Je veux tout d’abord saluer l’esprit de responsabilité, le respect, qui ont prévalu durant les réunions de travail qui se sont tenues ici à Matignon depuis hier avec les partenaires sociaux. Nous avons tous fait en sorte que le dialogue social fonctionne, nous avons exprimé clairement nos idées, nos préoccupations et nos priorités. Nous nous sommes écoutés. Nous ne sommes pas toujours d’accord. C’est vrai mais nous pouvons parler ensemble afin de chercher des compromis. Et c’est heureux.
Je voudrais également saluer les bonnes conditions dans lesquelles les manifestations du 17 décembre dernier se sont déroulées. Tous les Français qui voulaient s’exprimer, ont pu le faire sans que des violences ne viennent brouiller leur message. Ces bonnes conditions, nous les devons bien-sûr au professionnalisme des forces de l’ordre, mais aussi à l’esprit républicain des organisateurs de ces manifestations.
Je condamne en revanche avec la plus grande fermeté les coupures d’électricité qu’aucun agent du service public ne peut tolérer. Leurs conséquences auraient pu être graves. Nous avons demandé à la société RTE, qui gère le transport d’électricité, d’en tirer toutes les conséquences. Je le dis systématiquement, j’ai un profond respect pour le droit de grève et pour la liberté de manifester. Mais pas plus que les Français, je ne saurais tolérer des agissements qui sont dans leur esprit et dans leurs effets, radicalement contraires à la notion de service public.
Je voudrais enfin rendre hommage à l’immense conscience professionnelle des Français. De toutes celles et tous ceux qui durant cette période de grève, travaillent dans des conditions rendues extraordinairement difficiles. Vous savez l’importance que le Président de la République accorde à la valeur travail. C’est le sens de beaucoup des réformes que nous avons entreprises. Je mesure parfaitement le stress, la fatigue dans lesquels les salariés vivent depuis plus de deux semaines, en particulier en Île-de-France mais également dans d’autres parties du territoire national. Je partage l’inquiétude des commerçants pour lesquels la période de Noël est capitale. Je veux leur dire à tous combien nous leur sommes reconnaissants, combien même nous sommes admiratifs, de voir les uns et les autres galérer parfois des heures dans les transports pour travailler et combien nous sommes mobilisés pour faire cesser cette grève.
Ces derniers jours, avec Agnès BUZYN, avec le nouveau Secrétaire d’État, Laurent PIETRASZEWSKI, nous avons rappelé notre détermination à bâtir un régime de retraite universel, pour rendre notre système par répartition plus juste, plus simple et plus solide. Plusieurs organisations syndicales partagent cet objectif, qui faisait partie du programme du Président de la République.
Dans le même temps, nous avons fait part de notre ouverture pour améliorer les solutions proposées par le Gouvernement, dans une logique de compromis avec les partenaires sociaux.
Avant de parler des chantiers que nous devrons rouvrir dès janvier, je peux d’ores et déjà le constater : les discussions de ces derniers jours ont permis des avancées concrètes.
Le premier sujet sur lequel les discussions ont permis d’avancer, est celui de la pénibilité. Nous avons décidé d’en faire un des piliers de l’universalité de notre système de retraites autour d’un principe très simple : que l’on exerce une fonction pénible dans le secteur privé ou dans un service public, ceci doit ouvrir à tous, les mêmes droits.
Dès l’entrée en vigueur de la réforme, nous améliorerons le système, pour le rendre plus généreux :
- aujourd’hui, il faut travailler 120 nuits par an pour bénéficier des points de pénibilité relatifs au travail de nuit. Nous abaisserons ce seuil à 110 nuits.
- De même, il faut travailler 50 nuits en équipe alternante pour rentrer dans le système. Nous passerons ce seuil à 30 nuits.
Le résultat de l’extension à la fonction publique et de la baisse de ces deux seuils, c’est que le nombre de salariés qui reçoivent des points sur leur compte pénibilité, qui est de 860 000 actuellement, augmenterait de près de 300 000 personnes.
Enfin, des organisations syndicales comme la CFDT nous ont mis en garde sur la nécessité de ne pas créer des « trappes à pénibilité », où l’on enfermerait les personnes dans du travail pénible, avec une simple logique de compensation, souvent insuffisante. Nous pouvons faire mieux par exemple en reconnaissant un véritable droit à la reconversion pour celles et ceux qui sont exposés de façon durable à une activité pénible sur le plan physique. J’ai demandé à Muriel PÉNICAUD d’intégrer ce volet aux travaux que nous allons engager au sujet du travail des séniors.
La deuxième avancée concerne la gestion des fins de carrière.
Toutes les organisations syndicales ont souligné l’importance d’aménager les fins de carrière. La retraite progressive est un outil puissant pour y parvenir. C’est pourquoi, nous avons d’ores et déjà acté un certain nombre de décisions. Je pense :
- à la simplification du dispositif de la retraite-progressive ;
- à l’élargissement du dispositif aux cadres qui sont au forfait ;
- au renforcement des obligations de l’employeur, qui pourra moins facilement refuser un passage à temps partiel.
Plusieurs organisations syndicales ont demandé l’ouverture de la retraite-progressive à la fonction publique, en particulier aux enseignants et aux personnels hospitaliers. Idée à laquelle je souscris totalement. J’ai donc demandé au secrétaire d’État chargé de la fonction publique, Olivier DUSSOPT, de lancer, dès le mois de janvier, une concertation à ce sujet pour aboutir rapidement.
Nous voulons saisir cette occasion pour penser l’aménagement des fins de carrière de façon plus large. Il existe de nombreux métiers qui usent. Des métiers qu’il est évidemment plus difficile d’exercer à 60 ans qu’à 30 ans. Je pense aux aides-soignants, aux ouvriers du secteur du bâtiment, à bien d’autres encore. J’ai demandé à Muriel PÉNICAUD d’élaborer, avec les partenaires sociaux, des dispositifs concrets pour l’emploi des séniors. En parallèle, la ministre des Solidarités et de la Santé ouvrira une concertation spécifique avec les partenaires sociaux, sur cette question de l’aménagement des fins de carrières à l’hôpital.
Nous conduirons ces travaux très vite pour qu’ils puissent se traduire dans le projet de loi que le Parlement examinera à partir de février et jusqu’au mois de mai prochain.
Troisième sujet : le minimum de pension.
L’ensemble des organisations syndicales ont salué l’avancée sociale majeure que représente pour des millions de travailleurs modestes, les garanties que nous apportons dès 2022, en ce qui concerne les petites retraites.
Les discussions ont néanmoins permis d’identifier deux pistes d’amélioration complémentaire :
- la première viserait à augmenter le minimum de pension garanti au-delà de 85% du SMIC pour ceux qui ont continument travaillé à ce niveau toute leur vie. C’est aller au-delà de ce que j’ai annoncé mercredi dernier au Conseil économique, social et environnemental ;
- la seconde consiste à offrir cette protection aux travailleurs précaires dont le temps partiel est subi.
Tout ce qui permettra de rendre ce mécanisme à la fois plus progressif et plus protecteur doit être examiné, car c’est un des piliers de la transformation de notre système de retraite. Le Secrétaire d’État chargé des Retraites, Laurent PIETRASZEWSKI, conduira lui-même ce chantier avec les partenaires sociaux dès le mois de janvier, pour qu’il puisse être soumis au Parlement dès la première lecture du projet de loi.
Un mot au sujet des transitions :
C’était le quatrième thème évoqué par les organisations syndicales qui sont favorables à la création d’un système universel de retraite.
Depuis le lancement de la réforme, malgré les oppositions, j’ai été très clair : le Gouvernement ne reviendra pas sur la suppression des régimes spéciaux.
J’ai fait en revanche part de ma volonté d’effectuer cette suppression sans brutalité. Nous allons y arriver.
Les organisations syndicales et les dirigeants des entreprises publiques de transport ont eu des discussions approfondies, sur la base des ouvertures et du mandat que leur avaient donnés la ministre et le secrétaire d’État aux Transports. Si ces discussions aboutissent, dans les heures et les jours qui viennent, à des accords, le Gouvernement en sera le garant.
Je suis en particulier en mesure d’apporter les précisions suivantes :
En ce qui concerne les agents SNCF au statut, le Gouvernement confirme son accord pour la mise en place de mesures favorisant la progressivité de la mise en œuvre de la réforme et le respect des droits acquis, conformément aux échanges qui ont eu lieu cette semaine entre certaines organisations syndicales et l’entreprise, en lien avec le Secrétaire d’État aux Transports.
En ce qui concerne les agents de la RATP, les derniers échanges ont permis d’aboutir à des avancées importantes sur la question des transitions. Ces avancées sont sur la table. Chacun les jugera, les estimera, les interprètera et devra prendre ses responsabilités.
S’agissant des industries électriques et gazières, des concertations ont lieu entre le ministère de la Transition écologique et solidaire et les organisations syndicales. Elles doivent se poursuivre, en s’appuyant notamment sur la richesse du dialogue social de branche.
Enfin, le Gouvernement a pris acte des spécificités des métiers des marins, et je crois ici parler en connaissance de cause. Le futur système universel, je m’y engage, reconnaîtra ces spécificités, en particulier dans le cadre des âges d’ouverture des droits. Une concertation est en cours. Elle apportera aux marins les assurances qu’ils demandent.
J’ai également parfaitement conscience que la garantie des six derniers mois est un enjeu très fort pour les fonctionnaires. Au-delà des régimes spéciaux, j’ai demandé au Secrétaire d’État chargé des Retraites de poursuivre une concertation spécifique à ce sujet dès la rentrée.
Enfin, je me suis engagé à plusieurs reprises à revaloriser les revenus des professeurs et des chercheurs pour leur garantir un niveau de pension égal à celui d’agents de corps équivalents. Cette revalorisation débutera dès le 1er janvier 2021. Et les discussions que le ministère de l’Éducation nationale conduira d’ici l’été, permettront d’inscrire dans une loi de programmation une trajectoire très claire de revalorisation de ces rémunérations. Nous conduirons le même travail pour les enseignants chercheurs dans le cadre de la préparation de la loi de programmation pour la recherche.
Enfin, vous le savez, l’équilibre financier du système est une priorité pour le Président de la République et pour le Gouvernement.
Nous discutons de droits nouveaux. Nous discutons de l’avenir d’un nouveau système et de sa solidité. Nous le faisons dans un contexte où la parole publique, la mienne, celle du Gouvernement mais, pardonnez-moi de le dire, celle de tous les responsables publics, n’est plus crue. J’ai une conviction simple : personne ne croira dans notre nouveau système, personne ne croira dans nos nouveaux droits, si nous ne disons pas comment nous les finançons.
Notre projet est ambitieux mais il est au fond assez simple. Nous transformons profondément le système pour le rendre universel, donc plus juste. Nous créons de nouveaux droits. Et nous garantissons ces nouveaux droits et le niveau des pensions en réformant les régimes spéciaux et en travaillant progressivement un peu plus longtemps.
J’ai fait des propositions lors de mon discours au CESE :
- un objectif d’équilibre en 2027 ;
- une responsabilité confiée aux partenaires sociaux ;
- une trajectoire de retour à l’équilibre claire qui ne s’appliquera que si les partenaires sociaux ne trouvaient pas d’accord, un meilleur accord.
Il est impératif qu’au moment où les parlementaires voteront la loi, je l’espère avant l’été, nous ayons fixé un cadre lisible, et que les Français puissent se projeter clairement à compter de 2022. Ni le Président de la République ni moi ne voulons annoncer les bonnes nouvelles en renvoyant à plus tard les additions.
Je retiens de mes entretiens d’hier et d’aujourd’hui que la préoccupation d’équilibre financier est largement partagée par de nombreux partenaires sociaux, même si les approches peuvent être différentes.
Et j’ai écouté et entendu les critiques.
Dès les premiers jours de janvier, avec le secrétaire d’État chargé des Retraites, nous consulterons les partenaires sociaux et je proposerai, mi-janvier, une méthode, qui nous permettra, soit d’atteindre un accord qui pourrait se substituer à la solution que j’ai proposée, soit à tout le moins d’améliorer celle-ci en tenant compte des propositions des syndicats.
Sur le fond, j’entends également que des partenaires importants, qui ont pris des risques pour soutenir le système universel, considèrent que l’âge d’équilibre ne doit pas être le seul levier pour le retour à l’équilibre.
Le Président de la République l’a dit. Nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps.
Certains proposent de remonter l’âge légal d’ouverture des droits à 65 ans. Sous l’autorité du Président de la République, j’ai fait un autre choix. Un choix qui, je le crois, est bien plus juste, pour trois raisons.
D’abord parce qu’il respecte la liberté de partir à 62 ans et même à 60 ans pour les carrières longues.
Ensuite, parce que cette liberté, ce ne doit pas être la « jungle ». Il ne faut pas laisser partir les gens avec de trop petites retraites. Il ne faut pas non plus que les comportements individuels négligent de prendre en compte l’intérêt collectif. Dans un système par répartition, ce sont tous les actifs qui payent tous les pensionnés. L’âge du taux plein doit être l’âge qui correspond à l’équilibre financier global du système, avec un malus avant et un bonus après. C’est le sens de l’intérêt général et de la justice.
Enfin, l’âge d’équilibre ce n’est pas seulement demander à certains de partir plus tard. C’est aussi permettre à beaucoup de partir plus tôt. Avec la réforme Touraine sur l’allongement de la durée, les Français doivent travailler 42, bientôt 43 ans, pour avoir le taux plein. Aujourd’hui, si vous n’avez pas tous vos trimestres, vous devez aller jusqu’à 67 ans. C’est le cas pour beaucoup de femmes et de personnes à la carrière professionnelle hachée. Demain, en même temps que l’âge d’équilibre remonte, on va faire baisser cet âge de 67 ans qui s’appelle aujourd’hui l’âge d’annulation de la décote et baisser significativement cet âge de 67 ans ce qui constitue, je le dis, un progrès social considérable.
Donc, je défends l’âge d’équilibre parce que je crois que c’est juste.
Par ailleurs, le Gouvernement est opposé à une baisse des pensions, comme à une hausse du coût du travail, qui se paye en chômage accru.
Mais ceci étant dit, ça ne veut pas dire qu’il n’y a que l’âge d’équilibre. Il y a des marges de manœuvre, elles ne sont pas immenses, nous le savons tous, mais elles existent. Je propose aux organisations syndicales d’en discuter.
La deuxième critique que j’ai entendue de nos partenaires c’est que l’âge d’équilibre serait trop uniforme, 64 ans pour tout le monde.
Les discussions que nous ouvrons avec les partenaires sociaux doivent justement permettre de personnaliser, d’individualiser davantage les trajectoires de départ à la retraite : le dispositif des carrières longue, la reconnaissance de la pénibilité et des situations de handicap, le développement de la retraite-progressive, tout cela participera d’une prise en compte des parcours et des carrières de chacun dans l’âge de départ à taux plein. C’est évidemment important car c’est un élément de réponse, sur lequel nous sommes disposés à travailler avec les organisations syndicales, qui permet d’éviter le caractère aveugle dénoncé par certains de l’âge d’équilibre.
On peut s’inspirer également des mécanismes que les partenaires sociaux ont eux-mêmes choisis lorsqu’il s’est agi de réformer l’AGIRC ARRCO.
Pour résumer, il me semble que nous pouvons tomber d’accord avec les organisations qui soutiennent la mise en place du système universel, pour améliorer encore le projet et sur la nécessité de construire l’équilibre, mais qu’il reste des désaccords, des désaccords réels même, sur la méthode et la façon d’y parvenir. Je crois au dialogue social et je ferai une proposition de programme de travail aux organisations intéressées pour pouvoir avancer avec elles sur ces deux thèmes.
Des avancées sont actées. Des chantiers sont ouverts.
Des désaccords persistent, mais avec une volonté de les surmonter.
Il est donc important que le dialogue social continue au mois de janvier.
D’ici là, des millions de Français vont prendre des vacances et profiter de la trêve de Noël pour retrouver leur famille. Je souhaite qu’ils puissent le faire dans de bonnes conditions. Nous mettons tout en œuvre pour que cela soit le cas.
Les avancées que nous venons de consacrer doivent permettre une reprise du travail dans les entreprises de transport public. Je connais l’attachement des salariés de ces entreprises à la continuité du service public. Et à la notion d’intérêt général. J’en appelle donc à la responsabilité de chacun pour permettre très vite aux millions de Français qui le souhaitent, de rejoindre leur famille en cette fin d’année.