(Seul le prononcé fait foi)
Le 15 mars dernier s’est déroulé le premier tour des élections municipales.
Chacun se souvient des conditions exceptionnelles dans lesquelles s’est déroulé ce premier tour. Ces conditions, ce sont celles d’une vague épidémique d’une rare brutalité qui avaient conduit le Gouvernement à prendre des mesures soudaines pour limiter la vie sociale dans les jours qui ont immédiatement précédé ce 15 mars.
C’est au vu de ces conditions que le Gouvernement avait décidé de maintenir le premier tour des élections municipales. Décision parfois contestée, mais décision assumée. J'assume avoir considéré qu'un bureau de vote était un lieu indispensable à la vie du pays. J'assume d'avoir considéré, comme le conseil scientifique, et au vu des conditions d'organisation des bureaux de vote qui avaient été mises en place, qu'il n'y avait ce jour-là pas plus de risques à aller voter qu'à aller, par exemple faire ses courses.
J'assume surtout cette décision parce que, dans aucune démocratie, on ne peut décider, en dehors de tout cadre légal, d'annuler un scrutin la veille du jour où il doit se tenir.
Le premier tour des élections municipales s'est donc tenu le 15 mars avec un taux d'abstention significatif mais dans des conditions rigoureuses de distanciation physique et d'hygiène, et je tiens à en remercier tous les assesseurs et toutes les équipes municipales qui l'ont rendu possible.
Ce premier tour a permis d'élire l'intégralité du conseil municipal dans 30 143 communes françaises. Dans ces 30 143 communes, la vie municipale est en train de reprendre son cours avec l'installation, ces jours-ci, des conseils municipaux. J'adresse d'ailleurs un salut républicain à tous ces nouveaux élus qui étrennent leur nouveau mandat.
À l'issue de ce premier tour, il reste encore à organiser un second tour dans près de 5 000 communes, pour lesquelles environ 16 millions d'électeurs seront appelés aux urnes. Il reste également 1 100 intercommunalités, dont les conseils communautaires ne sont pas complètement renouvelés.
Autant d'institutions qui jouent un rôle de premier plan dans la réponse à la crise et qui seront, le moment venu, aux avant-postes de la relance.
Autant d'institutions donc, qui ont besoin de travailler, d'investir et de se projeter dans la durée. Pas pour leur propre satisfaction ou pour leur propre plaisir, mais bien pour les Françaises et les Français qui ont besoin des institutions locales, qui ont besoin que celles-ci, que les maires à qui ils font confiance, puissent exercer dans de bonnes conditions leurs éminentes responsabilités.
Pour déterminer les conditions dans lesquelles ce second tour allait se dérouler, nous avons respecté point par point la loi du 23 mars dernier. Cette loi prévoyait un calendrier et une méthode :
- d'abord, un avis du conseil scientifique sur les questions de santé entourant le scrutin ;
- ensuite, un rapport que le Gouvernement devait adresser au Parlement au plus tard le 23 mai.
J'ai rendu public mardi dernier l'avis du conseil scientifique. Chacun a pu en prendre connaissance. Pour ma part, j'en retiens quatre éléments :
- d'abord, le conseil scientifique estime possible, et nécessaire, de garantir la sécurité sanitaire des opérations électorales le jour du scrutin dans les bureaux de vote, et formule en ce sens des recommandations précises.
- Ensuite, le conseil scientifique insiste plus spécifiquement sur les « risques sanitaires importants liés à la campagne électorale ». Il distingue bien les opérations de vote de la campagne électorale, et il indique la nécessité, si des élections sont organisées, d'en modifier profondément l'organisation.
- Troisièmement, le conseil scientifique souligne que, d'un point de vue statistique, la tenue d'un seul tour, plutôt que deux, est de nature à réduire les risques sanitaires, sachant que nous serions obligés d'organiser deux tours de scrutin si nous repoussions le vote au-delà de l'été.
- Enfin, le conseil scientifique appelle à réévaluer la situation épidémiologique dans les semaines qui précéderont la date du scrutin.
Avant de prendre la décision que nous avons traduite dans le rapport que le Gouvernement vient d'envoyer aux présidents des deux assemblées, j'ai souhaité consulter l'ensemble des forces politiques du pays.
Je veux remercier chacune d'entre elles qui a participé à l'échange de mercredi soir à Matignon. Cet échange s'est déroulé dans un esprit de franchise et de responsabilité qui fait honneur à notre démocratie.
Autour de la table, la question difficile de savoir si le second tour des élections municipales devait avoir lieu en juin ou non n'a pas fait consensus.
Les arguments s'opposent. Ils sont tous puissants et éminemment respectables.
Certains ont souligné qu'une élection avec une campagne rendue délicate, compte tenu des restrictions sanitaires, poserait des problèmes de sincérité du scrutin, et qu'il serait plus clair de reprendre les choses à zéro, plus tard.
D'autres, pour leur part, ont souligné la nécessité où nous sommes, et pour un long moment sans doute, de vivre avec le virus, et donc de faire vivre notre démocratie avec ce virus et malgré ce virus. La faire vivre et non pas la mettre entre parenthèses. Ils ont souligné enfin le rôle clé que les communes et les intercommunalités devraient jouer dans la relance, dans la reprise de l’investissement public, et en ont conclu à la nécessité de leur donner rapidement des exécutifs pour ce faire.
Les mêmes ont souligné les incertitudes qui s’attacheraient à un nouveau report : qui peut dire que la situation de l’épidémie sera significativement meilleure en septembre, en janvier plutôt qu’en juin ?
Tous, qu’ils soient favorables ou non à la tenue d’élections en juin, ont rappelé la nécessaire attention, l’indispensable attention à la sécurité sanitaire.
Il appartient donc désormais au Gouvernement de prendre et d’assumer seul sa décision.
La question est complexe, la réponse suscitera des désaccords, mais la clef pour le Gouvernement réside dans la cohérence de ses décisions.
La semaine prochaine, nous présenterons au Président de la République la deuxième phase du plan de déconfinement que nous avons voulu, dès l’origine prudent, progressif et réversible. Pour que, aussi sûrement que possible, la vie économique, la vie sociale, la vie démocratique, la vie privée même puissent reprendre leurs droits face au virus.
Après avoir pesé le pour et le contre, nous pensons que la vie démocratique, elle aussi, doit reprendre tous ses droits.
C'est pourquoi, le 27 mai prochain, nous présenterons au Président de la République un décret qui appellera les électeurs à se rendre aux urnes pour le second tour des élections municipales, le 28 juin prochain.
Les électeurs de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie Française seront également convoqués à cette même date pour le second tour des élections municipales.
Ce ne sera pas un second tour « comme avant », si j'ose dire.
Avec les maires qui organisent le scrutin, avec les candidats et leurs équipes de campagne, nous avons la double responsabilité d'assurer à la fois la sécurité de ceux qui participent au processus électoral et la sincérité du scrutin.
Comme nous l'avions déjà fait pour le premier tour, le ministre de l'Intérieur va engager dès la semaine prochaine la concertation avec les maires de France pour organiser en toute sûreté les opérations électorales proprement dites, en suivant précisément les recommandations du conseil scientifique.
Le ministre de l'Intérieur va également poursuivre la concertation avec les organisations politiques, pour adapter la campagne à la situation sanitaire. La sincérité du scrutin, donc le bon déroulement de la campagne, sont des conditions sine qua none au bon fonctionnement d'une démocratie. Si cette concertation fait apparaître qu'il est nécessaire de faire évoluer telle ou telle disposition réglementaire, nous pourrons le faire. Je pense notamment à l'assouplissement des règles relatives aux procurations.
Cohérence encore : comme toutes les décisions prises dans le cadre du déconfinement, celle de tenir le second tour des élections le 28 juin prochain est réversible.
Nous aurons donc, comme le recommande d'ailleurs le conseil scientifique et comme toutes les forces politiques l'ont souligné, une clause de revoyure. Elle interviendra sans doute dans deux semaines. En effet, dans l'hypothèse où ce second tour ne pourrait pas avoir lieu, il faudrait garder le temps nécessaire à l'examen par le Parlement du cadre légal qui permettrait d'organiser un nouveau report des élections municipales.
C'est la raison pour laquelle sera également présenté, en quelque sorte à titre « conservatoire », le 27 mai prochain au Conseil des ministres, un projet de loi qui permettrait le report des municipales au plus tard jusqu'en janvier 2021, dans l'hypothèse où le conseil scientifique nous dirait, dans deux semaines, que les conditions sanitaires ne seraient plus réunies pour le 28 juin.
Voici le choix que présente aujourd'hui le Gouvernement. C'est le choix de la cohérence. C'est un choix exigeant, et dont nous allons suivre, jour après jour, jusqu'au 28 juin, la mise en œuvre. Je sais pouvoir compter sur les maires et sur leurs équipes pour nous aider à l'organiser dans de très bonnes conditions. Et je sais pouvoir compter sur l'engagement de nos concitoyennes et de nos concitoyens à participer à ce moment démocratique essentiel que constitue l'élection des équipes municipales.