Conférence de presse conjointe avec M. Dmitri Medvedev, président du Gouvernement de la Fédération de Russie

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 25/06/2019

Le Havre

Lundi 24 juin 2019
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,
C’est un très grand plaisir pour moi d’accueillir mon homologue russe Dmitri MEDVEDEV au Havre aujourd’hui et je voudrais vous remercier très sincèrement d’avoir accepté cette invitation. C’est la première fois que nous nous rencontrons dans nos postes respectifs de chefs de Gouvernement.
C’est important pour moi de tenir cette séquence de travail au Havre d’abord pour des raisons personnelles qui n’auront échappé à personne mais pas seulement. On vante souvent et à juste titre la proximité et l’amitié entre nos deux peuples, entre nos deux histoires, entre la France et la Russie. On évoque parfois la venue en France du Tsar Pierre LE GRAND en 1717 - c’est-à-dire exactement deux siècles après la création du Havre – qui s’est inspiré d’une certaine façon du savoir-faire français en matière de création urbaine pour la ville de Saint-Pétersbourg.
Mais cette relation entre la France et la Russie, elle ne se résume pas qu’à des relations entre les États, elle trouve aussi ses racine dans nos sociétés, dans leurs territoires, dans leur attraction réciproque, dans leur littérature, dans leur économie, ce qui nous ramène au Havre et à Saint-Pétersbourg. Saint-Pétersbourg qui est la ville dans laquelle vous avez grandi Monsieur le Premier ministre, le Havre qui est la ville dans laquelle j’ai vécu. Deux villes jumelées et deux villes qui d’une certaine façon se retrouvent aujourd’hui, deux villes qui ont en commun d’être marquées par l’histoire portuaire, par l’histoire du commerce, par l’histoire de l’ouverture aux idées. Je voudrais donner un exemple qui peut sembler trivial, peut-être, mais qui est intéressant. Chacun connaît en France l’entreprise Kusmi Tea qui est héritière directe d’une entreprise russe fondée par la famille KOUSMICHOFF à Saint-Pétersbourg en 1867 et qui s’est installée en France, au Havre, et qui depuis le Havre et depuis ses usines havraises, connaît un développement tout à fait exceptionnel.
La rencontre que nous avons tenue aujourd’hui répondait à des objectifs précis.
Le premier c’était – le Président de la République l’a souhaité – de pouvoir ouvrir un nouvel espace de dialogue politique avec la Russie. Ça va être un secret pour personne : je crois que la France et la Russie ont des avis parfois très proches sur un certain nombre de dossiers internationaux, qu’il arrive que nos deux pays aient des approches nuancées sur les mêmes sujets, légèrement différentes, et il arrive que parfois nous puissions avoir des positions divergentes sur un certain nombre de questions, c’est un fait nous le savons, nous nous le sommes dit et il faut évidemment pouvoir l’assumer. En revanche ce qu’on entend parfois en France, ce serait l’idée selon laquelle la France et la Russie ne se parleraient pas. Et cette musique-là, elle aura longtemps été une musique qui ne correspond à rien. Je voudrais rappeler que le Président de la République, juste après son élection au mois de mai 2017 a reçu le Président POUTINE à Versailles, ils se parlent très régulièrement, que le dialogue qu’ils ont engagé est un dialogue ferme, exigeant mais qui permet, je crois, de pouvoir faire avancer les choses. Ce qui est également un fait c’est qu’on gagne toujours à se connaître et à approfondir les relations personnelles. C’est pourquoi en accord avec le Président de la République, j’ai tenu à inviter en France mon homologue russe et je crois pouvoir dire que nous avons eu un échange dense qui nous a permis de faire le tour des grandes questions qui intéressent la France et la Russie à la fois sur la scène internationale et dans les aspects plus bilatéraux de notre relation.
Le deuxième objectif c’était d’évoquer les façons dont il était possible d’envisager la dynamisation de nos relations économiques parce que nous ne devons pas oublier que même si ces relations économiques sont affectées aujourd’hui par un cadre, notamment le cadre des sanctions, elles continuent à exister et elles sont importantes. On dit très peu que la France est le premier employeur étranger en Russie ou plus exactement que les entreprises françaises sont les premières entreprises qui emploient en Russie. C’est le fait de groupes tels que Auchan et singulièrement du groupe Renault. La France est un des premiers investisseurs étrangers en Russie. Il y a donc les sanctions, nous en avons parlé mais il y a aussi cette réalité d’un très profond attachement des entreprises françaises à la Russie. Les sanctions, nous les avons évoquées. Elles ont, vous le savez, pour objectif de créer les conditions d’une solution politique et la Russie sait quelles sont nos attentes pour les lever. Mais nous sommes convenus que nous devions également préparer les étapes suivantes quelles qu’elles soient. Notre responsabilité de chefs de Gouvernement c’est d’identifier les marges de manœuvre pour renforcer la relation bilatérale qui nous unit et les marges de manœuvre il y en a. La Russie développe une véritable stratégie de diversification et d’acquisition de savoir-faire. Et j’ai l’intime conviction que la France dispose de ces savoir-faire. Elle peut contribuer à cette stratégie. Et puis la Russie a lancé un ambitieux plan de développement d’ici 2024 avec 12 projets nationaux dans des secteurs qui sont parfaitement identifiés : la santé, le développement urbain, l’économie numérique, les infrastructures et l’environnement. Notre objectif c’est que nous allions sur ce terrain au-delà des coopérations historiques qui existent comme en matière spatiale ou dans l’automobile. Nous avons avec le Premier ministre russe constaté que les partenariats traditionnels qui existaient continuent de vivre, ce qui est évidemment un facteur encourageant.
Troisième objectif de cette rencontre, nous avons poursuivi le dialogue sur les crises internationales. C’est vrai s’agissant de l’Ukraine puisqu’il nous paraît que l’arrivée d’un nouveau Président en Ukraine constitue une occasion si nous voulons bien la saisir. C’est la responsabilité de la Russie et de l’Ukraine de le faire. La communauté internationale, la France, l’Allemagne, en tout premier lieu dans le cadre du Format Normandie, ont un rôle à jouer et sont déterminées à jouer ce rôle mais c’est évidemment à Moscou et à Kiev qu’il faut d’abord juger le moment qui se présente et en tirer les conséquences. C’est pourquoi j’ai appelé le chef du Gouvernement russe à saisir ce nouveau contexte politique en Ukraine pour progresser dans la mise en œuvre effective des accords de Minsk qui permet évidemment de pouvoir ensuite envisager des avancées en matière de sanction. Nous avons longuement évoqué avec Dmitri MEDVEDEV l’Iran, les tensions qui existent dans le Golfe et l’importance d’éviter les dérapages et de favoriser la désescalade. Cela passe essentiellement par du dialogue du dialogue confiant, du dialogue réel. Mais nous avons je crois tous les deux conscience de la très grande sensibilité de la situation.
La Russie, mesdames et messieurs, est un partenaire essentiel de la France. En tant que membres permanents du Conseil de Sécurité, nous avons Russes et Français la responsabilité commune de maintenir un dialogue franc, un dialogue exigeant pour maintenir la paix et la sécurité internationale. Et c’est dans ce cadre que je me réjouis vivement de ce dialogue avec le Premier ministre russe que je remercie encore une fois de l’honneur qu’il nous fait en venant en France et au Havre.

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