Comme l’avait annoncé le Président de la République, je reviens devant vous, quinze jours après la mise en place du confinement, pour faire un point sur la situation sanitaire, sur les mesures que nous déployons pour lutter contre l’épidémie et sur les perspectives qui nous attendent dans les prochaines semaines.
Quel bilan pouvons-nous faire aujourd’hui de la situation?
La France affronte une deuxième vague épidémique extrêmement forte, qui touche tout aussi durement l’ensemble de nos voisins européens.
Comme nous l’avions annoncé, l’impact sanitaire de l’épidémie reste très lourd :
- Le nombre de décès continue d’augmenter :
Au cours des deux derniers mois, nous avons connu plus de 10 000 décès supplémentaires dus à la Covid-19, portant le nombre total de personnes décédées à 42 500 depuis le début de la pandémie.
Au cours de la dernière semaine, entre 400 et 500 personnes sont mortes chaque jour de la Covid. Cela veut dire qu’aujourd’hui en France, un décès sur quatre est dû au virus.
Au-delà de ces chiffres, il s’agit de femmes et d’hommes, il s’agit de vies brisées par la maladie, il s’agit de la douleur de milliers de familles, auxquelles je veux dire ma solidarité et mon émotion dans l’épreuve qui les frappe.
Deuxième élément de constat sur la situation sanitaire : la pression sur notre système hospitalier s’est fortement accrue et met nos soignants dans une tension extrême.
Nous l’avions anticipé. Tout l’enjeu est d’y faire face avec une seule exigence : pouvoir soigner tous celles et ceux qui en ont besoin, et éviter à tout prix le drame de prises en charge dégradées, comme nous pouvons l’observer par exemple en Italie depuis quelques jours.
Nous comptons, ces derniers jours, une hospitalisation toutes les 30 secondes et une admission en réanimation toutes les 3 minutes. 40 % des personnes admises en réanimation ont moins de 65 ans.
C’est évidemment considérable et nous avons dépassé, en nombre d’hospitalisations, le pic du mois d’avril. Aujourd’hui, ce sont 4 803 malades de la Covid qui sont pris en charge en réanimation, ce qui représente 95 % de nos capacités normales de lits de réanimation hors crise.
Pour pouvoir faire face à cet afflux, nous avons armé, au cours des deux dernières semaines, 1 360 lits supplémentaires afin d’accueillir plus de malades de la Covid mais aussi d’autres malades qui doivent être pris en charge pour d’autres motifs.
Nous pourrions aller jusqu’à 10 400 lits si cela était nécessaire puisque nous nous sommes préparés, au cours des derniers mois, pour faire face à une vague de grande ampleur.
Je veux dire ici, une nouvelle fois, toute mon admiration à nos professionnels de santé. Ils sont à l’épreuve. Ils sont fatigués. Mais, je l’observe très directement au fil de mes déplacements réguliers dans nos établissements de santé, ils sont remarquables de compétence, d’engagement et de solidarité. Tout le monde est sur le pont : les établissements publics, les établissements privés, les professionnels libéraux, les personnels de l’ensemble des administrations sanitaires. Ces soignants, ils ne nous demandent pas d’augmenter le nombre de lits de réanimation, ne serait-ce que parce qu’ils savent bien que former un médecin réanimateur ou une infirmière spécialisée ne peut se faire en six mois, ils nous demandent surtout de tout mettre en œuvre pour éviter que les malades arrivent à l’hôpital.
Quel bilan pouvons-nous faire de la mise en œuvre des mesures de confinement depuis le 30 octobre ?
Vous le savez, nous n’avons pas souhaité reproduire le confinement du printemps dernier, qui s’était traduit par une mise à l’arrêt brutale de la vie économique, sociale et éducative de notre pays.
Les effets que nous pouvons mesurer sont à ce jour cohérents avec ce que nous recherchions : un confinement adapté qui cherche à limiter au maximum tous les déplacements non essentiels mais qui préserve l’éducation de nos enfants et limite autant que possible ses impacts sur l’emploi et l’économie.
- Nous observons une réduction très forte des déplacements depuis 2 semaines :
Les déplacements entre le domicile et le travail sont inférieurs de 22 % à ce qu’ils étaient en septembre dernier.
La fréquentation des moyens de transport collectifs a fortement baissé : - 55 % dans le métro à Paris, par exemple.
C’est aussi le cas des déplacements longue distance puisque le réseau aérien domestique est à 10 % de ses capacités normales, tandis que les déplacements en train longue distance ont chuté de 85 %.
Ces chiffres s’expliquent par la limitation de nos déplacements non professionnels mais aussi par un recours accru au télétravail qui a fortement progressé au cours des deux dernières semaines. 45 % des salariés privés ont télétravaillé au cours de la semaine écoulée, pour une durée moyenne de 3,7 jours dans la semaine. Mais nous pouvons encore progresser. La ministre Elisabeth Borne y reviendra.
Ce recours accru au télétravail accompagne une stratégie de confinement qui place la sécurité sanitaire au premier plan tout en essayant de préserver l’activité économique, et donc l’emploi. De ce point de vue, les dernières données de la Banque de France montrent que l’activité économique pourrait baisser de 12 % au mois de novembre. C’est un choc important, mais c’est trois fois moins qu’au printemps dernier.
Quel est l’impact de ce confinement sur l’épidémie ?
Nous constatons que l’évolution du nombre de nouvelles contaminations s’est ralentie depuis une semaine. Si l’on raisonne en moyenne sur 7 jours, nous observons une baisse de l’ordre de 16 %.
Cette évolution doit être interprétée de manière positive mais prudente :
- positive car elle traduit une inflexion, et c’est que nous espérions ;
- positive car cette tendance si elle se confirme indiquerait que le taux de reproduction du virus (R) est passé en dessous de 1, pour se situer entre 0,8 et 0,9 ;
- prudente car cette tendance est récente, donc fragile et ne peut produire de résultats que si elle se confirme dans la durée ;
- prudente enfin car nous ne voyons pas encore l’impact de cette évolution sur les hospitalisations et que c’est fondamentalement notre l’objectif.
L’enseignement que je tire de ces différents éléments est que notre stratégie de confinement, fondée sur un équilibre différent qu’en mars dernier, semble produire les premiers effets attendus même si nous devons rester, je vous l’ai dit, très prudent.
Nous pouvons tirer de tout cela trois autres conclusions.
La première est qu’il serait irresponsable de lever ou même d’alléger le dispositif dès maintenant.
Nous avons, dans un cadre concerté avec la communauté éducative, adapté les règles dans les lycées, afin d’y accroître le respect de la sécurité sanitaire. Le ministre chargé de l’éducation nationale Jean Michel Blanquer y reviendra.
Avec le Président de la République, nous avons donc décidé ce matin en Conseil de défense et de sécurité nationale de maintenir inchangées, au moins pour les quinze prochains jours, les règles du confinement.
Les commerces fermés au titre du confinement le resteront donc encore pour quinze jours supplémentaires.
Je sais ce qu’est l’angoisse des commerçants qui n’aspirent qu’à pouvoir travailler et sont très inquiets de ne pouvoir rouvrir assez tôt avant les fêtes de fin d’année. Notre objectif est bien de pouvoir y parvenir. Mais ce moment n’est pas encore venu.
Cette décision, je la prends en responsabilité. Elle est lourde et difficile. Mais mon rôle n’est pas aujourd’hui d’aller dans le sens de la facilité, de céder à la pression, de faire ce qui serait espéré par beaucoup, et je les comprends, au risque de tout compromettre et de nous obliger à refermer dans deux semaines et pour tout le mois de décembre.
Le deuxième enseignement que je tire est que nous devons évidemment apporter un soutien économique massif à tous les commerces et toutes les entreprises qui ont été contraintes de fermer. J’assume mes responsabilités en termes de protection contre l’épidémie ; j’entends les assumer de la même manière pour protéger les victimes économiques du confinement.
Pour les entreprises et les commerces fermés, les dispositifs d’aides que nous mettons en place seront rappelés dans un instant par le ministre Bruno Le Maire. Ils se traduiront par le versement des premières aides financières, au titre de l’activité partielle ou du fonds de solidarité de 10 000 euros par mois, dans les prochains jours et d’ici la fin du mois. A partir d’exemples très concrets, le Ministre vous montrera l’impact très puissant de nos différentes aides pour couvrir les pertes de chiffre d’affaires. Nous avons un objectif : tout faire pour sauver nos petits commerces.
Notre soutien, nous le devons aussi aux salariés. D’abord en prolongeant les dispositifs de chômage partiel qui ont permis depuis le printemps de sauver des emplois et de préserver le pouvoir d’achat. Pour ceux qui ont perdu leur emploi au cours des derniers mois et notamment pour les demandeurs d’emploi qui arrivent en fin de droit, tout doit être fait pour éviter le risque de bascule dans la précarité. C’est pourquoi j’ai demandé à la ministre du travail de proposer aux partenaires sociaux - qu’elle réunissait cet après-midi – de reconduire le dispositif de prolongation exceptionnelle des droits à l’assurance chômage pour les chômeurs qui sont aujourd’hui en fin de droit, et ce le temps du confinement.
Nous sommes également particulièrement attentifs à la situation d’isolement des plus jeunes de nos concitoyens, et en particulier des étudiants dont les établissements n’assurent plus leurs enseignements, sauf exception, qu’en distanciel. Dans les prochains jours, sur proposition de la ministre en charge des universités, chacune des 800 cités universitaires de France va disposer de deux référents étudiants qui viendront renforcer le travail des services des CROUS, notamment pour accompagner les étudiants de 1 ère année et les étudiants les plus en difficulté. Ce sont près de 1600 emplois étudiants qui seront ainsi créés sur les mois de novembre, décembre et janvier dans un contexte où l’emploi étudiant s’est par ailleurs raréfié.
Plus généralement, nous veillons au déploiement du plan « un jeune, une solution » qui mobilise vous le savez une part importante des crédits du plan de relance, plan de relance plus que jamais nécessaire pour contrecarrer les effets nocifs de la crise sanitaire sur la situation de l’emploi.
La troisième et dernière leçon qu’il est nécessaire de tirer ce premier bilan à 15 jours est que l’enjeu des jours qui viennent est de ne surtout pas relâcher nos efforts, mais de les amplifier.
Je remercie très sincèrement l’immense majorité des Françaises et des Français qui respectent les règles communes.
Mais nous constatons dans certaines zones ou parties du territoire un respect encore insuffisant de ces règles. Après une première phase de nécessaire pédagogie, j’ai donné au ministre de l’intérieur des consignes de fermeté et lui ai demandé d’accroître encore la mobilisation des forces de l’ordre, notamment à Paris, en Ile-de-France et dans les grandes métropoles.
Depuis le 30 octobre, les forces de police et de gendarmerie ont procédé à près de 581 000 contrôles qui ont donné lieu à 88 455 verbalisations, dont environ 300 concernant l’ouverture irrégulière d’ERP.
Au-delà des contrôles, j’en appelle au civisme, par le respect de ces règles, vous le savez, uniquement destinées à protéger notre santé.
Nous devons rester constants et cohérents.
C’est ce qui nous amène à ne pas faire évoluer les mesures aujourd’hui. Je crois que chacune et chacun le comprendra. Pour autant, si nous ne modifions pas les choses aujourd’hui, i l est important que nous puissions donner de la visibilité sur ce qui pourrait se passer au cours des prochaines semaines et la manière dont nous allons suivre les indicateurs pour en tirer les conséquences sur l’adaptation de nos mesures d’ici la fin de l’année.
Nous suivons principalement deux indicateurs :
- un indicateur de circulation du virus : c’est le nombre de cas par jour que nous calculons sur la moyenne des 7 derniers jours pour lisser les fluctuations d’un jour sur l’autre ;
- un indicateur de pression sur le système hospitalier : c’est le nombre de patients COVID hospitalisés en réanimation.
Comme nous vous l’avons indiqué, nous observons depuis une semaine un infléchissement du nombre de cas positifs : non seulement il a arrêté d’augmenter, mais la courbe marque une tendance à la baisse autour de 16 % sur la dernière semaine.
Si, la semaine prochaine, cette tendance ne se confirmait pas et que le nombre de patients Covid en réanimation devait continuer à augmenter, alors nous serions amenés à prendre des mesures supplémentaires afin d’arrêter la vague. Si au contraire, comme nous l’espérons, la tendance observée ces derniers jours se confirme, nous pensons que le pic de la 2 ème vague pourrait être atteint dans nos hôpitaux en début de semaine prochaine. Comme vous le voyez sur le graphique qui s’affiche, cela signifie qu’à partir de la semaine prochaine le nombre de patients COVID en réanimation commencerait à diminuer.
Ce serait une très bonne nouvelle, une 1 ère étape très importante mais qui ne suffira évidemment pas pour que la pression sur le système hospitalier revienne à des niveaux supportables.
Si l’augmentation des chiffres des prochaines semaines confirmait que nous restons bien en ligne avec cette perspective, des premières mesures d’allègement pourraient intervenir à compter du 1 er décembre. Mais elles seraient strictement limitées aux commerces que nous avons dû fermer à partir du confinement et leur réouverture ne pourrait s’envisager que sur la base d’un protocole renforcé que j’ai demandé aux ministres compétents de concerter avec les professionnels, et de soumettre aux instances scientifiques.
Cette première étape ne pourra cependant pas concerner d’autres établissements recevant du public où les risques de contamination sont par nature plus élevés, comme par exemple les bars, les restaurants et les salles de sport. Bien entendu, pour ces établissements, les mesures de soutien et d’accompagnement seront maintenues.
Notre objectif est de pouvoir permettre un nouvel allègement au moment des vacances de Noël, afin que les Français puissent passer les fêtes de fin d’année en famille. Mais celles-ci ne pourront pas se tenir de la même manière que d’habitude. On pourra bien-sûr se retrouver avec les siens mais il ne serait pas raisonnable d’espérer pouvoir organiser de grandes fêtes, à plusieurs dizaines de personnes, notamment pour le réveillon du 31.
Je vais maintenant demander à Olivier Véran, Ministre de la Santé, de vous présenter un point sur la situation hospitalière et sur l’évolution de notre stratégie de dépistage par les tests antigéniques.
Mes chers concitoyens, je veux vous dire combien je ressens les difficultés du pays. Je mesure les souffrances et parfois le désespoir de beaucoup d’entre vous. Adopter des mesures difficiles constitue évidemment un crève-cœur. Mais il est de ma responsabilité de le faire.
Mon devoir est de vous protéger, contre le virus et ses ravages, contre le terrorisme, contre le chômage créé par la crise sanitaire.
Le Gouvernement comme moi-même sommes mobilisés 24H sur 24 et 7 jours sur 7, sous l’autorité du Président de la République. Nous avons fait le choix d’accompagner massivement ceux qui souffrent, ceux qui sont fragiles et vulnérables, ceux qui font l’objet des mesures administratives rendues nécessaires pour lutter contre la propagation de l’épidémie. Et nous continuerons d’agir dans ce sens.
Le propre de cette crise, c’est qu’elle nous donne à toutes et à tous le moyen d’être un acteur de la lutte contre l’épidémie, l’occasion d’exprimer notre solidarité et notre sens des responsabilités. Car nul ne peut se croire invincible ou épargné.
Nous constatons des évolutions positives, premiers effets des mesures prises. Ces évolutions ne justifieraient pas un durcissement des mesures, mais elles sont trop fragiles et trop récentes pour autoriser le moindre relâchement.
Plus que jamais, je vous invite à respecter rigoureusement les règles du confinement, à ne sortir de chez vous que lorsque c’est strictement nécessaire et autorisé, à télétravailler au maximum, à redoubler de prudence si vous êtes particulièrement vulnérable au virus, à observer les gestes barrières, le port du masque, y compris chez vous, à aérer et ventiler au maximum les espaces clos, à télécharger l’application TousAntiCovid.
Je n’ignore rien des polémiques et des contestations, mais ne nous y trompons pas : l’ennemi ce n’est pas l’Etat ni le Gouvernement, c’est le virus !
Le seul combat qui m’obsède, c’est celui de notre sécurité, la seule courbe qui m’intéresse, c’est celle des malades admis à l’hôpital ou en réanimation.
Grâce à nos efforts collectifs, grâce aux perspectives qu’ouvrent l’arrivée de vaccins, je suis sûr que nous surmonterons cette épreuve douloureuse et inédite. Grâce à notre mobilisation immédiate, j’espère que nous pourrons passer des fêtes de fin d’année dans la sérénité.