Plan d’urgence pour l’hôpital - Ma Santé 2022 - Discours du Premier ministre
Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.
Publié le 20/11/2019
- restaurer l’attractivité de l’hôpital, en redonnant envie de s’engager à l’hôpital public et d’y construire une vraie carrière et en récompensant l’engagement des personnels ;
- déverrouiller le fonctionnement des hôpitaux, en faisant confiance aux responsables de terrain et en facilitant les prises de décision ;
- appelons un chat un chat : lutter contre la bureaucratie ;
- dégager des moyens supplémentaires, immédiatement par une augmentation des budgets et dans la durée avec un allégement significatif de la dette des hôpitaux.
Ma conviction, c’est que nous ne pouvons plus dire aux soignants que ce qu’ils font a du sens, tellement de sens, sans leur apporter une reconnaissance sociale et matérielle à la hauteur de leur engagement au quotidien.
On ne peut pas demander à ces personnels d’en faire toujours plus sans récompenser cet engagement. On sait que c’est cette disproportion entre les efforts demandés et la rémunération qui explique les difficultés à recruter et qui entraîne aujourd’hui des fermetures de lits.
Nous allons donc prendre plusieurs mesures immédiates pour rendre les carrières publiques hospitalières plus attractives.
En apportant tout d’abord des réponses très concrètes à trois difficultés.
Les premières concernent les métiers en tension. Nous revaloriserons la prime d’engagement dans la carrière hospitalière, des médecins comme des paramédicaux, pour offrir aux métiers qui connaissent actuellement les plus grandes tensions de recrutement comme les infirmiers spécialisés ou les manipulateurs radio de nouveaux leviers d’attractivité.
Nous allons aussi, s’agissant des médecins, faire évoluer profondément les conditions permettant de bénéficier de la prime d’exercice territorial qui les encourage à exercer dans plusieurs établissements. Nous fusionnerons les quatre premiers échelons de praticien hospitalier afin d’accélérer l’entrée dans la carrière. L’indemnité de service public exclusif sera également attribuée dès la période probatoire.
Nous devons enfin reconnaître la situation spécifique de Paris et de la petite couronne, où les coûts de logement sont très élevés et où le tissu hospitalier est dense avec des phénomènes de concurrence entre établissements de recrutement. Les médecins sont soumis à des sujétions particulières : horaires étendus, gardes… qui pèsent de manière déraisonnable. Nous prévoyons donc d’attribuer de façon pérenne une prime annuelle de 800 euros aux 40 000 infirmiers et aides-soignants qui gagnent moins de 1 900 euros mensuels.
Le deuxième levier pour restaurer l’envie de travailler à l’hôpital, c’est de mieux reconnaître les efforts de chacun. Nous le ferons en donnant aux hôpitaux des enveloppes financières à leur main pour reconnaître, selon des critères qu’ils auront eux-mêmes définis, l’engagement et l’investissement des personnels. Cela représentera une prime annuelle d’environ 300 euros. Le montant pourra varier, en fonction des établissements. Cette prime pourrait concerner jusqu’à 600 000 professionnels. Le plus important, c’est que cette prime n’obéira pas à des critères financiers mais à des critères de qualité des soins et de prise en charge au niveau de chaque service.
Troisième levier, troisième priorité de ce volet attractivité, dans la lignée des travaux récents de Myriam El Khomri : mieux reconnaître le rôle des aides-soignants. En particulier des aides-soignants qui exercent auprès de personnes âgées et qui ont acquis une compétence spécifique en gériatrie ; ceux-ci pourront bénéficier dès 2020 d’une prime de 100 euros nets mensuels. Et nous améliorerons par ailleurs les fins de carrière de l’ensemble des aides-soignants en créant ce qu’on appelle « un grade de débouché » pour leur permettre de partir à la retraite dans de meilleures conditions.
Au-delà de ces mesures immédiates, je souhaite que nous engagions deux chantiers qui doivent aboutir dans les six mois, j’ai dit six et ça ne sera pas un de plus.
Nous devons revoir de fond en comble les statuts du médecin à l’hôpital. Il faut dire les choses clairement : le statut et le contrat de praticien hospitalier ne sont plus adaptés ni aux besoins, ni aux aspirations de la nouvelle génération de médecins. Nous devons adapter les conditions d’exercice à la variété des parcours; reconnaître aussi par des valences, l’engagement dans les activités non cliniques, de recherche, d’enseignement ou de management.
Ensuite nous devons également améliorer la situation de nos Centres hospitalo-universitaires et des équipes qui y travaillent. Tout d’abord, il convient de redonner toute la priorité qui convient aux missions spécifiques des CHU en matière d’enseignement, de recherche et de recours. Ces missions sont stratégiques pour la nation, et les consolider est indispensable à l’excellence et à la qualité de notre système de santé.
C’est grâce à l’engagement des équipes des CHU que les situations des patients les plus graves et les plus complexes peuvent trouver une prise en charge médicale adaptée et de très grande qualité. C’est grâce à l’innovation qui s’y déploie tous les jours que nos concitoyens accèdent au meilleur de la médecine de pointe, sans distinction.
Je sais également l’engagement des doyens dans la réforme des études de santé, qui doit impérativement réussir car c’est l’avenir même de l’accès aux soins qui se joue. C’est pourquoi nous soutiendrons financièrement les missions spécifiques des CHU avec ces mesures.
Comme vous le savez par ailleurs, le Gouvernement prépare une loi de programmation pluriannuelle pour la recherche. Je souhaite que la question des carrières hospitalo-universitaires trouve toute sa place dans cette loi, pour permettre plus de souplesse et d’individualisation des parcours. Je pense en particulier aux débuts de carrière qui doivent devenir plus attractifs pour nos jeunes talents.
Le deuxième axe de ce plan de soutien consiste à répondre à différents blocages que connaît l’hôpital public.
Le premier de ces blocages, c’est celui de la prise de décision à l’hôpital. C’est la fameuse question de la « gouvernance ».
Nous allons prendre des mesures immédiates pour renforcer la place du médecin dans la décision et ce à deux niveaux : au niveau de la commission médicale d’établissement et au niveau des services, en renforçant le rôle du chef de pôle ou de service.
Il faut que le directeur et les présidents de la commission médicale d’établissement décident et nomment conjointement sur tous les domaines de compétence partagés : projet médical, projets de pôles cliniques et médicotechniques, nominations des chefs de service et de pôle mais aussi sur les projets d’investissement du quotidien.
Nous voulons également ouvrir complètement aux médecins le vivier des chefs d’établissement : pour cela, il faut défaire les contraintes juridiques qui empêchent le recrutement de médecins pour tout type de poste de chef d’établissement.
Enfin, il faut revaloriser la fonction de management en créant ou revalorisant les indemnités de président de commission médicale d’établissement, chefs de pôles, cadre de santé, et chef de service.
Nous devons ensuite faire davantage confiance aux équipes hospitalières. Je vous le dis comme je le pense : il faut donner plus de liberté aux professionnels dans leur organisation au quotidien.
Il existe pour cela des mesures très concrètes, qui touchent aux coopérations entre les professionnels et que le Parlement a votées l’été dernier dans la loi santé. Ces mesures ce sont celles, par exemple, qui permettent à un pharmacien de dépister une angine, à une infirmière d’adapter un traitement ou à des professionnels de santé de vacciner. Je sais que ces mesures nécessitent, et c’est normal, la définition de protocoles de coopération qui sont soumis à l’avis de la Haute autorité de santé. Ces avis sont attendus. Et je ne doute pas que la Haute autorité pourra les rendre d’ici la fin de l’année. Tout ce qui libérera du « temps de médecin » facilitera la vie de tout le monde.
Dans ce domaine de la coopération, je veux aller plus loin et plus vite pour accélérer et donner plus de leviers aux équipes hospitalières : je souhaite donc que nous permettions aux établissements, sous la validation de leur commission médicale, de mettre en œuvre directement, à leur main, de telles coopérations.
Je rappelle à cette occasion que le professionnel de santé, infirmier par exemple, qui s’implique dans un tel protocole perçoit une rémunération supplémentaire de 100 euros bruts mensuels. Déployer ces protocoles de coopération est donc à la fois un enjeu de meilleure organisation des soins, de libération de temps médical mais aussi un enjeu de reconnaissance pour les professionnels concernés.
Nous devons simplifier la gestion du quotidien, qui s’est beaucoup complexifiée ces dernières années.
En premier lieu, il nous faut alléger les charges administratives inutiles. A titre d’exemple pour un projet qui bénéficie de plusieurs sources de financement, il n’y aura qu’une modalité de suivi unique pour tous les financeurs, et non plus de multiples sollicitations comme aujourd’hui. C’est le principe de « Dites-le nous une fois » qui deviendra la norme.
Par ailleurs, il faut soumettre les modalités de recrutement à un choc de simplification pour accélérer ces recrutements. Je vous confirme donc que le concours de PH sera supprimé, que les postes vacants seront publiés au fil de l’eau et non plus deux fois par an, et que l’année probatoire sera effectuée dans les conditions du droit commun.
Permettez-moi enfin d’évoquer deux séries de dysfonctionnements que connait actuellement l’hôpital public.
Il y a tout d’abord le sujet de l’intérim médical. Comme dans toute grande organisation, le recours à des formes d’intérim est nécessaire pour pallier les absences ou les pics d’activité. Mais dans certains cas, on se trouve face à de véritables mercenaires. Ce n’est pas acceptable. Et nous allons mettre fin à ce mercenariat.
Tout d’abord, il faut impérativement renforcer le respect de la réglementation. J’annonce des campagnes de contrôle dans les prochaines semaines auprès des médecins pratiquant l’intérim via les comptables publics. L’hôpital ne peut constituer une zone de non droit dans laquelle certains acteurs imposeraient par le chantage exercé sur la continuité des soins leurs conditions tarifaires aux acteurs du système de santé. Des contrôles effectifs du respect de la réglementation seront assurés à l’avenir par les comptables publics. En outre, l’opportunité d’une mesure législative pour renforcer encore l’effectivité de l’encadrement sera examinée en lien avec les parlementaires.
Enfin, nous allons rapidement créer les conditions de la création de dispositifs d’intérim publics organisés à l’échelle des Groupements Hospitaliers de Territoires très attractives pour les praticiens hospitaliers volontaires pour y participer. Cet engagement de solidarité publique sera spécifiquement reconnu.
Le second dysfonctionnement concerne la permanence de soins en établissement de santé. Je connais la sensibilité de ce sujet, mais nous sommes arrivés à un point où il est devenu inévitable de se reposer la question. Comment devons-nous organiser les différentes permanences des soins en établissement de santé sur un territoire ? Comment chacun peut-il y prendre sa part ? Il faut naturellement prendre un temps de réflexion, mais nous devons ouvrir ce dossier sans fausses pudeurs et sans tabou. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de lancer une remise à plat sur ce thème pour aboutir avant la fin du premier semestre 2020.
Mesdames et messieurs avant de redonner la parole au Premier ministre, voilà ce que je voulais vous dire, pour redonner à l’hôpital public le sens et la valeur qu’appellent de leurs vœux tous les soignants.
- mener les réformes des modes de financement. Je pense notamment à la sortie d’une tarification exclusive à l’activité qui trop souvent encourage la course à l’acte au détriment d’une prise en charge dans la durée des patients ;
- réussir les chantiers du Pacte de refondation des Urgences ;
- travailler à la pertinence des soins et à la qualité de la prise en charge du patient. Trop d’actes inutiles pèsent sur la charge de travail des professionnels. Le sujet est connu, ancien, relativement consensuel. On connaît la surprescription d’examens ou de médicaments ou le recours parfois non justifié à la chirurgie. On ne peut plus se contenter de le constater ou de le regretter. Il faut agir.
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