J’ai souhaité aujourd’hui me rendre dans cette maison d’accueil spécialisée (MAS) de Châtenay-Malabry, accompagné de la Secrétaire d’État chargé des personnes handicapées, pour marquer l’action résolue du Gouvernement en direction des personnes en situation de handicap, des familles et des professionnels qui les accompagnent. Je remercie La Fondation des Amis de l’Atelier pour leur accueil et j’ai pu constater cet après-midi la qualité et l’engagement du personnel de votre établissement.
Je n’ai pas peur de le dire, nous constatons ces dernières semaines des difficultés très importantes de recrutement, en particulier de personnels soignants. Cette problématique, nous la vivons à l’hôpital, nous la vivons aussi dans les établissements médico-sociaux, sans doute avec une intensité encore plus importante lorsqu’il s’agit d’accompagner les personnes les plus fragiles, notamment polyhandicapées ou avec des troubles autistiques sévères.
J’entends dans les territoires, par la voix des associations qui représentent les personnes et celle des gestionnaires, de réelles préoccupations et parfois même des situations de détresse. Je tiens ici, par ma venue, à le dire solennellement : le Gouvernement prend la mesure de cette situation et mon travail en tant que chef du Gouvernement, c’est de trouver les solutions les plus justes et les plus opérationnelles pour faire face à cette situation.
Si le Ségur de la santé a apporté une réponse nécessaire et attendue à la question de la juste valorisation des métiers dans les hôpitaux et les EHPAD, l’Etat a aussi entendu, en accord avec toutes les organisations signataires, que le champ médico-social fasse l’objet d’une réponse équivalente et qui tienne compte de ses spécificités. C’est pourquoi je me suis attelé dès ma prise de fonction à honorer cet engagement, et ai nommé fin 2020 Michel LAFORCADE pour conduire les discussions avec les représentants du secteur.
Ces discussions ont permis de conclure en mai dernier plusieurs accords pour la revalorisation à hauteur de 183 euros des professionnels soignants. Le déploiement de ces mesures, prévu au 1er janvier prochain, se heurte cependant à deux difficultés. Certains soignants pourraient ne pas en bénéficier lorsque l’établissement dans lequel ils exercent est financé par le conseil départemental et non par l’assurance maladie. Et l’échéance de début 2022 est devenue trop tardive compte tenu des tensions de recrutement et des phénomènes de concurrence entre secteurs et établissements qui se sont intensifiées depuis la rentrée.
Ces obstacles, il est urgent de les lever. C’est pourquoi je vous annonce deux décisions concrètes.
Nous allons tout d’abord anticiper la revalorisation de 183 euros, pour qu’elle vaille dès novembre, et non pas au 1er janvier 2022 comme prévu initialement. Les financements correspondants seront injectés dans le budget 2021 de l’assurance maladie par un amendement du Gouvernement au PLFSS en débat cette semaine au Sénat.
Nous allons également financer cette même revalorisation pour les soignants qui relèvent des foyers et établissements du handicap à la charge des départements. Il n’est en effet pas concevable de conserver ces inégalités de traitement entre deux soignants exerçant le même métier sous prétexte que l’un travaille dans une structure financée par l’Assurance maladie et que l’autre travaille dans une structure financée par le département. Et je comprends parfaitement la difficulté que cela peut poser pour un employeur dont l’activité est mixte, et il y en a. J’ai eu ce matin même le président de l’Association des départements de France, Monsieur François SAUVADET, pour l’informer de ce que nous compenserons intégralement cette revalorisation des soignants travaillant dans le cadre d’un financement départemental. C’est loin d’être anecdotique puisque cet engagement va concerner plus de 20 000 professionnels et que lui aussi trouvera sa traduction par amendement au PLFSS pour 2022 en cours d’examen, comme je vous le disais il y a un instant, au Sénat
Ces obstacles étant levés, je demande aux fédérations du privé non lucratif de prendre au plus vite les décisions permettant de mettre en œuvre les hausses de salaire pour leurs professionnels soignants dont la date d’effet sera donc à compter du 1er de ce mois de novembre.
Au-delà, je souhaite que nous facilitions toutes les solutions de court et moyen termes permettant de pallier la situation critique que rencontrent certains établissements, pour trouver les personnels sur les postes dont ils disposent, en particulier pour accompagner ceux de nos concitoyens en situation de handicap dont les besoins sont les plus importants.
Nous continuerons ainsi à agir sur tous les leviers que nous avons commencé à activer pour sécuriser l’avenir des métiers de l’autonomie. Nous avons pour la première fois depuis des années financé, en lien avec les régions, une augmentation importante des places en instituts de formation en soins infirmiers et en instituts de formation des aides-soignants. Il nous faut désormais accompagner les étudiants dans ce choix pour éviter toute rupture de parcours et mieux faire connaître et valoriser les options de stage dans le secteur médico-social. Nous avons, et c’était là aussi une attente très forte, adapté mi-2021 les référentiels de formation des aides-soignants et des accompagnants éducatifs et sociaux pour les rendre compatibles aux enseignements par la voie de l’apprentissage, et vous savez toute l’importance que mon Gouvernement attache à l’apprentissage. Ces places d’apprentissage ne sont, ne seront par ailleurs plus soumises aux quotas fixés régulant les conditions d’accès aux formations d’aides-soignants. Il faut se saisir de ces avancées importantes et poursuivre ce travail, y compris avec les employeurs sur les maquettes de formation.
Au-delà de ces évolutions qui porteront leurs fruits progressivement, je souhaite, pour répondre à l’urgence, que vous puissiez, Madame la ministre, mobiliser les ARS pour qu’une cellule exceptionnelle d’appui RH soit montée dans chacune d’elle. Pour recueillir les besoins de chaque établissement en difficulté, et l’accompagner dans la recherche de solutions (y compris en organisant la solidarité entre structures, la mobilisation des infirmières libérales). Tout doit être fait pour éviter de déplacer les personnes qui ont leur vie en établissement.
En miroir de cette mobilisation des ARS, j’ai demandé à Elisabeth BORNE de mobiliser le réseau des agences Pôle emploi, avec deux priorités : identifier les viviers de professionnels, et proposer des formations courtes qualifiantes que nous financerons, comme nous l’avons fait pour les EHPAD, avec des résultats, en pleine crise Covid.
Pour accompagner cette mobilisation que je veux collective, une campagne de communication sera lancée pour attirer de nouveaux professionnels au service des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Je sais la richesse des métiers du handicap, je sais le supplément d’âme qu’on y trouve. Nous devons pouvoir le dire aux jeunes qui veulent s’engager.
En vous disant cela, je n’oublie pas que le projet de vie des personnes handicapées et de leurs familles ne mobilise pas uniquement des professionnels soignants. C’est au contraire une approche pluridisciplinaire qui fait toute la force de ces prises en charge. J’ai pu voir aujourd’hui l’investissement des éducateurs et des accompagnants dont le rôle est essentiel. Ces métiers, on en a besoin partout, ce sont des travailleurs sociaux qui participent à la politique de cohésion sociale.
L’État n’est pas seul en responsabilité s’agissant de ces métiers et de leur attractivité. Cette responsabilité, il la partage. Avec les départements qui sont très largement financeurs. Avec les partenaires sociaux qui fixent les règles conventionnelles d’évolution des carrières. Il ne fait pas mystère que ces règles doivent aujourd’hui être profondément modernisées pour motiver les équipes, mieux accompagner les parcours professionnels et les perspectives de progression de carrière, et mieux intégrer les problématiques de santé au travail. C’est en effet sur ces enjeux que se joue la capacité de ces filières à attirer et motiver leurs salariés dans la durée.
Il faut dire que beaucoup d’ingrédients sont réunis pour rendre ces métiers peu attractifs alors qu’ils sont essentiels. Dans ces secteurs, les grilles salariales, établies il y a plusieurs décennies de cela, n’ont jamais été modernisées si bien que l’écrasement des salaires des éducateurs ou des accompagnants est tel que l’on reste bloqué pendant les premières années au SMIC sans véritable perspective. La seule reconnaissance possible ne peut se faire qu’à l’ancienneté. Les différences de règles ne facilitent pas non plus les mobilités entre structures ou entre secteurs. Il est temps que les négociations s’engagent dans la branche de l’action sanitaire et sociale pour dépasser ces difficultés bien connues de tous.
Pour fixer le cap et la méthode s’agissant des métiers du travail social, dans le respect bien sûr des attributions de chacun, je souhaite qu’une Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social se tienne d’ici le 15 janvier au plus tard. Cette conférence doit nous permettre de dessiner un calendrier partagé permettant de concilier des premières avancées rapides et l’engagement d’un travail de fond et dans la durée. Je veux le dire ici, si chacun fait preuve de responsabilité dans les attributions qui sont les siennes, s’agissant des départements comme des partenaires sociaux, nous serons prêts à mobiliser de nouveaux moyens. Il ne s’agit pas ici de donner le montant de l’enveloppe, dans l’attente des nécessaires discussions, mais de dire que nous serons au rendez-vous du niveau d’ambition qu’exigent ces professionnels.
Mesdames, messieurs, par-delà ces enjeux d’attractivité et de sécurisation des parcours au service des personnes et des familles, par-delà la grande fatigue très légitime de tous les professionnels, j’ai la conviction qu’un mouvement plus profond se dessine. Le traumatisme de la crise a été important, le monde du soin et de l’accompagnement a traversé des épreuves majeures, chacun à titre individuel a pu se confronter à la question du sens, éprouver le besoin de reconfirmer ses choix professionnels.
Il faut que nous comprenions ensemble les ressorts de cette période inédite et les attentes fondamentales des équipes qui ont évolué depuis la crise sanitaire. Vous, chers concitoyens handicapés, qui voulez avoir la possibilité de choisir ; vous les familles qui vous interrogez sur la meilleure façon d’accompagner vos proches, avec des attentes bien légitimes ; vous les professionnels qui êtes parfois dans l’inquiétude sur ce que sera votre avenir ; vous les responsables d’équipes qui souhaitez accompagner les innovations avec vos collectifs de travail, sans avoir toujours le soutien pour le faire, pour vous tous, en complément des engagements que je viens de prendre pour les soignants et les professionnels éducatifs, redonnons-nous des perspectives.
Pour vous tous, en complément des engagements que je viens de prendre pour les soignants et les professionnels éducatifs, redonnons-nous des perspectives. J’ai demandé à Denis PIVETEAU, dont on sait tous l’engagement et l’expérience, de se mettre au service de cette réflexion plus globale dans un moment charnière d’après crise, et alors que le secteur est traversé par d’importantes transformations pour répondre au plus près des aspirations des personnes. Ce secteur, je le dis, il a fait face, avec courage, avec dignité, comme dans le domaine sanitaire et une fois encore, inlassablement, je veux ici lui rendre hommage. Trouver les voies pour l’accompagnement des professionnels dans ces transformations est nécessaire, et ajoutera de la valeur aux engagements sur les salaires et les parcours. Ce travail pourra utilement être partagé lors de la Conférence sur les métiers, pour bâtir des perspectives, positives, ensemble, personnes handicapées, aidants, professionnels.
Mesdames, Messieurs, vous savez l’attachement du Président de la République, le mien, celui de la Secrétaire d’Etat au handicap. Nous avons progressé sous ce quinquennat sur de nombreux champs, celui des droits, celui de l’école, et celui de l’intervention précoce notamment. Je mesure bien que nous ne sommes pas au bout, que cette crise a ébranlé un certain nombre de principes, mais c'est notre devoir, des pouvoirs publics, non seulement de faire face à la crise, mais de déceler les enseignements plus profonds, plus structurels, plus sociétaux et d'en tirer toutes les conséquences. Soyez certains de la détermination de mon Gouvernement au service des personnes et des familles, et au service des professionnels qui contribuent à rendre possibles leurs aspirations.