Discours de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre
Congrès national de l’Association des maires ruraux de France
Eppe-Sauvage
Vendredi 20 septembre 2019
Messieurs les présidents,
Le Nord c’est beau ! L’Avesnois c’est beau quant à Eppe-Sauvage c’est magnifique ! Je voudrais vous remercier vivement, Monsieur le président, de nous avoir donné l’occasion de mettre un peu de lumière sur ce petit bout de France, dont j’ai dit en arrivant à Madame le Maire, qu’il me faisait incroyablement songer à un autre petit bout de France que je connais bien. Je voudrais, mesdames et messieurs, commencer mon propos en évoquant une petite commune, que certains d’entre vous connaissent peut-être qui s’appelle Chitry-les-Mines. C’est une commune de la Nièvre, qui compte environ 200 habitants. Comme beaucoup de petites communes, elle a pu bénéficier du dévouement d’un maire particulièrement investi, qui avait d’ailleurs succédé à son père. Ce maire avait deux passions dans la vie : sa mairie et la littérature. Nous avons tous plus ou moins entendu parler de son œuvre la plus célèbre : « Poil de Carotte ». Ce maire – écrivain, c’est Jules Renard. Dans son journal, il évoque ces deux aspects de son existence. Parfois, la vie parisienne lui pèse. Si bien qu’un jour, il écrit qu’il ambitionne de « s’enfuir dans un village pour en faire le centre du monde ».
La démarche qui me conduit parmi vous aujourd’hui n’est pas aussi radicale. Même si au fond, les villages dont vous êtes les maires, se trouvent au centre de vos préoccupations. Je ne suis pas sûr non plus que vos concitoyens veuillent faire de leur village le centre du monde. En revanche, beaucoup aimeraient pouvoir organiser leur vie autour de leur village. Que ce village redevienne le centre de leur vie. Ce qui dit comme ça peut sembler relativement simple mais, qui compte tenu, des évolutions que nous vivons est redoutablement compliqué.
Avant d’indiquer un certain nombre de leviers ou d’orientations que nous voulons prendre, je voudrais évoquer avec vous quelques points généraux qui me semblent devoir être pris en compte lorsque l’on parle de ruralité ou des maires ruraux. Il convient alors d’éviter un certain nombre d’erreurs.
La première consiste à confondre les politiques rurales avec les politiques agricoles. Elles sont souvent intimement liées mais elles ne sont pas radicalement identiques. Elles sont loin de couvrir la totalité des besoins des zones rurales. Je rappelle que 9 personnes sur 10 qui résident à la campagne ou dans les bourgs-centres n’ont aucun lien avec une activité agricole.
La deuxième erreur consiste à aborder la question de la ruralité uniquement sous un angle institutionnel. Là encore, la question est importante. Mais l’axe central doit désormais concerner le quotidien des femmes et des hommes qui vivent, travaillent, se déplacent, se soignent, se forment dans les zones rurales. Les questions institutionnelles sont des moyens. Pas une fin.
La troisième erreur, ce sont les caricatures. Les préjugés. Entre « le bonheur est dans le pré » et « La Terre » de Zola, il y a de la place pour une infinie variété de situations. Avec des territoires ruraux qui vont très bien. D’autres qui sont dans une grande difficulté. Et puis, on l’oublie, mais l’exode rural est derrière nous. Aujourd’hui, la population des campagnes augmente plus vite que celle des villes.
Enfin, dernier élément sur lequel je voudrais insister. La nécessité de s’inscrire dans la durée et dans une certaine forme d’humilité par rapport à la profondeur et à la puissance de phénomènes qui durent depuis longtemps. Lorsque l’on s’attaque à la question des politiques de développement dans la ruralité, on s’attaque à des transformations qui pour certaines sont très anciennes. Il faut avoir une sorte d’humilité en disant qu’on ne renverse pas des tendances et on ne change pas la réalité très rapidement mais, qu’en revanche, on peut produire un effet. Infléchir une réalité prend du temps. Cette humilité est en quelque sorte au cœur de notre rapport au réel. C’est avec tout cela à l’esprit, que nous avons demandé à un certain nombre de bons connaisseurs de la ruralité de travailler. De nous dire ce qu’ils suggèrent, compte tenu de ces éléments, pour mettre en place une politique publique qui permettrait de changer significativement la donne. Les membres de la mission qui a remis son rapport à Jacqueline Gourault le 26 juillet dernier à l’occasion d’un déplacement dans l’Allier sont des spécialistes de la vie rurale – maires, parlementaires, responsables d’associations d’élus, de toute couleur politique y compris donc « sans couleur politique » – ont accompli un travail considérable. Je voudrais très sincèrement les remercier.
Permettez-moi en outre d’avoir un mot particulier et personnel pour Vanick Berberian. Je veux le faire pour trois raisons. D’abord parce que c’est son anniversaire aujourd’hui. Ensuite parce que nous devons la démarche de l’agenda rural à sa persévérance. Et enfin, parce que nous avons traversé, depuis novembre dernier, une crise inédite, au cours de laquelle se sont exprimées des peurs, des colères, qui couvaient depuis longtemps. Votre association, son président, ont fait partie de ceux qui, les premiers, ont compris qu’il fallait que ces colères et ces peurs trouvent les mots et les lieux pour s’exprimer. Et vous avez ouvert vos mairies. Au fond, les plus beaux discours sont les plus brefs : merci.
Pour en revenir à l’agenda rural, nous avons donc instruit les 200 mesures que contenait le rapport et décidé de donner une suite à 173 d’entre elles. Ce qui est un excellent ratio.
Avec elles, nous allons pouvoir bâtir un plan complet pour prendre en compte la ruralité, pour permettre à nos concitoyens qui vivent dans les territoires ruraux d’y construire leur vie sans se heurter à des dilemmes impossibles. On doit avoir le choix – ou des choix- près de chez soi, où que ce soit.
Je ne dis pas que tout sera possible. Il ne s’agit pas d’importer la ville à la campagne. Les coqs de France peuvent donc dormir et chanter tranquillement. Toutefois, nous pouvons redonner des choix, de la liberté, des services aux habitants, en nous appuyant sur les atouts des territoires ruraux. Et en travaillant ensemble autour des quatre objectifs de ce plan.
Le premier consiste à faire de nos territoires ruraux, des territoires de pointe de la transition écologique.
D’abord parce que les territoires ruraux sont, avec les zones côtières, ceux qui souffrent le plus du changement climatique et de la perte de biodiversité. Et que ces territoires concentrent des ressources stratégiques : des espèces animales et végétales ; du bois ; des sols ; pour certains d’entre eux, du soleil, du vent. Il ne s’agit pas de mettre nos campagnes « sous cloche », mais d’évaluer ce capital naturel. De lui donner un prix et donc d’en apprécier la valeur. C’est pourquoi nous lancerons une mission pour définir et mieux prendre en compte le capital naturel de nos campagnes. C’est-à-dire ce qui est gratuitement mis à la disposition de la collectivité par les territoires ruraux : les forêts, les cours d’eau, les espèces, le foncier etc. C’est une richesse de la ruralité qui pas assez prise compte dans nos politiques. Bien identifier ce capital permettra de le valoriser, par exemple dans le cadre des coopérations territoriales conduites entre les métropoles et les territoires ruraux, à l’image des contrats de réciprocité.
Nous souhaitons également agir contre l’artificialisation des sols. Ce qui implique de renforcer les outils disponibles pour réhabiliter le bâti ancien ou pour mieux réguler les activités commerciales. Il faut faire attention au développement des espaces urbains ou périurbains. Agir contre l’artificialisation des sols, c’est faire très attention au développement des lotissements. Cela veut dire qu’il faut imaginer des façons très sobres et économes de penser le développement urbain. Nous avons besoin d’avoir une politique très claire en la matière. Pour cela il faut travailler avec les élus. C’est le cas par exemple en Corse du Sud où une opération de revitalisation du territoire qui a été signée le 4 juillet dernier, va permettre au maire de Propiano d’agir à la fois sur le logement ancien et sur les activités commerciales de son centre-ville. L’idée étant d'agir contre un élargissement continu des espaces urbanisés.
Le ministre de l’Agriculture lancera aussi très prochainement une concertation sur le foncier agricole, sa préservation et sa gestion. Nous voulons également promouvoir l’agro-écologie, les circuits courts. Parce que ce sont des productions à haute valeur ajoutée et que la demande existe. Surtout quand les communes s’engagent.
Enfin, après les élections municipales, nous lancerons une nouvelle génération de contrats de ruralité. Ces contrats comprendront tous de manière systématique, un volet de transition écologique que nous articulerons avec les contrats de transition écologique.
Le deuxième axe concerne l’attractivité des territoires ruraux.
Je l’ai dit, beaucoup de territoires ruraux sont très attractifs. Et c’est tant mieux. Ça veut dire que le problème n’est pas tant lié à la ruralité, qu’aux services, aux facilités qu’on y trouve ou pas. Bien souvent, il suffit d’un déclic pour que s’engage un cercle vertueux. Et c’est ce déclic que nous voulons créer.
En soutenant ce qu’on appelle les petites centralités dans le cadre d’un plan de revitalisation. L’idée c’est au fond d’appliquer aux cœurs de village notre démarche « action cœur de ville ». Parce que bien souvent, tout part ou tout repart de là. Nous en avons un bon exemple à Guise dans l’Aisne où la revitalisation du centre-bourg a permis d’installer des commerces, une boutique de produits du terroir qui propose également la location de vélos électriques, un espace numérique qui accueillera un FABLAB. C’est cet effet d’entraînement que nous voulons créer.
Ce déclic, c’est aussi le soutien au commerce local. On part de loin.
Collectivement, depuis plus de 40 ans, la France a fait le choix de développer très vite des très grands équipements commerciaux en périphérie des villes. Et l’impact sur le commerce local dans les villes et dans la ruralité a été considérable. Peut-être avons-nous été trop loin. Peut-être est-il temps de faire autrement. En tout cas, le rapport a permis d’identifier les freins à la création ou au maintien de commerces. Pour lever, ces freins, il propose de bonnes solutions. D’abord, dans beaucoup de communes, les licences IV coûtent trop cher. Et souvent ce sont les zones touristiques qui les préemptent. Nous allons donc donner la possibilité de créer de nouvelles licences IV dans les petites communes qui n’en disposent plus. Ces licences de « revitalisation » ne seront valables que dans le périmètre de la commune et de l’intercommunalité. Nous allons également créer des mécanismes de préemption au profit des petites communes en cas de fermeture du dernier commerce. Nous assouplirons la règlementation sur les zones protégées - je pense aux lieux de culte ou aux sites militaires - qui empêche parfois l’installation d’un commerce. L’idée est très simple. Il s’agit de bouger vite sur ce qui freine le maintien des éléments de convivialité, d’échanges et de rencontre dans la commune. Nous avons tous été frappé, au-delà de l’expression de la colère et des attentes à la fin de l’hiver dernier, par le besoin et par le manque de socialisation de nos concitoyens dans des zones où auparavant il y avait une activité commerciale et dans lesquelles elle n’existe plus aujourd’hui.
Le deuxième levier est fiscal. Le plan propose de donner aux communes et aux intercommunalités rurales la possibilité de voter des exonérations de fiscalité locale – essentiellement de CFE et de taxe foncière – pour les petits commerces. Le dispositif concernerait les communes de moins de 3 500 habitants qui compteraient un nombre réduit de commerces. L’Etat compenserait cette exonération – qui demeure facultative bien-sûr - à hauteur de 33%.
Troisième et dernier levier : la simplification. Nous connaissons les dérogations les plus fréquentes, notamment dans les domaines de la sécurité incendie et de l’accessibilité. Au lieu d’obliger les commerçants à en faire la demande de manière systématique, nous les inscrirons dans le droit commun. Sans rien perdre en exigence évidemment ; seulement, au lieu de raisonner en obligations de moyens, nous pourrons raisonner en obligation de résultats.
Créer le déclic, c’est évidemment garantir une bonne couverture numérique. Je dis souvent que s’il y a un indicateur que je suis presque tous les jours, c’est celui de l’avancée de la couverture numérique de nos territoires. Les résultats sont très bons. Trois communes des Hauts-de-France - Billy-sur-Ourcq, Saint Crépin-aux-Bois et Nielles-Les-Blequin - viennent d’être couvertes. Je m’en réjouis pour leurs élus et leurs habitants. La prochaine étape, ce sera, plutôt que de combler les retards, de faire démarrer le déploiement des nouvelles technologies en même temps dans les zones rurales et dans les zones urbaines. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu dans l’attribution des fréquences 5G une obligation de couverture minimale des zones rurales.
Ce déclic, ce sont enfin des dispositifs pour se former.
Je pense aux campus connectés qui mettent à disposition des lieux pour se former à distance. Nous en implanterons une centaine au niveau national, dont 1/3 en milieu rural.
Je pourrais également citer l’extension de l’insertion par l’activité économique qu’on connaît bien ici dans le Nord. Il permet d’accompagner vers le retour à l’emploi les personnes qui en sont le plus éloignées. Actuellement, dans les zones de revitalisation rurales, 28 000 personnes bénéficient de ce dispositif. Je souhaite que nous menions une action forte contre la précarité dans les territoires ruraux en permettant à 40 000 personnes de bénéficier de cette mesure d’ici 2022.
Troisième objectif : rapprocher !
Pour moi, aménager le territoire se résume au fond à rapprocher. Cela implique de faire preuve de volonté politique, d’imagination et de bon sens. Les solutions existent. On a les outils pour les mettre en œuvre. Et on le fait.
C’est le cas dans le domaine de la santé. Nous avons apporté un certain nombre de réponses avec le développement des maisons de santé dont le nombre a augmenté de 37% en deux ans. Nous avons également augmenté les aides aux médecins qui s’installent dans les zones qui n’en comptent plus assez.
D’autres solutions sont en cours de déploiement. Je pense aux hôpitaux de proximité - qui seront entre 500 et 600 en France - et qui complèteront l’offre de soins. Je pense aux assistants médicaux qui seront environ 4 000 d’ici 2022.
Nous allons également accélérer le déploiement de 600 médecins généralistes partagés entre la médecine de ville et l’hôpital dans les zones les plus mal dotées. Nous créerons 200 postes supplémentaires en 2020 pour les zones rurales.
Cette volonté de rapprochement, c’est celle qui a conduit le président de la République à généraliser le déploiement des maisons « France services ». L’objectif c’est qu’en 2020, nous ayons 300 maisons opérationnelles. L’idée de ces maisons « France services » est très simple : ce n’est pas à nos concitoyens de payer le prix de notre complexité administrative dans une course d’orientation permanente pour trouver le bon guichet, au bon horaire ; c’est à nous de nous organiser pour leur offrir, en un seul lieu, un accès unique, simple, au plus grand nombre possible de services. Il s’agit de s’appuyer sur des acteurs, qui ne sont pas aujourd’hui dans les maisons de services publics et en leur donnant des moyens bien supérieurs, de faire en sorte de créer une nouvelle façon d’accéder aux services publics sur le territoire.
S’agissant de la question de la présence humaine des services de l’État dans les territoires, laissez-moi vous en dire un mot car c’est une question que je prends au sérieux. Nous allons déployer, conformément à l’engagement qui a été pris par le président de la République, un certain nombre de postes qui, aujourd’hui, étaient dans les administrations centrales vers les territoires. A partir de l’année prochaine, c’est 4000 postes qui vont être redéployés vers les territoires. Sur ces 4000, il y en a 2800 qui viennent de Bercy.
Entre 2010 et 2017, 1200 trésoreries ont été fermées en France. En 2019, je crois que nous serons aux alentours de 80 trésoreries fermées. Ce n’est pas du tout négligeable et je mesure très bien l’impact que cela peut produire. En 2020, nous ne fermerons aucune trésorerie sans l’accord des maires concernés.
Je pense très sérieusement et en totale confiance, que parfois mais pas toujours, il sera possible d’organiser le service aux maires et au public de façon meilleure que ce qui existe aujourd’hui et en s’organisant autrement. Quand les maires n’en seront pas convaincus et qu’ils le diront, cela ne se fera pas. Je pense que c’est la bonne méthode pour travailler. Et c’est comme cela, qu’en 2020, on traitera ce sujet.
A vrai dire, cette course d’orientation, vous la pratiquez trop souvent vous-même, pour le montage de vos projets : identifier le bon interlocuteur, le bon financement... c’est votre lot quotidien. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu faire en sorte d’être en mesure de vous accompagner lorsque vous avez des projets. Au travers de l’agence nationale de cohésion des territoires, qui sera opérationnelle le 1er janvier 2020, nous allons répondre à un double besoin :
- Un besoin de lisibilité dans les différents dispositifs et contrats qui existent,
- Et un besoin de proximité : dès que vous identifierez un projet ou que vous signerez un contrat territorial, vous pourrez saisir l’agence pour qu’elle constitue une « équipe projet », et mobilise des ressources en ingénierie. J’ai en outre demandé à Jacqueline Gourault de préparer un programme spécifique pour les « petites centralités » qui maillent les territoires ruraux.
Rapprocher l’action publique du terrain, ça consiste aussi à vous redonner la possibilité de décider. C’est tout l’enjeu du projet de loi « Engagement et proximité » qui va redonner la main aux maires sur certaines décisions.
Le rapport de l’Agenda rural a formulé des propositions qui pourront s’inscrire dans le « pacte de gouvernance » proposé par le projet de loi. Je crois que sur bien des points nous vous avons écoutés et que vous avez été entendus. La discussion devant le Sénat commencera au début du mois d’octobre. J’espère qu’elle permettra de refléter l’esprit dans lequel nous allons travailler, c’est-à-dire non pas de préparer un nouveau Big Bang et de nouvelles organisations territoriales, mais de faire en sorte que les maires redeviennent les acteurs centraux de l’intercommunalité.
Enfin rapprocher, c’est faire preuve de bon sens et de pragmatisme dans la mise en œuvrede nos réformes. Permettez-moi de vous donner deux exemples concrets :
- Comme le proposait la mission Agenda rural, nous allons engager en 2020, un travail de définition d’une nouvelle géographie prioritaire pour les territoires ruraux. Elle viendra se substituer en 2021, aux actuelles zones de revitalisation rurales. 4000 communes rurales devaient sortir des zones de revitalisation rurales au 1er juillet 2020. Dans l’attente de la mise en œuvre de cette réforme, nous avons décidé de les y maintenir.
- Vous le savez le projet de loi de finances porte la suppression de la taxe d’habitation. Les communes percevront à sa place la taxe foncière actuellement perçu par les départements. Il existe des cas où la taxe foncière transférée est plus importante que la taxe d’habitation qu’elles percevaient jusque-là. Le texte prévoit que les communes devront le compenser. Parfois ces montants sont très faibles, moins de 10 000 euros. Cela concerne 7 600 communes, dont 7 000 petites communes de moins de 1000 habitants.
Et bien dans ces cas-là, nous avons décidé avec Gérald Darmanin, que ce « surplus» serait laissé à la commune.
Le dernier objectif concerne la sécurité. Là aussi les préjugés ont la vie dure : l’insécurité n’est pas une préoccupation uniquement urbaine.
D’abord parce que les zones rurales ne sont pas épargnées par les formes courantes de délinquance. Je pense au trafic de stupéfiants ; aux cambriolages perpétrés souvent par des bandes itinérantes très organisées. Je pourrais ajouter les violences aux personnes, en particulier d’origine familiale.
Ensuite parce que s’y ajoute une délinquance plus spécifique comme les vols ou dégradations d’exploitations agricoles. Beaucoup de personnes, souvent âgées, vivent également dans une forme d’isolement qui les rend vulnérables.
La démarche Agenda rural a permis de mieux saisir cette réalité et de réfléchir à une sécurité qui soit à la fois plus proche, plus réactive et plus accessible. Il s’agit au fond de décliner au niveau de la gendarmerie et donc des zones rurales, ce que nous avons mis en place dans le cadre de la police de sécurité du quotidien (PSQ).
Nous donnerons la priorité au contact. Nous concentrerons également les efforts sur les publics les plus vulnérables. Et puis nous formerons nos gendarmes pour les aider à mieux prendre en compte des spécificités de la sécurité du monde rural.
La deuxième priorité, c’est la réactivité. Nous avons généralisé les dispositifs d’appui interdépartementaux qui permettent aux gendarmes de s’affranchir des limites administratives et judiciaires pour faire appel à leurs collègues les plus proches, y compris quand ceux-ci appartiennent à une brigade d’un département limitrophe. 227 brigades sont concernées dans 44 départements. Elles seront bientôt 350 à l’être dans 70 départements. Par exemple, la sécurité à Loures-Barousse, commune située dans le département des Hautes-Pyrénées, mais à la limite de la Haute-Garonne, est aujourd’hui totalement prise en compte par la compagnie de Saint-Gaudens.
Troisième priorité : l’accessibilité. Nous avons associé la Gendarmerie au dispositif des maisons France services. Les gendarmes pourront ainsi y tenir une permanence. Et pourquoi, après tout, ne pas imaginer l’inverse ? C’est-à-dire nous appuyer sur le maillage territorial des brigades pour installer dans certaines casernes, sans porter atteinte à leur fonctionnement, des maisons France Service ?
« Je ne m’occupe pas de politique, c'est comme si vous disiez, je ne m’occupe pas de la vie ». Beaucoup de maires de France pourraient souscrire à cette formule de leur collègue Jules Renard. À ce lien qu’on oublie parfois à force de centralisme et de complexité, entre la vie, la vraie, avec ses joies, ses chances, ses peines et ses difficultés, et la politique, la nôtre, que l’on soit maire, élu local, député ou Premier ministre. C’est au fond le sens de cet acte II que nous avons placé sous le signe de la proximité, du résultat concret, et d’une forme de simplicité dans la conduite des politiques publiques. Cela demande à la fois beaucoup d’ambition – je ne connais rien de plus compliqué que de faire simple – et beaucoup d’attention apportée aux « finitions », au service réellement rendu partout sur notre territoire. Deux qualités qui caractérisent cet agenda rural dont je remercie une nouvelle fois les auteurs.