Dernière illustration majeure en date, la pandémie Covid 19 qu’on ne peut éradiquer durablement si les zones pauvres demeurent durablement infectées. Les migrations, qui sont le résultat de ces tensions économiques, sociales et politiques, sont également mondiales.
C’est notamment la raison pour laquelle, depuis 5 ans, l’éducation, l’égalité entre les femmes et les hommes, la défense des droits humains, ont toujours guidé l’action du Gouvernement et celle de votre institution. Dès 2017, le cap était clair : recentrer notre coopération sur ces priorités, tout en nous donnant les moyens d’obtenir de véritables résultats. Dans un univers où l’aide au développement devient pour certains un enjeu strictement stratégique, rien n’aurait été pire que de défendre des principes sans s’en donner les moyens. De ce point de vue, les chiffres sont incontestables et ont été salués par tous les acteurs.
L’aide française a augmenté de 35% pendant le quinquennat, pour atteindre aujourd’hui son niveau le plus haut, à 12,5 milliards d’euros. Il représente en, 2022 0,55% du PNB, contre 0,4 % en 2017 ; 0,49% en 2010 et 0,33% en 2000. Ce montant va continuer à progresser, puisque nous avons fait inscrire dans la loi l’objectif d’atteindre, d’ici 2025, 0,70% de notre richesse nationale investie dans le développement.
Le pari de maintenir une trajectoire en hausse de l’aide a donc été tenu, y compris pendant la crise, alors que d’autres pays choisissaient de réduire leurs efforts. Aussi, la France se situe aujourd’hui nettement et résolument au-dessus de la plupart de ses partenaires de l’OCDE, qui consacrent en moyenne 0,32% de leur richesse nationale à la solidarité internationale. Ce sont ainsi plus de 4 milliards d’euros qui sont venus irriguer notre action en faveur du développement au cours de ce quinquennat, faisant de la France le 5 ème bailleur mondial, et donc un acteur incontestable et incontournable.
Ces moyens rehaussés appelaient, de fait, un nouveau discours de la méthode. Ainsi, la loi de programmation du 4 août dernier a également mis l’inclusivité et le partenariat au centre de notre approche. Cette loi, cela mérite d’être souligné, est l’unique texte voté à l’unanimité par le Sénat et l’Assemblée nationale au cours du quinquennat.
C’est tout l’honneur de notre représentation nationale que de faire consensus lorsqu’il s’agit de permettre à la France d’investir pour le développement. C’est donc avec le Parlement que nous avons fixé un nouveau cadre stratégique, qui élargit la notion de développement bien au-delà des accords entre gouvernements.
Désormais, la loi pose le principe d’une action concertée qui passe par la mobilisation de tous les acteurs : collectivités locales, chercheurs, ONG, fondations, administrations. Aussi, dans les pays concernés, nos ambassades, en lien étroit avec l’AFD, auront la charge de penser et de conduire ensemble une action stratégique, en évitant les doublons et les incohérences.
Cette confiance faite au terrain, nous avons pu l’appliquer avec l’AFD en Outre-mer. En effet, depuis 5 ans, votre action s’est inscrite dans une dynamique nouvelle, avec la création d’un département dit des « Trois Océans » , intégrant les territoires français d’Outre-mer et les Etats étrangers voisins. C’est l’occasion pour moi de souligner ici qu’au cours de ces 5 dernières années, l’action de AFD dans les Outre-mer a été marquée par sa forte capacité à répondre aux circonstances exceptionnelles que ces territoires ont rencontré : soutien à la collectivité de Saint Martin après le passage de l’ouragan IRMA, déploiement de l’initiative Outre-mer en Commun en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française en réponse à la crise du COVID.
Aujourd’hui, alors que les Antilles connaissent une période troublée, je tiens à saluer le patient travail que l’AFD y mène depuis des années, notamment par le biais des contrats COROM signés avec les collectivités, à travers lesquels l’AFD fournit une importante aide en ingénierie.
Cette aide permet aux collectivités de restructurer leurs services, de trouver un équilibre budgétaire et financier et donc de disposer à nouveau des capacités pour investir au service de leurs concitoyens.
La France a également été en première ligne pour suspendre le service de la dette dans les pays les plus fragiles et les plus affectés, ce qui leur a permis de dégager des liquidités afin d’y faire face. En novembre 2020, la France a en effet joué un rôle moteur pour obtenir l’adoption par le G20 d’un « cadre commun de traitement de la dette » des pays pauvres, ce qui a permis d’apporter une réponse plus structurelle et pérenne. Ce qui a été fait à travers le Cadre commun du G20 et du Club de Paris.
Cette action, nous l’avons poursuivie, notamment dans le cadre du Sommet sur le Financement des économies africaines qui s’est tenu mi-mai, en obtenant d’augmenter, en faveur du continent africain, le bénéfice de l’allocation générale de DTS à hauteur de 650 milliards de dollars.
De même, nous avons obtenu du G20 qu’il endosse l’ objectif de 100 milliards USD de réallocation des droits de tirage spéciaux (DTS) des grandes économies au bénéfice des pays en ayant le plus besoin, en particulier en Afrique, et nous travaillons à concrétiser cet objectif dans les prochains mois.
Parallèlement à cette action sur la finance, la France, vous le savez, s’est aussi fortement mobilisée pour apporter une réponse qui ne soit pas uniquement économique. En 2020, elle a été le troisième plus important pourvoyeur d’Aide Publique au Développement, grâce à la mise en œuvre de votre initiative « Santé en commun ». En ce qui concerne les vaccins, nous avons toujours eu un seul et même objectif : promouvoir un accès équitable et universel. C’est la raison pour laquelle nous sommes engagés à donner, d’ici à la mi-2022, 120 millions de doses de vaccins aux pays pauvres, ce qui fait de nous le troisième pays donateur après les Etats-Unis et l’Allemagne. Aujourd’hui, près de la moitié du chemin est déjà parcourue. Voilà un élément concret, tangible, où les bénéfices communs sont indéniables. C’est dans ce cadre que nous avons encouragé les banques multilatérales de développement à soutenir les financements de vaccins de leurs membres, et à les aider à préparer des plans de vaccination nationaux.
Plus généralement, nous plaidons pour que ces institutions participent au renforcement des systèmes de santé, afin de se préparer aux pandémies à venir.
La lutte contre le changement climatique est l’autre grande priorité que s’est fixée l’AFD. À ce titre, je veux remercier très chaleureusement Laurence TUBIANA, non seulement pour le rôle que vous avez joué, madame, à la tête du conseil d’administration de l’AFD depuis juillet 2013, ainsi que de celui d’Expertise France plus récemment, mais aussi pour avoir été aussi l’architecte de l’Accord de Paris de 2015, et ainsi permis au Groupe AFD d’être désormais en pointe sur ces questions. Vous avez accompagné avec rigueur et bienveillance la grande transformation de l’agence, et l’État vous remercie du travail si bien accompli.
Enfin, nous avons voulu faire de l’efficacité et de la lisibilité un marqueur de notre action. C’est le sens de la mise en place de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement. Composée de parlementaires et d’experts reconnus, elle devra apporter un éclairage neuf et aiguisé sur notre action. Elle sera indépendante, et donc libre de nous aiguillonner, de mettre le doigt sur ce qui ne va pas, sur ce qui n’est pas efficace.
Elle aura aussi le souci de renforcer la confiance de nos citoyens dans l’aide publique de la France, de dépasser les idées reçues et de contrer les fausses informations. Dans cet ordre d’idée, l’État va bâtir une base de données claire et lisible de l’AFD française, accessible à tous, qui permettra à chaque citoyen de voir facilement qui fait quoi, avec quels moyens, et où.
De même, j’attends du Groupe AFD qu’il poursuive l’objectif d’efficacité et de sobriété qui lui a été assigné, tant dans sa relation avec ses partenaires que dans son fonctionnement interne, en particulier s’agissant de la pérennité de son modèle financier. Ces mesures doivent aller de pair avec l’accroissement des moyens qui lui a été accordé. Sans cette transparence, nous aurions pris le risque d’affaiblir l’adhésion démocratique à notre approche.
Ce renouvellement de la philosophie et des moyens de l’aide au développement, que le Président de la République a rappelé lors du sommet de Montpellier le 8 octobre dernier, passe également par une place croissante accordée aux partenariats avec l’ensemble des membres de la société civile, qui jouent un rôle majeur sur le terrain en matière de solidarité. La loi du 4 août 2021 prévoit d’ailleurs le doublement des fonds transitant par les organisations de la société civile et des fonds destinés au soutien à l’action extérieure des collectivités territoriales entre 2017 et 2022.
Ce sommet du 8 octobre était d’ailleurs d’un genre nouveau. Sans chef d’État et sans autorité institutionnelle, il était consacré exclusivement à la jeunesse d’Afrique et de France. Aussi, pour la première fois, des centaines de jeunes entrepreneurs, artistes, chercheurs, athlètes, étudiants, personnalités engagées d’Afrique et de France se sont réunis pour envisager les perspectives et les premières actions concrètes à mener pour le renouveau de la relation entre le continent africain et la France.
Cet esprit de renouveau voulu c’est à vous, cher Philippe LE HOUEROU, qu’il reviendra comme nouveau président du conseil d’administration de le concrétiser bientôt à travers le changement de nom de l’Agence. A l’image de cette nouvelle approche qu’il a définie, à la fois plus partenariale et plus inclusive, le Président de la République a souhaité que le choix de ce nouveau nom se fasse dans le cadre d’un travail collectif, aux côtés des personnels de l’Agence, bien sûr, mais aussi de représentants des institutions nationales et internationales, ainsi que de la société civile du monde entier. Sur ce sujet, rendez-vous est pris pour février 2022 au sommet entre l'Union africaine et l'Union européenne. Grand moment de la Présidence française de l'Union qui débute, comme vous le savez, le 1er janvier prochain et qui verra donc l'officialisation de ce nouveau nom.
Là encore, comme elle le fait depuis 80 ans avec une capacité d’adaptation jamais démentie, je sais que l’Agence réussira cette nouvelle mue, au service de cette belle ambition renouvelée.
C’est aussi à vous, cher Philippe, qu’il appartiendra de veiller à la bonne installation de l’AFD dans ses futurs locaux de la gare d’Austerlitz, à quelques pas d’ici, en lien avec le directeur général, Rémy RIOUX, dont je salue ici l’engagement et le travail remarquable. C’est un chantier d’envergure mais, au-delà d’une stricte réponse aux nécessités immobilières de l’Agence et de ses personnels, j’y vois l’opportunité de faire de Paris la capitale des solutions pour un développement international durable.
Mesdames et messieurs, 80 ans c’est encore très jeune, et il reste encore du chemin à parcourir. Mais votre institution a montré par sa pérennité qu’elle savait mener des politiques de très long terme.
Ce 80 eme anniversaire, vous avez souhaité le placer sous le mot d’ordre « du côté des autres ». Ce mot d’ordre est conforme à la tradition que vous incarnez, celle d’une France qui assume la portée universelle des valeurs qu’elle incarne, et c’est aussi un message d’avenir, car il s’agit désormais de changer notre regard pour être justement à côté, donc à égalité, de ceux dont nous soutenons le développement. L’aide publique que la France apporte au développement ne peut être qu’un prolongement des politiques portées au plan national. J’entends par là un dialogue permanent et renouvelé avec tous les acteurs, qu’il s’agisse des pays ou des sociétés partenaires.
Dans quelques instants, je vais pouvoir échanger avec les jeunes engagés, ce dont je me réjouis, car c’est eux qui vont être non seulement les principaux représentants, mais les principaux acteurs du projet politique qui vous anime. À cette jeunesse qui s’engage, je dirai dans un instant, en allant à sa rencontre, qu’elle porte un héritage, celui de ces 80 ans d’action que nous venons d’évoquer, et un avenir, celui de la France et de son action dans le monde.