Hôtel de Matignon
Jeudi 10 octobre 2019
Seul le prononcé fait foi
Nous venons de clore les travaux de ce dix-neuvième comité des signataires de l’Accord de Nouméa, le quatrième de cette mandature.
Je voudrai souligner, à cette heure tardive, quelques points décisifs de ce comité.
Avant toute chose, avant d’aborder les décisions, je veux insister sur le profond esprit de responsabilité, peut-être même devrais-je dire la gravité, qui ont présidé à notre dialogue.
Ce n’était pas un comité des signataires comme les autres. Autour de la table, chacun avait conscience qu’avec le premier référendum du 4 novembre 2018 et les élections provinciales du 12 mai 2019, nous sommes réellement entrés dans une nouvelle phase, celle de la dernière mandature de l’Accord de Nouméa.
C’est une réalité juridique, c’est une réalité politique.
Avec cette responsabilité à l’esprit, qu’avons-nous décidé ?
D’abord nous avons constaté que l’horizon était marqué par une deuxième consultation. Plusieurs groupes politiques du congrès nouvellement élu ont demandé la tenue de la deuxième consultation. L’État devra donc l’organiser dans des conditions aussi incontestables et aussi exceptionnelles que celles qui ont prévalu en 2018.
Il revient à l’État de fixer la date de cette deuxième consultation, et nous avons beaucoup évoqué cette question. Ce n’est pas en effet une simple date, et ce n’est pas une date simple à fixer. Plusieurs membres du comité des signataires ont parlé d’un rendez-vous avec l’histoire.
La consultation interviendra après les élections municipales de mars 2020 et la phase de révision annuelle des listes électorales : je proposerai que ce référendum se tienne le 30 août ou le 6 septembre 2020. La date sera fixée précisément dans les 15 jours prochains après instruction complémentaire par les ministères de l’Intérieur et de la Justice afin que nous soyons en mesure de garantir la mobilisation des moyens équivalents à ceux qui ont été utilisés à l’occasion du scrutin de novembre dernier. Afin que les conditions d’organisation matérielles du scrutin soient aussi irréprochables que celles qui ont prévalu en 2018.
Nous avons par ailleurs convenu d’ajuster les dispositions spéciales au scrutin qui nécessitaient de l’être.
Je pense en particulier aux votes par procuration : certains mandataires n’avaient pas vu voter faute de réception par la mairie des procurations. Nous allons proposer un dispositif plus souple pour celles et ceux qui sont hors de Nouvelle-Calédonie.
Je pense également aux bureaux de vote décentralisés dont le fonctionnement peut être amélioré, de même que, le jour du vote, le processus d’instruction des demandes adressées à la commission de contrôle.
Nous avons également discuté ensemble, forces politiques et Gouvernement, de la nécessité de procéder à une révision complémentaire des listes électorales. En 2018, compte tenu des inscriptions exceptionnelles réalisées, c’était impératif. Certains penchaient pour une révision, ce qui aurait impliqué une modification de la loi organique. D’autres étaient partisans de ne pas s’engager dans une telle modification. Nous avons pris acte de cette différence.
Au final, avec la révision annuelle de 2020, nous pourrons actualiser la liste électorale spéciale pour la consultation, en particulier pour les jeunes majeurs mais aussi pour les autres catégories d’électeurs. Il s’agit notamment des électeurs qui sont nés en Nouvelle-Calédonie et qui y résident depuis plus de trois ans : ils sont présumés électeurs pour la consultation comme en dispose la loi organique. Ils seront informés par l’État de leur droit. Notre volonté collective est que tous ces électeurs soient identifiés, contactés personnellement, afin d’être inscrits comme la loi organique leur en reconnait le droit.
Nous avons aussi abordé la question de l’information de celles et de ceux qui vont voter. A l’occasion de la première consultation, un document avait été élaboré par le Gouvernement sur les implications du « oui » et du « non ». Nous avons décidé qu’il fallait mieux éclairer et préciser cette information en vue de la deuxième consultation : l’exercice est complexe tant les réponses à une même question peuvent être variées, comme les experts l’ont établi dans plusieurs rapports. Peut-être faudra-t-il être plus explicite sur les questions qui se poseront en cas de victoire du oui ou en cas de victoire du non. Nous allons organiser des réunions de travail collectives pour affiner ces informations et permettre le meilleur éclairage pour les électeurs au moment de la deuxième consultation.
Enfin, nous avons décidé de solliciter à nouveau des experts internationaux. Je reconduirai également la mission du comité des sages, dont le rôle et la pondération avaient été unanimement salués.
L’horizon, c’est aussi le développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie. Il ne s’agit pas d’une question partisane : il s’agit bien d’un des engagements pris par toutes les parties à l’Accord dont c’est le point 4.
Nul ne conteste que la Nouvelle-Calédonie traverse depuis plusieurs années des difficultés économiques, liées notamment aux fluctuations du marché du nickel.
Chacun mesure aussi le poids des tensions internationales, qui ont des traductions spécifiques dans ce vaste axe indopacifique.
Je vais donner mandat au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie de lancer des discussions en vue de prolonger d’un an les contrats de développement afin d’accompagner des projets nouveaux, avec une enveloppe supplémentaire de 79 millions d’euros. Sous l’autorité d’Annick GIRARDIN, ministre des Outre-mer, le Haut-commissaire travaillera également à mobiliser de nouvelles sources de financement – je pense à certaines agences ou encore au grand plan d’investissement – pour un certain nombre d’actions spécifiques. Je souhaite que nous puissions aboutir d’ici la fin de l’année.
Nous avons par ailleurs confirmé la mise en place en Nouvelle-Calédonie de la Banque Publique d’Investissement et des différents outils financiers qu’elle mobilisera au profit des acteurs économiques du territoire.
Nous serons attentifs à ce que ces projets contribuent réellement au développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie. Il s’agira notamment d’accompagner des projets soutenus par les institutions en direction de la jeunesse, des projets qui favorisent la transition écologique ou encore des projets qui contribuent à l’aménagement et au rééquilibrage de la Nouvelle-Calédonie.
Enfin, nous allons développer les outils de politique monétaire pour nous assurer que le réseau bancaire de la Nouvelle-Calédonie dispose bien des instruments de financement adaptés.
L’horizon, c’est enfin s’attacher à l’après deuxième référendum. Non pas que nous considérons que le résultat du deuxième référendum serait connu dès à présent.
Mais l’Accord de Nouméa prévoit que, en cas de non au deuxième référendum, il est possible de tenir un troisième référendum dans les deux ans qui suivent le deuxième. Nous avons exclu que cette troisième consultation puisse être organisée entre le milieu du mois de septembre 2021 et la fin du mois d’août 2022.
Il nous est collectivement apparu qu’il était préférable de bien distinguer les échéances électorales nationales et celles propres à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Le choix du calendrier après la deuxième consultation constituera donc un enjeu majeur. Le Gouvernement et les forces politiques de Nouvelle-Calédonie ont à cet égard évoqué la nécessité de poursuivre le dialogue tout au long de ce processus.
Voilà, dit en quelques mots le résultat de travaux et de discussions qui nous ont occupé une bonne partie de la journée et de la soirée. Ces débats sont utiles et nous permettent de dire les choses directement, clairement.
Je voudrais très sincèrement remercier l’ensemble des forces politiques de Nouvelle-Calédonie, l’ensemble de ceux qui contribuent aux services de l’État pour la qualité de leur participation à ces travaux et pour le sérieux et l’attention qu’ils mettent à essayer, tous ensemble, de définir un chemin pour la Nouvelle-Calédonie.