Présentation de la stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 19/11/2018

Seul le prononcé fait foi
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Madame la directrice générale de Campus France,
Monsieur le Recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie,
Madame et Messieurs les présidents de conférence d’établissements,
Mesdames et Messieurs les présidents d’université et les directeurs d’école,
Mesdames et Messieurs,
Dans un magnifique tour du monde de la francophonie, Le monde est mon langage, Alain Mabanckou écrit : « J’ai choisi depuis longtemps de ne pas m’enfermer, de ne pas considérer les choses de manière figée, mais de prêter plutôt l’oreille à la rumeur du monde ».
Eternel étudiant du monde, « écoutant » du monde, Alain Mabanckou nous donne à entendre des voix qui disent et qui pensent le monde en français, de Mpili, au Congo, avec le poète Tchicaya U Tam’si à Montréal avec Dany Laferrière, en passant par Makélékélé avec Sony Labou Tansi.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Makélékélé, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’un nouveau « bololo » : Makélékélé, c’est un arrondissement de Brazzaville où vivait Sony Labou Tansi. Tous ces grands noms animent la république internationale des lettres francophones, dont vous êtes également les représentants. Si l’on écoute « la rumeur du monde », on entend que la langue française n’en finit pas de se renouveler – j’ai essayé le « bololo » la semaine dernière, à mes risques et périls. Et on entend aussi que la jeunesse et le monde évoluent, ce qui nous met au défi de renouveler notre enseignement supérieur et notre recherche, au même rythme et avec une même ambition.
Parmi les nombreuses réformes que nous menons depuis un an et demi, celle que vous mettez en œuvre, sous l’égide de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, me rend particulièrement fier. Je l’ai déjà dit et je le redis. Car la loi relative à l’Orientation et à la Réussite des Etudiants va profondément et durablement transformer notre pays, en améliorant l’accueil et l’accompagnement de nos étudiants et en mettant un terme à un système qui conduisait trop souvent à l’échec en licence.
Mais une seconde étape, tout aussi importante, consiste à gagner la bataille de la concurrence internationale entre nos systèmes d’enseignement supérieur et de recherche. En accueillant les étudiants les plus brillants et les plus méritants, qu’ils viennent de Pékin ou de Kinshasa, qu’ils étudient l’intelligence artificielle ou la linguistique médiévale. Et en projetant partout dans le monde notre enseignement supérieur et notre recherche.
Dans ce contexte, la francophonie n’est plus seulement un atout historique – c’est une chance pour la France et pour tous les pays qui ont le français en partage. Le français n’est pas seulement une langue de communication et de création : c’est une langue d’éducation, qui a permis à des générations d’étudiants de sortir des frontières de leur pays, pour accomplir leurs rêves et leur vocation. Vous savez que le Président de la République a une grande ambition pour la francophonie, dont les Universités sont les premières enceintes de diffusion et de rayonnement.
Je voudrais à ce sujet saluer l’Agence Universitaire de la Francophonie, qui fédère plus de 800 établissements universitaires partout dans le monde, regroupés sous la bannière francophone.
Avec cette agence, avec Campus France, avec vous tous, nous avons un grand objectif, qui est d’augmenter significativement le nombre de co-diplômes et d’accords entre établissements pour favoriser les mobilités par-delà les frontières.
Car aujourd’hui, nous sommes au cœur d’une révolution. Le monde n’a jamais compté autant d’étudiants et ils n’ont jamais été aussi nombreux à étudier à l’étranger. Pour autant, l’attractivité ne se décrète pas, elle se constate, elle se construit et elle se conquiert. Face à une concurrence internationale de plus en plus vive, la France doit rester l’un des acteurs majeurs de cette mondialisation des études supérieures. C’est pourquoi nous présentons aujourd’hui la stratégie « Bienvenue en France ».
D’ici 2025, le nombre d’étudiants en mobilité internationale aura doublé, passant de plus de 4,6 à 9 millions, notamment parce que la jeunesse des pays en développement accède massivement aux études supérieures. C’est une opportunité magnifique pour l’humanité. C’est aussi une opportunité magnifique pour la France qui est attendue et recherchée, à travers le réseau de la francophonie, à travers l’excellence de son réseau d’enseignement supérieur, grâce à la diversité de ses formations. La France est le 4ème pays de mobilité étudiante au monde. Et le premier pays non anglophone.
Si les étudiants choisissent de venir étudier en France, c’est parfois par évidence linguistique, quand ils sont francophones. C’est souvent par affinité avec notre culture et notre art de vivre.
A nous d’inventer mille autres raisons qui les décideront à venir, à commencer par la qualité des formations proposées et des conditions d’accueil. Et sur ce point, nous pouvons faire beaucoup mieux, car nous sommes sans cesse comparés, évalués, arbitrés, parmi dix autres destinations possibles. A l’heure des réseaux sociaux, nul ne peut se reposer sur sa seule réputation. Or, les étudiants qui choisissent la France nous confient, parfois en souriant : « La France, ça se mérite ». Ce qui traduit pudiquement un certain désarroi face à l’écheveau des complexités administratives.
Pour gagner en attractivité, il faut s’attaquer à tous les sujets, à tous les détails du quotidien qui compliquent la vie des étudiants étrangers. Beaucoup de pays construisent déjà des stratégies globales d’attractivité, associant études, marché de l’emploi, tourisme, ce qui explique le rayonnement asiatique ou celui des monarchies du Golfe. En la matière, comme dans le domaine économique d’ailleurs, les grands équilibres du monde sont en train de se déplacer.
Nous devons donc accueillir plus d’étudiants étrangers. Et pour accueillir plus, nous devons mieux accueillir. Notre objectif est d’atteindre 500 000 étudiants en mobilité à l’horizon 2027 – nous en comptons actuellement 320 000, dont 245 000 en mobilité diplômante.
Sous l’impulsion du Président de la République, le Gouvernement a ainsi construit une stratégie d’attractivité qui repose sur trois piliers.
Le premier pilier consiste à garantir les meilleures conditions d’accueil possibles aux étudiants internationaux. Ce qui commence dès le stade de la candidature, quand ils entrent en contact avec les services de l’Etat et les institutions d’enseignement à l’étranger. Nous allons améliorer la procédure de délivrance de visas aux étudiants étrangers, pour leur donner un premier signal d’intérêt et de bienveillance plutôt que d’indifférence ou de pesanteur.
Concrètement, nous allons harmoniser et simplifier la liste des documents nécessaires à une demande de visa pour les étudiants. Nous allons progresser dans la dématérialisation. Le dépôt de la demande de visas pour études se fera désormais en ligne. Dès l’année prochaine, les étudiants internationaux pourront aussi faire valider en ligne leur titre de séjour à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), peu après leur arrivée. Nous allons encore limiter la nécessité de se rendre au consulat ou au centre externalisé de visa – seulement pour le dépôt des pièces justificatives et la prise des empreintes biométriques. Enfin, les consulats devront donner la priorité aux demandes de visas étudiants, à l’approche de la rentrée.
Par ailleurs, à partir de mars 2019, les étudiants titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur français équivalent au Master et qui sont retournés dans leur pays d’origine pourront bénéficier d’un titre de séjour pour revenir en France, créer une entreprise ou chercher du travail. C’est une innovation importante de la loi du 10 septembre 2018 sur l’asile et l’immigration, conformément à l’engagement pris par le Président de la République dans son discours d’Ouagadougou. Car si l’on accueille des étudiants étrangers, si on investit sur eux, c’est aussi pour qu’ils puissent faire ces aller retour pour être des moteurs de croissance en France et à l’étranger.
Au-delà de l’octroi des visas, nous voulons améliorer l’accompagnement à toutes les étapes des études. De nombreuses initiatives nous ouvrent la voie : à Nice et à Toulon, les étudiants peuvent être accueillis à leur descente de l’avion ou du train. A l’université de Cergy-Pontoise ou de Strasbourg, un guichet d’accueil répond à leurs questions et les aide à accomplir leurs formalités administratives ou à s’inscrire à des activités culturelles. A l’université de Lorraine, de Limoges ou d’Artois, une journée d’accueil est organisée à leur intention, et c’est même une semaine à l’université de Lille ou de Picardie.
Nous allons généraliser ces bonnes pratiques, pour construire une véritable culture de l’accueil.
J’ai donc souhaité qu’un label « Bienvenue en France » soit créé dès cette année et attribué, par Campus France, aux universités et aux écoles qui améliorent très concrètement l’accueil des étudiants internationaux. 70 établissements se sont déjà engagés et pourraient prétendre obtenir une labellisation, avant que d’autres ne les rejoignent. J’ai aussi demandé à la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de constituer un fonds d’amorçage « Bienvenue en France » pour accompagner, dès la rentrée 2019, les initiatives concrètes des universités labellisées. Il sera doté de 10 millions d’euros dès cette année.
Ces bonnes pratiques convergeront en 10 engagements-clefs pris par les acteurs de l’enseignement supérieur, sous l’égide de la ministre et dans la concertation. Il me semble que les premiers s’imposent :
  • Systématiser un guichet d’accueil unique, ou Welcome Desk pour les anglophones, qui sera en lien avec la préfecture. J’ai demandé à Christophe Castaner et à Frédérique Vidal de simplifier les modalités d’accueil, dès la rentrée prochaine.
  • Garantir à chaque étudiant, dès avant son arrivée en France, un référent qui l’accompagnera.
  • Faciliter l’accès au logement des étudiants internationaux. Il faudra déjà rendre intégralement accessible en anglais la plateforme « Lokaviz », qui recense les logements libres des résidences universitaires et des offres de logements de particuliers. D’autres initiatives verront le jour, comme celle qu’annonçait le Président de la République : la création d’une maison des étudiants francophones, à la Cité internationale universitaire de Paris, en 2020. Elle proposera 150 places pour des étudiants africains, sélectionnés sur des critères d’excellence académiques.
  • Développons par ailleurs l’offre d’enseignement en français langue étrangère. La demande des étudiants est très forte. Et vous êtes convaincus, comme moi, que c’est le premier des jalons pour amplifier la dynamique de la francophonie. La concertation à venir envisagera de généraliser une sorte de sas d’entrée proposant des cours de FLE intensifs pour les étudiants non francophones. Toutes les formations de FLE délivrées par un cursus auront aussi vocation à être labellisées pour garantir leur qualité.
  • Il faudra également développer l’offre d’enseignement en anglais. C'est nécessaire si nous voulons accueillir et partager nos valeurs avec plus d’étudiants non-francophones. Et puisque les cursus en anglais s’accompagnent de l’apprentissage du français, ils favoriseront notre francophonie.
Mieux accueillir les étudiants étrangers est donc le premier pilier de notre stratégie.
Le second consiste à instaurer une forme d’équité financière. Actuellement, la France est l’un des pays au monde où les droits d’inscription des étudiants internationaux sont les plus faibles : c’est presque comme s’ils n’existaient pas. En bref, un étudiant étranger très fortuné qui vient en France paye le même montant qu’un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et payent des impôts en France depuis des années. C’est absurde et injuste. Et ce choix a comme conséquence la faiblesse des moyens disponibles pour accueillir et accompagner les étudiants internationaux.
Nous avons donc décidé que les étudiants internationaux qui ne résident pas dans l’Espace économique européen paieront des frais d’inscription correspondant approximativement au tiers du coût réel de leur formation. Ce qui signifie que la collectivité nationale prendra encore en charge les deux tiers de leurs études. C’est un choix fort, un choix de solidarité et d’ouverture, qui nous permettra de mieux accueillir les étudiants qui choisissent la France. Mais c’est aussi un choix responsable et mesuré. Car nous resterons très en-dessous des 8000€ à 13000€ de nos voisins néerlandais et des dizaines de milliers de livres en Grande-Bretagne, et de la plupart des pays européens, sans évoquer bien sûr la situation sur le continent Nord Américain.
Dans le même temps, nous allons tripler le nombre de bourses et les exonérations de droits pour ceux qui en ont besoin. Actuellement, le Quai d’Orsay attribue des bourses d’études à 7000 étudiants étrangers. Nous allons ajouter 8 000 bourses d’exonération.
Ce dispositif national, qui sera piloté par nos services diplomatiques, se doublera d’environ 6000 autres bourses d’établissements, que les universités pourront librement attribuer aux étudiants internationaux. Ces bourses pourront comporter des exonérations ou une aide en numéraire. Enfin, les universités et les écoles auront toute liberté de prévoir des accords avec d’autres universités et écoles pour exonérer de droits leurs étudiants respectifs. Chaque université et chaque école sera libre, comme c’est le cas partout dans le monde, de construire sa politique d’attractivité et d’accueil. Et je le dis aussi aux présidents d’université, à à toute la communauté universitaire ; je les appelle à se saisir de ces nouveaux outils pour construire une stratégie d’action ambitieuse et adaptée à la situation de leur université.
Je terminerai avec le dernier pilier de notre stratégie d’attractivité : le rayonnement de l’enseignement supérieur français à l’étranger. Les étudiants étrangers sont les bienvenus dans nos universités et nos écoles, mais ces dernières peuvent aussi aller à eux.
Il existe déjà de nombreux partenariats universitaires, et des antennes implantées partout dans le monde – l’ESSEC à Rabat et Singapour, l’Ecole centrale à Casablanca et Pékin, Paris Dauphine Tunis, la Sorbonne à Abou Dhabi. Notre enseignement supérieur et notre diplomatie avancent main dans la main pour imaginer une politique qui allie l’excellence académique et la solidarité.
J’ai demandé à Jean-Yves Le Drian de mettre en place, dès 2019, un fonds d’amorçage doté de 5 millions d’euros, pour soutenir de nouvelles initiatives. L’objectif est de permettre aux établissements intéressés par une projection à l’international d’effectuer des démarches exploratoires. Nos ambassades et notre Réseau culturel, notamment en charge de la coopération universitaire, se tiendront à la disposition des établissements pour accompagner leurs initiatives. Dès que les projets seront jugés pertinents et solides, l’Agence française de développement prendra le relais, en dégageant 20 millions d’euros chaque année pour accompagner leur mise en œuvre. Le campus franco-sénégalais ou l’université franco-tunisienne de l’Afrique et de la Méditerranée nous montrent déjà la voie. Il faut voir désormais bien plus grand – grâce à ces outils.
Mesdames et Messieurs, chers amis, nous savons tous que les étudiants étrangers nous enrichissent de leur présence, de leur regard et de leur différence.
Mohamed Arkoun, Leïla Slimani et tant d’autres ont été des étudiants étrangers en France, auxquels on n’a pas toujours réservé un accueil à la hauteur de ce qu’ils nous ont ensuite apporté. Car aujourd’hui, ils nous aident à penser le dialogue interreligieux, l’égalité entre les femmes et les hommes, le monde dans lequel on vit. Et je pense aussi aux mathématiciens Artur Avila et Alessio Figalli : tous deux ont reçu la médaille Fields, en 2014 et en 2018, tous deux avaient été en partie formés par la France.
Donnons-nous les moyens de cet enrichissement. C’est ce que vise notre stratégie « Bienvenue en France » – « Choose France » – qui est sous-tendue par deux ambitions. Augmenter le nombre d’étudiants étrangers accueillis dans nos écoles et nos universités. Et instaurer un principe d’équité solidaire, en faisant payer les étudiants étrangers qui en ont largement les moyens, pour financer des bourses destinées aux moins fortunés et aux plus méritants des autres étudiants accueillis. Cette stratégie cherche, en somme, à opérer une forme de révolution : que notre attractivité ne soit plus tant fondée sur la quasi-gratuité que sur un vrai choix, un vrai désir, celui de l’excellence.
Je vous remercie.

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