Discours d'Édouard PHILIPPE à l'occasion de la présentation du Plan Vélo à Angers

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 14/09/2018

Seul le prononcé fait foi
Monsieur le ministre d’Etat, cher François,
Madame la ministre, chère Elisabeth,
Monsieur le maire, cher Christophe,
Mesdames et messieurs les élus,
Chers amis,
Quand on est enfant, on entend souvent dire que « le vélo, ça ne s’oublie pas ». C’est vrai à titre individuel. Ça l’est un peu moins à l’échelle de notre pays qui entretient une relation pour le moins paradoxale avec le vélo. D’abord, nous l’avons inventé, en tous cas son ancêtre, le vélocipède. Ensuite, la France est une grande nation de cyclisme : j’ai pu une nouvelle fois m’en rendre compte cet été en assistant à une étape du Tour de France.
Cependant, en France, le vélo ça reste un sport. Un sport populaire, très répandu. Mais un sport et trop rarement un moyen de transport pour faire ses courses ou se rendre à son travail, comme c’est le cas dans des pays d’Europe du Nord pourtant moins passionnés de cyclisme que nous.
Des choses s’imposent parfois avec une implacable évidence. Comme par exemple parler du « plan vélo » ici à Angers, avec les Ministres François DE RUGY et Elisabeth BORNE. D’abord, j’y ai reçu un formidable accueil quand j’y suis venu le 27 octobre 2017 pour le World Electronic Forum. Et j’étais donc ravi à l’idée d’y revenir.
C’est surtout le président de l’Agence de Financement des Infrastructures de Transport de France (AFITF) et donc, à ce titre, un des principaux acteurs de la politique de mobilité de notre pays. Ce qui est une manière polie de dire que c’est lui qui tient les cordons de la bourse. Les Angevins sont en outre des « champions du vélo ». Collectivement j’entends et si j’en crois le baromètre de la Fédération française des usagers de la bicyclette, qui a classé la ville d’Angers au 3è rang des villes où il fait bon faire du vélo. Enfin, Angers abrite le siège d’une importante agence, l’ADEME. Il n’y avait donc plus pour moi qu’à obtempérer.
Le 19 septembre 2017, j’avais eu le plaisir d’ouvrir les assises nationales de la mobilité. Ces assises ont été un laboratoire d’idées. Un des grands vainqueurs à l’applaudimètre de ces assises, a été sans conteste, le vélo : 113 000 réponses à l’enquête qu’a lancée la fédération des usagers de la bicyclette ; 207 parlementaires qui ont cosigné une tribune en avril dernier pour soutenir un « plan vélo ambitieux », cela montre l’engagement fort de la représentation nationale pour l’écologie et pour le vélo, et je pense en particulier à Matthieu Orphelin, parce que nous sommes ici chez lui, parce qu’il a été force de proposition et a beaucoup incité le gouvernement à être ambitieux sur ce sujet ; et des centaines de cartes postales que des Français nous ont adressées y compris à moi-même – je les en remercie - pour réclamer un plan vélo à la hauteur de leurs espérances.
On peut avoir 150 ans et répondre à des besoins à la fois très puissants, très actuels, aussi bien sur le plan individuel que collectif.
Besoin de temps, besoin de souplesse, besoin d’accessibilité pour les Français qui veulent pouvoir se déplacer vite, bien, c’est-à-dire en toute sécurité, au meilleur coût, et sans dépendre d’éventuels bouchons.
Besoin de sobriété, en particulier en carbone, besoin d’attractivité dans les centres villes et besoin de solutions de mobilité à la fois pratiques et économes.
Le vélo, c’est donc une solution à de vrais problèmes du quotidien et à de vraies questions de société. Et une manière très concrète de participer à la transition écologique du pays. Mais pour y parvenir, il faut s’organiser. S’organiser pour ôter, si vous me pardonnez l’expression, un certain nombre de « bâtons dans les roues » des cyclistes qui les empêchent ou les découragent de circuler librement.
Le constat est en effet sans appel : la part des déplacements à vélo en France est particulièrement faible. Le vélo représente 3% des déplacements quotidiens, soit deux fois moins que la moyenne européenne.
D’où ce plan ambitieux. Un plan qui doit nous permettre de tripler la part du vélo dans nos déplacements quotidiens – soit la faire passer de 3% aujourd’hui à 9% en 2024, année où nous accueillerons les Jeux. Un plan qui s’organise autour de 4 axes principaux et dont je veux maintenant dire quelques mots.
Je voudrais avant tout dire que la sécurité sur les routes est pour moi une priorité. Chacun doit pouvoir prendre un vélo, sans avoir le sentiment de se mettre en danger. Malgré un chiffre global en amélioration, le mois d’août 2018 a été le plus meurtrier des cinq dernières années pour les cyclistes. Je refuse toute fatalité et je veux que le développement de la fréquentation cycliste aille de pair avec l’accroissement des mesures de sécurité.
Le premier axe, c’est donc celui de la sécurité, avec 2 leviers principaux.
Le premier levier, c’est celui des « pistes cyclables » :
Chacun le sait : la construction de pistes cyclables relève de la responsabilité et des compétences des villes et des agglomérations. Et l’Etat n’a évidemment pas vocation à s’y substituer.
En revanche, il peut jouer un rôle d’impulsion et d’accompagnement. Le « Plan vélo » prévoit ainsi :
La création d’un Fonds national « mobilités actives » que nous doterons à hauteur de 350 millions d’euros pour soutenir les projets de création d’axes cyclables dans les collectivités durant une période de 7 ans. Ce fonds sera intégré à la trajectoire pluriannuelle de l’AFITF.
Ce fonds ciblera en priorité les ruptures d’itinéraires que causent les grandes infrastructures, en particulier celles de l’Etat. Des ruptures qui découragent les cyclistes car elles sont très dangereuses.
Nous lancerons des premiers appels à projets en 2019 pour identifier, avec les collectivités locales qui doivent se saisir de cet outil, les endroits précis où l’on doit intervenir en priorité.
Dès aujourd’hui, l’ADEME s’apprête quant à elle, à lancer un appel à projets pour aider les collectivités qui en éprouvent le besoin, à définir leurs réseaux et leur politique de vélo, afin que cette dynamique profite à tous les territoires ;
C’est la première fois que l’Etat se mobilise autant pour financer des infrastructures pour le vélo.
Le second levier que nous allons actionner, c’est celui du code de la route. Un code qui, dès l’origine, a été conçu en priorité autour de la voiture. L’idée, c’est désormais de l’adapter aux autres formes de mobilités, en particulier le vélo, pour que les cyclistes soient plus en sécurité. Deux exemples de ces adaptations :
Nous prévoirons de manière systématique, dès le début de l’année 2019, des sas pour les vélos en amont des feux de signalisation en agglomération pour en améliorer la visibilité, en particulier vis-à-vis des poids lourds. A moyen terme, toutes les voiries existantes seront mises en conformité ;
Nous élargirons, partout où cela sera techniquement possible, le double sens cyclable aux voies à 50 km/h dans les agglomérations.
Deuxième axe de ce « plan-vélo » : la lutte contre le vol. Je rappelle qu’en France, 300 000 foyers sont victimes, chaque année, d’un vol de vélo. D’où deux initiatives principales :
D’abord, nous voulons développer l’aménagement de stationnements de vélos sécurisés près des lieux de déplacements du quotidien. Dans les bâtiments existants (habitations, entreprises, centres commerciaux), des parkings à vélos devront être construits lors de tous travaux. Dans les gares, nous demanderons à la SNCF d’adopter un planning clair pour construire ces parkings ;
Nous allons ensuite rendre systématique le marquage des vélos par les vendeurs : grâce à l’implication de la filière, chaque vélo disposera demain d’un identifiant unique infalsifiable. Un vélo marqué, c’est un vélo rendu lorsqu’il est retrouvé par les forces de l’ordre ; c’est aussi la possibilité de démanteler plus facilement les réseaux de recel. L’idée c’est qu’à terme, les vélos non marqués ne trouvent plus de repreneurs. Nous défendrons cette stratégie « antivol » au niveau européen pour en augmenter encore l’efficacité.
Troisième axe : créer un cadre favorable pour reconnaître le vélo comme un mode de déplacement à part entière, en particulier dans le cadre des déplacements « domicile-travail ». Le rôle de l’employeur est ici majeur. Le plan-vélo prévoit ainsi deux mesures particulièrement structurantes :
La première consiste à créer un « forfait mobilité durable ».
Les employeurs privés et publics pourront contribuer aux frais de déplacement domicile-travail de leurs salariés ou agents à vélo jusqu’à 400 euros en franchise fiscale et sociale. Ce forfait remplacera l’indemnité kilométrique vélo, trop complexe à mettre en œuvre, et aura un plafond deux fois plus élevé.
Et comme je suis attaché à ce que l’État donne l’exemple dès qu’il s’agit de transition écologique, nous appliquerons un forfait de 200 euros à tous les agents de ses administrations et de ses opérateurs qui viennent au travail à vélo.
Seconde mesure :
Nous allons introduire le vélo dans le barème kilométrique fiscal qui sert à rembourser les frais des déplacements que les salariés effectuent à titre professionnel avec leur véhicule personnel.
Là encore, il s’agit essentiellement d’une mesure de simplification administrative, mais aussi d’une mesure importante pour placer le vélo sur le même plan que la voiture ou les deux-roues motorisés.
Quatrième et dernier axe : diffuser la culture du vélo dans la société, faciliter la reconnaissance de ce mode de déplacement. Et ceci à tout âge :
Enfant, lorsqu’on est à l’école : d’ici 2022, nous généraliserons le dispositif « Savoir rouler » qui existe déjà dans certaines académies et qui consiste à s’assurer que les enfants qui entrent en sixième, sachent pratiquer le vélo de manière autonome et en toute sécurité.
Adulte, aidé de son smartphone pour planifier ses déplacements : nous ouvrirons les données relatives aux services de location pour que tous les services d’information sur les déplacements incluent les offres de vélo. On pourra ainsi savoir en temps réel si des vélos en libre-service sont disponibles (avec ou sans station d’attache comme ici à Angers). Nous permettrons aussi aux autorités organisatrices de la mobilité d’utiliser au mieux les offres émergentes de vélos en libre sans station d’attache, en free-floating, pour utiliser le bon jargon : ce qui fonctionne ici à Angers doit pouvoir fonctionner ailleurs, c’est pourquoi ces autorités organisatrices pourront demain imposer un cahier des charges aux opérateurs de free-floating afin qu’ils respectent certains critères de qualité, sans pour autant gêner leur entrée sur le marché.
C’est Jean Bobet, le frère cadet de Louison Bobet, et lui-même ancien coureur cycliste qui déclarait un jour : « Le vélo, c’est le moyen et peut-être l’art d’extraire du plaisir d’une contrainte ». La contrainte aujourd’hui, c’est celle du réchauffement climatique. Celle de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Celle de la qualité de l’air en ville. Celle du stress. Le plan vélo est une manière parmi d’autres de s’y adapter, ce qui n’empêche pas, bien au contraire, d’un tirer un vrai plaisir, un véritable mieux-être dans nos agglomérations et nos campagnes. Après tout, dans une société un peu accro à la vitesse, il est bon parfois de savoir vivre « en roue libre ».

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