Discours au séminaire de rentrée des groupes parlementaires LREM

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 11/09/2018

Tours, mardi 11 septembre 2018
Nous sommes à Tours.
La liste des écrivains qui sont nés à Tours ou qui ont qui un lien avec cette ville, est tout à fait impressionnante. Ça commence avec Grégoire de Tours, ça se poursuit avec Rabelais, avec François Villon et Ronsard, avec Descartes, avec Balzac, qui naît ici en 1799, avec Courteline, et Anatole France, dans des genres assez différents, avec Paul Nizan, avec Léopold Sédar Senghor, qui enseigna une bonne partie de sa vie au lycée Descartes. Avec bien d’autres encore.
Tours, donc, est une ville d’écrivains. Et je voudrais commencer mon propos en vous parlant de deux écrivains, Jim Harrison et Aristophane. Jim Harrison est mort il y a quelques années après une vie intense, il était tout à fait francophile, mais je ne sais pas s’il aimait Tours. On lui doit notamment la nouvelle qui a inspiré le film tourné avec Brad Pitt, je le dis pour les plus cinéphiles d’entre nous, sous le titre de : « Légendes d’automne ». Je ne vais pas vous parler de « Légendes d’automne ».
Mais on doit à Jim Harrison une autobiographie assez fascinante dont le titre en français ne manque pas d’intérêt, c’est « En marge ». Harrison reprend à son compte une très belle formule d’Aristophane, qui lui aussi est mort il y a quelques années, et qui, pour le coup, je suis affirmatif, ne connaissait pas Tours. Aristophane, c’est dans « Les nuées », a cette formule, « Tourbillon est Roi ».
Il faut bien reconnaitre que dans la vie publique, dans la vie politique singulièrement, « Tourbillon est souvent roi ». Le tourbillon de l’actualité, le tourbillon des rumeurs, le tourbillon des petites phrases, des polémiques, des dépêches, des réponses aux petites phrases, qui entretiennent les polémiques et qui suscitent de nouvelles dépêches.
Le Tourbillon que vous connaissez tous, que nos concitoyens connaissent et subissent, dans un mélange dont on peut dire qu’il est à la fois paradoxalement fait de fascination et d’agacement. Ce tourbillon existe. Et il ne nous appartient pas d’imaginer ou d’espérer qu’il puisse ne pas exister. Il est là. Mais il présente un inconvénient majeur, qui est souvent de nous interdire de voir l’essentiel et d’expliquer l’important.
Il peut même, ce tourbillon, comme le font parfois les tourbillons, nous piéger en nous tirant vers le bas et en nous interdisant d’avancer. C’est pourquoi je vous propose, ici, à Tours, pour quelques instants, de détrôner le tourbillon et de nous consacrer à l’essentiel. L’essentiel, qu’est-ce que c’est ?
C’est d’abord, lorsqu’on s’engage dans une action collective, de saluer ses amis et de les féliciter pour leur succès et pour leur engagement. Je voudrais donc, chers amis, remercier et féliciter Richard Ferrand pour son élection hier, pour l’organisation de ces journées parlementaires. Mais peut-être plus encore pour la qualité de la relation que nous avons nouée. Ca n’était pas écrit, Richard, mais ça s’est fait, et ça s’est fait avec beaucoup de confiance, beaucoup d’écoute, et beaucoup d’intelligence. J’ai aimé que nous puissions nouer cette relation, et je me réjouis que le groupe t’ait accordé sa confiance pour que tu puisses soumettre ta candidature à la présidence de l’Assemblée nationale.
Je voudrais aussi, vous le comprendrez aisément, remercier François Patriat, pour son engagement quotidien au Sénat à la tête de notre groupe, et lui dire que je n’oublie pas, et que je n’oublierai pas la chaleur de son accueil lorsque j’ai fait mes premiers pas au Sénat et lorsque, d’une certaine façon, nous avons commencé lui et moi à travailler ensemble.
Permettez-moi aussi de remercier et de féliciter Barbara Pompili, Cendra Motin et Philippe Folliot pour leur candidature, et pour leur campagne. Se présenter à une élection – vous le savez parfaitement – n’est jamais neutre. Le faire parce que l’on veut dire des choses, parce que l’on représente quelque chose est toujours estimable. Je voudrais les remercier et les féliciter.
L’essentiel, c’est aussi – c’est peut-être même surtout – ce que nous croyons bon pour la France et bon pour les Français. C’est ce que nous avons fait et c’est ce que nous allons faire, c’est le projet présenté aux Français par le Président de la République et la façon dont nous allons le mettre en œuvre.
Beaucoup d’entre vous me l’ont rappelé hier soir, et certains ce matin, il m’est arrivé de vous dire, il y a un an, lorsque les choses semblaient simples, qu’elles deviendraient plus difficiles. Je ne vous ai pas menti ! Mais mes amis, comment pourraient-elles être faciles ?
Réparer un pays qui va mal, relancer une Europe qui doute, redonner confiance en la politique, se départir des cynismes et de l’électoralisme de court terme, remettre à l’endroit des politiques publiques qui se sont dispersées depuis des décennies faute de cap et de cohérence, réussir les transitions incroyablement urgentes, et en même temps si délicates qui nous sont imposées, obtenir des résultats visibles, rien de cela n’est facile, rien de cela n’est rapide.
Faire tout cela dans le maelström des chaînes d’info en continu et des réseaux sociaux, qui écrasent le temps et qui nivellent les nuances, c’est encore plus difficile. Vous avez décidé, nous avons décidé, il y a plus d’un an, de faire face à cette difficulté, de l’affronter, alors même que nous la pressentions.
Vous avez décidé, nous avons décidé de suivre le Président de la République et de construire la France que nous voulons. Et vous avez décidé d’affronter le jugement des Français. Et je voudrais vous dire, chers amis, que c’est pour moi un honneur autant qu’un plaisir d’être avec vous depuis hier pour évoquer la suite.
Je vais peu parler de ce que nous avons fait depuis un an. J’en suis fier, vous devez en être fiers, et je vous remercie de ce travail collectif. Je vous remercie aussi très sincèrement de la confiance que vous m’avez témoignée tout au long de ces mois, et toujours dans les moments les plus intenses et les plus délicats.
Vous aurez sans doute remarqué qu’en politique, on est toujours jugé. On est jugé par les électeurs, et c’est tant mieux. On est jugé par les sondages et c’est comme ça. On est jugé par les oppositions, et c’est rarement bienveillant. On est jugé par les éditorialistes, et c’est souvent curieux.
Souvent, moi, le matin, j’écoute France Inter. Oui, je sais, parfois, ça cause des surprises. J’aime bien les autres matinales, mais comme beaucoup de Français, j’ai mes habitudes, et il se trouve que moi, le matin, j’écoute France Inter. Et il est courant sur France Inter qu’un de ses éditorialistes, intelligent, parfait connaisseur de la vie politique, que j’aime bien, nous explique que le « macronisme » ne serait ni une vision de la France ni un appareil intellectuel et politique défini, et qu’au fond, il ne serait, au mieux, qu’un pragmatisme.
Je m’inscris totalement en faux contre cette idée, qui me semble totalement erronée. Le Président de la République porte, depuis le début, et avec une exigence de cohérence systématique, un projet clair : celui d’une France de l’émancipation et de la solidarité réelle. Celui d’une France puissante dans une Europe forte, et celui d’une France à la hauteur des défis incroyables que nous devons relever.
Une France de l’émancipation, c’est une France où nos concitoyens sont libres de pouvoir faire des choix et de les assumer, c’est une France où l’ascenseur social fonctionne à nouveau, c’est une France où le mérite républicain reprend tout son sens. C’est exactement pour construire cette France, en ayant à la fois la lucidité et l’humilité de savoir que certaines choses avaient été faites avant nous, et que ce que nous faisons prendra du temps à porter ses fruits qu’avec Murielle Pénicaud, nous avons fait voter cette loi sur le dialogue social et sur la réforme de l’apprentissage, pour faire en sorte, notamment, que, bien éclairés, les collégiens, les lycéens, puissent prendre des décisions qui leur permettent de faire le choix réel d’aller vers l’apprentissage ou de ne pas y aller. Un choix réel, qui n’est pas un choix par défaut, un choix contraint, un choix fondé sur des informations crédibles, solides, qui leur permet de prendre leur destin en main. C’est exactement ça la France de l’émancipation.
C’est la raison pour laquelle avec Bruno Le Maire, nous allons vous présenter, dans le courant du mois de septembre, ce projet de loi Pacte, qui vise justement à faire en sorte que ceux qui ont le désir d’entreprendre puissent l’assouvir, que lorsqu’on entreprend, et lorsqu’on réussit, on puisse mieux associer les salariés à la réussite, et notamment la réussite financière de l’entreprise, à travers le développement de l’intéressement et de la participation.
C’est exactement la raison pour laquelle avec Frédérique Vidal, nous avons mis en œuvre Parcoursup, pour faire en sorte que les choix d’orientation qui mènent à l’enseignement supérieur, qui sont véritablement des choix d’émancipation, ne soient pas laissés au hasard du tirage au sort d’un logiciel lambda. Dans Parcoursup, il y a le jugement humain, l’information constante sur la portée des choix que font les lycéens pour entrer dans l’enseignement supérieur, et l’accompagnement des lycéens dans l’enseignement supérieur, pour que cet enseignement supérieur soit synonyme de succès et non pas de machine à produire de l’échec, de la sélection, et finalement, de la frustration. C’est ça une société de l’émancipation.
C’est exactement pour cela qu’avec Jacques Mézard et Julien Denormandie, nous avons voulu mettre en œuvre une politique qui nous permette, globalement, et rapidement si possible, de rompre avec ce que le Président de la République désigne souvent sous le terme d’assignation à résidence, c’est-à-dire, au fond, le contraire de l’émancipation.
Lorsque vous êtes comme surdéterminé par votre milieu et surtout par votre lieu de naissance ou d’habitation, comment faire en sorte pour que nos concitoyens se saisissent réellement des chances qui peuvent leur être offertes, et puissent aller au bout de ce qu’ils sont réellement, plutôt que de subir ce que l’on pense, ce que l’on veut ou ce que l’on constate qu’ils devraient être. C’est ça la logique qui irrigue les politiques que nous mettons en œuvre. Et c’est aussi la raison pour laquelle, de façon systématique, nous essayons de privilégier le travail, la rémunération du travail, l’accès ou le retour au travail, dans toutes les politiques, qu’elles soient économiques, qu’elles soient sociales, qu’elles soient sectorielles. Nous savons que notre pays, globalement, sera plus prospère si le travail est valorisé, et nous savons que cette société d’émancipation passe par une forme, non pas de réussite généralisée, mais par le fait que nos concitoyens puissent avoir à nouveau accès à un travail qui paie, à un travail qui est valorisé socialement beaucoup plus que tout autre forme d’activité.
Une France de l’émancipation donc, qui est au cœur du projet du Président de la République, au cœur du projet que vous portez. Une France de solidarités réelles. Nous n’avons pas inventé ce terme de « solidarités », et nous ne sommes pas les seuls à porter cette exigence, elle est très largement partagée par nos concitoyens. Et elle est très souvent portée par les forces politiques de notre pays. Mais trop souvent, et vous le savez parfaitement, et nos concitoyens le savent parfaitement, cette solidarité s’est résumée à des déclarations de droit, et à des versements monétaires. Et il nous paraît que ça n’est pas véritablement de la solidarité, ou plus exactement que ça n’est pas de la solidarité réelle. Ce Gouvernement, cette majorité sont déterminés à faire en sorte que l’ensemble des politiques publiques, et à l’intérieur de l’ensemble des politiques publiques, les politiques sociales, bien entendu, soient passées au crible de la réalité de ce qu’elles produisent, pas simplement de leurs intentions, qui sont nobles, pas simplement de leurs moyens, qui sont importants, de l’efficacité, le mot n’est pas un tabou. De la capacité qu’elles ont à produire l’effet qu’on en attend.
J’entends parfois des commentateurs, et parfois des opposants - c’est assez naturel s’agissant des opposants - dire que le Gouvernement ne marcherait pas sur ses deux jambes, il n’y a rien de plus faux. Et je voudrais le dire, et le dire clairement, dès les premiers jours, avec Jean-Michel Blanquer, nous avons porté cette mesure essentielle, qui produira des effets dont je suis persuadé qu’ils se verront et qui seront massifs au fur et à mesure de l’application de cette mesure, qui est le dédoublement des classes en CP, en CE1, dans les zones REP et REP+, dans notre pays.
Cette mesure est une mesure de justice sociale au sens où dans les endroits où les difficultés sont concentrées dans la République, nous mettons le paquet au tout début de la scolarisation, pour faire en sorte que la maîtrise de la lecture, la maîtrise de l’écriture, la maîtrise du calcul, la maîtrise aussi d’une certaine forme de comportement et de bienveillance puissent être acquises, puissent être développées. C’est absolument essentiel.
Et cet automne, avec Agnès Buzyn et Muriel Pénicaud, nous lançons pas moins de six chantiers majeurs ou nous poursuivons six chantiers majeurs, dans des registres et avec des méthodes différentes. Dans les jours qui viennent, ce sera la présentation par le Président de la République du plan de lutte contre la pauvreté, et du plan de transformation du système de santé et de l’hôpital. On a, là, deux sujets absolument majeurs : comment faire en sorte de passer à des dispositifs efficaces, qui sont adaptés à la réalité des problèmes que nos concitoyens rencontrent, et qui vont nous permettre, dans le temps, de produire des effets majeurs.
Sur la question des retraites, et de la dépendance, nous avons fixé le calendrier de cette réforme. Les réflexions ont commencé en janvier 2018, elles se poursuivent, au mois d’octobre, nous aurons un rendez-vous public, collectif, pour dire ce que nous retenons de cette première phase de consultations et de discussions, et puis, nous engagerons les réflexions pour la deuxième phase, afin, dans le courant de l’année 2019, de proposer au Parlement le projet de loi qui viendra mettre en musique les engagements pris par le Président de la République devant les Français. Faire en sorte que le système des retraites soit plus juste et plus durable est un impératif national de solidarité, et de cohésion nationale. Nous allons le faire, et nous le faisons avec méthode, nous prenons notre temps, parce que le sujet est redoutablement complexe, c’est vrai, parce que les attentes des Français sont considérables, et c’est normal. Ce sera dans le courant de l’année 2019, et ça ne contribuera pas, cher Richard, à dé-densifier le calendrier parlementaire, crois-moi.
Avec cette réflexion sur les retraites, la réflexion sur la dépendance, parce qu’il serait absurde de traiter les deux sujets de la même façon, mais il serait absurde aussi de les déconnecter complètement, nous devons réfléchir, mettre en œuvre des mécanismes de financement, des mécanismes d’adaptation dans notre société. C’est aussi une forme de transition, au vieillissement de la société, et à cette question de la dépendance, qui se pose de plus en plus tard, pour un nombre de plus en plus grand de Français, et auquel nos concitoyens doivent répondre souvent pour leurs parents de plus en plus tard dans leur vie professionnelle.
Il y a une transformation majeure, on doit s’y préparer, pas simplement individuellement, collectivement, je ne dis pas que rien n’a été fait dans le passé, mais les systèmes de financement ne sont pas clairs, et certainement pas à la hauteur des enjeux, c’est quelque chose que nous allons aborder en même temps que la réforme des retraites à l’horizon 2019.
Une mission a été lancée récemment. Agnès Buzyn est à la manœuvre sur le sujet. Je le dis, là encore, une réforme majeure qui, si elle est réussie, constituera – je vous le dis comme je le pense – un extraordinaire motif de fierté pour cette majorité.
Et puis, deux chantiers très importants en matière sociale, là encore, qui eux s’inscrivent dans le cadre d’une négociation et d’une discussion avec les organisations syndicales et patronales : la réflexion sur la transformation de l’assurance-chômage, visant notamment, et de façon systématique, à favoriser le retour à une activité durable, et puis, la réflexion sur la santé au travail, qui est une réflexion très vaste, qui n’est pas simplement liée à la prévention des accidents du travail, qui est liée aussi à ce que doit être la médecine du travail, à ce que peuvent être demain les modes d’indemnisation des arrêts maladie.
Notre objectif, c’est d’avoir cette discussion nourrie avec les organisations syndicales et patronales, sur un sujet dont tout le monde sait qu’il est important, avec des conséquences sur la qualité de vie, sur la santé, bien sûr, individuelle, sur le bon fonctionnement des entreprises, mais qui fait très peu l’objet de discussions ou de négociations interprofessionnelles.
Nous pensons que c‘est un bon sujet, il est à l’ordre du jour, il a été soumis aux organisations syndicales et patronales. Et j’espère que nous saurons faire prospérer ce débat pour trouver les bonnes solutions.
Une France, une France qui compte dans une Europe ambitieuse ; le discours de la Sorbonne a marqué les esprits, l’action du Président et du Gouvernement nous ont permis d’obtenir des décisions utiles pour les Français, je pense notamment à la révision de la directive travailleurs détachés. Elle n’avait rien d’acquis au moment où elle a été engagée. Et d’ailleurs, tout le monde nous promettait l’échec, si nous disions que nous voulions obtenir plus que le compromis qui avait été discuté avant nous. Eh bien, nous avons mis ce sujet, qui est un sujet important de protection pour les salariés français, et de développement pour les entreprises françaises, sur la table. Nous avons consacré beaucoup d’énergie à convaincre nos partenaires, nous avons su créer des majorités, des partenariats, et nous avons obtenu l’essentiel de ce que nous souhaitions, et un compromis bien plus favorable que celui qui avait été initialement envisagé.
Enfin, une France puissante, ça n’est pas un gros mot, une France puissante, capable de défendre ses intérêts, elle en a partout dans le monde, capable de montrer le chemin aussi. Notre monde est dangereux. Il est rempli de gens qui ne veulent pas forcément notre bien, et il est confronté à des déséquilibres qui ne peuvent que renforcer sa dangerosité. C’est la raison pour laquelle, là aussi, de façon assumée, claire et massive, nous avons consenti un effort important sur nos moyens en matière de défense, en matière de justice, en matière de sécurité intérieur, parce que nous devons être à la hauteur des menaces ou des risques qui nous entourent, ou qui sont présents sur notre territoire.
Et puis aussi, et enfin, une France aux avant-postes de cette transition écologique, dont nous mesurons, avec nos mots, dont nous mesurons tous l’urgence et l’immense risque qu’elle représente dans l’hypothèse où nous ne serions pas à la hauteur. Un mot à ce sujet pour redire d’abord le plaisir qui a été le mien de travailler avec Nicolas Hulot au Gouvernement et le plaisir qui est le mien et qui est celui, je le sais, de l’ensemble des membres du Gouvernement d’accueillir au sein du gouvernement François de Rugy. Le fait que François de RUGY ait accepté la proposition qui lui a été faite, qu’il ait accepté de passer de la présidence de l’Assemblée nationale à un grand ministère, ministère d’État en charge de la Transition écologique et solidaire, est tout sauf neutre. Et contrairement à ce que j’ai pu lire, ça n’a rien d’une mauvaise manière qui aurait été faite par l’exécutif ou par l’ancien président de l’Assemblée nationale à l’Assemblée nationale. Au contraire. Si véritablement le sujet est urgent, et il l’est, si véritablement il exige un éveil des consciences et une transformation réelle, juridique, financière, économique, humaine, alors il faut s’en saisir à bras-le-corps. Alors on ne peut pas dire : « C’est très important mais je ne m’en occupe pas parce que j’ai, par ailleurs, une autre mission. » Ce que François de Rugy a fait en acceptant la proposition qui lui était faite, c’est dire explicitement que ses convictions profondes déclarées depuis très longtemps justifiaient le fait de descendre dans l’arène politique, dans le réel, de se confronter aux difficultés, parfois aux contradictions de notre société, parfois à nos contradictions propres pour faire avancer la cause et pour obtenir des résultats. C’est un choix qui l’honore. Je le dis d’autant plus clairement qu’il a parfois été critiqué. C’est un choix qui l’honore et qui nous honore tous.
Et nous serons, mes amis, nous serons à la hauteur des enjeux nationaux et internationaux sur le plan climat, sur le plan biodiversité, comme nous avons commencé à l’être sur des sujets qui suscitent moins d’excitation, moins d’intérêt même peut-être dans le grand public et qu’ils sont moins spectaculaires. Mais ce qui a été fait d’ores et déjà au terme de cette première phase des Assises de l’eau avec Sébastien Lecornu et Jacqueline Gourault, ce qui a été fait dans le cadre de la feuille de route de l’économie circulaire avec Brune Poirson, tout cela n’est pas spectaculaire, c’est vrai, mais est essentiel. Absolument essentiel si on veut être justement à la hauteur des enjeux généraux et urgents qui ont été soulignés par Nicolas Hulot, sur lequel il a appelé à notre mobilisation.
Alors bien sûr, nous n’avons sans doute pas toujours pu avancer aussi vite que nous l’aurions voulu et c’est la réalité de l’action politique mais regardons le chemin parcouru. Expliquons ce que nous avons fait. Depuis un an, je prétends que la France a bien plus fait en la matière que ses principaux voisins et que la plus grande partie des pays de l’OCDE. Je ne dis pas que c’est suffisant, je dis qu’on ne peut pas avancer si on ne dit pas que nous avons déjà commencé ce chemin qui avait d’ailleurs été commencé avant nous et heureusement. La partie n’est pas gagnée mais nous n’avons pas renoncé et je sais que vous n’avez pas renoncé.
Chers amis, nous avons beaucoup à faire. Beaucoup à faire ! Et nous devons le faire en ayant toujours à l’esprit que la politique c’est d’abord et avant tout une vision pour son pays, une action collective. C’est une action collective faite par des individus, c’est vrai, qui veulent dire ce qu’ils apportent, qui veulent exister, c’est vrai. Mais, vous savez qu’en politique la seule chose qui produit un effet, un vrai effet, c’est l’action collective. La politique, c’est aussi une confrontation au réel. La politique, ce n’est pas simplement le monde des idées, ça doit toujours être le monde des idées. Quand il n’y a plus d’idées, il ne se passe plus rien. Ça doit être le monde des idées mais c’est aussi une confrontation au réel, une vraie confrontation au réel. Avec ce que le réel peut avoir de pesant, avec ce qu’il a de formidable, avec sa dimension humaine, avec ses contradictions, avec ses limites, avec ses contraintes, ses moyens limités, ses choix qui ont été faits avant et qui déterminent les choix qu’on peut faire après. Cette confrontation au réel, c’est le cœur de l’action publique et nous ne devons jamais la perdre de vue car, de toute façon, elle s’impose à nous.
C’est le lieu de rencontre d’injonctions qui sont toujours paradoxales. Le long terme versus le court terme. Sur le papier, tout le monde vous dira : « La bonne politique, c’est celle qui prévoit le long terme et qui prend en compte le long terme ou qui vise le long terme. » Et c’est vrai mais le court terme est toujours là, il existe. Il est fait d’impatience, il est fait de demandes criantes, il est fait d’injustice, il est fait d’inquiétude. On ne peut pas ne pas le prendre en compte. C’est l’attention toujours renouvelée entre l’urgence qui est accessoire et l’essentiel qui est parfois invisible. C'est l’attention entre la nécessaire hauteur et la demande de proximité. Demande parfois paradoxale, parfois contradictoire mais dont on ne peut privilégier aucun des deux termes ou aucune des deux branches sans prendre le risque justement d’échouer à faire ce pour quoi on a été élu. C’est l’attention entre la fermeté et la souplesse. La fermeté est nécessaire mais la souplesse aussi.
L’importance des enjeux, l’ampleur de ce que nous avons engagé, la complexité inhérente à toute action politique, tout concourt, mes amis, à ce que nous soyons confrontés à un exercice que certains jugent difficile. Je le trouve pour ma part passionnant et exaltant. Et pour être à la hauteur de ces enjeux, pour réussir collectivement, je crois que nous devons rester nous-mêmes. Rester nous-mêmes, c’est singulièrement rester en marche, c'est-à-dire libérer, protéger et unir. C’est conserver chevillée au corps la nécessité même du « en même temps » que soulignait Richard il y a quelques instants. C’est rester humble et déterminé et ambitieux. Ça n’est pas incompatible. C’est même indispensable d’être humble et déterminé et ambitieux en même temps.
Rester nous-mêmes, c’est rester calme et solide. Nous avons, je vous l’ai déjà dit et je le redis parce que je le crois profondément, cette responsabilité incroyable d’être aux manettes à un moment où les enjeux sont considérables. Nous devons garder l’enthousiasme et l’ambition de la présidentielle et des législatives, et je pense que nous devons aussi les nourrir du calme des vieilles troupes qui permet de gagner les longues batailles. Vous savez parfaitement, qu’on nous dira mille choses au fur et à mesure de notre avancée. On nous fera mille reproches. Nous ne devrons jamais les ignorer mais ils ne doivent pas nous freiner.
On nous reprochera nos hésitations lorsque nous serons exigeants. Et vous l’avez vu sur la question du prélèvement à la source : le Président de la République a été extrêmement exigeant avec le Gouvernement, avec les services de l’administration fiscale et à juste titre. Cette exigence est indispensable. Elle est non seulement justifiée et légitime mais elle est nécessaire. Eh bien, vous verrez, lorsque nous sommes exigeants certains diront que nous sommes hésitants.
On nous reprochera notre irrésolution lorsque nous serons nuancés. On nous reprochera notre brutalité ou notre pusillanimité - cela dépend de qui s’exprimera - lorsque nous avancerons. On cherchera à discerner dans notre groupe, dans nos groupes, des divisions quand il y aura des débats et, ne vous inquiétez pas, on dénoncera notre servilité lorsque nous serons unanimes. On cherchera à enfoncer des coins entre les membres du Gouvernement ou, plus incroyable encore, des nuances entre le Président et le Premier ministre. Permettez-moi de vous dire que ceux qui s’avanceront dans ce chemin ont intérêt à prendre des provisions, car ils seront bien seuls et ils n’auront pas grand-chose à se mettre sous la dent.
On nous dira, on le dit déjà parfois, que nous sommes trop tendres lorsque nous dirons nos doutes et trop durs lorsque nous les aurons dépassés. On nous dira mille choses et c’est très bien ainsi, mais à nous, il reviendra de faire. Le Président de la République a raison de dire que la France se transforme par à-coups et rattrape son retard à grand pas. J’ai la conviction, je l’ai dit dès mai 2017, que nous sommes dans un de ces « moments français » et que nous devons le saisir et que nous ne devons pas le gâcher.
Cette année, mes amis, va être une année de bagarre. De bagarre politique et pacifique mais de bagarre. Avec une échéance majeure pas uniquement pour nous mais pour l’avenir de quatre cents millions d’Européens. J’en parle maintenant parce que tout le monde y pense, vous aussi. On l’a évoqué lors de la réunion qui a précédé tout à l'heure alors je voudrais en dire quelques mots.
D’abord depuis l’été, les choses sont assez claires. D’un côté, on trouve ceux qui pensent qu’en dépit de ses imperfections, l’Europe demeure la meilleure voie pour la paix et pour la prospérité en Europe. Qu’il faut en mesurer les limites mais qu’il faut la défendre. Que la défendre est notre devoir compte tenu du passé et notre intérêt compte tenu de ce qui arrive.
Que la meilleure manière de la défendre, c’est encore de poursuivre sa construction. Une construction dont nous voyons bien qu’elle s’est ralentie et qu’à certains égards même et sur certains sujets, elle s’est arrêtée. Pour la poursuivre, il faut offrir aux Français et aux Européens un vrai projet politique. Un projet qui réponde à leurs attentes qui ne sont plus celles de leurs parents ou de leurs grands-parents, qui ne sont plus celles qui découlaient de l’histoire de l’Europe en 45 mais qui sont des attentes réelles. C’est toujours la paix, c’est la prospérité économique mais c’est aussi la lutte contre le réchauffement climatique, c’est la régulation financière, c’est la justice sociale, c’est la sécurité en Europe et au-delà des frontières de l’Europe parce que ces deux dimensions sont évidemment liées.
C’est la lutte contre l’immigration illégale et la protection des réfugiés politiques. C’est la protection des frontières de l’Union. Le Président de la République a eu l’occasion à plusieurs reprises de présenter sa vision. Cette vision, nous la partageons. Nous la défendrons et nous devons en expliquer la nécessité historique. Et puis, de l’autre côté, il y a ceux qui sont moins clairs. Ceux qui veulent rétablir des frontières, ceux qui veulent rétablir des monnaies nationales, ceux qui veulent se retirer du marché commun ou ne plus respecter la solidarité entre les État, ceux qui veulent ne plus respecter les valeurs qui ont fondé la construction européenne. Après tout, c’est leur droit. Je note tout de même qu’après avoir expliqué que chacun serait mieux tout seul, de son côté, leur premier réflexe c’est d’essayer de s’unir avec leurs homologues européens, ce qui est sans doute la meilleure preuve d’une certaine forme de vanité de leur position.
Il y a ceux qui nous disent que les chrétiens démocrates, qui ont été avec d’autres à l’origine de la construction européenne, doivent être parfaitement à l’aise avec Orban et Salvini dans la même formation politique. Je ne peux pas croire qu’ils partagent, au fond, les mêmes valeurs. Je ne peux pas le croire mais je ne vous cache pas que parfois j’ai des doutes. Il y a ceux qui nous disent que sortir de l’Union, c’est recouvrer sa liberté et sa souveraineté. Je regarde nos amis britanniques. Ils ont choisi, ils ont voté et leur choix est respectable et doit être respecté. Mais je ne peux pas m’empêcher de constater que ceux qui avaient milité le plus bruyamment, le plus intensément en faveur du Brexit en ont profité politiquement avant de laisser à d’autres le soin d’en assumer les conséquences politiques. Et quelque chose me dit qu’ils n’en assumeront pas non plus les conséquences économiques ou sociales, en tous cas moins que l’ouvrier gallois ou l’agriculteur d’Irlande du Nord.
Il y a ceux qui nous disent qu’essayer le populisme, c’est être moderne. Elle a déjà essayé le populisme, l’Europe. Ça n’a rien de moderne et ça ne lui a jamais réussi. Deux visions donc, deux avenirs aussi, très différents dont la confrontation n’est au fond que cet éternel combat que décrivait André Gide quelques jours avant sa mort dans son journal, entre « ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas». « Le combat entre ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas» nous reviendra, mes amis, de rassembler ceux qui veulent livrer ce combat avec nous, en France et en Europe. C’est la première fois que l’élection européenne posera de façon explicite la question de savoir si nous voulons construire ou déconstruire l’Union.
Alors bien sûr, certains essaieront de faire de cette question une question de politique nationale. Certains essaieront de nous faire croire qu’il y a un plan B à l’Europe. Ne nous y trompons pas. La seule vraie question à ce stade pour l’Europe, c’est to be or not to be. C’est vraiment la question. Et comme nous voulons qu’elle vive, comme nous voulons qu’elle existe, comme nous voulons qu’elle soit forte, nous aurons besoin d’alliés qui pensent comme nous et peut-être même un peu différemment de nous en France et dans l’Union européenne mais qui partagent nos convictions profondes. C’est comme ça que nous remporterons cette bataille.
Chers amis, nous serons, aux côtés du Président de la République, cette voix de la raison, la voix de la responsabilité, la voix de l’effort, de l’efficacité et de la constance, la voix de la grandeur et de l’ambition au service des valeurs de la République. Une République que vous avez remise en marche vers plus de liberté, vers plus de sécurité et vers plus de cohésion. Une République dont nous assumerons sans relâche la transformation pour construire la France de demain, la France que nous voulons. Une France émancipée, une France solidaire, une France puissante, une France à la hauteur des enjeux de notre temps qu’ils soient européens ou mondiaux.
Je voudrais vous dire, mais je pense que vous le savez que l’ensemble du Gouvernement, chacun de ses membres et collectivement, que le Premier ministre, sont absolument déterminés pour aborder cette phase qui s’engage avec votre soutien au service du projet du Président de la République.
Je vous remercie.

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