros, dont 830 millions consacrés à l’extension du Ségur aux professionnels socio-éducatifs dans tous les établissements et services du handicap, de la protection de l’enfance, de l’insertion, ou encore de l’hébergement.
Chère Emmanuelle WARGON, j’ajoute que les concertations que nous avons conduites, je le dis ici dans la préparation de cette Conférence, mais depuis que le Ségur est en vigueur, vont nous permettre de traiter la situation – petit retour en arrière – des soignants qui n’auraient pas encore été concernés par les revalorisations du Ségur. Là aussi, c'est très intéressant quand on parlait des conventions collectives. D'abord, je veux dire ce n'est pas des « oublis » volontaires, ce n'est pas qu'on ne s'est jamais dit, ni les partenaires sociaux, évidemment, quand ils ont négocié le Ségur, encore moins le Gouvernement, « ceux-là, on va les écarter ». Non. C'est aussi le résultat de l'éclatement du secteur, qui multiplie les statuts d'emploi, les structures, les employeurs, etc. Et de toute cette complexité naissent les « oubliés ».
Nous avons donc décidé, là encore avec les départements, de régler ces difficultés. Je le dis tout de suite puisque j'ai entendu, je crois que c'est le président TROUSSEL qui a dit : « Il ne faudrait pas faire de nouveaux oubliés ». Il restera encore sûrement une chose à faire, mais ça, c'est bien. Quand on est dans la fonction que j'occupe, il faut toujours en laisser un peu pour les autres. Mais on va quand même essayer de nous appliquer à réparer un certain nombre d'injustices.
  • Je commence le secteur du Grand âge qui est d’actualité. Chère Brigitte, on a quand même déployé déjà beaucoup de moyens depuis deux ans pour aussi transformer ce secteur de l'accompagnement et de la perte d'autonomie mais il y avait un sujet que je veux évoquer. Je n'ai pas entendu ce matin, mais forcément, compte tenu de l'ordre du jour. Mais je vous le dis c'est la revalorisation des médecins coordonnateurs dans les EHPAD, puisque beaucoup d'entre eux, précisément parce qu'ils ne relevaient pas de la fonction publique hospitalière, n'ont pas bénéficié des mesures du Ségur. Or, par ailleurs, on dit : il faut davantage médicaliser les EHPAD, on a beaucoup de mal à le trouver, vous le savez. On a décidé d'augmenter leur temps de présence. Donc, il faut qu'on soit cohérent et l'État financera donc l'extension du Ségur à l'ensemble des médecins coordonnateurs de ces EHPAD.
  • Deuxième sujet : il y a eu le fameux avenant 43. Bon, ça a été évoqué par là aussi, on l'a fait, mais depuis quand parlait-on de ces sujets ? Depuis quand parlait-on de ça ? On l'a fait. Qu'est-ce qu'on a décidé ? On a décidé avec les départements, c'est gentil d'avoir un avenant 43, mais enfin ça coûte cher et les départements ne roulent pas sur l'or. Donc, on a pris nos responsabilités en prenant la moitié des coûts à la charge de l'État. Mais il y a des secteurs qui sont restés à l'écart. Alors il y a d'abord les centres de soins infirmiers associatifs. Il y en a 350, en particulier dans les QPV ou les zones très rurales. Nous allons garantir, dans l’urgence, la survie économique de ces structures essentielles pour cette année, avec 4 millions d’euros.
  • Et nous avons, je le dis, c'est la CNAM qui doit s'en occuper avec le ministère aussi des difficultés dans les centres de santé. Ce n’est pas à vous que je vais dire combien ils sont utiles, en particulier en ce moment et dans le même ordre d'idées. Je parlais de l’avenant 43. Merci à Brigitte BOURGUIGNON d'avoir négocié ça avec l'Union nationale des CCAS et je crois aussi l'Association des Maires de France et Madame la ministre de la Fonction publique. Nous allons appliquer cette revalorisation aux 20 000 aides à domicile des CCAS et il peut y en avoir des CIAS puisque là encore, leur statut les mettait en dehors du champ d'application de l'avenant dit 43.
  • Quatrièmement, nous avons décidé avec les départements d’acter la revalorisation des médecins, sages-femmes et personnels soignants de la protection maternelle et infantile et des autres structures territoriales, qui sont restés au bord du mouvement du Ségur, alors même que nous comptons beaucoup sur eux auprès des enfants et des familles. L’accord auquel nous sommes parvenus c’est que l’État apportera une contribution de 30 % aux départements qui sont évidemment en première ligne pour procéder à ces revalorisations.
  • Enfin, l’État veillera à ce que les soignants des structures de prévention, de dépistage ou d’accompagnement des personnes en grandes difficultés sociales qui n’ont pas bénéficié du Ségur soit revalorisés à la hauteur des engagements prévus.
Mesdames et Messieurs, c'est évidemment un sujet très important que celui qui nous a réunis tout au long de cette matinée. Celui donc du niveau et de la qualité de l'accompagnement que le pays entend fixer pour les personnes fragiles et en conséquence, le niveau d'effort que nous sommes prêts à consentir pour les professionnels qui les accompagnent et aux grandes fins, il faut des grands moyens et je crois que nous les mettons sur la table. Je le dis, ça va être difficile parce que nous devrons financer tout ça. Mais c'est historique et l'État est là. Je le dis, l'État est là. C'est un bon investissement, je le dis, la bonne dépense.
Évidemment, l'État ne fera pas tout. J'ai déjà, pour les en remercier, cité le rôle des départements, des autres collectivités territoriales et puis les responsabilités qui sont celles de ce que j'appellerais les « forces vives du secteur social ». Mais l'État est là. Il sera présent dans la durée avec les Conseils départementaux pour impulser, accompagner, faciliter. Je l'ai déjà dit, mais enfin nous ne parlons pas, même quantitativement, de peu de choses, près de 200 000 professionnels et derrière eux, des centaines de milliers de personnes prises en charge et accompagnées, sans parler de leurs familles.
Cet investissement massif que va consentir la nation et notamment l'État, à la demande du Président de la République, témoigne, je crois, de notre profond attachement commun à une société solidaire, inclusive, attentive et respectueuse de toutes celles et ceux de nos concitoyens touchés par la dépendance, le handicap ou les difficultés sociales. Et donc c'est ça l’apport du jour parce que tout est totalement lié, des professionnels qui font le choix exemplaire de se consacrer à eux. Le choix qu'ensemble nous venons de sceller, je le crois profondément, mesdames et messieurs, est d'abord un choix de justice, bon, peut-être plus beau que le rattrapage. C'est un choix de solidarité, évidemment. C'est plus encore, me semble-t-il, un choix de société. Et c'est en ce sens que c'est un choix profondément politique et républicain.
Je vous remercie.

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