Élisabeth BORNE
Merci Monsieur le
ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les
parlementaires et élus,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil national
de la transition écologique,
Mesdames et Messieurs.
En mai dernier, devant
vous, j'avais eu l'occasion de dresser un premier bilan du travail que nous
menons depuis plus de 6 mois et de vous donner les grandes lignes de notre
stratégie de planification écologique pour accélérer et réussir à baisser nos
émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030. Depuis, plusieurs
réunions de travail se sont tenues avec les ministres pour détailler nos
leviers d'action. Chacune et chacun, vous avez été associés, vous avez apporté
vos contributions et vos réflexions, et nous avons pu en débattre et en tenir
compte. Grâce à nos échanges, nous avons pu ajuster notre plan d'action. Je
pense notamment aux questions des puits de carbone et de la forêt sur lesquels
le Haut conseil pour le climat a attiré notre attention.
Chère Corinne LE
QUÉRÉ, vous présentez aujourd'hui votre rapport aux membres de ce conseil. Je
voulais vous saluer et vous remercier pour cette contribution importante.
Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, après des mois de travail et de
concertation secteur par secteur, je peux le dire, nous avons un plan. Un plan
ambitieux qui nous permet d'accélérer considérablement notre action et d'aller
vers la neutralité carbone. Un plan collectif qui associe l'État, les
entreprises, les collectivités locales et qui tient compte de la réalité du
quotidien des Français. Un plan concret qui repose sur une cinquantaine de
leviers et d'actions tangibles pour faire baisser nos émissions. Un plan
crédible, enfin, qui pose des moyens en face de chaque action et qui accompagne
nos concitoyens dans la transition écologique.
Ce plan nous permet de sortir de
beaucoup de débats récurrents qui freinent la transition écologique et parfois
même opposent les écologistes entre eux alors même que nous devons faire bloc.
Premier débat : l'opposition entre la technologie et la sobriété. Nous ne misons
pas exclusivement sur les nouvelles technologies ou sur des restrictions
drastiques dans tous les domaines. Au contraire, notre plan est équilibré. Il
s'appuie à 60 % sur des solutions que nous connaissons déjà et qui n'attendent qu'à
être généralisées, à 20 % sur la sobriété et à 20 % sur l'innovation.
Deuxième
débat qui trop souvent nous bloque : celui de la répartition de l'effort. Nous
refusons d'opposer les entreprises aux citoyens ou des territoires entre eux.
La transition écologique nous concerne tous. Elle est l'affaire de tous. C'est
pourquoi notre plan prévoit une répartition juste de l'effort. La moitié sera
accomplie par les entreprises, un quart par les ménages et un quart par les
collectivités. Certaines actions menées par les entreprises auront des effets
considérables. Je ne prendrai qu'un exemple. La décarbonation des 50 sites
industriels les plus émetteurs annoncés par le président de la République
représentera à elle seule 12 % de l'effort à accomplir.
Troisième débat : celui
de la souveraineté. Certains craignent que la transition écologique nous
handicape et nous rende dépendants des ressources et des technologies
d'autres pays. Ce plan permet, au contraire, de renforcer notre souveraineté.
En matière industrielle, il va permettre de nouvelles filières stratégiques
comme pour les voitures électriques ou pour l'hydrogène. En matière
énergétique, notre plan tient compte de la situation des ressources naturelles.
Nous l'avons construit pour garantir que nous ayons suffisamment d'électricité
décarbonée et de biomasse en 2030 et que nous disposions de suffisamment de
matériaux stratégiques comme le lithium ou le cuivre.
Enfin, dernier débat qui
nous bloque souvent : celui de l'acceptabilité de notre action. Pour être réussie,
la transition écologique ne peut pas se faire malgré les Français ou contre
eux. Nous devons, au contraire, travailler avec eux, demander des efforts à la
hauteur des moyens de chacun, protéger et accompagner les plus fragiles et
offrir systématiquement des solutions. Pour prendre un exemple important, la
voiture, il n'est pas question d'empêcher d'en disposer, mais d'offrir à chacun
l'accès pratique à un moyen de transport décarboné, soit un véhicule propre,
soit d'autres moyens de transport propre.
Mesdames et Messieurs, si ce plan est
collectif, l'État prend bien sûr toute sa part et toutes ses responsabilités.
C'est pourquoi, dimanche dernier, j'ai annoncé que nous allions augmenter
sensiblement les moyens de l'État en faveur de la transition écologique ; 7
milliards d'euros supplémentaires dès l'année prochaine soit une hausse de près
d'un tiers. Cette hausse des crédits va permettre d'accélérer dans tous les
domaines, notamment la rénovation thermique des bâtiments, la décarbonation des
transports, la transition agricole, une meilleure gestion de nos forêts et de
notre ressource en eau, ou encore la préservation de la biodiversité. Bien sûr,
nous détaillerons ces moyens supplémentaires dans le projet de loi de finances
pour 2024, mais je peux d'ores et déjà vous dire que nous porterons le budget
de MaPrimeRénov' à 4 milliards d'euros, soit une hausse de 1,6 milliard
d'euros. C'est sans précédent. Nous augmenterons également les moyens de l'État
dans les infrastructures de transport d'un quart, soit une hausse d'un milliard
d'euros pour permettre la décarbonation des mobilités.
Ces moyens s'ajoutent
aux investissements massifs de France 2030, notamment pour la décarbonation de
l'industrie. À nos côtés, les collectivités et les entreprises vont investir.
Bpifrance et la Banque des territoires ont d'ores et déjà annoncé qu'elles
augmenteraient considérablement leurs interventions pour les porter à 100
milliards d’euros sur 5 ans. Et pour soutenir les collectivités, j’ai confirmé
récemment la pérennisation du Fonds vert. Au total, l'engagement cumulé de tous
devrait permettre en 2024 d'augmenter notre investissement en faveur de la
transition écologique de 60 milliards d'euros. Nous serons ainsi en ligne avec
les recommandations du rapport de Jean PISANI-FERRY et de Selma MAHFOUZ, que je
tiens à saluer.
Cet investissement historique est une étape. Nous devons
maintenant définir une trajectoire de financement de la transition écologique
sur plusieurs années, en mobilisant tous les ministères, en limitant les
dépenses brunes et en maintenant notre objectif global de réduction du déficit
budgétaire.
Mesdames et Messieurs, le plan que nous vous présentons aujourd'hui
n'est pas figé, il pourra bien sûr évoluer. Nous devons continuer à affiner
notre travail en lien constant avec vous. Nous devons aussi tenir compte des
risques et d'événements climatiques qui nous pousseront à nous adapter. Je
pense par exemple aux incendies ou aux sécheresses. Nous devrons aussi, et j'y
tiens, territorialiser notre action. Territoire par territoire, nous devons
travailler et nous engager ensemble. J'ai réuni toutes les associations de
collectivités locales il y a deux semaines et nous sommes justement convenus
d'une méthode de travail à partir de la rentrée.
Enfin, j'ajoute que ce plan
n'est pas franco-français, mais qu'il s'inscrit dans la démarche européenne du
Green Deal et nous continuerons à porter des engagements ambitieux au niveau
européen. Mais nous ne serons pas naïfs, on ne peut pas demander à nos
entreprises des efforts majeurs sans les imposer aussi aux produits extra-européens. C'est le sens des mesures miroir ou encore du règlement sur la
déforestation importée. C'est une question de justice, de protection et de
souveraineté.
Mesdames et Messieurs, la planification écologique ne se limite
pas à la question des gaz à effet de serre. Je m'étais engagée auprès de vous à
accélérer pour la préservation et la restauration de la biodiversité. Le
ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires,
Christophe BÉCHU, vous présentera ce matin les grandes lignes de notre
stratégie nationale biodiversité. Elle sera formellement mise en consultation
dans les tout prochains jours. Cette stratégie est alignée avec les engagements
internationaux que la France vient de prendre à Montréal au cours de la COP15.
Elle doit permettre de concilier protection de la biodiversité et
développement. Elle s'inscrit en cohérence avec le projet de règlement européen
Restauration de la nature, sur lequel un vote important doit se tenir à midi.
La France et les parlementaires français de la majorité soutiennent pleinement
le compromis sur ce texte.
Notre stratégie pour la biodiversité est claire :
stopper, puis inverser l'effondrement du vivant sur la décennie. Pour cela,
nous voulons actionner tous les leviers à notre disposition. D'abord, nous
voulons réduire les 5 pressions qui s'exercent sur la biodiversité documentée
par l'IPBES [ndlr : Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques], avec une attention particulière sur les secteurs qui ont le plus
d'impact. Je pense notamment à l'agriculture, la pêche, à l'énergie ou à la
construction. Par exemple, concernant l'agriculture, nous voulons réduire de 50
% les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques. Pour y
arriver, le Gouvernement travaille avec les agriculteurs pour développer des
alternatives et des solutions tout en garantissant notre souveraineté
alimentaire. Nous devons aussi restaurer la biodiversité partout où c'est
possible, avec pour objectif la restauration de 30 % des habitats dégradés :
zones humides, forêts, sols, mers et littoraux. Nous déploierons des actions
sur tous les écosystèmes dégradés, notamment 50 000 hectares de zones humides
avec la plantation d'un milliard d'arbres plus adaptés au climat futur.
Ensuite, nous voulons mobiliser tous les acteurs. L'État doit être exemplaire,
mais nous comptons aussi sur l'engagement des entreprises et sur la
sensibilisation des citoyens.
Enfin, nous nous donnerons les moyens d'atteindre
ces ambitions. Nous allons nous doter d'indicateurs précis et d'une gouvernance
dédiée. Nous allons aussi investir autant que nécessaire. Je vous annonce que
264 millions d'euros de crédits supplémentaires seront consacrés à la
biodiversité dès l'année prochaine. Ils s'ajoutent aux 300 millions d'euros du
Fonds friche et aux crédits du fonds restauration pérennisé au sein du Fonds
vert, ainsi que 475 millions d'euros supplémentaires pour les agences de l'eau
qui ont été annoncées en mars. C'est au total près d'un milliard d'euros qui
seront consacrés à la biodiversité dès 2024.
Mesdames et Messieurs, d'autres
sujets nous attendent, bien sûr, je pense à l'enjeu de l'économie circulaire, à
la gestion des ressources ou encore à l'adaptation au dérèglement climatique.
Je veux ici saluer le sénateur Ronan DANTEC. Ils feront l'objet de prochaines
discussions dans le cadre de ce conseil.
Mais aujourd'hui marque une étape
importante dans notre transition écologique. Avec notre plan de réduction des
émissions de gaz à effet de serre, nous disposons d'une stratégie complète,
cohérente, concrète et efficace. Nous avons l'envie d'agir et les moyens de
faire. Comme Première ministre en charge de la planification écologique et sous
l'autorité du président de la République, je peux le dire, nous sommes prêts.
En 6 ans, beaucoup a été fait. Aujourd'hui, l'accélération continue et nous
sommes bel et bien sur le chemin de la neutralité carbone.
Je vous remercie.