Plan 15 000 - Centre pénitentiaire de Lutterbach

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié le 20/04/2021

Monsieur le Garde des Sceaux,
Madame la ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le maire de Lutterbach,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le préfet,
Mesdames et Messieurs les représentants de l’autorité judiciaire,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui, en plein cœur de la Collectivité européenne d’Alsace dont j’étais venu, le 23 janvier dernier, appuyer l’installation et, à travers elle, la renaissance de l’Alsace en tant qu’entité politique.
Me revoici donc ce matin en Alsace avec le Garde des Sceaux, Eric DUPOND-MORETTI, pour un moment non moins important de l’action gouvernementale, puisqu’il touche au cœur de l’État régalien et républicain et donc à l’une des priorités principielles de notre politique : la justice. Ce service public de la justice dont j’ai dit, dès mon discours de politique générale en juillet dernier, ma ferme volonté de lui rendre la place qui doit être la sienne dans un État de droit démocratique. Et ce service public, c’est aussi celui de l’administration pénitentiaire.
Le 6 mars 2018, à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire d’Agen, le Chef de l’État avait eu des mots forts, que je veux vous rappeler : une nation est jugée aussi à travers ses prisons. Aujourd’hui, c’est le Premier ministre d’un Président qui s’est engagé à repenser le sens et l’effectivité de la peine, qui se tient devant vous.
Dans ce même discours d’Agen, le Président de la République avait annoncé 15 000 places de prison supplémentaires. 7 000 d’entre elles ont été engagées sous l’autorité de mon prédécesseur et je veux saluer à ce propos Madame Nicole BELLOUBET, qui a porté la loi de programmation et de réforme de la justice de 2019. Preuve, ici même, à LUTTERBACH, que ces engagements ont été tenus, puisque nous inaugurons un établissement modèle de 520 places. Je tiens à saluer le travail exemplaire mené par l’Agence pour l’immobilier de la justice (APIJ). Ce centre est une belle réalisation, et j’insiste sur ce mot, car on peut être condamné à la détention sans pour autant l’être à la laideur. Son architecture s’insère dans le paysage et assure la dignité de ceux qui vont y purger leur peine, tout en étant respectueuse de l’environnement. Cette prison n’est pas seulement un grand chantier immobilier, elle est aussi la face concrète de la politique pénale et pénitentiaire du Gouvernement.
En m’adressant aux chefs de cour et de juridiction, le 22 octobre dernier, j’affirmais déjà que l’évolution du droit est sans doute nécessaire, mais que nous devons surtout être attaché à l’effectivité des lois et donc des peines. Vous connaissez la phrase de BECCARIA : « c'est sur la certitude de la peine et non sur sa sévérité que repose l'efficacité et l'effectivité de la justice ». Ces mots, écrits en 1746, sont plus que jamais d’actualité.
Face à la montée des violences et aux violations de tout ordres de la loi républicaine, nous devons nous assurer que l’ensemble de la chaîne, de l’indispensable prévention jusqu’à l’emprisonnement nécessaire, fonctionne de manière efficiente. Et nos concitoyens attendent de nous, légitimement, de réels progrès.
Ils doivent reprendre confiance dans la capacité de la justice à les protéger, mais on ne peut pas demander davantage d’efficacité sans lui en donner les moyens, sans revoir les organisations, sans poursuivre et amplifier sa transformation immobilière, sans consolider notre système pénitentiaire, sans conforter notre protection judiciaire de la jeunesse.
Dès mon arrivée, j’ai donc fait de la justice une priorité de l’action du Gouvernement : je rappelle ici que la hausse du budget de la justice cette année de 8% est une hausse historique. Et nous allons continuer en 2022. L’incarnation de cette priorité porte un nom et épouse un visage : celui d’Éric DUPOND-MORETTI qui met tout son talent et sa détermination, l’un comme l’autre sans modération, dans la mise en œuvre de cette grande cause.
Pour lutter pied à pied contre le terrorisme, les violences, les trafics, la délinquance et les incivilités sous toutes leurs formes, il faut bien évidement conforter les forces de sécurité intérieure – et c’est ce que ce quinquennat aura fait dans des proportions inédites avec plus de 10 000 postes de policiers et gendarmes comme le Président de la République l’a, hier encore, confirmé publiquement. Il faut aussi agir dans le champ de la prévention et de l’éducation, et ce prioritairement dès le plus jeune âge. C’est ce que nous avons fait notamment par le dédoublement des classes primaires. Mais ces efforts indispensables resteront en partie vains si le service public de la justice - hélas historiquement bien moins doté que dans nombre de démocraties comparables à la nôtre - ne dispose pas des moyens suffisants à l’accomplissement de sa haute mission.
L’une des premières concrétisations concerne la justice de proximité, qui vise à répondre aux actes de délinquance qui gâchent le quotidien de nos concitoyens.
Je partage, avec le Garde des Sceaux, la conviction que la confiance des Français dans l’État pour les protéger de l’insécurité commence d’abord par une réponse systématique à la petite délinquance. Tel est le sens de la loi récemment adoptée pour renforcer l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, qui va permettre de mieux réprimer les infractions du quotidien que sont les tags, les rodéos, les occupations de halls d’immeubles ou encore les actes violents aux abords des établissements d’enseignement. Des moyens dédiés - 200 millions d’euros de la loi de finances pour 2021 et 950 recrutements - ont parallèlement été déployés au service de ces missions. Cette politique laisse une large place aux peines alternatives et n’a de sens que si la société assume la réponse carcérale comme une peine certaine pour les faits les plus graves et les plus intolérables et lorsque les auteurs récidivent.
Un Gouvernement qui a le sens de sa responsabilité à l’égard de la société doit refuser l’angélisme du déterminisme social autant que la démagogie du tout répressif. Il doit assumer politiquement la réponse carcérale, une vraie réponse carcérale.
Mais gouverner, ce n’est pas philosopher. Pour rendre concrète cette politique, nous avons besoin de places de prison supplémentaires. En effet, notre politique pénale ne peut pas être dictée par des contraintes d’ordre matériel, mais uniquement par les enjeux de l’application pleine et entière de la loi républicaine. Aussi, je le répète, c’est la raison du choix budgétaire que nous avons fait.
Car assurer, comme nous le voulons, l’effectivité des peines, cela suppose davantage de places de prisons. Et donner à la prison toute sa place dans un État de droit suppose aussi de garantir des conditions de vie dignes et adaptées aux personnes qui y sont retenues et qui y travaillent.
La prison n’est pas pensée ni construite pour être une humiliation. Elle ne doit pas être le pilori des temps modernes. Elle est une réponse rationnelle à une criminalité qui par nature ne peut pas l’être.
La première réponse contre des conditions de détention indignes, c’est bien la lutte contre la surpopulation carcérale, et c’est l’objet de ce plan créant 8 000 places supplémentaires, s’ajoutant aux 7 000 déjà engagées. En fait, ce sont même 18 000 places qui seront construites, puisque nous avons dans le même temps fermé 3 000 places obsolètes voire insalubres. Tout ceci représente un effort de 4,5 milliards d’euros sur dix ans.
Aucun gouvernement démocratique ne peut accepter l’entassement dans des cellules trop étroites, la promiscuité, les matelas au sol et la saleté. La question des conditions de vie est évidemment d’une acuité particulière en cette période de crise sanitaire, pour les détenus, mais aussi pour le personnel de surveillance. Je tiens à exprimer la gratitude du Gouvernement et ma gratitude personnelle aux personnels pénitentiaires qui savent gérer cette crise avec professionnalisme, dévouement et humanité.
Depuis le début de la mandature, nous avons créé près de 5 000 emplois de surveillants et mis en place une politique de fidélisation en instaurant une prime pour les agents qui s’engagent à exercer sur la durée dans certains territoires. Nous avons, par ailleurs, poursuivi les revalorisations indemnitaires et concrétisé un plan de requalification qui permettra, d’ici 5 ans, à 1 400 surveillants d’accéder au corps des officiers et à 450 officiers d’accéder au corps des chefs de service. Je sais, par ailleurs, Monsieur le Garde des Sceaux, que vous avez engagé un travail essentiel de revalorisation des missions des surveillants en signant en ce sens une charte nationale qui sera déclinée d’ici la fin de l’année.
L’État est donc particulièrement attentif à leur protection comme il le fait pour toutes les forces de sécurité intérieure, très exposées dans la gestion de la crise sanitaire. C’est pourquoi, j’ai personnellement veillé à ce que les personnels de surveillance soient considérés comme prioritaires, notamment pour la vaccination, au même titre que les policiers et les gendarmes. Ce n’est pas un privilège. C’est la reconnaissance bien légitime qu’ils sont, au sein de l’État, des acteurs essentiels de la gestion de la crise. Et je veux ici publiquement rendre hommage à l’ensemble du personnel pénitentiaire.
C’est grâce à leur action que la prison reste un lieu au cœur de la société. La prison ne doit jamais être reléguée à l’extérieur de la société car la réinsertion est au cœur de la mission pénitentiaire. Les murs d’une prison ne sont pas là pour délimiter un monde à part. Ils sont là pour protéger la société et assurer la sécurité des personnels et des détenus.
C’est tout le sens du volet pénitentiaire du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire présenté la semaine dernière en Conseil des ministres par le Garde des Sceaux et dont débattra prochainement le Parlement : désormais, les crédits de réduction de peine ne seront plus automatiques, ce qui provoquait une indignation et une incompréhension souvent légitime dans l’opinion. Au contraire, ces réductions de peines seront dorénavant accordées au regard des efforts accomplis par celui qui a été condamné, car c’est l’effort de réinsertion qui doit être valorisé.
Nous voulons que les détenus puissent se former et se racheter par le travail et par l’effort. Désormais, les détenus qui travaillent bénéficieront d’un statut juridique et social et cotiseront pour leur retraite.
Nous souhaitons également améliorer la préparation à la libération des détenus : l’idée est d’offrir un avenir concret à ceux qui ont payé leur dette à la société, à commencer par une perspective accrue de réinsertion professionnelle.
Mesdames et messieurs, construire une prison, c’est un projet qui fait partie du contrat social parce que la sécurité et la réinsertion sont au cœur du pacte républicain. Dès lors, les établissements pénitentiaires doivent être équitablement répartis sur le territoire. Ils doivent être construits à proximité des bassins d’emplois et des transports.
La construction d’un établissement carcéral, c’est comme ici à LUTTERBACH, un énorme chantier, avec un budget de plus de 100 millions d’euros, qui a permis d’irriguer l’activité locale durant plus de deux années, c’est aussi un employeur local de première importance, qui permettra l’installation de nouvelles familles. En somme, c’est un moteur de vie sociale autant qu’un moteur de vie économique qui participe au développement de nos territoires, auxquels vous connaissez mon attachement profond.
Nos prisons n’ont pas davantage de raison de rester à l’écart de l’indispensable transition écologique que nous préparons pour notre pays. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé que 25 millions d’euros du plan de relance seront investis par l’État pour assurer la rénovation thermique de nos prisons. Et je tiens à souligner que l’établissement de LUTTERBACH est également exemplaire sur ce registre.
D’une certaine façon, cet établissement répond à plusieurs défis de notre société. Une réponse pénale et carcérale digne d’un grand pays comme la France. La préservation de notre environnement. La relance économique de nos territoires.
La République est un tout. Elle doit d’abord la protection à ses citoyens. Dans cette politique de sécurité républicaine et de respect déterminé de l’autorité de l’État, la prison trouve évidemment toute sa place. Quand elle met à l’écart, la République le fait d’abord pour le bien du corps social. Cette même exigence suppose que l’incarcération doit se faire dans la dignité et dans la préparation du retour à une vie normale.
Soyez assurés de ma totale détermination, de celle du garde des Sceaux et de celle de l’ensemble du Gouvernement, à protéger la société et les victimes comme à réparer certaines trajectoires individuelles. Pour cela, les formules ne suffisent pas, il faut d’abord une volonté résolue et des moyens concrets.
Ce matin, ici à LUTTERBACH, je suis venu vous dire et vous démontrer que les deux sont réunis.

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