Discours du Premier ministre Jean Castex - Cérémonie de remise du prix Ilan Halimi

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié le 14/02/2022

Monsieur le ministre de l’Éducation nationale,
Cher Jean-Michel,
Madame la ministre, chère Élisabeth,
Madame la déléguée interministérielle,
Madame la présidente du jury,
Mesdames et messieurs.
Chers lauréats !
Bravo d'abord, vraiment bravo du fond du cœur, j'allais presque dire que vous avez fait et dit l'essentiel. C'est d'ailleurs fait pour ça, ce prix Ilan Halimi, pour toucher nos consciences. Bien sûr, pour, comme vous l'avez très bien dit, les uns et les autres, lutter contre l'oubli, mais aussi pour montrer et entendre les voix et les actes de l'espérance. Je suis très heureux de vous recevoir ici. Vous venez d'un peu partout sur le territoire national. Je veux féliciter le jury. Je ne connais pas les autres dossiers qui sont arrivés jusqu'à vous, mais j'imagine qu'ils étaient aussi excellents et combien a dû être difficile votre tâche.
En tout cas, c'est une magnifique réussite et on l'a vu, on l'a entendu, on n'a pas de mal à imaginer combien ce travail vous a soudés, vous a mobilisés, vous a intéressés, vous a passionnés. De quoi parlons-nous ? Ilan Halimi, c'est lui qui nous réunit ce matin. Vous avez appris, peut-être vécu et partagé son histoire, son calvaire. Peut-être sans doute, comme moi, vous dites-vous : mais comment cela est-il possible aujourd'hui, de nos jours, dans une société comme la nôtre ? Comment peut-on faire ça ?
Un jeune homme modeste comme vous et moi, comme nous tous, employé dans une boutique vendant du matériel de téléphonie et qui subit un tel calvaire pour son nom, pour ses origines, pour ce qu'il est. Inimaginable, et pourtant, ça s'est passé en France à l'époque d’aujourd’hui, à l'époque d'aujourd'hui. C'est une initiative, une heureuse initiative de mon prédécesseur Édouard Philippe, que d'avoir tenu à remettre ici, car nous croyons à la force des symboles, le prix Ilan Halimi à Matignon. C’est une façon de dire de la façon la plus claire et la plus ferme : la République n’admettra jamais cela.
L’année dernière, j’avais présidé la même manifestation et nous avions eu aussi à récompenser des projets émouvants, exceptionnels et je le disais juste, je l’ai vu aujourd’hui encore, avec les 3 établissements lauréats. Depuis l’année dernière, sachez-le, je suis allé à Izieu, à la Maison d’enfants, vous savez, on vous a appris cette histoire, ces petits enfants juifs qu’on avait mis croyait-on à l’abri, dans une maison, et où les nazis sont venus les chercher, pour les amener ensuite en déportation. Certains d’entre eux étaient en France depuis pas très longtemps. Ils avaient appris notre langue. Ils aimaient déjà beaucoup notre pays, et quand ils sont partis dans les camions bâchés, ils chantaient - vous vous rendez compte ? « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine » - une tragédie, hélas, favorisée par le pouvoir en place. J’ai fait, avec d’autres enfants comme vous, plus récemment encore, un autre voyage au bout de l’enfer à Auschwitz, il y a quelques semaines, avec, comme vous l’avez dit Madame la présidente, les derniers survivants de la Shoah. Je ne saurais vous l’évoquer. J’ai vu que la pandémie empêchait, je crois que c’est la classe de Gap, de se rendre à Auschwitz. Il faudrait que tous les enfants et tous les adultes de France puissent faire ce déplacement.
L’histoire, l’histoire, Gap au fil de l’histoire, je le dis au ministre de l’Éducation nationale, est sans doute notre plus précieuse recours. Nous devons savoir toujours ce qui s’est passé pour Ilan et pour tous les autres, savoir ce dont certains sont malheureusement capables, rester toujours en alerte et en éveil, et nous appuyer sur celles et ceux - ils sont très, très nombreux et pas que dans notre jeunesse - prêts à refuser catégoriquement cela. Je parlais d'histoire, je fais donc référence à l'éducation, c'est capital la culture, le partage, mais je veux d'abord vous dire, et vous rappeler fortement que toutes ces pratiques sont rigoureusement interdites par la loi, et que celles et ceux qui auraient la tentation de recourir à tout acte raciste, antisémite ou stigmatisant telle ou telle partie de la population en raison de ces orientations ou de ces pratiques, subira les foudres de la loi républicaine.
La démocratie et la République doivent aussi et d'abord savoir se défendre, défendre les valeurs de respect, de tolérance et de liberté, et c'est pourquoi nous l'avons fait sous mon Gouvernement, à chaque fois qu'il faut renforcer ou améliorer les dispositifs qui sanctionnent de tels agissements. Je veux vous dire que nous le faisons et que nous le ferons. En particulier, vous l'avez évoqué, les réseaux sociaux, vous connaissez bien les réseaux sociaux. J’ai 4 filles, je sais le temps qu’elles y consacrent. C'est comme ça. Là aussi, il y a du très bien et puis, du moins bien. Et il se trouve, comme vous l'avez dit, qu'ils peuvent aussi véhiculer des discours de haine et d'intolérance et, je suis fier et heureux de ce que la France, notamment dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne qui lui échoit depuis le 1er janvier dernier jusqu'au 30 juin, va faire adopter par l'Europe, car c'est le bon niveau, car c'est aussi un très fort symbole de paix et de tolérance, des textes qui vont nous permettre de renforcer la lutte contre la haine en ligne. Mais je le redis, au-delà de toutes ces actions que nous menons et je voudrais féliciter la mobilisation de tous les agents publics, nous formons, nous avons déployé beaucoup de dispositifs, nous avons un plan qui va être sans cesse, grâce à vos apports, à vos propositions amélioré, renforcé. Nous n'abdiquerons jamais. Le combat se situe dans nos têtes et dans nos esprits.
Et puisque nous faisions référence à l'histoire si précieuse que certains veulent réécrire, transformer, cacher, je ne saurais que trop vous inviter, m'adressant aux enseignants, Monsieur le ministre, qui sont ici, à la lecture dans les écoles de France, d'un magnifique ouvrage qui s'intitule L'étrange défaite de Marc Bloch. Cet auteur décrit bien que la première abdication, c'est celle de ce qu'on appelle les élites.
Nous avons à mener, je le dis, un combat idéologique dans le bon sens du terme. Une certaine conception de l'homme, de la société, de l'histoire et donc de l'avenir. Oui, évidemment, sans doute encore plus dans les périodes de crise, la tentation chez d'aucuns, c'est de se laisser aller. On n'a pas le droit de se laisser aller. Jamais. Jamais. Et finalement, et c'est ce que je veux vous dire en vous renouvelant mes félicitations, en vous redisant la mobilisation totale du président de la République, du Gouvernement, des pouvoirs publics. L'un d'entre vous employait le mot de responsabilité tout à l'heure. C'est notre affaire à toutes et à tous. C'est notre affaire à toutes et à tous. Et quand je vous vois, je suis à la fois plus déterminé que jamais et je vous le dis plein d'espoir.
Merci encore.

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