Discours de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre
XXIèmes Assises des petites villes de France
Autun, vendredi 1er juin 2018
Seul le prononcé fait foi
Messieurs les Ministres, cher Martin Malvy, cher Olivier DUSSOPT,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président de l’Association des petites villes de France, cher Christophe BOUILLON,
Monsieur le Président du conseil départemental,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Je vous cours après depuis l’année dernière ! J’avais en effet prévu de participer à votre congrès à Hendaye en septembre 2017 avant de devoir y renoncer, à mon grand regret. Mais à Autun, je n’ai pas voulu manquer l’événement. D’abord, parce que j’adore l’histoire romaine en général et celle de l’empereur Auguste en particulier. Ensuite, je me suis dit – mais peut-être que je me fais des illusions monsieur le maire – que c’était le meilleur moyen de me faire inviter un jour à la « Fête du Livre d’Autun ». 15 000 visiteurs, ça compte pour un auteur qui veut percer. J’ai donc cherché mon nom dans le programme de l’édition de cette année à la lettre « P » comme Philippe. Je suis tombé sur Popeck, que j’aime beaucoup. Et sur l’auteur de bande dessinée jeunesse François-Xavier POULAIN, qui présentait son dernier album… « La petite souris en Normandie ». C’est déjà ça ! L’honneur normand est sauf. Mais pas de « Philippe ». Peut-être l’année prochaine.
À défaut de pouvoir aller à la rencontre de mes lecteurs – qui, je n’en doute pas, sont au moins aussi nombreux que vous dans cette salle– j’ai voulu aller à la rencontre des maires des petites villes de France. Qui ne sont pas si petites puisqu’elles regroupent près de 4 Français sur 10, ce qui fait du monde. Et ce, dans le but d’évoquer le chemin que nous avons parcouru ensemble depuis un an.
J’ai bien dit « ensemble ». Je crois, mais je peux me tromper, que les relations que le Gouvernement a nouées avec votre association, avec Olivier bien sûr, mais plus généralement avec les maires que je retrouve avec plaisir, lors de mes déplacements, sont des relations de dialogue et de respect.
- Dialogue tout d’abord, dans le cadre de la Conférence nationale des territoires que vous aviez appelée de vos vœux dans le Manifeste que vous avez publié avant l’élection présidentielle. Cette conférence, nous l’avons créée. Et nous avons souhaité que votre association y prenne toute sa place.
- Respect ensuite dans la façon dont nous débattons, sans méconnaître nos points de désaccords. Il y en a bien sûr. Mais si j’ai acquis une conviction durant l’exercice de mon mandat de maire et de président d’agglomération, c’est que le dialogue demeure le meilleur moyen de faire progresser son territoire. Je ne vous apprends rien.
Je voudrais illustrer cette attitude – de dialogue, de respect- dans trois domaines.
Le premier concerne les moyens d’action de vos communes.
Jacqueline GOURAULT et Olivier DUSSOPT l’ont évoqué avec vous hier. Nous avions pris l’engagement de sanctuariser les dotations aux collectivités territoriales, qu’il s’agisse de la dotation globale de fonctionnement ou des dotations d’investissement locales. Nous avons tenu parole.
Pour la première fois depuis 4 ans, la DGF n’a pas baissé en niveau global. Nous avons également remplacé la tristement célèbre « contribution au redressement des finances publiques » par un mécanisme contractuel. Un mécanisme qui s’adresse aux 322 collectivités les plus concernées par la dépense locale.
Oh ! J’ai bien lu et entendu quelques critiques. La nouveauté sans doute. En tous cas, je n’ose y voir de la nostalgie pour le système antérieur. Ni l’expression d’un quelconque esprit chagrin. Beaucoup d’autres collectivités recherchent ce contrat. Pourquoi ? Parce qu’elles y voient avec raison, un outil protecteur. Et respectueux de leur autonomie.
Je note à cet égard que sur les collectivités volontaires pour négocier un contrat avec leur préfet alors qu’elles n’y étaient pas obligées, une majorité sont des villes de moins de 25 000 habitants. Bien sûr, j’entends le débat sur les baisses individuelles. Pour les plus anciens d’entre vous, ceux qui étaient maires avant 2014 et qui participent aux travaux du Comité des finances locales depuis des années, la DGF 2018 nous a fait revenir aux mécanismes de répartition en vigueur avant la mise en place de la contribution au redressement des finances publiques, avec les évolutions inhérentes à l’évolution de la population, au périmètre des EPCI et au financement de la solidarité interne à la DGF.
Pour les maires les plus récents, les variations individuelles de leur DGF ont pu être une surprise. Sa hausse, une heureuse surprise, comme l’a sans doute constaté une majorité – relativement silencieuse- d’entre vous. Bien sûr, je comprends votre besoin de prévisibilité. Nous devons évidemment tout faire pour éviter les variations trop brutales. Mais j’attire aussi votre attention sur le risque d’une DGF totalement « vitrifiée ». Les dotations doivent pouvoir accompagner la situation des collectivités.
Un mot sur la fiscalité locale. Vous le savez, nous avons lancé le 17 mai dernier, le travail de concertation avec les associations d’élus. Nous n’en sommes qu’au début de nos réflexions qui devraient se dérouler durant plusieurs mois. Des réflexions qui seront communes. Nous avons d’ailleurs une échéance importante devant nous. Je veux parler de la conférence des territoires du 28 juin prochain. Je l’ai dit, plusieurs principes guideront ces réflexions : la garantie de l’autonomie financière ; la compensation pleine et entière ; l’absence de création de tout nouvel impôt local.
Deuxième volet sur lequel nous avons, je crois, été attentifs aux attentes des villes : le soutien à l’attractivité des villes, et plus généralement l’attention que nous portons aux villes petites et moyennes dans la cohésion des territoires.
J’ai entendu vos messages sur le panier de services attendus de vos concitoyens. Sans prétendre répondre à la très grande variété des besoins que vous relayez, je voudrais néanmoins apporter les éléments suivants :
Concernant d’abord l’amélioration de l’accès à l’enseignement supérieur dans les villes chefs-lieux de département. Vous le savez peut-être : les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation déploient en ce moment même, une nouvelle extension des Sections de Techniciens Supérieurs dans les lycées. Lycées généraux, mais aussi professionnels. L’objectif, quel est-il ? Il est d’enrichir les capacités, les chances, d’accéder à l’enseignement supérieur près de chez soi.
Deuxième « service » attendu : l’accès aux soins. Inutile, je pense, de rappeler les contraintes qui pèsent sur la démographie médicale. Face à cela, n’y a pas une solution miracle. Il y a en revanche un ensemble de bonnes solutions possibles et qui peuvent faire la différence. Ces bonnes solutions, ce sont : le développement de la télémédecine, celui des maisons de santé. C’est la création de postes partagés entre l’hôpital et le secteur libéral, ou les infirmières de pratiques avancées qui peuvent effectuer certains actes réservés aux médecins. Ces solutions, il faut en faciliter et en accélérer le déploiement. C’est le sens du plan d’égal accès aux soins que j’ai présenté avec la ministre de la Santé au mois d’octobre dernier.
Un mot sur la mobilité. Il y a bien sûr l’enjeu des petites lignes. Loin des caricatures, la réforme ferroviaire que nous avons engagée est une réforme en faveur des petites lignes . Le problème des petites lignes, c’est qu’elles présentent des coûts fixes d’entretien importants au regard des trafics et que bien souvent les capacités d’investissement en moyens humains et matériels de SNCF Réseau sont limités et doivent être priorisés. Notre réforme vise justement à ré-oxygéner le système. Comment ? En reprenant une partie substantielle de la dette de SNCF Réseau, en exigeant des efforts supplémentaires de productivité, en introduisant plus polyvalence dans les métiers, en augmentant l’investissement dans le réseau de +200M€/an, en donnant à SNCF Réseau la structure juridique lui permettant d’être plus flexible et adaptable. Par ailleurs, la possibilité pour les régions de faire appel à la concurrence pour l’exploitation, permettra de réduire à terme leurs coûts d’exploitation.
Au-delà de ces réponses, nous avons parfaitement conscience du sentiment de relégation ou d’ « assignation à résidence » d’un certain nombre de nos concitoyens. Nous y répondrons. Pas en nous accrochant à une sorte « d’âge d’or » qui, quand on y réfléchit, n’a peut-être jamais vraiment existé. Nous y répondrons en comprenant les transformations qui sont à l’œuvre. Des transformations qui structurent la géographie de notre pays.
Il y a d’abord l’essor des métropoles, qui sont devenues un véritable moteur de croissance économique, pour elles-mêmes, mais aussi pour les territoires environnants, quand elles jouent le jeu de la solidarité ;
Il y a ensuite les bouleversements que subissent les villes petites et moyennes et qui militent en faveur d’une alliance des territoires. Pour que ceux-ci atteignent une sorte de « taille critique » et puissent mettre leurs moyens en commun.
Enfin, il y a les évolutions à l’œuvre dans le monde rural dont la réalité, vous le savez, est beaucoup plus diverse qu’on le prétend parfois.
C’est Fernand BRAUDEL qui, je crois, écrivait qu’un « pays en train de se faire ou de se refaire n’est pas un personnage simple ». La France se transforme. Les Français se déplacent. Le rôle des pouvoirs publics n’est pas, à mon sens, de résister à ces mouvements. Il est de les accompagner. Ça veut dire en corriger les excès ou les conséquences négatives. Ça veut dire aussi doter les territoires des outils nécessaires à la valorisation de leurs atouts.
Notre projet pour les territoires insiste donc sur les liens entre les territoires. Il fait le pari de la transition numérique. Il apporte des moyens très concrets. Il cherche aussi à différencier les modes d’action en fonction des besoins.
C’est l’esprit du travail que nous avons confié à Serge MORVAN pour préfigurer l’agence nationale de la cohésion des territoires. C’est l’objet également du plan Action « Cœur de Villes » que nous avons lancé à Cahors en décembre dernier avec Jacques MÉZARD. Un plan qui concerne 222 villes dont près de la moitié ont moins de 25 000 habitants et 80 relèvent de votre association.
Que faire, me direz-vous, des autres villes qui n’ont pu entrer dans ce cadre ? Il convient, je pense, de distinguer deux cas de figure :
D’abord, il y a les villes qui relèvent du périmètre de métropoles et dont je considère, comme je l’ai dit début avril à Dijon aux membres de France urbaine, qu’il appartient à ces métropoles d’assurer pleinement l’effort de solidarité territoriale.
Celles qui dépassent les frontières de la métropole me semblent plutôt relever de leur bassin de vie. Pour elles, nous avons certainement besoin de muscler nos outils de réciprocité, sans aller jusqu’à prélever automatiquement 1% des ressources des métropoles.
Je ne crois pas que le sujet soulève une quelconque question financière. Les préfets ont des moyens d’accompagnement financier réels. Je pense aux dotations locales d’investissement que nous avons consolidées en 2018 et qui peuvent être mobilisées au service des projets d’équipement des petites villes. Peut-être est-il possible d’élargir ces outils à d’autres types de projets (tiers lieux, modernisation de services publics), comme certains d’entre vous le proposent ? Je suis prêt à y travailler. Je crois aussi que les régions ont toute légitimité pour accompagner les phénomènes de réciprocité dans le cadre de leur compétence d’aménagement du territoire.
Globalement, les moyens financiers ne manquent pas. Le principal enjeu, me semble-t-il, se trouve davantage dans la recherche de synergies entre les métropoles et les territoires environnants, sur des sujets très opérationnels qui créent de la réciprocité (économie circulaire, production d’énergie, d’alimentation en circuits courts, etc.). Nous souhaitons également vous donner plus d’outils pour organiser des solutions de mobilités alternatives à la voiture individuelle : nous aurons bientôt l’occasion de faire des annonces dans le projet de loi d’orientation des mobilités. Bref, ce que nous voulons, c’est accompagner, encourager, les alliances de territoires et la construction de projets en réseau. Réfléchissons-y ensemble, sans tabou, mais avec la ferme volonté d’avancer.
Enfin, j’ai bien entendu votre appel à écouter la voix des maires.
C’est le sens de ma présence ici !
Cette rencontre n’épuise évidemment pas tous les sujets, mais je tenais à faire ce point d’étape devant vous. Sans doute faut-il y voir un vieux réflexe d’ancien maire, une sorte de « déformation professionnelle » : je serai toujours attentif à la voix des maires, et aux alertes, suggestions que vous pourriez nous soumettre pour faciliter l’exercice de vos mandats, et accompagner le montage et la mise en œuvre de vos projets. C’est à cette condition que nous réussirons ensemble le pari de la décentralisation et des pactes girondins voulus par le Président de la République.